AINSLIE, GEORGE ROBERT, officier et administrateur colonial, né en 1776 près d’Édimbourg, fils aîné de Philip Ainslie et d’Elizabeth Gray, fille de lord Gray ; le 17 décembre 1802, il épousa Sophia Charlotte Nevile, nièce du 4e comte de Gainsborough, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 16 avril 1839 à Édimbourg.

Devenu enseigne dans le 19th Foot en 1793, George Robert Ainslie servit d’abord en Flandre. La même année, il passa au 85th Foot à titre de lieutenant ; le 15 avril 1794, il obtint une compagnie. Affecté aux Pays-Bas, en premier lieu dans l’île Walcheren puis, à compter de septembre 1794, sur le Waal, il y combattit les Français jusqu’en 1799 ; on le promut alors au grade de major. Comme il ne s’était pas distingué, cette année-là, pendant l’expédition dans le nord de la Hollande, on le relégua en janvier 1800 dans une unité auxiliaire, le Birmingham Fencibles, en qualité de lieutenant-colonel. En dépit des relations de sa famille, il n’eut pas d’avancement avant 1807, année où il redevint lieutenant-colonel de l’armée régulière, d’abord du 5th Garrison Battalion puis du 25th Foot. Le 25 juillet 1810, on le promut colonel honoraire.

Même s’il n’avait aucune expérience du gouvernement, Ainslie usa de l’influence de sa famille pour obtenir en 1812 le poste de gouverneur d’une des îles Leeward, Saint-Eustache ; deux mois après cette nomination, il devint lieutenant-gouverneur de la Grenade. Fait général de brigade la même année, il fut nommé gouverneur de la Dominique en avril 1813. Cette affectation se révéla cependant peu judicieuse. De tempérament nerveux, Ainslie n’était pas fait pour le gouvernement civil. La suspension du secrétaire et registraire de la colonie lui valut des réprimandes. Pire encore, à l’occasion d’un soulèvement d’esclaves marrons, il fit décapiter l’un des meneurs et menaça de tuer tous les fugitifs – hommes, femmes et enfants. Le Parlement s’indigna de ces excès de violence et Whitehall le rappela moins d’un an après sa nomination. Comme sanction, il dut accepter un poste inférieur, celui de lieutenant-gouverneur du Cap-Breton.

Bien qu’il ait été le dixième dirigeant de cette colonie fondée en 1784, Ainslie n’en était que le troisième lieutenant-gouverneur. Parti en 1795, son prédécesseur, William Macarmick*, avait gouverné in absentia jusqu’à sa mort en 1815 et une série d’administrateurs avaient effectivement exercé ses fonctions. Cette affectation était un dur coup pour Ainslie, qui avait dû consentir aussi à une énorme réduction de salaire. En outre, il souffrait de problèmes hépatiques et d’accès d’amaurose qui, selon lui, provenaient d’une exposition prolongée au soleil des tropiques. Comme l’éclat de la neige aggravait l’état de ses yeux, le Cap-Breton ne devait guère l’attirer. On lui avait offert le poste de lieutenant-gouverneur en décembre 1815, mais il n’arriva à Sydney que le 4 novembre 1816, après des escales à Paris, à Amsterdam et à Halifax. Entre-temps, le Cap-Breton connaissait une crise que le retard du nouveau dirigeant aggravait et qui allait finalement détruire la colonie.

En septembre 1815, le colonel Jonas Fitzherbert, commandant de la garnison, était devenu administrateur. Un ancien procureur général, Richard Collier Bernard DesBarres Marshall Gibbons, profita alors du manque d’expérience politique de Fitzherbert et fit circuler une pétition qui réclamait la convocation d’une chambre d’Assemblée. La colonie avait droit à une Assemblée depuis sa création, mais jamais on n’en avait convoquée parce que la plupart des administrateurs avaient jugé l’île trop mal pourvue en ressources financières et en électeurs instruits. Aussi n’avait on prélevé aucun impôt avant que John Despard* n’impose un droit sur le rhum d’importation en 1801. La légalité de cette taxe ne faisait toujours pas l’unanimité parmi l’élite de la colonie, et Gibbons dirigeait ceux qui la contestaient. En 1813, l’administrateur Hugh Swayne avait forcé Gibbons à quitter son poste de procureur et ainsi avait mis fin, temporairement, au débat. Contrairement à Swayne, Fitzherbert ne s’inquiétait pas du mouvement en faveur d’une Assemblée, et il fit donc peu de cas de la pétition de Gibbons. Comme celui-ci n’avait pas subi de représailles, il reprit l’offensive et persuada son allié Ranna Cossit, percepteur adjoint de l’impôt sur le rhum, d’en cesser le prélèvement en juin 1816. Conscient que la situation lui échappait, Fitzherbert menaça Cossit de renvoi en août. Cossit se soumit et recommença à percevoir les impôts en exigeant les sommes qui n’avaient pas été versées entre-temps. La compagnie Ritchie and Leaver, qui exploitait les mines de charbon de l’île, refusa alors de payer les arriérés, et Fitzherbert n’eut pas d’autre choix que de la traîner en justice. Le juge en chef Archibald Charles Dodd* donna raison à l’avocat de la compagnie, Gibbons : faute d’avoir été autorisés par une Assemblée, les impôts étaient illégaux au Cap-Breton.

Arrivé au cœur de cette crise, Ainslie constata que le jugement de Dodd avait interrompu la perception des revenus au moment même où les colons pauvres avaient un urgent besoin d’aide gouvernementale. On était en effet en 1816, l’« année sans été » : il avait neigé et gelé pendant la saison des cultures. Ainslie ne put que quémander au ministère des Colonies une assistance qui ne vint pas. Quand, en 1817, il tenta de garnir le trésor en percevant un droit sur les exportations de gypse, Gibbons protesta. Furieux, Ainslie affirma son autorité en décrétant que les réunions du Conseil exécutif se dérouleraient selon des règles rigides et qu’il limiterait les pouvoirs des conseillers. Comme en Dominique, il renvoya de leur poste et du conseil ceux qui contestaient ses décisions, notamment l’arpenteur général Thomas H. Crawley, en fonction depuis longtemps, et Richard Stout*, le plus gros marchand de la colonie. Ce fut bientôt la guerre ouverte entre le lieutenant-gouverneur et presque tous les fonctionnaires de l’île qui, en dépit de leurs divergences politiques, s’allièrent pour le combattre. Quasiment réduit à l’impuissance, Ainslie déclarait en 1818 que les coloniaux étaient « liés par [...] la fourberie ». Les citoyens du Cap-Breton y allaient aussi de leurs récriminations, probablement dans l’espoir que la réputation d’Ainslie donnerait du poids à leurs arguments.

Entre-temps, en avril 1818, Gibbons avait soumis au Parlement une pétition dans laquelle il réclamait une chambre d’Assemblée et alléguait que toutes les ordonnances du Conseil exécutif étaient illégales, puisqu’on n’avait jamais réuni aucune Assemblée pour les approuver. Le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, consulta les légistes de la couronne, qui jugèrent fondée la position de Gibbons. Cependant, Ainslie avait déjà fait valoir que la population du Cap-Breton était trop pauvre et trop ignorante pour s’offrir une Assemblée. La Grande-Bretagne décida donc d’annexer de nouveau la colonie à la Nouvelle-Écosse pour qu’elle bénéficie d’un gouvernement représentatif.

Ainslie accueillit avec ravissement, au début de 1819, la missive secrète qui lui annonçait ce projet. Il détestait profondément les insulaires, ces « rebuts des 3 Royaumes », et espérait que la réannexion amoindrirait leur « importance négligeable ». Après qu’on eut annoncé publiquement à Sydney le transfert imminent des pouvoirs, il dut se sentir très misérable car il obtint trop tard en 1819 la permission de s’en aller et dut attendre juin 1820. Le 16 octobre de cette année-là, le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, sir James Kempt*, proclama que le Cap-Breton cessait d’être une colonie distincte.

De retour en Angleterre, Ainslie demanda qu’on lui verse une allocation de retraite de £500 à même les recettes des mines de charbon du Cap-Breton, mais les autorités, mécontentes de sa conduite dans la colonie, refusèrent. Ses échecs le hantèrent jusqu’à la fin de sa vie ; il fut promu lieutenant général en mai 1825 mais n’eut pas d’autre affectation. Il profita de son temps libre pour s’adonner à la numismatique, qui le passionnait, et publia en 1830 un magnifique in-quarto, Illustrations of the Anglo-French coinage [...].

De toute évidence, George Robert Ainslie aurait mieux réussi dans la recherche que dans l’armée ou le gouvernement colonial. Persévérant et assidu dans l’étude des monnaies, il était impatient, irascible et injurieux quand il avait affaire à des êtres humains. En Dominique, cette attitude engendra une réprobation générale ; au Cap-Breton, elle mit brusquement un terme aux longues tergiversations sur la destinée politique de l’île. Son mandat marqua tristement la fin du Cap-Breton comme colonie distincte.

Robert J. Morgan

George Robert Ainslie est l’auteur de : Illustrations of the Anglo-French coinage : taken from the cabinet of a fellow of the antiquarian societies of London, and Scotland ; of the royal societies of France, Normandy, and many others, British as well as foreign [...] (Londres, 1830).

PRO, CO 217/134–136 ; 217/138–139.— Annual Reg. (Londres), 1839 : 333.— Gentleman’s Magazine, janv.-juin 1814 : 509.— DNB.— The royal military calendar, containing the service of every general officer in the British army, from the date of their first commission [...], John Philippart, édit. (3 vol., Londres, 1815–[1816]), 2–3.

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Robert J. Morgan, « AINSLIE, GEORGE ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ainslie_george_robert_7F.html.

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Auteur de l'article:    Robert J. Morgan
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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