Titre original :  Delegates at the World's Woman's Christian Temperance Union convention in Toronto, 1897. Courtesy of Toronto Public Library / Toronto Star Photo Archive, via Heritage Toronto.

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ORCHARD, ANNIE (Rutherford), partisane de la tempérance et réformatrice sociale, née le 14 septembre 1856 à Galt (Cambridge, Haut-Canada), fille de John Orchard et de Lucinda Montgomery ; le 6 janvier 1886, elle épousa à Brantford, Ontario, Peter Rutherford (1858–1938), et ils eurent une fille, qui mourut avant elle ; décédée le 29 février 1940 à Toronto.

Dans sa tendre enfance, Annie Orchard quitta Galt pour la ville voisine de Brantford. Grâce au soutien de son père, tailleur prospère, elle reçut une éducation postsecondaire ; rarement offertes aux femmes de cette époque, de telles études étaient toutefois compatibles avec la position sociale et la confession religieuse de la famille. Après avoir fréquenté l’école publique de Galt, Annie intégra la Brantford Grammar School, puis le Wesleyan Female College de Hamilton, où sa foi méthodiste wesleyenne se solidifia. Elle continuerait d’œuvrer activement au sein de son Église, qui deviendrait en 1925 l’Église unie du Canada, résultat de la fusion de l’Église presbytérienne et de l’Église congrégationaliste [V. Samuel Dwight Chown ; Clarence Dunlop Mackinnon]. En 1886, elle épousa le libraire Peter Rutherford, originaire d’Owen Sound, bien connu dans la région, car son père, John, était maire de Flesherton, ville des environs. Dès lors, on l’appellerait généralement Annie O. Rutherford. Contrairement à bon nombre de ses contemporaines qui réduisaient ou cessaient leurs activités de bienfaisance après le mariage, elle s’impliqua encore davantage dans les questions de réforme sociale.

Annie Orchard avait découvert la cause de la tempérance pendant qu’elle appartenait au groupe local Band of Hope, organisation pour les jeunes dirigée par la Woman’s Christian Temperance Union (WCTU). Très engagée dans le mouvement de la tempérance, elle milita principalement à titre de leader au sein de la WCTU, tant à l’échelle provinciale que nationale. Vers l’âge de 25 ans, elle commença à travailler pour la WCTU de l’Ontario, sous la direction de sa fondatrice et première présidente, Letitia Youmans [Creighton*]. En 1881, on lui confia son premier rôle important, celui de secrétaire archiviste, qu’elle assumerait pour les 12 années suivantes.

Durant cette période, Mme Rutherford dirigea également le service d’instruction scientifique de la tempérance ; sous sa gouverne, celui-ci atteignit son apogée et mena à bien quelques-unes des réalisations les plus impressionnantes de la WCTU de l’Ontario. Épaulée par Adeline Chisholm [Davis*], successeure de Mlle Youmans à la présidence, et appuyée par le Woman’s Journal d’Ottawa (d’abord publié par Mme Chisholm, puis par Mary McKay Scott), Mme Rutherford supervisa la campagne de la WCTU de l’Ontario, dont l’objectif consistait à intégrer la tempérance au programme des écoles publiques. Elle livra des discours et fit partie de délégations en mission auprès d’autorités gouvernementales ; elle prépara notamment des pétitions qu’elle présenta à Adam Crooks* et à George William Ross*, ministres successifs de l’Éducation dans le gouvernement libéral d’Oliver Mowat*. Ses efforts aidèrent la WCTU à remporter l’une de ses plus grandes victoires : en 1885, l’introduction, dans les écoles publiques, d’un cours scientifique sur la tempérance, accompagné d’un manuel d’instruction approuvé par l’organisation ; d’abord optionnel, celui-ci deviendrait obligatoire en 1893. Après ce triomphe, Mme Rutherford accéda à la vice-présidence de la WCTU de l’Ontario. Elle assurerait ensuite la présidence de l’Union chrétienne de tempérance des femmes du Canada (UCTF) (appellation francophone de la WCTU depuis 1894) de 1895 à 1905. Elle entreprit des tournées de conférences d’un bout à l’autre du pays afin de promouvoir la cause de la tempérance. Sous sa direction, l’UCTF continua de se concentrer sur l’éducation ; elle augmenta son effectif grâce à la croissance de sa section réservée aux jeunes femmes. Mme Rutherford mena également la campagne en faveur de la prohibition légale de l’alcool. En 1905, elle refusa de briguer de nouveau la présidence, à cause d’un handicap consécutif à un accident. On choisit Sarah Alice Wright [Rowell*] pour la remplacer.

Le militantisme de Mme Rutherford ne se limitait pas à l’UCTF. Elle s’engagea dans d’autres causes en lien avec sa foi religieuse ou son attachement à la condition féminine. Dans les années 1890 et au début des années 1900, elle agit à titre de vice-présidente et de membre du comité directeur de la section ontarienne de la Temperance Alliance pour quelques mandats. En outre, elle assura la vice-présidence de la Lord’s Day Alliance de l’Ontario [V. John George Shearer*]. Durant sa carrière, Mme Rutherford occupa divers postes dans la Laymen’s Association et la Woman’s Missionary Society de son Église. En 1898, elle proposa une collaboration entre l’UCTF, qu’elle présidait, et la Woman’s Missionary Society, dans le but de s’opposer à la situation d’esclavage dans laquelle, selon la rumeur, vivaient de jeunes Chinoises au Canada.

En 1895, on délégua Mme Rutherford à l’assemblée annuelle du National Council of Women of Canada, dirigé par lady Aberdeen [Marjoribanks], épouse du gouverneur général lord Aberdeen [Hamilton-Gordon]. L’UCTF adopta une position favorable au suffrage féminin la même année. À l’instar de nombreuses membres de l’organisation, Mme Rutherford croyait que l’on devait accorder le droit de vote aux Canadiennes. En février 1896, elle joua le rôle de présidente de la Chambre dans un simulacre de Parlement à Toronto, qui mettait en scène des partisanes du droit de vote bien connues, dont la docteure Emily Howard Stowe [Jennings*], sa fille Ann Augusta Stowe* Gullen et l’enseignante Edith Sarah Lelean. De plus, Mme Rutherford faisait partie de réseaux internationaux informels de partisanes du droit de vote, auxquels appartenaient des femmes comme l’Américaine Susan Brownell Anthony.

Au début des années 1900, Mme Rutherford déploya beaucoup d’efforts pour s’assurer du succès de l’établissement de santé de Toronto d’abord nommé le Woman’s Medical College (1883–1895), puis l’Ontario Medical College for Women (1895–1906). L’établissement servit de dispensaire pendant plusieurs années, puis fut rouvert en 1911 (et officiellement constitué deux ans plus tard) sous le nom de Women’s College Hospital and Dispensary. Cette importante infrastructure médicale, appelée Women’s College Hospital depuis 1924 et toujours en activité au commencement du xxie siècle, se donnait pour mission de répondre aux besoins des patientes ; de plus, elle employait des femmes médecins à une époque où celles-ci avaient des perspectives d’embauche limitées. Selon les auteurs Martin Kendrick et Krista Slade, maints Canadiens notables, telle la docteure Helen MacMurchy*, jouèrent un rôle dans les débuts de l’établissement, et Mme Rutherford fut « sans doute la plus connue et la plus convaincante d’entre eux ». En 1936, se remémorant la création de l’hôpital, Mme Rutherford confia au Globe : « Ce fut une bataille et une œuvre de foi. J’ai peine à imaginer que les femmes médecins étaient conscientes de tout ce que nous avons traversé. » Elle présida le conseil d’administration de l’hôpital de 1909 à 1923, et dirigea le comité de l’école de formation.

Annie O. Rutherford fit preuve d’un militantisme exceptionnel à une époque où, pour une femme, il s’avérait difficile d’occuper un rôle de premier plan dans la vie publique au Canada. Grâce aux pressions qu’elle exerça avec succès sur les politiciens ontariens, elle réussit à faire intégrer l’enseignement scientifique de la tempérance au programme des écoles publiques. Elle montra ainsi que les femmes avaient la capacité de participer activement à la vie politique et qu’elles le firent même quand on leur refusait le droit de vote. Mme Rutherford encouragea les femmes à s’impliquer dans les discussions sur la réforme sociale et leur offrit un leadership admirable jusqu’à sa mort en 1940.

Patricia Kmiec

AO, F 885 (Canadian Woman’s Christian Temperance Union fonds) ; RG 80-8-0-1953, no 002874.— Globe, 8 janv. 1936.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— History of woman suffrage, E. C. Stanton et al., édit. (6 vol., New York et Rochester, N.Y., 1881–1922), 4 (1883–1900, S. B. Anthony et Ida Husted Harper, édit., 1902).— Martin Kendrick et Krista Slade, Spirit of life : the story of Women’s College Hospital (Toronto, 1993).— S. G. E. McKee, Jubilee history of the Ontario Woman’s Christian Temperance Union, 1877–1927 (Whitby, Ontario, [1927 ?]).— The Prohibition leaders of America, B. F. Austin, édit. (St Thomas, Ontario, 1895).— M. F. Whiteley, Canadian Methodist women, 1766–1925 : Marys, Marthas, mothers in Israel (Waterloo, Ontario, 2005).

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Patricia Kmiec, « ORCHARD, ANNIE (Rutherford) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/orchard_annie_16F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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