WATSON, HOMER RANSFORD, artiste, né le 14 janvier 1855 à Doon (Kitchener, Haut-Canada), deuxième des cinq enfants de Ransford Watson et de Susan (Susannah) Moore (Mohr) ; le 1er janvier 1881, il épousa à Berlin (Kitchener, Ontario), Roxanna (Roxa, Roxie) Bechtel (1855–1918), et ils eurent un fils mort-né, puis adoptèrent une fille ; décédé le 30 mai 1936 à Doon.

Homer Ransford Watson naquit dans une famille modeste. Son père exploitait une manufacture de laine. De son propre aveu, Homer Ransford était un piètre élève, qui préférait le dessin aux leçons. Également rêveur, il disposait la nourriture dans son assiette du souper, dit-on, de façon à former des images. Après la mort du père, en 1861, la famille connut des temps difficiles. Quelques années plus tard, Homer Ransford dut quitter l’école pendant sa sixième année pour aider à subvenir à ses besoins. Il trouva un emploi dans une briqueterie avec son grand frère Jude Nathan, qui y perdit accidentellement la vie en 1867. Profondément éprouvé par ces tragédies, Homer Ransford chercha du réconfort dans la nature. On le voyait souvent marcher dans la vallée de la rivière Grand, près de sa maison, perdu dans ses songes. Il dirait que ces promenades avaient produit sur lui un « effet semblable à un rêve » et créé des représentations romantiques de son environnement. Ses vues mystiques de la nature et son attrait pour le monde des esprits prirent vraisemblablement naissance à cette époque. Plus tard dans sa vie, il organiserait régulièrement chez lui des séances de spiritisme ; parmi ses invités figureraient son collègue artiste Carl Henry Ahrens et l’homme politique libéral William Lyon Mackenzie King*.

À 15 ans, Homer Ransford reçut de la peinture à l’huile d’une de ses tantes et commença à s’en servir. Incapable de s’offrir des leçons formelles, il apprit en reproduisant des images dans des livres. Un modeste héritage de son grand-père paternel lui permit de s’installer à Toronto, en 1874, pour un an d’études. « Je n’en savais pas assez pour penser à Paris ou à Rome, écrirait-il à un ami. Je croyais que Toronto avait tout ce dont j’avais besoin. » Comme il ne pouvait se payer des cours, il planta son chevalet dans le foyer de la Normal School. Il y copia les reproductions de tableaux de grands maîtres exposés sur place. Il rencontra les paysagistes Henri Perré*, Lucius Richard O’Brien* et John Arthur Fraser*. En 1876, il put passer quelques mois dans l’État de New York, où il découvrit les peintres de la Hudson River School. À court d’argent, Watson revint à Doon en 1877 et se consacra à l’art. Il écrirait : « J’obéis alors à certains désirs qui tous me poussaient à fixer à quelque degré palpable les beautés infinies qui émanent du grand mystère du ciel et de la terre […] Je devins peintre. »

Pour concevoir sa première œuvre majeure, The death of Elaine, Watson puisa son inspiration dans le poème Lancelot and Elaine de Tennyson. Peint en 1877, le tableau témoigne d’une forte influence du romantisme britannique et resterait l’une des rares études de personnages de Watson. Les paysages champêtres de Doon et des environs, avec leurs forêts, ruisseaux tumultueux, moulins à eau et troupeaux dans les pâturages, devinrent ses thèmes prédominants. « Homer Ransford Watson, affirma la conservatrice Darlene Kerr, […] aimait tout simplement les bois. C’était son sanctum sanctorum, ou lieu sacré. » Watson s’engagerait dans une campagne pour préserver une étendue boisée près de sa maison, appelée le Homer Watson Memorial Park depuis 1943.

En 1878, Watson devint membre de l’Ontario Society of Artists à titre de dessinateur et graphiste. Il présenta sa première exposition professionnelle au salon annuel de la société qui, devant les critiques favorables, lui donna également peu après le titre de peintre. Il recevrait encore plusieurs honneurs. En 1880, le gouverneur général, lord Lorne [Campbell*], et sa femme, la princesse Louise, fille de la reine Victoria, visitèrent la première exposition de l’Académie des arts du Canada (bientôt renommée Académie royale des arts du Canada) à Ottawa. Charmé par une toile de Watson, The pioneer mill, Lorne l’acheta pour la collection de la reine. La vente du tableau, pour 300 $, fut le moment décisif de la vie de Watson. L’argent lui permit d’épouser sa bien-aimée, Roxanna Bechtel, en 1881. Cette année-là, Lorne acheta une deuxième peinture de Watson pour la reine, The last day of the drought, et la réputation de l’artiste de Doon prit de l’ampleur. Membre associé de l’Académie royale des arts du Canada à partir de 1880, Watson devint membre à part entière en 1882. La même année, durant un voyage au Canada, le poète et critique irlandais Oscar Wilde vit des œuvres de Watson dans une exposition. Envoûté, Wilde, qui surnomma Watson « le Constable canadien », allusion au peintre paysagiste britannique John Constable, commanda un tableau pour sa propre collection. Les Watson célébrèrent en achetant une maison à Doon (construite pour Adam Ferrie*, l’un des fondateurs du village), qui hébergerait la galerie permanente du peintre.

Le succès de Watson l’amena à séjourner longuement dans les îles britanniques avec Roxanna, de 1887 à 1890, la première de plusieurs visites. Il y réalisa des esquisses et apprit la gravure. Un voyage en France lui permit de découvrir les peintres paysagistes de l’école de Barbizon, particulièrement l’œuvre de Jean-François Millet et de Jean-Baptiste-Camille Corot. Toutefois, il lui tarderait de rentrer à Doon, convaincu, comme il l’évoquerait des années plus tard, qu’il y trouverait une « matière abondante » pour son expression artistique « parmi les vieilles associations, parmi les coins et recoins gravés dans les souvenirs de [s]a jeunesse, et dans un certain village lové entre les collines ».

À son retour au Canada, Watson se lança dans une production prolifique : on estime qu’il présenta 174 peintures entre 1890 et 1899, notamment dans des expositions majeures à Londres et à New York. Il réalisa de très bonnes ventes ; parmi sa clientèle de collectionneurs canadiens figuraient d’importants hommes d’affaires, tel James Ross*. En général, sa production artistique de cette période témoigne de l’influence de ses années à l’étranger. Certaines peintures, comme Summer storm (vers 1890) et Evening scene (vers 1894), sont plus sombres et mélancoliques que les précédentes. Les critiques noteraient également ses coups de pinceau plus larges et empâtés, un souci accru de la couleur et de la lumière, et une plus grande liberté d’expression. Les contemporains de Watson, ainsi que l’artiste lui-même, considéraient The flood gate (vers 1900) comme son chef-d’œuvre. Le tableau remporta un vif succès dans une exposition à Glasgow ; la Galerie nationale du Canada en fit l’acquisition en 1925, par l’intermédiaire de son directeur, Eric Brown.

Le xxe siècle commença pour Watson sous d’heureux auspices : il gagna une médaille d’or, en 1901, à la Pan-American Exposition de Buffalo, dans l’État de New York (il recevrait plusieurs prix internationaux au fil des ans). En 1907, avec entre autres Edmund Montague Morris* et Albert Curtis Williamson*, il fonda le Canadian Art Club. Il en fut le premier président jusqu’en 1913, année où son ami Horatio Walker lui succéda. En 1914, il devint vice-président de l’Académie royale des arts du Canada, sous la présidence de William Brymner*. Après la déclaration de guerre, en août, le ministre de la Milice et de la Défense, Samuel Hughes*, lui commanda une peinture du camp du Corps expéditionnaire canadien à Valcartier, au Québec. En 1918, Watson accéda à la présidence de l’Académie royale des arts du Canada. Il quitta néanmoins la vie publique quatre ans plus tard, en partie à cause de sa surdité grandissante.

Quelque temps avant 1910, tandis que de nouveaux talents cherchaient à redéfinir le paysage canadien, les critiques avaient davantage examiné l’œuvre de Watson. Les ventes de ses tableaux commencèrent à décliner. Avec la formation du groupe des Sept, en 1920, le « Constable canadien » devint un anachronisme. Le Canada dit réel et brut, tel que le représentaient les toiles radicales d’Arthur Lismer*, Alexander Young Jackson*, Lawren Stewart Harris* et autres artistes dans la même veine, dominait de plus en plus le monde de l’art du pays. Sentant le vent tourner, Watson s’efforça de s’adapter. Son style devint plus impressionniste au fur et à mesure de sa recherche de son propre modernisme, qui ne devait pas, disait-il, « se prêter à l’élimination de l’image ». Néanmoins, selon la plupart des historiens de l’art, ses œuvres d’après 1920 témoignent d’un certain relâchement. La crise boursière de 1929 ruina pratiquement Watson. Deux ans plus tard, il transféra la propriété de ses œuvres non vendues à la Waterloo Trust and Savings Company en échange d’allocations de subsistance mensuelles. Il continua à peindre, mais sa situation financière resta difficile. « Je vis dans des conditions plutôt précaires faute d’argent, écrivait-il à son patron James Livingston* en 1933. La raison en est que l’hiver a été une vraie catastrophe, car personne n’a pu venir comme on l’espérait pour acheter. »

Homer Ransford Watson mourut en 1936, à l’âge de 81 ans, un mois à peine avant de recevoir un doctorat honorifique de la University of Western Ontario à London. Phoebe Amelia, sa sœur artiste qui avait emménagé avec lui et sa fille après la mort de Roxanna, demeura dans la maison des Watson jusqu’à la fin de sa vie, en 1947. L’année suivante, on y créa l’école des beaux-arts Doon, qui attira des professeurs aussi prestigieux que Frederick Horsman Varley* et Carl Fellman Schaefer*, avant de cesser ses activités en 1966. Classée site historique national en 1980, la propriété, achetée par la ville de Kitchener, devint la Maison-musée Homer Watson et ouvrit ses portes un an plus tard.

Nancy Silcox

Le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa possède un portrait d’Homer Ransford Watson peint par A. Curtis Williamson.

La Royal Coll. Trust, à Windsor Castle, en Angleterre, et le Kelvingrove Art Gallery and Museum de Glasgow, en Écosse, possèdent des tableaux de Watson. On trouve également des œuvres de l’artiste au Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa, et dans nombre de dépôts provinciaux et municipaux du pays, notamment à la Kitchener-Waterloo Art Gallery et à la Homer Watson House & Gallery, toutes deux à Kitchener, en Ontario. Une liste choisie de dépôts est accessible à : « Artistes au Canada » : app.pch.gc.ca/application/aac-aic. En 2005, Postes Canada a émis deux timbres commémoratifs pour le 150e anniversaire de naissance de Watson, reproduisant deux de ses peintures : Down in the Laurentides et The flood gate.

Castle Kilbride Museum (Wilmot, Ontario), Homer Watson to J. P. Livingston, octobre 1933.— Musée des beaux-arts du Canada, Bibliothèque et Arch., Homer Watson fonds.— QUA, Homer Ransford Watson fonds, box II, no 12.— Brian Foss, « Homer Watson and The pioneer mill », Annales d’hist. de l’art canadien (Montréal), 33 (2012), no 1 : 47–82.— Darlene Kerr, The landscapes of Homer Watson : a particular time and place (catalogue d’exposition, Homer Watson House & Gallery, 2000).— Muriel Miller, Homer Watson : the man of Doon (Toronto, 1938).— G. [A.] Noonan, Refining the real Canada : Homer Watson’s spiritual landscape : a biography, Paul Tiessen, édit. (Waterloo, Ontario, 1997).— F. E. Page, Homer Watson : artist and man (Kitchener, 1939).— Jane VanEvery, With faith, ignorance and delight : Homer Watson (Doon [Kitchener], 1967).

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Nancy Silcox, « WATSON, HOMER RANSFORD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/watson_homer_ransford_16F.html.

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Auteur de l'article:    Nancy Silcox
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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