Titre original :  Samuel Codner

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CODNER, SAMUEL, capitaine de navire, homme d’affaires et philanthrope, baptisé le 16 février 1776 à Kingskerswell, Angleterre, fils de Daniel Codner et d’une prénommée Joan ; décédé le 5 août 1858 à Dartmouth, Angleterre.

Même s’il naquit à Weston-super-Mare, sur la côte ouest de l’Angleterre, Samuel Codner appartenait à une famille originaire de Kingskerswell, dans le Devon, région où la pêche à la morue à Terre-Neuve était une vieille tradition. Il n’est donc pas étonnant que, à l’âge de 12 ou 13 ans, il ait entrepris une carrière dans la marine en allant rejoindre son père, son oncle et deux frères à St John’s. À cette époque, la famille possédait trois navires : un brigantin de 92 tonneaux et un brick de 118 tonneaux servant à la pêche, ainsi qu’un bateau de 46 tonneaux utilisé pour transporter des passagers à Terre-Neuve et à l’occasion pour pêcher sur le Grand Banc. Samuel accéda rapidement au rang de capitaine de navire et, en 1794, il était le représentant à St John’s de la Daniel Codner and Company.

Après la mort du père de Samuel en 1799, la firme conserva le nom de Daniel Codner and Company jusqu’à ce que sa mère meure en 1811. À ce moment là, l’administration de la succession et la direction de la firme échurent à Samuel, qui retourna en Angleterre où il finit par établir sa résidence permanente. Ses capitaines et ses divers associés, notamment Robert Alsop de Newton Abbot, en Angleterre, et William Bond, dirigèrent la compagnie à Terre-Neuve. Durant les huit années qui suivirent, la firme fut connue sous les noms de Samuel Codner and Company et de Codner, Alsop and Company ; les principaux actionnaires étaient des parents de Samuel et des collègues comme Alsop. En 1819, toutefois, Codner se mit à faire du commerce pour son propre compte, d’abord à partir de Teignmouth, et ensuite, après 1828, à partir de Dartmouth.

Les premières étapes de la carrière de Codner furent marquées par une très grande instabilité de la pêche commerciale. Le prix de la morue, qui s’était effondré dans les années 1790–1792, se rétablit quelque peu pendant les guerres de la Révolution française, période durant laquelle Codner apporta deux modifications importantes à ses entreprises terre-neuviennes. D’abord, à l’exemple de plusieurs autres grandes sociétés, comme la John Slade and Company et la Noble and Pinson, il établit une pêcherie sur la côte du Labrador ; ensuite, mettant à profit l’augmentation du nombre d’habitants à Terre-Neuve, il devint un gros importateur de provisions, de vêtements et d’équipement de pêche. Malgré des revers de fortune, comme la perte de neuf navires de haute mer de 1806 à 1815, Codner poursuivit ses activités commerciales à Terre-Neuve jusqu’en 1844, y compris son entreprise de pêche au saumon et à la morue au Labrador. À partir de 1815, le gros de son commerce se fit à St John’s ; de cette ville, ses navires transportaient du poisson salé vers l’Espagne, le Portugal et les Antilles, et ils apportaient du sel et du charbon d’Angleterre, de même que du blé, du pain et des biscuits d’Allemagne. À partir des années 1820, toutefois, Codner se spécialisa dans l’importation des « marchandises de Bridport », de la toile à voile, des cordages, des filets et du fil, en provenance de l’ouest du Dorset, ainsi que des articles de toile du Devon. Tout en mettant sur pied cette entreprise lucrative à St John’s, Codner n’en continuait pas moins de participer au commerce côtier de Teignmouth.

Même si sa compagnie fut l’une des plus importantes maisons d’affaires de St John’s durant plus de trois décennies, c’est en fondant la Newfoundland School Society, organisme qui exerça une forte influence sur le développement de l’éducation et de la culture des habitants de l’île que Codner fit sa marque dans l’histoire de Terre-Neuve. Le fait d’avoir habité à St John’s de 1801 à 1811 permit sans aucun doute à Codner de constater le manque d’écoles et d’organisations culturelles ; en 1804, il avait donné son appui à la St John’s Charity School [V. sir Erasmus Gower*]. Si l’on excepte les écoles et quelques établissements patronnés par la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts dans certains villages de pêcheurs plus importants, les insulaires, qui étaient de plus en plus nombreux, n’avaient aucune possibilité d’acquérir les rudiments d’une instruction régulière. L’intérêt de Codner pour les écoles de Terre-Neuve peut s’expliquer par un incident survenu pendant qu’il traversait l’Atlantique pour se rendre en Angleterre son navire étant pris dans une violente tempête, on raconte que Codner fit le vœu de se consacrer à un travail humanitaire s’il avait la vie sauve. Il est certain que ses convictions religieuses furent pour quelque chose dans sa motivation. Il était un adepte du mouvement évangélique au sein de l’Église d’Angleterre et il faisait partie de la British and Foreign Bible Society. On peut également expliquer son intérêt pour les écoles par le fait que, durant une réunion de la société biblique à Londres en 1822, il aurait été inspiré lors d’un discours du premier ministre, lord Liverpool, lequel rappelait à ses auditeurs qu’ils avaient le devoir de propager les saintes Écritures dans « les vastes colonies et possessions extérieures » de la Grande-Bretagne.

Codner se mit tout de suite à susciter des appuis et à recueillir des dons pour les écoles de Terre-Neuve et, durant quelques années, il s’employa avec une énergie inlassable à lancer et à propager le mouvement en faveur des écoles. Il fit circuler un feuillet intitulé Schools in Newfoundland, où il déclarait qu’une grande partie des 70 000 habitants n’avaient pas accès à l’école. Il obtint le soutien de plusieurs marchands éminents qui faisaient du commerce entre l’Angleterre et Terre-Neuve, dont Marmaduke Hart*, et de certains évangéliques de l’Église d’Angleterre.

En 1823, Codner mit sur pied un comité provisoire et fit paraître un prospectus qui soulignait l’importance stratégique et commerciale de Terre-Neuve pour les intérêts britanniques, tout en déplorant le manque de formation morale de ses habitants. Lord Liverpool approuva les objectifs de la Newfoundland Society for Educating the Poor lorsque l’assemblée inaugurale de cet organisme fut tenue à Londres le 30 juin, et il accepta d’en être un des protecteurs. Le secrétaire d’État aux Colonies, lord Bathurst, en devint le président et Codner assuma les fonctions de secrétaire. Sans tarder, Codner s’adressa au gouvernement britannique pour obtenir des terrains à bâtir et le passage gratuit sur les navires de la marine royale pour les instituteurs, et il demanda l’assistance du gouvernement de St John’s pour la construction des écoles. Les demandes furent agréées en dépit de l’opposition du gouverneur de Terre-Neuve, sir Charles Hamilton*, qui affirmait que le niveau de l’instruction dispensée dans les écoles patronnées et celles de la Society for the Propagation of the Gospel était suffisant et que les membres évangéliques de la low church étaient des adversaires et des sectaires au sein de l’Église d’Angleterre. En 1824, le gouvernement britannique donna £500 pour la construction d’une école centrale à St John’s et £100 pour le salaire d’un maître d’école. Codner fit alors une deuxième tournée des principales villes d’Angleterre, d’Irlande et d’Écosse, manifestement à ses propres frais, pour solliciter des dons et l’aide des leaders politiques et religieux en vue de créer des filiales de l’organisme. Il recueillit £1 871 en souscriptions privées en 1825 et 1826, et il obtint le patronage de gens tels que sir John Gladstone de Liverpool et l’archevêque de Dublin.

Codner s’occupa de l’organisme durant les années où celui-ci était en formation, mais le rôle qu’il y joua par la suite est difficile à évaluer. Il conserva le poste de secrétaire honoraire jusqu’aux années 1830, le mouvement en faveur des écoles étant alors bien établi. Il ne se rendit pas à Terre-Neuve pour s’occuper de l’organisme, semble-t-il, mais limita plutôt ses activités aux îles Britanniques. Cependant, son agent d’affaires à St John’s, William Bond, prit des dispositions en son nom, et Codner lui-même continua de s’intéresser à l’organisme jusqu’à sa mort.

La première école ouvrit ses portes à St John’s en septembre 1824 et accueillit 75 élèves. Deux ans plus tard, elle en recevait 450 dans le bâtiment plus vaste où elle avait emménagé. En 1829, huit écoles principales, situées dans les établissements plus importants, étaient en activité ; les instituteurs étaient des membres de l’organisme, recrutés et formés en Angleterre. Il y avait également 15 écoles affiliées, dans des endroits moins populeux. Conformément aux principes régissant le système d’écoles mis sur pied par Andrew Bell, appelées aussi écoles de Madras, les cours étaient donnés par des moniteurs qui étaient dirigés par des instituteurs des écoles principales. En 1836, l’organisme avait pénétré la plupart des principaux établissements. On comptait 46 écoles, situées aussi loin au nord que Twillingate, ainsi que sur la côte sud et jusqu’à la baie St George sur la rive ouest. Les dirigeants de l’organisme affirmaient que des cours avaient été donnés à quelque 16 500 élèves, enfants et adultes, ce qui correspondait à un peu moins de 25 p. cent de la population totale.

Généralement connu sous le nom de Newfoundland School Society, l’organisme changea d’appellation officielle à plusieurs reprises au cours des années ; à sa fondation, il reçut le nom de Newfoundland Society for Educating the Poor (1823), et ensuite les noms de Newfoundland and British North America Society for the Éducation of the Poor (1829), Church of England Society of the Poor of Newfoundland and the Colonies (1846), Colonial Church and School Society (1851) et Colonial and Continental Society (1861). Cette dernière appellation fut conservée jusqu’en 1958, quand l’organisme devint mondialement connu sous le nom de Commonwealth and Continental Church Society.

Multiconfessionnelles au début, les écoles de la Newfoundland School Society devinrent de plus en plus assimilées à l’Église d’Angleterre et, en 1923, elles furent intégrées à un système confessionnel appelé les écoles de l’Église d’Angleterre. L’existence de l’organisme contribua effectivement à l’émergence d’un système scolaire confessionnel à Terre-Neuve. Les instituteurs envoyés par l’organisme, au début, étaient bien formés et devenaient des chefs de file réputés au sein de la collectivité, et ils exerçaient habituellement les fonctions de catéchistes ou d’officiants laïques. Un grand nombre d’entre eux choisirent par la ‘ suite de se faire prêtres anglicans et fournirent à l’Église terre-neuvienne une de ses principales sources d’ecclésiastiques durant le xixe siècle. Se considérant comme des missionnaires autant que des pédagogues, ils s’efforcèrent de faire comprendre aux gens les avantages du travail assidu, d’une vie régulière, de la sobriété et de l’observance du repos dominical.

Codner avait certes des qualités personnelles qui contribuèrent au succès du mouvement en faveur des écoles. Il est évident qu’il était un orateur persuasif, un bon organisateur, et que ses convictions étaient fermes. De plus, il était un membre très respecté à la fois de la communauté des marchands et de celle des membres évangéliques de l’Église d’Angleterre, ce qui le mettait en bonne situation pour obtenir l’appui des deux groupes. Il parvint à rallier les marchands à sa cause en soutenant qu’une population plus instruite à Terre-Neuve serait aussi une population avec un meilleur sens moral. Les marchands qui, comme lui-même, ne résidaient pas à Terre-Neuve, mais faisaient du commerce par l’intermédiaire de leurs représentants, auraient alors moins de raisons de craindre que la sécurité de leurs biens soit menacée par des « pratiques frauduleuses et incorrectes ».

L’idée d’un contrôle social par l’éducation était susceptible de plaire également aux membres évangéliques de la communauté et au gouvernement britannique. Pour les premiers, Terre-Neuve était, ou allait bientôt devenir, une des régions païennes qui avaient besoin de conversion et de rédemption ; quant au second, il dut reconnaître le fait que, dans les années 1820, l’île ne pouvait plus être considérée comme un lieu de passage pour les pêcheurs britanniques. À la vérité, le gouvernement avait déjà promis des améliorations, et le fait de soutenir les écoles pour rendre la population indigène « travaillante » et « honnête » correspondait à sa politique de réforme prudente [V. sir Richard Goodwin Keats*]. À cet égard, le mouvement scolaire de Codner peut être vu comme une des nombreuses réformes qui aboutirent à l’octroi du statut de colonie et du gouvernement représentatif à Terre-Neuve en 1832.

Le 6 décembre 1820, Codner avait épousé Selina Cave Browne, fille de John Cave Browne de Stretton, en Angleterre. Les relations sociales de sa femme lui furent probablement utiles dans le projet scolaire qu’il entreprit deux ans plus tard. Lorsqu’il cessa de faire du commerce à Terre-Neuve en 1844, à près de 70 ans, il vendit ses locaux de St John’s à la firme Wilson and Meynell. Codner mourut à Dartmouth et fut inhumé à l’église St Petrox. Un monument érigé à cet endroit en son honneur porte l’inscription suivante : « Marchand de Terre-Neuve qui, en 1823, fonda la société (qui devint la Colonial and Continental Church ‘Society. »

Samuel Codner était-il une personne « désintéres sée et humanitaire » comme le décrit Frederick ‘William Rowe, ou bien un agent de l’impérialisme culturel qui défendait les droits acquis des groupes favorables au mouvement scolaire, comme Philipp McCann l’a dépeint ? S’il était celui-là, son attitude contraste nettement avec le groupe des marchands qui,a été tenu pour la cause de tous les maux affligeant Terre-Neuve dans son développement et pour le principal obstacle à tout progrès culturel. S’il fut véritablement désigné par le sort et les circonstances pour susciter une réforme sociale, il faut le considérer comme un heureux choix et comme un homme qui provoqua des changements positifs dans les activités sociales, culturelles et scolaires des habitants de Terre-Neuve.

W. Gordon Handcock

Centre for Nfld. Studies, Memorial Univ. of Nfld. Library (St John’s), « D’Alberti papers » (transcripts of corr. between the Colonial Office and the governor’s office of Newfoundland, 1780–1825, from various PRO, CO files), Amalia et Leonora D’Alberti, compil. (34 vol., copie dactylographiée).— Devon Record Office (Exeter, Angl.), 53/6 (Kingskerswell parish, docs. relating to land), box 34, will of Daniel Codner, 1798 ; assignment of Joan Codner and children of houses, lands, and shares in 5 vessels, 1798 ; administration of estate of Joan Codner, 1811 ; box 53, marriage settlement of Samuel Codner and Selina Cave Browne, 6 déc. 1820 ; 1528 A (St Nicholas, Shaldon, parish records) ; 3119 A/PR1 (Kingskerswell parish, reg. of baptisms, marriages, and burials), 16 févr. 1776 ; 3289 S/1–6 (Exeter shipping reg., 1786–1847).— Hunt, Roope & Company (Londres), Hunt, Newman, Roope & Company, Oporto, letter-books, letter of Samuel Codner, 29 mai 1833 (mfm aux MHGA).— MHGA, Codner, William ; Codner, Samuel, name files.— PANL, GN 5/2 ; P4/17, Misc., box 17, file 10.— PRO, CO 194/44.— Phillip McCann, « The Newfoundland School Society, 1823–1836 : missionary enterprise or culture imperialism ? » (communication faite devant la Nfld. Hist. Soc., St John’s, 1976).— W. Pilot, « The Church of England in Newfoundland », Prowse, Hist. of Nfld. (1895), suppl., 7–9.— F. W. Rowe, The development of education in Newfoundland (Toronto, 1964), 40–50.

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W. Gordon Handcock, « CODNER, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/codner_samuel_8F.html.

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Auteur de l'article:    W. Gordon Handcock
Titre de l'article:    CODNER, SAMUEL
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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