BUCHAN, DAVID, officier de marine, administrateur colonial, juge, explorateur et fonctionnaire, né en 1780 en Écosse ; en 1802 ou 1803, il épousa Maria Adye, et ils eurent au moins trois enfants ; décédé apparemment en mer, après le 8 décembre 1838.
Nommé lieutenant dans la marine royale en 1806, David Buchan faisait deux ans plus tard, à titre d’officier dans l’escorte de la flotte de pêche, la première de ses nombreuses visites à Terre-Neuve. En octobre 1810, le gouverneur John Thomas Duckworth* le choisissait pour mener à l’intérieur de l’île une expédition qui établirait un contact avec les Béothuks, petite tribu indienne qu’on ne trouvait qu’à Terre-Neuve et que le gouvernement estimait essentiel de protéger. Le 13 janvier 1811, en compagnie de 27 hommes qui venaient surtout de son schooner Adonis, Buchan partit vers l’ouest, en longeant la rivière des Exploits, avec de lourds traîneaux remplis de provisions et de cadeaux. Avançant malgré le mauvais temps et le sol glacé, le groupe aperçut des signes de plus en plus nombreux de la présence des Indiens puis, le 24, certains de ses membres arrivèrent finalement au village des Béothuks, près du lac Red Indian.
Même si aucun des deux groupes ne parlait la langue de l’autre, la rencontre fut amicale. Afin de cimenter ces nouvelles relations, Buchan décida de redescendre la rivière pour aller chercher les cadeaux qu’il avait laissés avec une partie du groupe dans un campement à 12 milles de là. Quatre Béothuks l’accompagnèrent et deux fusiliers marins restèrent sur place. Deux jours plus tard, quand Buchan revint, les deux fusiliers marins étaient morts et les Indiens s’étaient dispersés. Inquiet de la sécurité de ses hommes, Buchan décida de mettre fin à sa mission auprès des Béothuks. « Je ne pouvais, notait-il, [...] entretenir aucun espoir de ramener [des Béothuks] sans qu’il y ait effusion de sang, ce qui aurait ruiné à jamais notre grand projet, à savoir nous les concilier et les civiliser. » Épuisé, le groupe rebroussa chemin et rejoignit l’Adonis le 30 janvier. Une deuxième expédition eut lieu du 4 au 19 mars. Les hommes furent retardés par de violentes tempêtes et souffrirent du froid. Quand ils parvinrent à une tente de provisions percée de flèches, Buchan comprit que les Béothuks étaient toujours hostiles et regagna la côte.
En décembre 1813, Buchan accompagna le convoi vers l’Angleterre à titre de commandant de l’Adonis et, en 1815, comme capitaine du Pike, il occupa Saint-Pierre pendant une courte période. Il agit comme gouverneur intérimaire de Terre-Neuve durant ces hivers de 1815–1816 et 1816–1817 où la colonie fut frappée par la famine et où St John’s connut trois graves incendies. À l’automne de 1817, il accompagna encore une fois le convoi.
Promu commander le 13 avril 1816, Buchan se vit confier le 15 janvier 1818 le commandement du Dorothea, avec mission de préparer une expédition polaire. Probablement en raison de l’intérêt que John Barrow, deuxième secrétaire de l’Amirauté, portait à l’exploration de l’Arctique, Buchan reçut des instructions détaillées qui lui enjoignaient de trouver un passage à travers les glaces du pôle Nord puis de rejoindre l’océan Pacifique par le détroit de Béring. John Franklin commandait le Trent, second navire de l’expédition. Le 25 avril, après avoir fait renforcer leurs deux baleiniers, Buchan et Franklin quittèrent la Tamise. Les navires passèrent la plus grande partie de l’été à côtoyer les havres du littoral ouest et nord du Spitzberg, en manœuvrant au milieu du pack et en pénétrant dans les voies navigables chaque fois que les glaces présentaient une ouverture. En juillet, ils se trouvèrent pris à 80° 34´ de latitude nord ; ils n’allaient pas pouvoir se rendre plus au nord. Il fallut trois semaines d’efforts épuisants pour dégager les navires des glaces.
Buchan mit alors le cap sur l’ouest, vers le Groenland, mais un grain repoussa les navires dans les glaces, au pourtour de la banquise. Au bout de quatre heures, ceux-ci étaient si endommagés qu’il fallut renoncer à poursuivre l’expédition. Après avoir procédé à des réparations dans un havre tranquille du Spitzberg, les explorateurs refirent voile vers l’ouest en surveillant les glaces jusqu’à ce qu’ils se trouvent à moins de 12 lieues du Groenland. Finalement, comme le temps menaçait de nouveau, Buchan rebroussa chemin ; le 22 octobre 1818, il arrivait sans dommage sur la Tamise. Il n’avait pas découvert de passage par le pôle Nord, mais les spécialistes affectés à l’expédition avaient recueilli nombre d’observations cartographiques et scientifiques, notamment sur l’histoire naturelle.
L’année suivante, Buchan retourna à Terre-Neuve à titre de commandant du Grasshopper et, en l’absence du gouverneur, assuma de nouveau l’administration de la colonie durant l’hiver. Le 8 août 1819, le gouverneur sir Charles Hamilton lui confia une autre mission concernant les Béothuks : faire de nouvelles tentatives pour ramener à sa tribu Demasduwit*, une femme que des Blancs avaient capturée peu de temps auparavant. Cependant, elle mourut de tuberculose avant qu’il ait pu faire quoi que ce soit. Il décida alors de transporter son corps jusqu’à un campement béothuk, et entreprit de nouveau, le 21 janvier, de remonter la rivière des Exploits. Après avoir placé le corps de Demasduwit, ses biens et quelques présents dans une tente spéciale au lac Red Indian, les membres de l’expédition poursuivirent leur route vers l’ouest pendant trois jours. Des signes leur montraient qu’il y avait des Béothuks dans les environs, mais ils n’en rencontrèrent aucun. Le groupe regagna le Grasshopper le 29 février 1820. Trois ans plus tard, Buchan manifesta encore une fois sa compassion envers les Béothuks, en particulier à l’égard de trois femmes, dont Shawnadithit*, qui avaient été amenées à St John’s. À titre d’administrateur, il ordonna à John Peyton fils, magistrat de Twillingate, de faire tout ce qui était en son pouvoir pour les ramener chez elles.
En plus de faire office d’administrateur lorsque le gouverneur s’absentait, Buchan était juge itinérant, et plus précisément surrogate de la marine dans les petits villages de pêcheurs. En 1820, il fut mêlé à une série d’affaires controversées. Lui-même et le révérend John Leigh* condamnèrent au fouet deux pêcheurs, Philip Butler et James Lundrigan*. Sur la foi de renseignements déposés plus tard par les pêcheurs, les deux surrogates furent accusés de violation de propriété avec tentative de voies de fait, ainsi que d’emprisonnement arbitraire ; ils furent cependant acquittés. Buchan, promu capitaine de la marine royale le 12 juin 1823, fut cependant radié du cadre actif à son retour en Angleterre à l’automne. Ayant demandé un emploi quelconque au secrétaire d’État aux Colonies, il fut nommé shérif en chef de Terre-Neuve le 1er mars 1825. Il allait conserver ce poste jusqu’après l’instauration du gouvernement représentatif, en 1832, et donner officiellement sa démission le 27 août 1835.
Après avoir accompli pendant une trentaine d’années diverses missions dans cette colonie en mutation rapide qu’était Terre-Neuve, David Buchan entra probablement au service de l’East India Company. En effet, la dernière fois qu’on entendit parler de lui, il se trouvait à bord d’un des navires de la compagnie, l’Upton Castle, qui partit de Calcutta le 8 décembre 1838.
David Buchan n’a publié aucun compte rendu de ses expéditions qui visaient à établir un contact avec les Béothuks. Les renseignements que nous avons proviennent de ses rapports conservés par l’Amirauté, lesquels furent publiés avec plusieurs modifications dans : [David] Buchan, « Mr. Buchan’s expedition into the interior of Newfoundland », [John Barrow, édit.], Barrow, A chronological history of voyages into the Arctic regions [...] (Londres, 1818 ; réimpr. avec introd. de Christopher Lloyd, New York, 1971), app., 1–23 ; « Narrative of Captain Buchan’s journey up the River Exploits, in search of the native Indians, in the winter of 1810–11 », Royal Gazette and Newfoundland Advertiser, 30 juill., 6, 13 août 1861 ; Charles Pedley, The history of Newfoundland from the earliest times to the year 1860 (Londres, 1863), 482–502 ; et J. P. Howley, The Beothucks or Red Indians : the aboriginal inhabitants of Newfoundland (Cambridge, Angl., 1915 ; réimpr., Toronto, 1974, et New York, 1979), 72–90, 121–126.
Nfld. Public Library Services, Provincial Reference and Resource Library (St John’s), David Buchan, journal.— PRO, CO 194/50–93.— John Barrow, Voyages of discovery and research within the Arctic regions, from the year 1818 to the present time [...] (New York, 1846), 49–61.— F. W. Beechey, A voyage of discovery towards the North Pole, performed in his majesty’s ships « Dorothea » and « Trent » under the command of Captain David Buchan, R.N. ; 1818 [...] (Londres, 1843), 1–211.— Edward Chappell, Voyage of his majesty’s skip « Rosamond » to Newfoundland and the southern coast of Labrador, of which countries no account has been published by any British traveller since the reign of Queen Elizabeth (Londres, 1818), 185–187, 248–250, 259–260.— Lloyd’s register of British and foreign shipping (Londres), 1838–1839.— W. L. Clowes, The Royal Navy ; a history from the earliest times to the present (7 vol., Londres, 1897–1903), 6 : 508.— B. D. Fardy, Captain David Buchan in Newfoundland (St John’s, 1983). Il s’agit d’une relation intéressante mais historiquement imprécise. [w. k.]— C. R. Fay, Life and labour in Newfoundland (Toronto, 1956).— Prowse, Hist. of Nfld. (1895), 384–411.— F. G. Speck, Beothuk and Micmac (New York, 1922 ; réimpr., 1981), 49–50.— Edward Curran, « David Buchan – explorer », Nfld. Quarterly, 52 (1953), no 1 : 26–28.— L. F. S. Upton, « The extermination of the Beothucks of Newfoundland », CHR, 58 (1977) : 133–153 ; « A portrait by Shanawdithit », Nfld. Quarterly, 73 (1977), no 2 : 44.
William Kirwin, « BUCHAN, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/buchan_david_7F.html.
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Auteur de l'article: | William Kirwin |
Titre de l'article: | BUCHAN, DAVID |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 1 déc. 2024 |