DAVIDSON, ARTHUR, avocat et juge, né le 12 novembre 1743 dans la paroisse de Kennethmont, Écosse, fils aîné de Walter Davidson ; le 3 mars 1785, il épousa Jane Fraser, fille d’Alexander Fraser* et de Jane McCord, et ils eurent trois enfants, Jane, Elizabeth et Walter, puis le 9 mars 1799, Eleanor Birnie ; décédé le 4 mai 1807 à Montréal.

Le 10 juillet 1766, Arthur Davidson, maître ès arts du King’s College d’Aberdeen, débarqua à Québec. Après avoir rempli un contrat d’apprentissage chez Henry Kneller*, attorney qui allait devenir procureur général, il fut reçu au barreau de la province de Québec le 2 octobre 1771. Ses talents juridiques furent appréciés dès le début, et même avant d’être reconnu officiellement avocat, il avait été engagé par William Brown* de la Gazette de Québec en vue de préparer un dossier de poursuite pour dettes contre Thomas Gilmore*, associé de Brown. En 1778, avec Thomas Dunn et Jenkin Williams, il aida Francis Maseres* à assurer l’exécution des dernières volontés de Kneller.

Davidson s’intéressa également aux affaires publiques. Il seconda George Pownall*, greffier du Conseil législatif et, en 1779, devint secrétaire de la bibliothèque de Québec, fondée cette année-là par le gouverneur Haldimand. Dans l’espoir de succéder à Pownall, qui avait exprimé le souhait de se retirer, il séjourna à Londres pendant l’hiver de 1779–1780 afin de faire des pressions auprès de divers personnages officiels, y compris son protecteur principal, lord George Germain, secrétaire d’État aux Colonies américaines et président du Board of Trade. Cependant, lorsque Pownall décida de ne pas quitter son poste, Davidson résolut de tenter sa chance à Montréal où il s’établit en octobre 1780.

Malgré ses réalisations, Davidson n’avait pas retiré beaucoup de satisfaction de son séjour dans la province de Québec. Vers la fin de 1779, il conseillait aux siens de ne pas émigrer et les avertissait que « les temps [étaient] alors extrêmement sombres et décourageants ». Il avoua même : « n’était le fait que je suis jusqu’à un certain point déjà établi dans ce pays et que j’ai la possibilité d’y réussir mieux que n’importe où ailleurs peut-être, moi-même je n’y vivrais pas ». L’activité gouvernementale, en particulier, semble l’avoir désillusionné : vers la fin de 1778, il se plaignit en termes plutôt voilés que sa position vis-à-vis de Pownall l’« avait empêché d’utiliser [ses] influences, l’hiver précédent, pour se procurer une autre situation (occasion qui ne se présenterait jamais plus) ». En tout cas, après avoir quitté Québec, il semble qu’il ait décidé de se consacrer à la carrière juridique.

À Montréal, Davidson entreprit de représenter Pownall, qui était devenu secrétaire de la province, mais on ne sait au juste en quoi consistait cette représentation, ni pendant combien de temps elle se poursuivit. Il accepta également un certain nombre de fonctions mineures. En 1789, il était surintendant de la navigation intérieure, en 1792, membre du Bureau des terres et, en 1799, il fut nommé membre de commissions chargées de surveiller la réparation des églises et l’érection d’un palais de justice pour le district de Montréal. Ces fonctions, toutefois, mise à part l’influence nécessaire pour les obtenir, démontraient davantage son sens des responsabilités publiques que son ambition politique.

Entre-temps, la clientèle de Davidson augmentait et rapportait beaucoup. En 1784, il put verser 7 000# comptant pour l’achat d’une maison d’une valeur de 10 000#, située rue Saint-Jacques, et, en 1800, lorsqu’il fut nommé juge, on le considérait déjà comme « indépendant de fortune ». Par la suite, il semble avoir éprouvé des difficultés financières, peut-être à cause des dépenses entraînées par la seigneurie de Saint-Gilles que son beau-père, Alexander Fraser, avait transmise en 1791 à Walter Davidson, et qu’Arthur administrait sous curatelle pour son fils. Quoi qu’il en soit, la valeur totale de ses biens s’élevait en 1807 à £960 3 shillings 2 pence qui devaient être répartis entre ses trois enfants et sa seconde épouse. Celle-ci dut en conséquence intervenir auprès du gouverneur Craig pour obtenir du secours, et, en 1808, le gouverneur lui concéda une terre pour lui venir en aide.

C’est en 1787 que Davidson accomplit son geste le plus marquant comme avocat, lorsqu’il témoigna devant la commission nommée par lord Dorchester [Guy Carleton] pour faire enquête sur l’administration de la justice dans la province de Québec. Davidson critiqua amèrement la Cour des plaids communs, qui avait été mise sur pied par le gouverneur Murray* pour permettre aux Canadiens de faire appel à leurs anciennes lois, d’engager leurs propres avocats et de plaider leur cause en français. Davidson déplora la confusion et l’acrimonie suscitées par l’utilisation simultanée des deux systèmes juridiques français et anglais ; il souligna aussi le mécontentement des « personnalités les plus importantes de la communauté, et surtout des personnalités s’adonnant au commerce ». Il se plaignit en particulier du fait que les juges lançaient des mandats de comparution irréguliers, appliquaient mal les règles de la preuve et entravaient les avocats lors de l’interrogatoire des témoins. Ils différaient leurs jugements, en expliquaient rarement les considérants et fixaient les frais de façon arbitraire ; d’autre part, ils ne tenaient pas de dossiers clairs et complets, recevaient parfois les parties et prenaient une décision avant même l’audition de la cause. En outre, John Fraser lui avait manifesté de « façon évidente de la malveillance, de la méfiance et du dépit personnel ». Les collègues de Fraser à la Cour des plaids communs, Edward Southouse et René-Ovide Hertel* de Rouville, « avaient approuvé avec leur complaisance habituelle ce traitement des plus inconvenants ». Les trois juges manquaient évidemment « de formation professionnelle et de pratique et, à cause de ces lacunes, ne maîtris[aient] pas les concepts juridiques ». Enfin, selon lui, on se montrait beaucoup trop indulgents à l’endroit des Canadiens. Non seulement obligeait-on fréquemment les avocats anglophones à plaider en français, ce qui constituait « une contrainte injuste et excessive étant donné l’absence totale d’égalité ou de réciprocité », mais encore permettait-on à des avocats canadiens non autorisés de représenter des clients devant le tribunal, malgré la loi de 1785 qui réglementait l’inscription au barreau.

Quelques années plus tard, en 1795, le solliciteur général Jonathan Sewell* demanda conseil à Davidson sur la mise en application de cette loi. Des pétitions réclamant d’être soustrait aux prescriptions de la loi avaient été présentées à la chambre d’Assemblée par Joseph-François Perrault*, Thomas Cary* (1751–1823) et Louis Fromenteau, ce qui avait suffi à inquiéter Sewell, lequel avait proposé au barreau de Montréal de soumettre une pétition en contrepartie. Dans sa réponse, Davidson appliqua les principes de son témoignage antérieur de façon diplomatique. D’emblée, il supposa que l’Assemblée allait appuyer les pétitionnaires et il déclara en conclusion : « rien de ce que nous pourrions dire ne saurait être de quelque poids par rapport à eux ». En conséquence, il suggéra qu’une pétition fût plutôt envoyée au Conseil législatif, et que si elle se révélait inefficace, une pétition conjointe des barreaux de Québec et de Montréal fût présentée au gouverneur. On ignore si ses conseils furent suivis, mais les projets de loi adoptés par l’Assemblée au nom de Perrault, Cary et Fromenteau n’entrèrent jamais en vigueur.

À cette époque, la réputation de Davidson sur le plan juridique lui avait valu d’être engagé par le gouvernement tantôt comme avocat de la défense et tantôt comme procureur de la couronne. Les comptes publics de 1794 montrent qu’il avait défendu Joseph Boucher de Niverville, colonel de la milice à Trois-Rivières, contre des accusations portées par trois miliciens et qu’il intenta également 28 actions en revendication de dettes pour le compte de la Lake Freights Company. Ces dernières poursuites à elles seules lui permirent de toucher des bénéfices nets plus élevés que le salaire d’un juge puîné. De toute évidence, il était devenu un des meilleurs avocats du district.

Le 1er janvier 1800, Davidson fut nommé par le nouveau lieutenant-gouverneur, Robert Shore Milnes*, à la Cour du banc du roi du district de Montréal. Ce tribunal avait été créé par la loi de judicature de 1794, qui avait également divisé la province en trois districts judiciaires : Québec, Montréal et Trois-Rivières. Formé d’un juge en chef du district et de trois juges puînés, ce tribunal remplaça la Cour des plaids communs si controversée et entendit ainsi les causes civiles et criminelles.

En 1802, Milnes loua Davidson et son collègue, le juge Isaac Ogden, pour leur « vigilante attention », en l’informant des présumés écarts de conduite de l’avocat Pierre Vézina à Trois-Rivières. Le lieutenant-gouverneur insista sur « l’importance publique » de la conduite des attorneys en cour et affirma sa « ferme détermination d’aider les juges, par tous les moyens en son pouvoir, à empêcher et à punir toute forme de négligence ». Au cours de la même année, Davidson ainsi que les autres juges de Montréal recommandaient de mettre un frein à l’anarchie qui régnait dans les territoires de l’intérieur (ou indiens) en autorisant les tribunaux du Bas et du Haut-Canada à juger des crimes commis à l’extérieur des limites de leur province respective. En 1803, on adopta une loi qui mit cette proposition en vigueur. Cependant, on ne put faire régner l’ordre qu’après la fusion des deux compagnies rivales, la North West Company et la Hudson’s Bay Company, en 1821.

Pendant toute sa carrière d’homme de loi, Davidson garda ses distances vis-à-vis de la politique. Malgré qu’en général les juges fissent partie de l’un ou des deux conseils, il ne participa activement ni au pouvoir exécutif, ni au pouvoir législatif. Il ne semble pas non plus avoir eu de liens politiques étroits. Néanmoins, il semble avoir entretenu des prédilections d’ordre social, pour ne pas dire ethnique, et révéla clairement sa position à ce sujet dans un avis juridique présenté en juin 1803. On demanda alors aux huit juges du Bas-Canada si la concession des terres en franc et commun socage devait tenir compte des descendants et du douaire selon les lois anglaises ou selon celles du Canada (principalement selon la Coutume de Paris). Cinq d’entre eux, John Elmsley, Thomas Dunn, Jenkin Williams, Isaac Ogden et Davidson, se prononcèrent en faveur du droit anglais, alors que les trois autres, James Monk*, Pierre-Amable De Bonne et Jean-Antoine Panet, maintinrent que le droit français devait continuer à gérer les transferts de terres. L’opinion de la majorité fut sanctionnée dans le Canada Tenures Act de 1825.

En élaborant sa thèse, Davidson révéla non seulement la politique probablement sous-jacente à cette opinion, mais également ses propres préoccupations. Dans l’ensemble, il approuvait la tendance à se reposer de plus en plus sur le droit anglais et accueillait particulièrement bien l’utilisation des règles anglaises de la preuve ainsi que les jugements par jury dans les causes commerciales, ce qui ne pouvait être qu’à l’avantage des marchands. Mais il désirait vivement aussi appuyer les nouveaux colons et, en conséquence, il recommanda l’adoption et l’extension du système de franc et commun socage. Cette mesure, affirmait-il, non seulement renforcerait la position des francs-tenanciers, mais en inciterait d’autres à venir les rejoindre. En un mot, elle favoriserait une plus grande colonisation de la province par les Britanniques.

De telles opinions ainsi que son témoignage de 1787 et son avis juridique de 1795 fournissent les éléments qui permettent d’évaluer l’importance d’Arthur Davidson. À la différence d’un si grand nombre de praticiens du droit au début du Régime anglais, c’était un avocat de bonne formation, talentueux et consciencieux ; il avait clairement l’intention d’améliorer les normes de sa profession et la qualité du droit, ou, à tout le moins, d’en assurer l’uniformité. En même temps, sur la question fondamentale des relations entre les Britanniques et les Canadiens – ou, peut-être, entre les marchands et les nouveaux colons, d’un côté, et les tenants d’un idéal quasi féodal, de l’autre –, il se rangea de toute évidence du côté de ceux qui cherchaient à résoudre les tensions croissantes, en se faisant l’avocat d’une anglicisation plus intensive du Bas-Canada.

G. P. Browne

APC, MG 11, [CO 42] Q, 30 : 548–588, 638–668, 765–801 ; 71 : 396–398 ; 84 : 165, 173s. ; 89 : 144, 153–155 ; 92 : 196–202, 283 ; 93 : 58, 194s. ; 97 : 95, 130–134, 155 ; 102 : 298 ; 107 : 77–85 ; 293 : 230–245 ; RG 4, A3, 3, no 41 ; 5, no 25 ; RG 7, G15C, 7 : 64, 341, 411, 431, 444s., 459–461.— Musée McCord, Arthur Davidson papers.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1795 : 83, 87s., 101, 183–186, 201s., 217–220, 235s., 239s., 247s., 261s., 267s., 273, 315s. ; 1805 : 170–177.— « Courts of justice for the Indian country », APC Report, 1892 : 136–146.— « Lower Canada in 1800 », APC Report, 1892 : 9–15.— La Gazette de Québec, 23 mars 1775, 13 nov. 1777, 21 janv. 1779, 6 sept. 1781, 9 sept. 1784, 20 janv. 1785, 20 juin 1799, 14 mai 1807.— Almanach de Québec, 1782–1808.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 1 : 25 ; 5 : 535 ; Les juges de la prov. de Québec, 147.— Édouard Fabre Surveyer et D. A. Heneker, The bench and bar of Quebec (Montréal, 1931), 2–21, 26–28.— Douglas Brymner, « Report on Canadian archives », APC Report, 1892 : i–lix.— Ægidius Fauteux, « Les bibliothèques canadiennes et leur histoire », Rev. canadienne, nouv. sér., 17 (janv.–juin 1916) :195.— É.-Z. Massicotte, « Quelques rues et faubourgs du vieux Montréal », Cahiers des Dix, 1 (1936) : 135s.

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G. P. Browne, « DAVIDSON, ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/davidson_arthur_5F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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