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COFFIN, sir ISAAC, officier de marine et seigneur, né le 16 mai 1759 à Boston, fils de Nathaniel Coffin, fonctionnaire des douanes, et d’Elizabeth Barnes ; le 3 avril 1811, il épousa Elizabeth Browne Greenly, après quoi il prit le nom et les armoiries des Greenly pendant deux ans ; décédé le 23 juillet 1839 à Cheltenham, Angleterre.
Enrôlé comme volontaire dans la station nord-américaine de la marine britannique en 1773, Isaac Coffin fut promu lieutenant à peine trois ans plus tard. Il commanda le schooner Placentia au large de Terre-Neuve en 1778–1779, survécut à la fin de 1779, sur la côte du Labrador, au naufrage d’un autre vaisseau armé placé sous son commandement, le Pinson, et servit en 1781, à titre de signal lieutenant du contre-amiral Mariot Arbuthnot*, sur le Royal Oak pendant des manœuvres au large du cap Henry, en Virginie. Le 3 juillet 1781, il accéda au grade de commander. En janvier suivant, à titre de volontaire, il participa, sous les ordres de sir Samuel Hood, à un brillant engagement au large de Saint Kitts, aux Antilles, et à compter du 13 juin, grâce à l’intervention de Hood, il commanda un navire de 74 canons, le Shrewsbury, en qualité de post captain.
De toute évidence, Coffin était un jeune officier compétent et, tout au long de sa carrière, il continua de faire preuve des aptitudes, de l’énergie et du courage qui lui avaient permis d’obtenir rapidement de l’avancement. Il ne manquait pas non plus de goût pour la controverse. Quelques semaines après son affectation sur le Shrewsbury, il refusa trois midshipmen non qualifiés que l’amiral lord Rodney, commandant en chef des Antilles, avait nommés lieutenants à son bord. Traduit devant un conseil de guerre le 29 juillet 1782, Coffin fut acquitté. En 1783, il se vit confier le commandement d’un plus petit navire, l’Hydra, qu’il désarma en Angleterre avant d’être mis à la demi-solde.
En 1786, Coffin reprit la mer à titre de commandant du Thisbe, sur lequel il conduisit lord Dorchester [Carleton*] au Canada. Deux ans plus tard, le capitaine du navire, décidé à lui nuire, l’accusa de signer de faux rôles d’équipage. Cette pratique était courante, mais Coffin affirma avoir agi de bonne foi. Néanmoins, on prouva l’accusation, et un conseil de guerre le condamna à être destitué de son commandement. Le premier lord de l’Amirauté, lord Howe, exigea ensuite qu’on le licencie ; après un appel de Coffin, on déclara cette ordonnance illégale. Howe réintégra alors Coffin dans ses fonctions ; il « n’estim[ait] pas judicieux d’exercer arbitrairement le droit de l’Amirauté en le renvoyant de la marine ». Le cas de Coffin fit jurisprudence pour ce qui était des limites de l’ingérence de l’Amirauté dans les sentences prononcées en conseil de guerre.
En 1790, Coffin prit le commandement de l’Alligator (20 canons). L’année suivante, il ramena Dorchester en Angleterre puis on le remit à la demi-solde jusqu’à la reprise des hostilités en 1793 ; on l’affecta alors au commandement du Melampus (36 canons). En 1794, une blessure qu’il s’était infligée vers 1790, en sautant par-dessus bord pour sauver la vie d’un marin, s’aggrava ; dès lors, il ne fut plus jamais apte au service actif. En 1795, il devint regulating captain à Leith, en Écosse ; en octobre de la même année, il alla occuper un poste de commissaire civil de la marine en Corse. Évacué à Lisbonne lorsque la Corse tomba aux mains des Français en 1796, il servit à cet endroit puis, en 1798, à Minorque. L’année suivante, on le nomma commissaire du chantier maritime de Sheerness, en Angleterre, mais on l’envoya à Halifax, où il assura l’intérim pendant l’absence de Henry Duncan*, commissaire résidant du chantier maritime. Celui-ci, qui était en Angleterre pour y recevoir des soins médicaux, assuma la charge de Coffin à Sheerness.
L’amiral lord St Vincent allait déclarer en 1800 « il ne faut rien de moins qu’un grand ménage dans nos chantiers maritimes, et cela ne peut se faire qu’en temps de paix ». Déjà, Coffin avait appliqué des réformes radicales au chantier de Halifax. En décembre 1799, il avait rapporté de graves irrégularités et constaté que « la porte était par conséquent ouverte à toutes les formes de fraudes et de détournements de fonds ». Il défendit alors aux maîtres principaux et aux marins de prendre des provisions pour les navires sans qu’il y ait surveillance, retira aux capitaines le droit d’émettre des ordres à l’intention des officiers du chantier, commença à distribuer les vivres et l’alcool tous les mois, et non tous les trimestres, afin de limiter les beuveries et insista pour que le radoub des bâtiments se fasse conformément aux règlements du Navy Board. Ensuite, il élimina les chevaux du chantier (le transport par barque coûtait moins cher), congédia 50 ouvriers, dressa l’inventaire des stocks du maître adjoint et décréta que seuls ceux qui y avaient à faire auraient le droit de s’embarquer et de débarquer au chantier. Cependant, le clou de ses réformes fut le congédiement du maître constructeur de navires, Elias Marshall, qui avait 48 ans de service, dont 37 au chantier de Halifax.
En avril 1800, Coffin retourna en Angleterre en emportant, pour les préserver de la « perte », les preuves qui avaient motivé ses interventions, ce qui n’empêcha pas Duncan et l’amiral sir William Parker, commandant en chef à Halifax, de rappeler certains de ceux qu’il avait congédiés, dont Marshall, « car le public a[vait] très peu souffert de ses écarts de conduite ». Coffin occupa alors sa charge de commissaire du chantier maritime de Sheerness, où il se montra si efficace et énergique qu’on le rappela pour le service en mer (généralement interdit aux commissaires civils). Le 23 avril 1804, on le promut contre-amiral de l’escadre blanche. Le 19 mai, il reçut un titre de baronnet et devint amiral inspecteur à Portsmouth ; il occupa le poste jusqu’au 28 avril 1808 et ce fut son dernier dans la marine.
Promu vice-amiral de l’escadre bleue, Coffin accumula les grades d’officier général jusqu’à ce qu’il devienne amiral de l’escadre le 4 juin 1814. De 1818 à 1826, il fut député de la circonscription d’Ilchester. En 1832, il reçut la grand-croix de l’ordre des Guelfes. Devenu veuf le 27 janvier 1839, il mourut le 23 juillet suivant.
En 1787, Coffin avait attiré l’attention du Conseil législatif de Québec sur le fait que les Américains exploitaient les pêcheries des îles de la Madeleine et que le commerce illicite y florissait. Un comité du conseil, sous la présidence du juge en chef William Smith*, recommanda d’adopter la solution qu’avait mise de l’avant Coffin : faire en sorte qu’il devienne propriétaire des îles. L’affaire traîna ensuite jusqu’à ce que Coffin la soumette à la Trésorerie, à Londres, en 1795. Celle-ci conclut que, « si on ne concédait pas les pêcheries de ces îles à un individu, elles ne rapporteraient aucun bénéfice et seraient exploitées aussi bien par des étrangers que par des sujets de Sa Majesté ». Le 24 avril 1798, Coffin devint seigneur des Îles-de-la-Madeleine. En vertu de ses lettres patentes, il devait permettre aux pêcheurs d’accéder librement aux plages et aux rives.
Étant donné les qualités professionnelles de Coffin et sa présumée connaissance des pêches, on escomptait un grand « bénéfice public » de son accession à la propriété des îles. Pourtant, comme il était un propriétaire absentéiste qui n’agissait que par l’entremise de représentants, il n’eut que des ennuis. À l’instar d’autres personnes d’origine britannique qui avaient des propriétés en Amérique du Nord britannique, il voulait des colons anglophones, mais les îles ne leur offraient que peu d’attraits. Les Acadiens de l’endroit, qui faisaient la pêche au morse, au phoque et à la morue, acceptaient à contrecœur que les directives viennent désormais de Québec, et non plus de Terre-Neuve, et résistaient au paiement d’un loyer. Après sa première et unique visite aux îles, en 1806, Coffin tenta en vain de faire déporter 22 familles venues de Saint-Pierre et Miquelon en 1792 avec un prêtre, Jean-Baptiste Allain*, sous prétexte que ces gens étaient des « Français ennemis du Roi qui [...] défi[aient] ouvertement toute loi et [faisaient] de la contrebande avec les Américains, au grand détriment des sujets de Sa Majesté ». En 1822, comme son investissement ne lui avait rien rapporté, il tenta de vendre ou de louer les îles aux États-Unis. Deux ans plus tard, il songea à y installer des amis et des parents du Massachusetts. En 1828, il proposa d’annexer les îles à la Nouvelle-Écosse afin de faciliter l’administration de la justice. Aucune de ces idées ne fut retenue.
L’entreprise des Îles-de-la-Madeleine échoua, en grande partie parce que le régime seigneurial connaissait beaucoup de vicissitudes et parce que le gouvernement britannique, bien que prêt à admettre le bien-fondé des réclamations de sir Isaac Coffin, n’était pas sympathique à sa cause. Lord Dalhousie [Ramsay] trouvait qu’il faisait là « une folle spéculation ». Après une visite aux îles en 1831, le lieutenant Frederick Henry Baddeley* fit allusion aux critiques que Coffin et d’autres avaient formulées sur les Madelinots et nota : « la contrebande, dans ces îles, n’est guère une infraction à la loi, car aucune loi sinon la loi de Dieu ne leur est enseignée [...] Tant qu’ils seront laissés [...] à eux-mêmes, il sera injuste de les priver de l’avantage qu’offre un commerce libre. » En assumant sa charge de seigneur avec la mentalité propre à un capitaine de la marine et à un fils de fonctionnaire des douanes, Coffin croyait bien faire, mais il ne comprenait pas ses censitaires et il laissa un héritage archaïque à ses successeurs. La situation dans laquelle il se trouvait à titre de seigneur est d’autant plus ironique que l’on se souvient surtout de lui à cause du zèle réformiste qui marqua sa carrière dans la marine.
APC, RG 1, L3L : 30884–30885, 30892, 30906, 30913, 30922–30935.— NMM, C. G. Pitcairn-Jones, notes on sea officers.— PRO, ADM 1/494–495 ; 12/22/443 ; 106/2027–2028 ; CO 42/123 ; 42/131 ; 42/192 ; 42/202 ; 42/221 (mfm aux APC).— F. H. Baddeley, « On the Magdalen Islands, being the substance of four reports », Literary and Hist. Soc. of Quebec, Trans., 3 (1832–1837) : 128–190.— Gentleman’s Magazine, janv.–juin 1840 : 205–206.— [John Jervis, 1er comte de] St Vincent, Letters of Admiral of the Fleet the Earl of St. Vincent whilst first lord of the Admiralty, 1801–1804 [...], D. B. Smith, édit. (2 vol., Londres, 1922–1927).— Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw), 1 : 115–116.— DNB.— G.-B., Admiralty, The commissioned sea officers of the Royal Navy, 1660–1815, [D. B. Smith et al., édit.] (3 vol., s.l., [1954]).— Marshall, Royal naval biog., 1 : 229.— Paul Hubert, les Îles de la Madeleine et les Madelinots (Rimouski, Québec, 1926).— Robert Rumilly, les Îles de la Madeleine (Montréal, 1941 ; réimpr., 1951).— David Spinney, Rodney (Londres, 1969).
W. A. B. Douglas, « COFFIN, sir ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_isaac_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_isaac_7F.html |
Auteur de l'article: | W. A. B. Douglas |
Titre de l'article: | COFFIN, sir ISAAC |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 1988 |
Date de consultation: | 5 déc. 2024 |