Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3526369
LAVALLÉE, CALIXA (baptisé Callixte), pianiste, compositeur de musique et professeur, né le 28 décembre 1842 à Verchères, Bas-Canada, fils d’Augustin Lavallée* et de Charlotte-Caroline Valentine ; décédé le 21 janvier 1891 à Boston.
Né de parents de souches poitevine et écossaise, Calixa Lavallée montre très tôt des dispositions pour la musique. Son père, un forgeron qui est aussi luthier, harmoniste et chef de musique, lui en enseigne les rudiments ainsi que le piano, l’orgue, le cornet et le violon. Vers 1850, la famille se fixe à Saint-Hyacinthe. Le père y travaille comme harmoniste auprès du facteur d’orgues Joseph Casavant* et, en 1852, le jeune Calixa est inscrit au séminaire de la ville. Au printemps de 1855, le prospère boucher montréalais Léon Derome l’accueille chez lui et le prend sous sa tutelle. Des leçons de piano auprès de Paul Letondal et de Charles Sabatier [Wugk*], tous deux venus de France quelques années auparavant, confirment le talent exceptionnel de Calixa.
Épris d’aventure, Lavallée part pour les États-Unis en 1857 et se distingue dans un concours à La Nouvelle-Orléans, ce qui lui vaut une tournée en Amérique du Sud, aux Antilles et au Mexique comme accompagnateur d’un violoniste espagnol du nom d’Olivera. En septembre 1861, il est à Providence, au Rhode Island, où il est accepté comme musicien par l’armée nordiste. Un an plus tard, il participe à la meurtrière bataille d’Antietam, au Maryland ; il y aurait été blessé à une jambe, ce qui a peut-être été le motif de son licenciement honorable en octobre 1862.
Lavallée regagne le Canada et, en janvier 1864, après une période de repos, il donne un concert de rentrée à Montréal. Il se lie d’amitié avec le grand violoniste belge Frantz Jehin-Prume et se produit avec lui. Mais la fièvre des voyages le reprend et il part de nouveau pour les États-Unis. On le retrouve à La Nouvelle-Orléans, à San Diego puis en Nouvelle-Angleterre, où il épouse en 1867 Josephine Gently (Gentilly) à Lowell, au Massachusetts ; le couple aurait eu quatre fils. Lavallée s’établit à Boston comme professeur et virtuose. Son opéra TIQ, the Indian question settled at last aurait été créé à cette époque. Vers 1870, Lavallée est nommé directeur de la Grand Opera House de New York pour qui il compose une opérette, Loulou, devant être présentée en 1872. Mais l’assassinat en pleine rue du propriétaire du théâtre, le spéculateur James Fisk, met fin au projet et à l’engagement de Lavallée.
Découragé, le compositeur revient à Montréal. Afin de le tirer de son désœuvrement, Léon Derome décide de mettre à exécution une idée qu’il caressait depuis longtemps : envoyer son protégé parfaire sa formation en Europe. Grâce à la bourse reçue de Derome et de ses amis, Lavallée s’embarque pour Paris au printemps de 1873. Il étudie le piano avec le grand pédagogue Antoine-François Marmontel et suit également les cours d’écriture de François Bazin et d’Adrien Boieldieu. Son séjour dans la capitale française se prolonge jusqu’en juillet 1875, mais l’absence d’un journal ou de lettres ne permet de connaître que de façon fragmentaire son activité durant cette période. On sait qu’il composa une série d’études pour piano, dont une en mi mineur, le Papillon, qui fut jouée au Conservatoire de Paris. Il est certain que Marmontel estimait son élève dont il louangeait le « constant et courageux travail ». En juillet 1874, une Suite d’orchestre composée par Lavallée aurait été exécutée par un orchestre de 80 musiciens sous la direction du célèbre chef Adolphe Maton. Aucune trace de cette exécution n’a encore été retrouvée, ni sa partition.
À Montréal, Lavallée retrouve Jehin-Prume et sa jeune femme, la soprano Rosita (Rosa) Del Vecchio. Tous trois ouvrent un studio commun. Des récitals de Lavallée à Montréal et à Québec en décembre 1875 sont de véritables triomphes pour l’artiste. Mais il faut vivre, et Lavallée redevient professeur et est nommé maître de chapelle à l’église Saint-Jacques. En 1877, il prépare sa chorale pour des représentations du drame Jeanne d’Arc de Jules Barbier, musique de scène de Charles Gounod, dont le succès s’avère considérable au point que 18 représentations prennent place sous sa direction, avec Rosita Del Vecchio dans le rôle-titre. Lavallée projette de fonder un conservatoire d’État, mais le gouvernement de la province de Québec fait la sourde oreille. Le succès de Jeanne d’Arc se répète avec la Dame blanche, opéra comique de Boieldieu, que Lavallée dirige à Montréal et à Québec en avril et en mai 1878. Dans la Minerve de Montréal, le musicien et critique Guillaume Couture* déclare : « C’est un véritable chef d’orchestre. Le premier que nous possédions. »
Lavallée est alors établi à Québec où il est organiste à l’église Saint-Patrick. À la demande expresse du gouvernement, il compose en un mois une cantate pour la venue du nouveau gouverneur général du Canada, le marquis de Lorne [Campbell*], et de sa femme, la princesse Louise*. Le 11 juin 1879, l’œuvre est exécutée par un chœur de 150 voix, des solistes et un grand orchestre sous la baguette de Lavallée, et elle obtient un immense succès. Se fiant aux promesses du gouvernement, Lavallée a assumé lui-même une grande partie des frais, mais on refuse de rembourser le compositeur endetté. Harcelé par ses créanciers, il reprend avec acharnement son labeur quotidien de professeur, d’organiste et de chef de musique.
Lavallée accepte cependant de faire partie d’un comité présidé par Ernest Gagnon* dont la tâche est de s’occuper de la musique à l’occasion de la convention nationale des Canadiens français, organisée par la Société Saint-Jean-Baptiste de la cité de Québec, à la fin de juin 1880. L’idée d’un chant national approprié à la circonstance fait surface, mais le temps ne permet pas l’organisation d’un concours à cet effet, et Gagnon propose à Lavallée d’écrire au plus tôt une musique à laquelle un poème patriotique pourrait s’adapter. Ô Canada, paroles du juge Adolphe-Basile Routhier*, est exécuté pour la première fois au soir du 24 juin 1880 par trois corps de musique sous la direction de Joseph Vézina*, au cours d’un banquet au pavillon des Patineurs de Québec, et obtient un grand succès public. La popularité du nouveau chant s’étend bientôt à la province tout entière puis au Canada anglais où une version anglaise est chantée dès 1901. Sa vogue ira toujours grandissante jusqu’au moment de sa sanction officielle comme hymne national du Canada le 1er juillet 1980, un siècle après sa création.
Malgré le succès de son chant, la situation financière de Lavallée demeure précaire et une chronologie plutôt confuse porte à croire qu’il se fixe à Boston peu de temps après. Il continue d’enseigner tout en assumant la charge de maître de chapelle à la cathédrale catholique Holy Cross et ne tarde pas à s’imposer dans son nouveau milieu grâce à son talent. Il fait sienne la cause des compositeurs américains et, comme membre de la prestigieuse Music Teachers’ National Association, il organise à Cleveland le 3 juillet 1884 un concert entièrement consacré aux compositeurs américains, considéré comme le premier du genre. Salué comme un héros par ses collègues, Lavallée joue un rôle de plus en plus important au sein de l’association dont les 700 membres réunis à Indianapolis l’élisent président national en 1887. À ce titre, il représente l’association à Londres l’année suivante, au moment du premier congrès intercontinental de musiciens. Malgré sa santé défaillante, il organise en 1890 le congrès de Detroit où il fait entendre une Suite pour violoncelle et piano de sa composition, qui fait sensation. Aux professeurs qui réclament la partition, il ne peut que montrer la partie de violoncelle. N’ayant pas eu le temps d’écrire celle du piano, il l’avait improvisée !
À l’automne de 1890, Lavallée est contraint d’abandonner toute activité, car les douleurs à la gorge qui le minent depuis 1880 sont de plus en plus intolérables. Averti de l’état de son protégé, Léon Derome accourt à son chevet en janvier 1891. Lavallée rend l’âme le 21 de ce mois, à l’âge de 48 ans. Trois jours plus tard, des funérailles solennelles sont célébrées à la cathédrale Holy Cross de Boston et sa dépouille est inhumée au cimetière Mount Benedict. Le 13 juillet 1933, ses restes seront rapatriés au Canada au cours d’une cérémonie solennelle et déposés au cimetière de Côte-des-Neiges à Montréal.
De toute évidence, Calixa Lavallée n’accordait que peu d’importance à sa musique, puisqu’il composait sur commande selon les goûts du public de son temps et de son milieu. Son talent, sous tous ses aspects, ainsi que son dévouement au progrès artistique de son pays n’ont pas manqué d’impressionner ses compatriotes qui voyaient en lui le « musicien national » du Canada bien avant qu’il ne compose le chant qui a rendu son nom célèbre, ainsi que l’a écrit Laurent-Olivier David* dans l’Opinion publique du 13 mars 1873 : « Aucun talent musical ne porte plus que celui de M. Calixa Lavallée, le cachet national, l’empreinte de cette nature grandiose et pittoresque. »
À l’exception de Ô Canada, créé à Québec en 1880, qui assure l’immortalité à son nom, l’œuvre de Calixa Lavallée est demeurée largement inconnue pendant les quatre décennies qui ont suivi sa mort. À partir de 1930, des musiciens comme Jean-Josaphat Gagnier et Eugène Lapierre n’ont pas ménagé leurs efforts pour faire revivre cette grande figure de la musique canadienne. Des partitions manuscrites ou publiées de ses œuvres ont été mises à jour et exécutées. En juillet 1933, un comité montréalais s’est occupé de rapatrier ses restes qui reposent maintenant au cimetière de Côte-des-Neiges sous un monument des plus modestes. En 1936, Eugène Lapierre faisait paraître à Montréal Calixa Lavallée, musicien national du Canada, première biographie de ce pionnier qui serait rééditée en 1950 puis en 1966.
Des œuvres importantes de Lavallée dont on sait l’existence, un petit nombre seulement nous sont parvenues comme les opérettes The widow et TIQ, the Indian question settled at last, toutes deux publiées à Boston, en 1881 et 1883 respectivement, et l’offertoire Tu es Petrus, pour soprano, basse, chœur et orchestre, publié à New York en 1883. Des partitions comme la Suite d’orchestre présumément jouée à Paris en 1874, une symphonie pour chœur et orchestre dédiée à la ville de Boston, la cantate pour le marquis de Lorne et d’autres demeurent introuvables. Par contre, un bon nombre de ses œuvres pour piano et pour la voix ainsi que les ouvertures King of diamonds, The bridal rose et The golden fleece, toutes trois datées de 1888, témoignent de sa grande facilité, de son sens inné de la mélodie et du rythme, sinon de la profondeur de son inspiration.
Gilles Potvin dans Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.) dresse une liste détaillée des compositions et des écrits de Lavallée en plus de présenter une bibliographie étoffée.
ANQ-M, CE1-26, 28 déc. 1842.— L’Écho musical (Montréal), 1er janv. 1888.— L.-J.-N. Blanchet, Une vie illustrée de Calixa Lavallée (Montréal, 1951).— Sumner Salter, « Early encouragements to American composers », Musical Quarterly (New York), 28 (1932).
Gilles Potvin, « LAVALLÉE, CALIXA (baptisé Callixte) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lavallee_calixa_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/lavallee_calixa_12F.html |
Auteur de l'article: | Gilles Potvin |
Titre de l'article: | LAVALLÉE, CALIXA (baptisé Callixte) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 4 nov. 2024 |