BELLOT, JOSEPH-RENÉ, officier de marine, explorateur et auteur, né le 18 mars 1826 à Paris, un des quelque sept enfants d’Étienne-Susanne-Zacharie-Brumaire Bellot, maréchal-ferrant, et d’Adélaïde-Estelle Laurent ; décédé célibataire le 18 août 1853 dans le détroit de Wellington (Territoires du Nord-Ouest).

Joseph-René Bellot avait cinq ans lorsque sa famille quitta Paris pour aller s’établir à Rochefort. Il obtint de à bons résultat à l’école, et son professeur, impressionné par son talent, persuada le maire que la ville devait subventionner son entrée au collège de Rochefort, où il reçut une formation que les moyens limités de son père ne lui auraient pas permis d’acquérir. La ville de Rochefort continua de l’aider financièrement lorsqu’il entra à l’École navale de Brest le 10 novembre 1841. Il termina ses études à cet endroit le 1er septembre 1843 et passa les six mois qui suivirent à bord des navires dans le port de Brest.

En juin 1844, Bellot s’embarqua comme élève de marine sur la corvette Berceau qui partait pour l’océan Indien. Pendant ce voyage, il fut sérieusement blessé au cours d’une attaque menée conjointement par les navires français et britanniques contre le port de Tamatave, à Madagascar, le 15 juin 1845 ; le rôle qu’il joua dans ces événements lui valut d’être créé chevalier de la Légion d’honneur le 2 décembre 1845. Après avoir servi quelque temps à bord de la frégate Belle-Poule en 1846, Bellot revint en France et fut promu enseigne de vaisseau le 1er novembre 1847. Il fit du service pendant deux ans sur la corvette Triomphante, puis il retourna à Rochefort le 25 août 1850.

Durant la période d’inactivité qu’il connut après son retour en France, Bellot se mit à s’intéresser aux recherches menées en vue de retrouver sir John Franklin*, perdu dans l’Arctique depuis 1845. Jusqu’en 1850, ces recherches n’avaient été effectuées que par des pays de langue anglaise, et Bellot estimait que l’intérêt de la France et des marins de partout devait également se manifester. À la mi-mars 1851, il écrivit à lady Franklin [Griffin*], qui était à organiser sa seconde expédition de recherches privée, et à William Kennedy*, trafiquant de fourrures canadien qui devait diriger celle-ci, pour leur exprimer sa sympathie et proposer ses services à titre de volontaire. L’offre de Bellot, bien que fermement appuyée par ses supérieurs et par l’ambassadeur de France à Londres, suscita d’abord l’opposition des conseillers de lady Franklin à l’Amirauté, lesquels craignaient que la présence d’un officier étranger à bord d’un navire britannique puisse entraîner des problèmes de discipline et de préséance. Kennedy, par contre, était favorable à l’engagement de Bellot, ne fût-ce que pour ses talents de navigateur. Finalement, le 1er mai, soit peu de temps avant que le navire de recherches Prince Albert ne prenne la mer, lady Franklin et Kennedy l’invitèrent prudemment à venir les rencontrer.

Bellot fit aussitôt impression sur lady Franklin, et celle-ci confirma son engagement après leur première entrevue. De plus, avant que le navire n’ait quitté Stromness, dans les Orcades, le 3 juin 1851, Bellot avait gagné la confiance et l’affection de tout le monde autour de lui. La nièce de Franklin, Sophia Cracroft, écrivit à son sujet : « nous sommes vraiment très attachés à lui – sa gentillesse, sa simplicité et son dévouement le rendent très sympathique ».

Les craintes qu’avaient exprimées les conseillers de lady Franklin s’atténuèrent davantage lorsque le navire atteignit l’Arctique, car Bellot eut bientôt l’occasion de montrer qu’il pouvait commander l’équipage britannique en l’absence de Kennedy. Le 9 septembre, ce dernier prit avec lui un petit groupe de marins et débarqua au havre Leopold, sur la côte nord-est de l’île Somerset (Territoires du Nord-Ouest) ; pendant ce temps, les glaces emportèrent le Prince Albert vers le sud. Ayant vainement tenté de maintenir le navire aux alentours du havre Leopold, Bellot fut contraint de mouiller dans la baie Batty, à environ 50 milles au sud, d’où il partit immédiatement à pied avec une équipe de sauveteurs. Le mauvais temps l’obligea à revenir au Prince Albert où il fit des préparatifs en vue d’un nouvel essai. Après un deuxième échec, il parvint finalement à diriger un groupe par voie de terre jusqu’au havre Leopold, effectuant le voyage d’aller et retour à la mi-octobre.

Kennedy entreprit les recherches en traîneau le 5 janvier 1852. Bellot fit avec lui une excursion préliminaire à la plage Fury et l’accompagna également lors de l’expédition principale en traîneau qui débuta le 25 février. Cette expédition de 1 100 milles fut l’une des plus longues parmi celles que l’on mena en vue de retrouver Franklin. Les voyageurs se dirigèrent vers le sud jusqu’à la baie Brentford où ils découvrirent, entre l’île Somerset et la péninsule de Boothia, un détroit qui reçut le nom de Bellot. Après avoir atteint le détroit de Peel, ils poursuivirent leur route vers l’ouest et traversèrent l’île du Prince-de-Galles, puis ils revinrent au détroit de Peel et obliquèrent vers le nord jusqu’au cap Walker. Pour regagner le Prince Albert, ils suivirent les côtes nord et est de l’île Somerset et arrivèrent à la baie Batty le 30 mai. Ce périple, et particulièrement la découverte du détroit de Bellot qui fit connaître l’endroit le plus au nord du continent américain, constitua le point culminant du voyage. Le 6 août, ils firent voile vers la Grande-Bretagne. Après une brève escale à l’île Beechey, le Prince Albert arriva sans encombre à Aberdeen le 7 octobre.

Le voyage avait entièrement justifié l’appui que Kennedy avait donné dès le début à Bellot. Celui-ci avait montré « la vivacité, l’intelligence et la bonne humeur d’un officier français », ce que Kennedy attendait de lui, et la conjugaison de leurs talents pour les expéditions en traîneau et pour la navigation avait fait d’eux d’excellents compagnons de voyage. La participation de Bellot à cette aventure fut largement acclamée comme un symbole de l’amitié anglo-française ; il fut nommé fellow de la Royal Geographical Society à titre de correspondant étranger et, à son retour en France, il apprit qu’il avait été promu lieutenant de vaisseau le 3 février 1852. De Paris, il échangea régulièrement des lettres avec lady Franklin, pour laquelle il éprouvait désormais une affection presque filiale, et il lui raconta les efforts qu’il faisait pour convaincre le gouvernement français de mettre sur pied une expédition de recherches. Ces efforts ayant échoué, il adressa une requête à lady Franklin le 1er avril 1853, lui faisant part de son désir de se joindre à l’expédition qui allait être menée par le capitaine Edward Augustus Inglefield à bord du Phoenix ; sur la recommandation de lady Franklin, l’Amirauté agréa cette demande sans faire de difficultés.

Inglefield devait apporter des provisions et des dépêches aux cinq navires qui composaient l’expédition de recherches dirigée par sir Edward Belcher* et qui hivernaient à divers endroits de l’Arctique. Le Phoenix rejoignit l’un des bâtiments, le ravitailleur North Star, à l’île Beechey le 8 août 1853 et, quatre jours plus tard, Bellot partit à pied avec quatre hommes en vue de remettre des messages à Belcher qui se trouvait alors dans le détroit de Wellington. Le 17 août, Bellot et deux des hommes partirent à la dérive sur un banc de glace. Ils construisirent un abri pour la nuit et, le lendemain matin, Bellot sortit pour examiner la glace. Un des hommes voulut aller le rejoindre, mais il ne trouva que son bâton sur une glace voisine ; Bellot était apparemment tombé entre deux bancs de glace et s’était noyé.

Durant la courte période où Joseph-René Bellot avait travaillé dans l’Arctique, son amabilité toute simple et son dévouement passionné pour une cause étrangère avaient suscité l’affection profonde de lady Franklin, l’admiration de Kennedy ainsi que la confiance et l’amitié de tous ses compagnons de bord. Lorsque la nouvelle de sa mort parvint en Europe, des témoignages tout aussi chaleureux se manifestèrent en bien plus grand nombre. Des souscriptions venant des deux côtés de la Manche, sur l’initiative de Napoléon III lui-même, empereur des Français, contribuèrent à soulager financièrement sa famille dans le besoin ; la ville de Rochefort érigea un monument à sa mémoire et ses nombreux admirateurs en Grande-Bretagne élevèrent un obélisque en son honneur près du Greenwich Hospital, sur la rive sud de la Tamise. Le récit de l’expédition de 1851–1852 que Bellot rédigea sous le titre de Journal d’un voyage aux mers polaires [...] fut publié en 1854, après sa mort, et une traduction anglaise de l’ouvrage parut en 1855.

Clive Holland

Joseph-René Bellot est l’auteur de : Journal d’un voyage aux mers polaires exécuté à la recherche de sir John Franklin, en 1851 et 1852 [...] précédé d’une notice sur la vie et les travaux de l’auteur par M. Julien Lemer (Paris, 1854 ; nouv. édit., Oxford, Angl., 1907). Le volume a ensuite été traduit en anglais et publié sous le titre de Memoirs of Lieutenant Joseph René Bellot [...] with his journal of a voyage in the polar seas, in search of sir John Franklin, [Julien Lemer, édit.] (2 vol., Londres, 1855). Une autre édition française de l’ouvrage a paru quelques années plus tard sous le titre de Voyage aux mers polaires à la recherche de sir John Franklin [...], introd. de Paul Boiteau (Paris, 1880).

Scott Polar Research Institute (Cambridge, Angl.), ms 248/107, 1er mars–30 mai 1851 ; ms 248/247/23, 30 mai–4 juin 1851 ; ms 248/348/1–5, 1852–1853 ; ms 248/349, 30 oct. 1852 ; ms 887 ; « Encyclopedia arctica », Anne Fraser et Mical O’Maher, édit. (ms., Ann Arbor, Mich., 1974) (mfm).— G.-B., Parl., Command paper, 1854, 42, [nº 1725] : 101–331, Papers relative to the recent Arctic expeditions in search of sir John Franklin and the crews of H.M.S. Erebus and Terror.— William Kennedy, A short narrative of the second voyage of the Prince Albert, in search of sir John Franklin [...] (Londres, 1853).— Memoir of the late Lieutenant Bellot [...] to accompany his engraved portrait ; from the original picture, painted expressly for lady Franklin, by Stephen Pearce, and engraved by James Scott (Londres, 1854).— Maurice Hodgson, « Bellot and Kennedy ; a contrast in personalities », Beaver, outfit 305 (été 1974) : 55–58.— Mary Kennedy, « Lieutenant Joseph René Bellot, knight of the Legion of Honour », Beaver, outfit 269 (juin 1938) : 43–45.— F. J. Woodward, « Joseph René Bellot, 1826–53 », Polar Record (Cambridge), 5 (janv. 1947-juill. 1950) : 398–407.

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Clive Holland, « BELLOT, JOSEPH-RENÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bellot_joseph_rene_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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