BLANSHARD, RICHARD, gouverneur de l’île de Vancouver, né le 19 octobre 1817 à Londres, fils de Thomas Henry Blanshard, marchand aisé ; le 19 mai 1852, il épousa Emily Hyde, d’Aller, Somerset, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 5 juin 1894 dans sa ville natale.

Richard Blanshard obtint une licence ès arts de Cambridge en 1840 et une maîtrise ès arts quatre ans plus tard. Admis à la Lincoln’s Inn en 1839, il fut reçu au barreau le 22 novembre 1844. Au lieu d’exercer le droit, il choisit de voyager et passa « au delà de deux ans » aux Antilles. Il servit en Inde pendant la deuxième campagne contre les sikhs, en 1848–1849, et fut décoré pour bravoure. L’armée britannique lui offrit un brevet d’officier, mais il préféra rentrer en Angleterre. Un parent, peut-être ami de sir John Henry Pelly, gouverneur de la Hudson’s Bay Company à Londres, lui avait écrit que cette compagnie était sur le point de coloniser l’île de Vancouver et lui avait laissé entendre qu’il pourrait en devenir le premier gouverneur. Blanshard arriva à Londres à la fin de juin 1849 et Pelly s’empressa de recommander sa nomination. Son mandat était daté du 16 juillet. Il acceptait d’occuper le poste sans rémunération car on lui promettait une concession de 1 000 acres dans la colonie.

Au lieu de prendre le navire de la Hudson’s Bay Company qui faisait le ravitaillement une fois l’an, Blanshard embarqua sur la malle des Antilles jusqu’à Panama, puis de là jusqu’au Pérou, où il monta à bord d’un vaisseau de guerre britannique, le Driver. À son arrivée au fort Victoria (Victoria), en mars 1850, les choses s’annonçaient mal : une tempête exceptionnelle en cette saison avait recouvert la région d’un pied de neige, et la jeune colonie n’avait nul endroit où le loger. Le 11 mars, il lut officiellement son mandat et ses instructions à une assemblée de sujets britanniques. Quelques jours plus tard, l’agent principal James Douglas* confia au gouverneur de la Hudson’s Bay Company, sir George Simpson* : « Il est plutôt saisi par l’aspect sauvage de la contrée, mais s’y habituera. »

Le séjour de Blanshard allait être aussi malheureux que bref. La compagnie avait d’abord recommandé de nommer Douglas gouverneur, mais le ministère des Colonies, cédant inopinément aux pressions politiques exercées en Grande-Bretagne contre le choix d’un employé de la compagnie, avait obligé celle-ci à trouver un autre candidat. Néanmoins, elle confia à Douglas le mandat de diriger les affaires de la colonie en son nom conformément à la charte dont elle disposait. En pareilles circonstances, les conflits entre les deux hommes étaient quasi inévitables. La situation était d’autant moins simple que les administrateurs de la compagnie à Londres ne saisissaient pas toujours les réalités de la colonie. Par exemple, ils avaient promis une résidence officielle à Blanshard, sans songer que Douglas n’avait ni la main-d’œuvre ni les ressources nécessaires pour lui en faire construire une avant son arrivée. Blanshard dut donc rester à bord du Driver puis s’installer dans un entrepôt vide, au fort, où il habita jusqu’à la fin des travaux, à l’automne. Sidéré dès le début par le coût de la vie, il fut particulièrement ennuyé d’apprendre que le magasin de la Hudson’s Bay Company pratiquait des prix discriminatoires à l’endroit de ceux qui n’étaient pas ses employés. Son mécontentement s’accrut encore lorsque Douglas l’informa que le grand terrain qu’il s’attendait à recevoir serait un domaine attaché à ses fonctions et non une propriété qu’on lui concéderait à titre personnel.

Le ministère des Colonies avait donné instructions à Blanshard de former un Parlement bicaméral, mais il ne tarda pas à découvrir que presque tous les résidents étaient des employés de la compagnie et que peu d’entre eux possédaient même assez de biens pour avoir le droit de vote. Aussi, écrivit-il à son patron, lord Grey, les seules personnes éligibles au conseil seraient « sous l’entière domination de leurs fonctionnaires supérieurs ». Il décida donc de ne pas agir avant d’avoir eu d’autres directives. Comme il n’y avait pas de colons indépendants, son travail de gouverneur se réduisait en fait à presque rien. Par ailleurs, moins il s’entendait avec Douglas, plus il fréquentait les détracteurs, de plus en plus nombreux, de la Hudson’s Bay Company, dont Edward Edwards Langford et Robert John Staines*.

Entre-temps, la détérioration des rapports entre les mineurs de charbon et la Hudson’s Bay Company au fort Rupert (près de ce qui est aujourd’hui Port Hardy) avait amené Blanshard à intervenir dans le seul domaine où il avait quelque latitude, soit l’administration de la justice. Les mineurs s’adressèrent à lui en faisant valoir que le fonctionnaire de la compagnie qui dirigeait la mine avait incarcéré illégalement deux de leurs collègues par suite d’un arrêt de travail survenu en avril 1850 [V. Andrew Muir*]. Blanshard nomma le chirurgien de la compagnie John Sebastian Helmcken* juge stipendiaire du district et le chargea d’enquêter sur l’affaire. Avant que Helmcken ait pu faire quoi que ce soit, les mineurs partirent pour la Californie. Au cours de ses enquêtes ultérieures, trois marins de la compagnie qui avaient déserté et s’étaient réfugiés dans les bois pour échapper à la justice furent tués par des Indiens. En lisant les rapports déroutants et contradictoires qu’il reçut par la suite, Blanshard acquit la conviction que les fonctionnaires de la compagnie plaçaient les intérêts de leur employeur au-dessus des intérêts de la colonie. Il dut attendre jusqu’en octobre qu’un bâtiment de la marine royale l’escorte jusqu’au fort Rupert. Lorsqu’un détachement de la marine débarqua afin d’aller négocier avec les Indiens newitty la reddition de ceux que l’on soupçonnait d’avoir tué les trois marins, les Indiens s’enfuirent de leur village, que les Blancs incendièrent. L’été suivant, Blanshard ordonna la destruction d’un autre village newitty, ce à quoi les Indiens réagirent en exécutant eux-mêmes les suspects. Le ministère des Colonies se plaignit ensuite à Blanshard de l’impropriété de ces châtiments aveugles.

Durant tout son séjour à l’île de Vancouver, Blanshard eut de « constants accès de fièvre », et à son retour du fort Rupert au fort Victoria, en novembre, il tomba gravement malade après avoir passé sept jours dans un canot découvert. Il offrit sa démission et demanda la permission de quitter la colonie, mais la réponse se fit attendre neuf mois. Pendant cette période, aux côtés des détracteurs de la compagnie, il se querella avec Douglas au sujet de la quantité de terres revendiquées par celle-ci à titre de réserves pour la traite des fourrures. Il se plaignit qu’elle faisait exprès de retarder l’arpentage et réussit à embarrasser Douglas en signalant une irrégularité dans les prix des marchandises utilisées pour la traite avec les Indiens. En 1851, à la demande de la compagnie et d’un groupe de colons indépendants, il nomma un conseil formé de Douglas, du chef de poste John Tod* et de James Cooper*, qui se réunit pour la première fois le 30 août. Deux jours plus tard, il quittait la colonie à bord du Daphne. En franchissant l’isthme de Panama, son bateau fit naufrage sur le fleuve Chagres, si bien qu’il perdit la plus grande partie de ses bagages. Comble de malheur, à son arrivée à Londres, en novembre, il apprit qu’il devait rembourser environ £300 pour son voyage de retour.

Une fois en Angleterre, Richard Blanshard se maria ; apparemment, il hérita par la suite de la succession de son père. En 1857, il témoigna contre la Hudson’s Bay Company devant le comité spécial du Parlement britannique sur les affaires de cette compagnie [V. sir George Simpson]. À ce moment-là, il vivait dans son domaine rural de Fairfield, dans le Hampshire, et possédait dans l’Essex un autre domaine de 1 000 acres. Il semble qu’après la mort de sa femme, en 1866, il passa la plus grande partie de son temps dans l’Essex et à Londres. Affligé d’une mauvaise santé et peut-être de cécité totale, il mourut à l’âge de 76 ans. Sa succession, qui valait plus de £130 000, alla à une nièce et à un neveu.

James E. Hendrickson

Les seuls documents qui subsistent concernant Richard Blanshard sont sa correspondance avec le ministère des Colonies (PRO, CO 305, particulièrement 305/2 : 49 et suivantes) et quelques documents du temps où il était gouverneur de l’île de Vancouver (PABC, Add. mss 611). À cela il faut ajouter les James Douglas papers des PABC, particulièrement ses lettres au siège social de la Hudson’s Bay Company (PABC, A/C/20/Vi2 et HBRS, 32 (Bowsfield) et la lettre de Douglas à Simpson datée du 20 mars 1850 (PAM, HBCA, D5/27) ; et Helmcken, Reminiscences (Blakey Smith et Lamb). Blanshard a aussi présenté un bref témoignage devant le comité spécial sur la Hudson’s Bay Company (Voir G.-B., Parl., House of Commons paper, 1857, Reports (session ii), 15, nos 224, 260).

Parmi les études utiles de la carrière de Blanshard, on trouve : W. E. Ireland, « The appointment of Govemor Blanshard », BCHQ, 8 (1944) : 213–226 ; W. K. Lamb, « The governorship of Richard Blanshard », BCHQ, 14 (1950) : 1–40 ; et l’introduction de Margaret A. Ormsby à HBRS, 32. Son rôle dans l’affaire du fort Rupert est à la fois compliqué et controversé. Le résumé le plus complet figure dans l’ouvrage de B. M. Gough, Gunboat frontier : British maritime authority and northwest coast Indians, 1846–1890 (Vancouver, 1984), 32–49, mais il faut aussi voir celui de R. [A.] Fisher, Contact and conflict : Indian-European relations in British Columbia, 1774–1890 (Vancouver, 1977), 49–53. Une brève note sur Blanshard apparaît dans Alumni oxonienses ; the members of the University of Oxford, 1715–1886 [...], Joseph Foster, compil. (4 vol., Oxford, Angl., et Londres, 1888).  [j. e. h.]

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James E. Hendrickson, « BLANSHARD, RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/blanshard_richard_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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