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WHEELWRIGHT, ESTHER (rebaptisée Marie-Joseph), dite de l’Enfant-Jésus, ursuline, supérieure, née le 10 avril 1696 (nouveau style) à Wells, Massachusetts (maintenant Maine), fille du colonel John Wheelwright et de Mary Snell, décédée le 28 novembre 1780 à Québec.
Le père d’Esther Wheelwright, de même que son grand-père, le juge Samuel Wheelwright, et son arrière-grand-père, le révérend John Wheelwright, étaient des notables de la ville de Wells. Ce fut là qu’Esther fut baptisée, le 14 juin 1701, dans l’Église congrégationaliste.
Le 21 août 1703, plusieurs centaines d’Abénaquis et quelques Canadiens sous les ordres d’Alexandre Leneuf* de La Vallière et de Beaubassin dévastèrent Wells et les établissements de pionniers non loin de là. Esther fut enlevée par les Abénaquis et emmenée dans la forêt entre les rivières Kennebec et Androscoggin. Des missionnaires français l’y instruisirent dans la religion catholique, la rebaptisèrent sous condition et lui donnèrent le nom de Marie-Joseph. Ses parents, qui avaient appris où elle se trouvait, usèrent de l’autorité du gouvernement de la baie de Massachusetts pour demander au gouverneur Philippe de Rigaud* de Vaudreuil d’obtenir sa libération. Ce dernier envoya le père Vincent Bigot*, jésuite vénéré par les Abénaquis, qui, après quelques négociations délicates, les persuada de libérer la petite fille. C’est ce qu’ils firent en hommage à Vaudreuil et en échange d’un jeune captif indien que le père d’Esther avait envoyé, de Boston à Québec.
Vers la fin de 1708, le père Bigot amena Esther à Québec où Vaudreuil la traita avec des égards particuliers en qualité de « fille du Gouverneur d’une petite place » ; ce malentendu résulta apparemment de comptes rendus sur l’influence du colonel Wheelwright à Wells et sur sa situation en tant que membre du conseil du gouverneur Joseph Dudley. Cependant, les conditions qui prévalaient pendant la guerre ne facilitèrent pas le retour immédiat d’Esther et, le 18 janvier 1709, elle fut placée au pensionnat des ursulines.
Après avoir été élève pendant 18 mois, elle demanda à devenir religieuse. Les ursulines, influencées par le père Bigot qui offrait de payer les frais de son entrée grâce à de l’argent envoyé de France, furent d’accord pour l’accepter. Or, Vaudreuil s’y opposa parce qu’il se sentait obligé de la retourner à sa famille. Il la retira de chez les ursulines à l’automne de 1710 et ce fut au château Saint-Louis, la résidence du gouverneur à Québec, qu’elle passa l’hiver suivant. En juin 1711, après qu’il eut reçu de Boston une autre demande de libération, Vaudreuil l’amena à Montréal, d’où il avait l’intention de l’envoyer chez elle. D’autres complications, doublées de la propre répugnance de la jeune fille, l’en empêchèrent. Pendant plusieurs mois, elle vécut à l’Hôtel-Dieu où elle fit la connaissance de prisonnières anglaises en ville, parmi lesquelles sa cousine, Esther Sayward, ainsi que Mary Silver*. Les deux cousines demeurèrent amies jusqu’à la mort d’Esther Sayward en 1770. À Montréal, Esther rencontra également le zélé sulpicien Henri-Antoine Meriel*, qui exerça une profonde influence sur les captives. Il fit en sorte qu’elle tînt sur les fonts baptismaux le 3 octobre 1711, avec Nicolas Lemoyne d’Assigny, Dorothée de Noyon, fille de Marguerite de Noyon [Abigail Stebbins] de Deerfield, Massachusetts.
Esther fut ensuite amenée à Trois-Rivières où les ursulines désiraient ardemment la recevoir dans leur communauté naissante. Toutefois, elle préférait les ursulines de Québec, et ce fut chez elles qu’elle devint postulante le 2 octobre 1712. Elle prit le voile, le 3 janvier 1713, sous le nom d’Esther-Marie-Joseph de l’Enfant-Jésus. À cette occasion, le père Bigot fit un sermon émouvant dont le manuscrit contient le peu que l’on sait de la vie d’Esther chez les Abénaquis.
Esther avait terminé un peu plus de la moitié de son noviciat quand, en 1714, après la signature du traité d’Utrecht, sa famille chercha de nouveau à la faire revenir. Conformément à la pressante requête de la postulante, Mgr de Saint-Vallier [La Croix*] avança la date de l’émission de ses vœux au 12 avril 1714, s’assurant ainsi qu’elle demeurerait au Canada. Mère de l’Enfant-Jésus et sa famille restèrent en contact grâce à des visites occasionnelles de neveux de la Nouvelle-Angleterre. Son père et sa mère lui firent des legs sous réserve qu’elle revînt du Canada, et l’on s’échangea des cadeaux. Désireuses de raffermir les bonnes relations établies avec les Britanniques pendant les années 1759 et 1760, au cours desquelles elles servirent d’infirmières aux troupes britanniques, et mère de l’Enfant-Jésus, d’assistante de la supérieure, les ursulines l’élirent supérieure le 15 décembre 1760. Sa fermeté sereine lui attira le respect de la communauté et en fit aussi la personne désignée pour la diriger, de 1760 à 1766 et de 1769 à 1772. Elle fut de nouveau assistante de la supérieure de 1772 à 1778, puis zélatrice de 1778 jusqu’à sa mort en 1780.
Usant d’une politique de souplesse, Esther-Marie-Joseph de l’Enfant-Jésus maintint de bonnes relations entre les ursulines et les autorités britanniques. Elle rétablit, non sans mal, les affaires de la communauté en France et lui donna une solide base financière en incitant les religieuses à se perfectionner dans la broderie d’écorce de bouleau, qui devint une entreprise extrêmement profitable. En 1764, la réouverture du noviciat, qui avait été fermé pendant neuf ans, avait garanti la survivance de la communauté que mère de l’Enfant-Jésus avait aidé à rétablir et à diriger pendant 20 des années les plus difficiles de son histoire.
AN, Col., B, 34-1, p.113 (copie aux APC) ; C11A, 30, ff.422–430 ; 32, ff.119–123, 156–158 ; 33, ff.15–37, 249–253 ; 34, ff.333–342.— ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 3 oct. 1711.— AUQ, Actes d’élection des supérieures, 63, 67–69 ; Actes des assemblées capitulaires, 1 : 111, 123s., 127, 275–278, 298, 328 ; Actes de professions et de sépultures, 1 : 70s. ; Annales, 1 : 127s., 216, 254, 259, 268, 277, 301, 331 ; Conclusions des assemblées des discrètes, 1 : 54s. ; Corr. des laïcs, Corr. de Miss C. A. Baker avec mère Sainte-Croix ; Lettres, pétitions, gouverneurs anglais, juin 1761, 6 mars. 1762, 2 janv. 1764, 23 avril 1767 ; Corr. des ursulines de Paris, 28 sept. 1747, 6 mai 1761, 31 août 1771, 20 sept. 1772, 22 août 1789 ; Fonds de la famille Wheelwright ; Fonds dots des religieuses ; Fonds sermons, Sermon du R. P. Vincent Bigot, s.j., 3 janv. 1713 ; Journal, 2 ; Livre des entrées et sorties des filles françaises et sauvages ; Registre de l’examen canonique des novices, 1 : 37s. ; Registre des entrées, vêtures, professions et décès des religieuses, 1 : 11.— Mass. Hist. Soc., Wheelwright family papers ; A journal of the proceedings of Nathaniel Wheelwright appointed and commission’d by his Excellency William Shirley Esquire Governour and Commander in Chief in and over His Majestys Province of the Massachusetts Bay in New England from Boston to Canada in order to redeem the captives belonging to this Government in the bands of the French and Indians.— Pocumtuck Valley Memorial Assoc. (Deerfield, Mass.), Papers of C. A. Baker.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II : 506.— Maine wills, 1640–1760, W. M. Sargent, édit. (Portland, Maine, 1887), 522–526, 769–772.— Genealogical dictionary of Maine and New Hampshire, Sybil Noyes et al., compil. (Portland, Maine, 1928–1939).— C. A. Baker, True stories of New England captives carried to Canada during the old French and Indian wars (Cambridge, Mass., 1897).— E. E. Bourne, The history of Wells and Kennebunk from the earliest settlement to the year 1820, at which time Kennebunk was set off, and incorporated, with biographical sketches (Portland, Maine, 1875).— Coleman, New England captives.— M. Trudel, L’Église canadienne.
Gérald M. Kelly, « WHEELWRIGHT, ESTHER (rebaptisée Marie-Joseph), dite de l’Enfant-Jésus », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wheelwright_esther_4F.html.
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Auteur de l'article: | Gérald M. Kelly |
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Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |