MIGEON DE BRANSSAT (Bransac), MARIE-ANNE, dite de la Nativité, ursuline, supérieure, baptisée à Montréal le 27 janvier 1685, fille de Jean-Baptiste Migeon* de Branssat et de Catherine Gauchet de Belleville, décédée à Québec le 31 août 1771.

Marie-Anne Migeon de Branssat entra chez les ursulines, à Québec, en 1702, versant les 3 000# de dot alors exigées, en plus de payer sa pension et de fournir ses meubles. Elle prononça ses vœux deux ans plus tard, en présence du grand vicaire Joseph de La Colombière*. Tour à tour maîtresse des pensionnaires puis des novices, elle fut assistante, et enfin supérieure pendant 19 ans. Élue pour la première fois en 1735, réélue en 1738, elle fut de nouveau supérieure de 1744 à 1750 et de 1753 à 1760.

Lors de sa première élection, Marie-Anne de la Nativité arrivait au pouvoir en des circonstances délicates et difficiles. Les ursulines avaient eu à souffrir des querelles qui sévissaient au sein de l’Église du Canada depuis la mort de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*]. Elles s’étaient même plaintes au Conseil supérieur de la tyrannie du chapitre à leur égard. De plus, Mgr Dosquet avait nommé lui-même les deux supérieures qui précédèrent Marie-Anne de la Nativité, soit Anne Anceau, dite de Sainte-Thérèse, en 1732, et Marie-Louise Gaillard, dite de la Sainte-Vierge, en juin 1735. Cette dernière nomination ne semble pas avoir été très heureuse puisque, quatre mois plus tard, l’élection régulière appelait à ce poste Marie-Anne de la Nativité.

Elle se mit aussitôt à l’œuvre. Les documents sont remplis de faits qui prouvent sa compréhension et son savoir-faire dans tous les domaines. Elle fit terminer la chapelle qui servait au culte depuis 1723, faisant poser en 1736 le retable de l’autel, œuvre de Noël Levasseur*. En 1739, sur sa proposition, une partie des pièces d’argenterie de l’infirmerie, dont un bon nombre avaient appartenu à Mme de La Peltrie [Marie-Madeleine de Chauvigny*], furent données pour fondre la lampe du sanctuaire, au poinçon de Paul Lambert*, dit Saint-Paul. La même année, elle organisa les fêtes du centenaire de l’arrivée des ursulines au Canada, fêtes qui, d’après les annales, furent d’un éclat sans précédent.

Marie-Anne de la Nativité s’occupa activement des intérêts matériels de sa communauté par l’achat, la vente ou la concession de terres, la construction d’un dépôt et d’une petite aile pour les pensionnaires, et de moulins sur la seigneurie de Sainte-Croix et la baronnie de Portneuf. En 1739 elle fit réparer la classe des externes dans la maison de Mme de La Peltrie et, en 1755, le clocher abattu par la tempête et le tremblement de terre. Le 7 juin de la même année, après l’incendie de l’Hôtel-Dieu, elle recevait pendant trois semaines 49 religieuses hospitalières, heureuse de pouvoir rendre un peu ce que les ursulines avaient reçu de cette communauté en 1650 [V. Marie Guyart*, dite de l’Incarnation] et en 1686 [V. Jeanne-Françoise Juchereau* de La Ferté, dite de Saint-Ignace].

Marie-Anne de la Nativité fut supérieure durant toute la guerre de Sept Ans. Les 13 et 14 juillet 1759, en même temps que les hospitalières de l’Hôtel-Dieu, les ursulines se réfugièrent à l’Hôpital Général, sauf dix religieuses ainsi que trois prêtres, dont le chapelain Pierre-Joseph Resche*, restés à la garde du monastère. Le 21 septembre, quelques jours après la capitulation, les ursulines, réduites à la plus grande pauvreté, revinrent à leur cloître, inhabitable pour l’hiver. Le général Murray, qui voulait leur confier une partie de ses soldats blessés, vint visiter les lieux. Il leur fournit sur-le-champ de quoi vivre et, constatant l’impossibilité pour elles de payer des ouvriers, il décida de voir lui-même aux réparations du monastère. On commença par la chapelle, la seule qui put servir d’église paroissiale et où eurent lieu, tour à tour, les offices religieux, tant catholiques que protestants. Seules les réparations les plus urgentes furent effectuées, car dès le 4 octobre commença le transport des blessés au monastère, les religieuses dès lors vivant de la solde du roi d’Angleterre. Celles-ci prirent à cœur leur nouvelle fonction d’hospitalières, allant même jusqu’à tricoter, dès l’automne, de longs bas de laine pour les soldats écossais, dont le costume n’était guère en harmonie avec les hivers canadiens.

L’année 1759 marquait la fin du dernier mandat de Marie-Anne de la Nativité comme supérieure et, selon la coutume, elle devait être remplacée à ce poste. Mais Mgr de Pontbriand [Dubreil*], prévenu que la supérieure était fort considérée des Anglais, donna le pouvoir de l’élire pour une septième année si les ursulines le jugeaient à propos. Marie-Anne de la Nativité obtint plus des deux tiers des voix. Personne n’eut à regretter cet accroc à la règle puisque en plusieurs occasions, jusqu’au 15 décembre 1760, elle réussit à concilier les intérêts de sa communauté avec ceux des Anglais. Elle obtint, notamment, la grâce d’un jeune soldat anglais qui, pour voir passer les nuns, s’était glissé dans l’avant-chœur de la chapelle du cloître. Et, après le départ des blessés anglais au début de juin 1760, elle sollicita avec succès Murray afin qu’il poursuive son aide financière à la communauté.

Après un repos de trois ans, Marie-Anne de la Nativité fut élue, en décembre 1763, assistante de la supérieure Esther Wheelwright, dite de l’Enfant-Jésus. À la fin de son mandat, elle fut libérée de toute charge mais n’en continua pas moins de suivre tous les exercices religieux de la communauté. Après deux ans de séjour à l’infirmerie, elle mourut le 31 août 1771.

Après les fondatrices, aucune peut-être n’a mieux mérité de sa communauté. « Notre Seigneur, dit le Vieux Récit, lui ayant donné beaucoup d’esprit et des plus spirituelles, étant savante, parlant facilement, écrivant poliment et très bien, ayant une très belle voix qu’elle n’a point épargnée pour soutenir le chœur, elle a fait valoir tous ses talents au profit de sa chère maison. » Les faits prouvent que ces éloges sont bien fondés.

Gabrielle Lapointe

ANQ-M, État civil, Catholiques, Notre-Dame de Montréal, 27 janv. 1685.— AUQ, Actes d’élection des supérieures ; Actes des assemblées capitulaires, 1 : 74, 215, 264s. ; Actes de professions et de sépultures, 1 : 61 ; Annales, 1 : 190, 217, 220, 223, 273 ; Conclusions des assemblées des discrètes, 1 : 78, 82 ; Libres de comptes, 1 ; Registre des entrées, vêtures, professions et décès des religieuses, 1.— Le Jeune, Dictionnaire.— É.-Z. Massicotte, Les actes de foi et hommage conservés à Montréal, BRH, XXVI (1920) : 93–96.— Tanguay, Dictionnaire.— Burke, Les ursulines de Québec (1863–1866), II ; III.— A.-H. Gosselin, L’Église du Canada jusqu’à la Conquête.— [Joséphine Holmes, dite de Sainte-Croix], Glimpses of the monastery, scenes, from the history of the Ursulines of Quebec during two hundred years, 1639–1839 [...] (2e éd., Québec, 1897).— Régis Roy, Migeon de Bransat, BRH, XXVI (1920) : 313–316.

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Gabrielle Lapointe, « MIGEON DE BRANSSAT (Bransac), MARIE-ANNE, dite de la Nativité », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/migeon_de_branssat_marie_anne_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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