DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

LESAGE, DAMASE – Volume XV (1921-1930)

né le 28 mars 1849 à Sainte-Thérèse-de-Blainville (Sainte-Thérèse, Québec)

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

JEHIN-PRUME, FRANTZ (François-Henri Jehin), musicien et professeur de musique, né le 18 avril 1839 à Spa, Belgique, fils de Jules-Antoine Jehin, peintre, et de Marie-Joséphine-Pétronille Prume ; décédé le 29 mai 1899 à Montréal.

Le grand-père paternel de François-Henri Jehin était organiste à Spa, et son grand-père maternel l’était à Stavelot. Son père lui enseigna la musique dès l’âge de trois ans et un musicien de la ville lui donna des leçons de violon dès qu’il eut quatre ans. À l’âge de six ans, le jeune Frantz, comme on l’appelait déjà, donna son premier concert de violon. Accepté ensuite au Conservatoire royal de Liège par l’un de ses oncles, François-Hubert Prume, distingué violoniste, compositeur et professeur de musique, il y obtint de brillants résultats à l’âge de neuf ans. Son oncle mourut peu après, et Frantz ajouta Prume à son nom de famille. Il poursuivit ses études au Conservatoire royal de Bruxelles, surtout auprès d’Hubert Léonard, et y remporta plusieurs prix. On dit que les compositeurs Gaspare Spontini et Giacomo Meyerbeer, qui passaient tous deux leurs vacances à Spa, encouragèrent le jeune prodige. Il se peut que par la suite il ait bénéficié des conseils d’Henri Vieuxtemps et de Henryk Wieniawski.

À la fin de 1855, après avoir joué à Spa, Liège et Bruxelles, Jehin-Prume entreprit sa première tournée de récitals. Jusqu’en 1863, il donna de nombreuses représentations dans le centre, le nord et l’ouest de l’Europe, et se tailla une réputation enviable grâce à sa sensibilité et à l’éclat de sa technique. Dès 1863, il avait à son actif le titre de violoniste de la grande-duchesse Catherine de Russie et de Léopold Ier, roi des Belges. Il fit une tournée au Mexique à la fin de 1864 sur l’invitation de l’empereur Maximilien, gendre de Léopold. Parti ensuite pour Cuba (et peut-être pour le Brésil), il arriva à New York en mai 1865.

Invité ce mois-là par Jules Hone, ancien condisciple qui habitait alors Montréal, à passer des vacances au Bas-Canada, Jehin-Prume donna bientôt des concerts et des récitals dans cette ville. Doué, « d’un physique captivant à l’extrême et précédé par l’éclat d’une réputation consacrée », écrivait Louis-Honoré Fréchette*, il y fit un malheur. En juin et juillet, une tournée le mena à Québec, Ottawa, Kingston, Toronto, Hamilton, London et Detroit puis, comme il remportait un grand succès, il en entreprit une autre qui le conduisit notamment à Québec, Rimouski, Halifax et Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. À Québec, en septembre, son hôte Joseph-Édouard Cauchon* convainquit les députés de suspendre leurs travaux pour l’entendre en concert à l’Assemblée législative. Pendant l’hiver de 1865–1866, Jehin-Prume donna des concerts dans l’est des États-Unis ; en décembre, il joua avec le New York Philharmonic Orchestra.

Rentré à Montréal en mars 1866, Jehin-Prume contracta le 10 juillet, selon Fréchette, « un brillant mariage avec une des étoiles les plus recherchées de la société de Montréal », Rosita (Rosa) Del Vecchio, qui avait 19 ans. La cérémonie attira tant de monde que l’immense église Notre-Dame était presque remplie. Tout de suite après, Jehin-Prume entreprit une longue tournée américaine au cours de laquelle, en janvier 1867, il joua devant le président Andrew Jackson à la Maison-Blanche. Rosita, qu’un contemporain a décrite comme « moitié Française et moitié Italienne », avait manifesté dès son enfance des dons exceptionnels pour la musique. En novembre 1868, après avoir parfait sa formation en suivant des leçons de son mari et d’un maître à Bruxelles, elle commença à donner des récitals en compagnie de Jehin-Prume (elle était mezzo-soprano). Elle continua ses études en Europe après la naissance, en 1870, de leur unique enfant, prénommé Jules. Même si Montréal devint le foyer des activités de Jehin-Prume, il passait beaucoup de temps en tournées dans l’est de l’Amérique du Nord, à Cuba et en Europe, souvent avec Rosita. Dans la province de Québec, on acclamait le couple non seulement à Montréal et à Québec, mais dans des villes comme Joliette, Trois-Rivières, Saint-Hyacinthe, Sherbrooke, Lachute et Aylmer. Les programmes de Jehin-Prume, comme ceux de la plupart de ses contemporains, contenaient à la fois des morceaux de bravoure et des arrangements d’airs d’opéra connus ou des pièces plus graves de Bach, de Beethoven et de Mendelssohn. En outre, il présentait bon nombre de ses propres compositions. De janvier à mars 1871, pour relever le goût musical des Montréalais, il organisa six concerts de musique de chambre au cours desquels il interpréta des concertos, dirigea un grand orchestre de chambre et joua dans un quatuor à cordes. Fréchette décrit ainsi un concert donné par Jehin-Prume à Québec en cette époque où il était à l’apogée de son talent : « Son violon avait tour à tour soupiré, ri, chanté, pleuré, jeté des cris délirants au milieu de sanglots éperdus. L’auditoire avait été subjugué, remué jusqu’aux moëlles par ce lyrisme débordant, fait de tendresse et de fougue, enlevant jusqu’à l’extase, attendrissant jusqu’aux larmes. » L’écrivain Arthur Buies* affirmait que Jehin-Prume était venu en un pays « où il y a[vait] partout des piédestaux, mais que lui seul [était] digne d’[y] monter ».

L’amitié de Jehin-Prume pour Calixa Lavallée resserra ses liens avec le Canada, surtout après que celui-ci fut rentré, en 1875, de ses études à Paris. Les deux hommes apparurent ensemble dans de nombreux concerts avec Rosita et, pendant un temps, tous trois partagèrent un studio d’enseignement. Le musicien et critique Guillaume Couture* proclamait qu’« une nouvelle ère musicale s’annon[çait] ». En 1877, Jehin-Prume et Lavallée dirigèrent la Jeanne d’Arc de Jules Barbier, sur une musique de Charles Gounod ; Rosita y tenait le rôle principal, et l’œuvre connut un immense succès. À compter de 1877, Jehin-Prume fut à l’occasion premier violon dans l’orchestre de la Société philharmonique de Montréal, fondée par Couture. En 1877–1878, il présida l’Académie de musique de Québec.

Rosita, qui à titre de cantatrice remportait presque autant de succès que son mari, fut acclamée par les critiques pour son jeu d’actrice dans deux pièces de Fréchette, Papineau [...] et le Retour de l’exilé [...], produites à Montréal en juin 1880. Cependant, elle mourut d’une pneumonie le 11 février 1881. Sa mort inspira à Fréchette un poème intitulé Laissez-moi dormir, dont Jehin-Prume mit des extraits en musique (opus 40). Le National de Montréal écrivit dans sa notice nécrologique que ses obsèques étaient « les plus importantes qu’aucune femme n’[eût] encore eues au Canada » et qu’on avait dû faire venir la police pour disperser la foule qui s’élevait à 10 000 personnes.

La disparition de Rosita mit prématurément fin à la « nouvelle ère » qu’avait annoncée Couture. Lavallée s’exila pour de bon. Jehin-Prume continua de faire de la musique mais, selon Fréchette, devenu un ami intime, c’était un homme brisé. Il perdit ses ambitions et son inspiration. Le 24 mars 1882, à l’âge de 42 ans, il épousa à Montréal une cantatrice adolescente, Hortense Leduc, belle-fille du violoniste Oscar Martel. Toutefois, après plusieurs liaisons, elle le quitta pour un homme d’affaires. Jehin-Prume fit une tournée du Nouveau-Brunswick au Manitoba en 1881, puis il joua en Europe de 1882 à 1885. Il se fixa par la suite à Montréal, où il continua de donner des représentations de temps en temps. Comme auparavant, il enseignait, composait et stimulait l’activité artistique dans la ville. Il avait déjà formé des musiciens remarquables, tels François Boucher et Alfred De Sève* ; Émile Taranto et Béatrice La Palme* continuaient de bénéficier de son enseignement. Il composa presque le tiers de son œuvre durant cette période. En outre, en 1891 ou 1892, il fonda un orchestre de chambre, l’Association artistique de Montréal. En mai 1896, après avoir donné 31 concerts, ce groupe donna sa dernière représentation en compagnie de Jehin-Prume ; il terminait ainsi sa carrière après avoir souffert d’une grave maladie.

Jehin-Prume passa paisiblement ses dernières années dans la confortable résidence de son frère Érasme, violoniste lui aussi. Bien que, selon Fréchette, il ait sombré dans la mélancolie, il combattit la mort jusqu’au bout. Il s’éteignit le 29 mai 1899. Il était alors tombé dans un oubli relatif mais, toujours selon Fréchette, la nouvelle de ses funérailles attira « toute une population [... qui souhaitait] donner un dernier coup d’œil et faire un dernier adieu à celui qu’elle avait tant de fois applaudi ».

Frantz Jehin-Prume fut le premier musicien de renommée internationale à s’établir au Canada et, selon Henri Têtu, c’était le plus aimé. En fait, ajoutait Têtu, « il était devenu presque Canadien ». On ne saurait trop souligner combien, dans son jeune pays d’adoption, il contribua à élever la vie musicale et à faire apprécier les arts en général. Non seulement des musiciens comme Lavallée, Couture, Romain-Octave* et Frédéric Pelletier, Arthur Letondal et Jean-Baptiste Dubois* bénéficièrent-ils de sa présence, mais des artistes œuvrant dans d’autres domaines, et surtout des poètes, furent inspirés par son jeu. Sans doute Fréchette parlait-il aussi en leur nom quand il se proclama frère de Jehin-Prume – « frère par l’art et frère par l’âme ».

Helmut Kallmann

Frantz Jehin-Prume est l’auteur d’au moins 88 compositions, numérotées dans [Jules] Jehin-Prume, Une vie d’artiste, préface de L.-H. Fréchette (Montréal, [1900]), dont deux concertos pour violon et un oratorio. Quelques-unes de ces œuvres ont été publiées. Des portraits de Jehin-Prume se trouvent dans cet ouvrage, ainsi que dans Encyclopédie de la musique au Canada (Kallmann et al.), et dans le Passe-Temps (Montréal), 10 juin 1899.

Arch. de l’État (Liège, Belgique), Spa, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 19 avril 1839.— Bibliothèque nationale du Canada, Division de la musique (Ottawa), ms coll., 1974-18 ; 1985-8.— Dwight’s Journal of Music (Boston), 23 déc. 1865.— Gazette (Montréal), 1er mars 1871, 12 févr. 1881.— Globe, 15 juill. 1865.— La Minerve, 15 févr. 1871, 22 mai 1877.— Le Monde illustré, 9 mars 1901.— Montreal Daily Star, 29 mai 1899.— Montreal Herald, 30 mars 1871.— L’Opinion publique, 18 nov. 1875.— La Presse, 29 mai 1899.— Alberto Bachmann, An encyclopedia of the violin, introd. d’Eugène Ysaye, F. H. Martens, trad., A. E. Weir, édit. (New York, 1925 ; réimpr., 1966).— Catalogue of Canadian composers, Helmut Kallmann, édit. (2e éd., Toronto, 1952 ; réimpr., St Clair Shores, Mich., 1972).— Dictionnaire biographique des musiciens canadiens (2e éd., Lachine, Québec, 1935).— The musical red book of Montreal, B. K. Sandwell, édit. (Montréal, 1907).— The new Grove dictionary of music and musicians, Stanley Sadie, édit. (6e éd. ; 20 vol., Londres, 1980), 9.— Riemann Musik Lexikon, Wilibald Gurlitt, édit. (12e éd., 3 vol., Mayence, République fédérale d’Allemagne, 1959), 1.— Helmut Kallmann, A history of music in Canada, 1534–1914 (Toronto et Londres, 1960).— [J.]-E. Lapierre, Calixa Lavallée, musicien national du Canada (3e éd., Montréal, 1966).— E. S. J. van der Straeten, The history of the violin (Londres, 1933).— « M. F. Jehin Prume », le Canada musical (Montréal), 2 (1875–1876) : 77 ; 3 (1876–1877) : 44–45.— Frédéric Pelletier, « les Musiciens du passé : Frantz Jehin-Prume », Entre-nous (Montréal), 1 (avril 1930) : [45].— « Premier concert Prume et Lavallée à Québec », le Canada musical, 3 : 26.— « Premier concert Prume-Lavallée à Montréal », le Canada musical, 2 : 134–135.— J.-B. Rongé, « Correspondance, Spa, le 16 septembre 1873 », Rev. et Gazette musicale de Paris, 40 (1873) : 301.— D.-H. Sénécal, « M. F. Jehin-Prume », Rev. canadienne, 2 (1865) : 616–622 ; « Quelques mots sur l’album de F. Jehin-Prume, violoniste de sa majesté le roi des Belges » : 547–554.— Henri Têtu, « Impressions musicales », l’Action sociale (Québec), 22, 29 mars, 3 avril, 25 mai 1915.— Léon Trépanier, « Oscar Martel, violoniste et professeur (1848–1924) », Qui ? (Montréal) 4 (1952–1953) : 47–56.

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Helmut Kallmann, « JEHIN-PRUME, FRANTZ (né François-Henri Jehin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 28 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jehin_prume_frantz_12F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/jehin_prume_frantz_12F.html
Auteur de l'article:    Helmut Kallmann
Titre de l'article:    JEHIN-PRUME, FRANTZ (né François-Henri Jehin)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    28 mars 2024