STOUT, RICHARD, marchand, homme politique, juge et fonctionnaire, né vers 1756 ; le 4 décembre 1797, il épousa à Guysborough, Nouvelle-Écosse, Martha Wingate Weeks, et ils eurent cinq filles et un fils ; décédé le 26 octobre 1820 à Sydney, Nouvelle-Écosse.

Il semble que Richard Stout ait appartenu à une famille loyaliste de New York et il se peut que la femme de Jonathan Tremaine, loyaliste qui devint marchand à Halifax, ait été sa sœur. Stout arriva à l’île du Cap-Breton quelque temps avant décembre 1788, venant probablement de Halifax, en qualité de représentant et d’associé de Tremaine. On ne sait pas grand-chose des activités de leur compagnie, mais il semble que Stout ait importé surtout des marchandises générales. Comme les capitaux et les approvisionnements étaient rares dans la jeune colonie, il devint tout de suite un homme important et, le 25 avril 1791, il fut élu à la prestigieuse fonction de membre du conseil paroissial de l’église St George à Sydney.

En mai de l’année suivante, le lieutenant-gouverneur William Macarmick transféra le bail des mines de charbon de Sydney à la compagnie de Stout et de Tremaine, qu’il décrivit comme « la principale et, en fait, la seule respectable de cet endroit ». Les mines étaient bien connues depuis quelque temps, mais le gouvernement britannique s’était obstiné à ne pas les louer. Avant 1784, seulement l’armée, quelques petits mineurs et certains contrebandiers avaient exploité les gisements ; et ils l’avaient fait au petit bonheur, en creusant des puits qu’ils abandonnaient ensuite. En 1784, toutefois, le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres* avait fait entreprendre des travaux réguliers à l’endroit où se trouve présentement Sydney Mines. Son successeur, Macarmick, se plaignit de ce que les mines occasionnaient de lourdes dépenses au gouvernement et recommanda fortement de les louer à des intérêts privés. En janvier 1788, elles furent louées à un certain Thomas Moxley à la condition que des droits fussent versés au gouvernement sur chaque chaldron (36 boisseaux) de minerai extrait. La mise en valeur des mines se fit lentement parce que Moxley n’avait pas assez d’argent à investir ; Macarmick fut cependant encouragé en 1790, lorsque l’inspecteur général des forêts du roi en Amérique du Nord, John Wentworth, affirma dans un rapport que le charbon pouvait désormais concurrencer avantageusement le bois sur les marchés de la Nouvelle-Écosse. À la mort de Moxley, qui survint en 1792, Macarmick loua donc les mines à Stout et à Tremaine, qu’il jugeait en mesure de les exploiter plus efficacement et d’accroître ainsi les exportations de charbon. Le bail devait durer sept ans, après quoi Stout et Tremaine deviendraient locataires précaires. Le gouvernement devait toucher des droits de 5 shillings sur chaque chaldron de minerai. Dans le but de faciliter le transport du charbon et des approvisionnements, Stout se mit à construire des bateaux dans la localité avoisinante de Big Bras d’Or, et un navire au long cours y fut lancé en 1797.

Les mineurs que Stout engageait étaient des Irlandais qui avaient travaillé dans les pêcheries terre-neuviennes et ils étaient payés à même les provisions expédiées par Tremaine. James Miller, qui fut envoyé par le gouvernement britannique en 1792 pour surveiller l’exploitation des mines, rédigea en 1794 un rapport où il affirmait que les travailleurs, en vertu de ce système, devenaient « liés au magasin de l’employeur. De plus, ils [étaient] obligés d’y prendre des articles [...] qu’ils n’[avaient] pas l’occasion d’échanger [...] contre ceux dont ils [avaient] besoin. » À cause du prix élevé des provisions, les mineurs étaient constamment en dette avec Stout, lequel reconnaissait d’ailleurs que la plus grande partie de ses profits venait de ce commerce et non de la vente du charbon.

Comme les ouvriers de la mine n’avaient pas d’expérience, les méthodes de production inefficaces et ruineuses firent monter les coûts. Miller nota dans son rapport que Stout « ne connaissait absolument rien au domaine du charbon » et que les mines n’étaient pas exploitées dans toute la mesure de leur potentiel. Au lieu d’accroître l’efficacité, Stout s’arrangea pour que la pression retombât sur Macarmick en se déclarant dans l’impossibilité de rendre les mines rentables, et, en 1794, le lieutenant-gouverneur diminua les droits de un shilling par chaldron. Cette décision fit baisser les prix sans menacer les profits de Stout.

Il n’y avait pas que les mineurs qui étaient endettés envers Stout ; des fonctionnaires qui touchaient un traitement fixe, comme David Mathews*, étaient particulièrement dans le besoin et se trouvaient ainsi à dépendre du crédit que leur consentait Stout. Devenu administrateur de la colonie au départ de Macarmick en mai 1795, Mathews nomma Stout au Conseil exécutif en 1797 comme remplaçant de William McKinnon. Même si Stout s’efforça généralement d’éviter les querelles politiques qui étaient un véritable fléau dans la colonie, préférant veiller à ses propres intérêts, il se heurta au général de brigade John Murray*, le cinquième administrateur de la colonie. Ce dernier entra en fonction en 1799 et ne tarda pas à être convaincu que Stout laissait les mines décliner et que la production du charbon n’était pas assez rapide. Lorsqu’il demanda d’ouvrir de nouveaux puits, Stout déclara que l’exploitation du niveau où l’on travaillait déjà allait durer encore deux ans et que le besoin de nouveaux puits ne se ferait pas sentir avant le printemps suivant. Murray ne fut pas de cet avis et, prenant avantage des conditions du bail, il assuma lui-même la direction des mines au printemps de 1800. De plus, il mit fin à la pratique de Stout qui consistait à payer en nature, et les mineurs reçurent désormais un salaire régulier.

De tels gestes indisposèrent Stout, qui s’opposa par conséquent à Murray lorsque celui-ci tenta de conserver son poste malgré la candidature de John Despard*. Néanmoins, lorsque Despard obtint finalement cette fonction à l’automne de 1800 et qu’il décida de louer les mines à des intérêts privés, Stout ne retourna pas à l’exploitation minière. Et quand Tremaine fit une offre en vue de reprendre le bail en 1810, il ne se joignit pas à lui et se consacra plutôt au commerce d’importation. Stout perdit son siège au Conseil exécutif après le remplacement de Mathews au poste d’administrateur, mais il fut rétabli dans ses fonctions par Despard et demeura conseiller jusqu’en 1812, année au cours de laquelle il démissionna pour des raisons inconnues. Au printemps suivant, l’administrateur Hugh Swayne* renouvela sa nomination, cette fois au poste de doyen des conseillers ; il fut toutefois démis de ses fonctions en 1817 par le lieutenant-gouverneur George Robert Ainslie*. Sa mort coïncida avec la réannexion de l’île du Cap-Breton à la Nouvelle-Écosse. En plus de son siège au conseil, Stout avait occupé de nombreux postes moins importants mais dignes de mention, tels que ceux de juge en chef de la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments, de commissaire de l’escheat et de vérificateur intérimaire des comptes.

Il est difficile d’évaluer l’influence de Richard Stout à l’île du Cap-Breton. Puisqu’il était le plus gros marchand et le principal créancier de la colonie, et qu’il siégeait au Conseil exécutif, il jouissait très certainement d’un pouvoir personnel considérable. Mais comme ses contemporains n’ont guère commenté sa situation (encore que William Smith l’eût qualifié « de riche magasinier et de despote arrogant »), il faut croire que son influence s’exerçait d’une manière détournée. Il est évident, par ailleurs, que Stout s’enrichit à l’île du Cap-Breton, car il laissa par testament une somme de £4 500 à ses filles, ainsi que sa résidence de Sydney et une ferme avoisinante à son épouse. Les membres de sa famille firent partie, de l’élite de la société coloniale : une de ses filles épousa Hibbert Binney, rector de l’église St George, une autre se maria avec James Crowdy*, greffier du conseil, tandis qu’une troisième devint la femme de David Stewart, le dernier administrateur de l’île du Cap-Breton.

Robert J. Morgan

APC, MG 11, [CO 217] Cape Breton A, 10, 12.— PRO, CO 217/113 ; 217/117–118.— Morgan, « Orphan outpost ».

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Robert J. Morgan, « STOUT, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/stout_richard_5F.html.

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Auteur de l'article:    Robert J. Morgan
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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