ALLAIN, JEAN-BAPTISTE, prêtre catholique et missionnaire, né le 26 octobre 1739 à Granville, France, fils de Pierre Allain, menuisier, et de Jeanne De Lille ; décédé le 19 juin 1812 à Québec.

Après ses études chez les spiritains, Jean-Baptiste Allain est ordonné prêtre le 24 septembre 1763, puis œuvre dans l’évêché de Coutances, en France. En 1786, il reçoit de bonne grâce son obédience de missionnaire pour les îles Saint-Pierre et Miquelon où il se rend cette année-là. Le 10 octobre de l’année suivante, il sollicite un brevet de vice-préfet apostolique qu’il obtiendra par la suite. En 1792, au moment où les soubresauts de la Révolution française atteignent ces îles éloignées, Allain refuse de prêter serment à la nouvelle Constitution civile du clergé, tout comme son jeune collègue, François Lejamtel*, également originaire du diocèse de Coutances. En août, les deux prêtres regroupent quelques dizaines de familles acadiennes réfugiées dans ces petites îles et prennent la fuite dans des barges de pêche, puis trouvent refuge aux îles de la Madeleine. On peut donc les considérer comme les premiers prêtres français à avoir fui la Révolution pour trouver asile au Canada.

La première préoccupation des deux prêtres consiste à chercher un navire pour se rendre auprès de l’évêque de Québec, Mgr Hubert*, afin qu’il les prenne sous sa protection. Ce voyage s’avérant impossible, faute d’avoir pu trouver un bateau, ils s’en remettent, l’automne venu, au père James Jones de Halifax, bien heureux de l’arrivée de nouveaux prêtres dans la région du golfe du Saint-Laurent, où les catholiques, quoique peu nombreux, sont fort dispersés. Jones confie à Allain la mission des îles de la Madeleine avec desserte des Acadiens de Chéticamp, sur la côte ouest de l’île du Cap-Breton. Allain avait lui-même sollicité la mission des îles ; il avait même pris des arrangements avec une vingtaine de familles madelinotes. De son côté, Lejamtel se voit confier les missions d’Arichat, dans l’île du Cap-Breton, et de Tracadie, en Nouvelle-Écosse. Les autorités britanniques, estimant que ces prêtres français sont plus aptes que les missionnaires catholiques irlandais à diriger les Acadiens, leur permettent de s’installer, après leur avoir fait prêter le serment d’allégeance à la couronne britannique.

À l’été de 1793, Allain se rend à Québec pour quérir des ordonnances et divers objets nécessaires à l’activité pastorale des deux prêtres. De retour aux îles de la Madeleine, à Havre-Aubert, où il a établi sa résidence, il travaille à organiser sa petite mission. Il s’occupe de l’élection d’un premier conseil de fabrique et de la construction d’une chapelle et d’un presbytère. En juin 1794, il reçoit de Mgr Hubert des pouvoirs pastoraux supplémentaires. À quelques reprises au cours de l’été, il se rendra à Chéticamp et aussi à Magré (Margaree). Il en profite alors pour visiter son compagnon Lejamtel à Arichat.

Mais Allain songe à s’installer en permanence auprès de son collègue. « La fatigue du voyage et des infirmités d’âge et de tempérament, écrit-il, m’engagent a me réunir a luy le plutot que je pourrai. Cet endroit-ci d’ailleurs pourrais [...] perdre plusieurs de ses habitants. » En effet, à cette époque, les quelque 500 Acadiens des îles de la Madeleine, dont environ 200 viennent des îles Saint-Pierre et Miquelon, ont des problèmes avec le nouveau seigneur de l’endroit, Isaac Coffin*, qui demande de fortes redevances à ses censitaires pour les terres qu’ils occupent depuis leur arrivée. Cette situation conflictuelle ne semble pas étrangère à la décision que prend Allain de partir à l’automne de 1797 pour Chéticamp, où il passe l’hiver avant de rejoindre Lejamtel. Plessis*, coadjuteur désigné de l’évêque de Québec, lui écrit : « quelque utile que fût votre résidence au milieu de ce petit troupeau, on ne peut vous blâmer de vous en être mis à quelque distance pour votre propre sûreté ».

En juillet 1799, Allain manifeste le désir d’aller s’établir chez les 25 familles de Chéticamp, si aucun missionnaire n’est disponible pour les desservir. Au printemps de 1800, une délégation de l’endroit vient le voir à Arichat. Toutefois, comme celle-ci désire qu’il partage sa mission avec les gens de Magré, le vieux missionnaire refuse, car il porte peu d’estime à ces derniers et ne se sent pas en état de voyager. Les envoyés repartent donc bredouilles ; déçus, ils se plaignent à l’évêque, mais le prêtre ne prise pas du tout cette démarche.

Allain, souffrant d’asthme, semble un poids pour Lejamtel. Au printemps de 1808, Mgr Plessis, évêque de Québec, le prie de retourner aux îles de la Madeleine, car le desservant français, Gabriel Champion, vient de mourir. Obéissant au désir de son supérieur, Allain part au début de l’été, s’arrêtant au passage desservir les gens de Chéticamp. Aux îles de la Madeleine, il s’installe avec l’un de ses neveux qui l’aidera dans sa mission. Allain recense alors 68 familles aux îles.

Dès lors, Jean-Baptiste Allain demande son rappel à quelques reprises. Il souffre de pertes de mémoire et il a peur de mourir sans sacrements. Mais un successeur est difficile à trouver. Mgr Plessis écrit en 1808 : « L’exposé que nous fait Mr. Allain de l’état des Ides de la Magdeleine, n’est pas fort propre à y attirer un missionnaire. Point de chapelle, point de presbytère suffisant, une peuplade dans la frayeur que l’amiral Coffin ne l’opprime. Tout cela a fait peur à M. leFrançois [Alexis Lefrançois] qui devait y aller cette automne ou le printemps prochain. » Ce n’est qu’en 1812, quelque temps après avoir obtenu du gouverneur Craig la permission de rappeler Allain, que l’évêque de Québec dira au missionnaire, alors âgé de 72 ans, d’abandonner son poste. Au printemps de la même année, ce dernier quitte les îles pour se retirer à Québec, où il meurt le 19 juin à l’Hôpital Général.

Marc Desjardins

AAQ, 12 A, E : f.37r. ; G : f.21r. ; 20 A, II : 162 ; III : 75 ; IV : 12 ; 210 A, II : ff.25, 64, 78, 138 ; III : ff.33, 79, 82, 111 ; IV : ff.256–259 ; VI : f.268 ; VII : ff.25s., 32, 55, 307, 337, 449 ; 1 CB, II : 18, 29 ; 301 CN, I : 2, 4, 7, 9, 11–14, 18 ; 312 CN, VI : 23, 25, 29, 34, 43s., 46, 48–50, 70.— AN, Col., E, 3 (dossier J.-B. Allain).— Arch. municipales, Granville, France, État civil, Granville, 27 oct. 1739.— Mémoire sur les missions de la Nouvelle-Écosse, du Cap-Breton et de lÎle-du-Prince-Édouard de 1760 à 1820 [...] (Québec, 1895).— La Gazette de Québec, 25 juin 1812.— Allaire, Dictionnaire, 1.— Antoine Bernard, Histoire de la survivance acadienne, 1755–1935 (Montréal, 1935).— Anselme Chiasson, Chéticamp : histoire et traditions acadiennes (Moncton, N.-B., 1961).— N.-E. Dionne, Les ecclésiastiques et les royalistes français réfugiés au Canada à lépoque de la révolution, 1791–1802 (Québec, 1905).— Noël Falaise, « Les îles de la Madeleine : étude géographique » (thèse de d. ès l.., univ. de Montréal, 1954).— Paul Hubert, Les îles de la Madeleine et les Màdelinots (Rimouski, Québec, 1926).— Johnston, Hist. of Catholic Church in eastern NS., 1.— H. J. Koren, Knaves or knights ? A history of the Spiritan missionaries in Canada and North America, 1732–1839 (Pittsburgh, Pa., 1962).— Frédéric Landry, Capitaines des hauts-fonds (Ottawa, 1978).— Robert Rumilly, Histoire des Acadiens (2 vol., Montréal, 1955), 2.— Albert David, « Les spiritains à Saint-Pierre et Miquelon », BRH, 35 (1929) : 439 ; « Les spiritains dans l’amérique septentrionale au xviiie siècle » : 314 ; « Les spiritains en Acadie » : 460.

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Marc Desjardins, « ALLAIN, JEAN-BAPTISTE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/allain_jean_baptiste_5F.html.

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Auteur de l'article:    Marc Desjardins
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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