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ESTCOURT, JAMES BUCKNALL BUCKNALL, officier et arpenteur, né le 12 juillet 1802 à Londres, deuxième fils de Thomas Grimstone Bucknall Estcourt, membre du Parlement, et d’Eleanor Sutton ; le 15 août 1837, il épousa au même endroit Caroline Pole Carew, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 24 juin 1855 près de Sebastopol (Union soviétique).
Descendant d’une vieille famille du Gloucestershire, James Bucknall Bucknall Estcourt fit ses études à Harrow. Il s’enrôla dans l’armée le 13 juillet 1820 en qualité d’enseigne dans le 44e d’infanterie, puis fut muté au 43e le 7 juin 1821. Il fut promu lieutenant en 1824 et capitaine l’année suivante. Estcourt fut d’abord envoyé en garnison en Irlande de 1821 à 1825, à Gibraltar de 1825 à 1830 (sauf pour un bref séjour avec le corps expéditionnaire britannique au Portugal en 1827–1828), en Angleterre de 1830 à 1831, puis il revint en Irlande où il demeura jusqu’en 1834. En janvier 1835, à titre de commandant en second sous les ordres du colonel Francis Rawdon Chesney, Estcourt partit avec une expédition afin d’arpenter les vallées du Tigre et de l’Euphrate. Il se distingua par la façon dont il dirigea les expériences magnétiques et par les efforts soutenus qu’il déploya avant que l’expédition ne revienne en Angleterre en septembre 1836. Sur la recommandation de Chesney, il fut promu major le 21 octobre 1836, puis lieutenant-colonel honoraire le 29 mars 1839.
Après son retour en Angleterre, Estcourt bénéficia d’un congé jusqu’au 31 mars 1838. Son régiment, qui avait été envoyé au Nouveau-Brunswick en juin 1834, avait accompli une marche célèbre jusqu’au Bas-Canada en décembre 1837, afin d’aller renforcer les troupes de sir John Colborne* pendant la rébellion de 1837–1838. Accompagné de sa femme, Estcourt quitta l’Angleterre en mars 1838 à bord du Pique à destination de Halifax où ils arrivèrent en juin. Ils se rendirent à La Prairie, au Bas-Canada, où le 43e d’infanterie était temporairement cantonné, puis en juillet ils gagnèrent la frontière du Niagara, dans le Haut-Canada, via la rivière des Outaouais, le canal Rideau et le lac Ontario. En août, ils se fixèrent à Lundy’s Lane, non loin de Drummondville (Niagara Falls) où se trouvait le quartier général du régiment. Au cours des derniers mois de 1838 et en 1839, en plus de remplir ses tâches régimentaires, Estcourt dirigea les travaux d’arpentage des routes, surtout ceux de la route Cayuga, depuis Niagara Falls jusqu’à London. Constatant le piètre état de cette route, il le signala aux autorités militaires. Sa femme et lui participèrent à la vie sociale de l’endroit : ils firent des promenades en traîneau, visitèrent Toronto à quelques reprises et dessinèrent des paysages de la région, surtout des vues des chutes du Niagara. À la fin de l’été de 1839, Estcourt reçut l’ordre de rejoindre le dépôt du 43e d’infanterie à Portsmouth, en Angleterre, et en septembre le couple avait quitté les Canadas.
Estcourt demeura en Angleterre jusqu’en 1843. Le 31 mars, le secrétaire d’État aux Affaires extérieures, le comte d’Aberdeen, le nomma commissaire britannique chargé de la délimitation de la frontière entre les États-Unis, le Nouveau-Brunswick et le Bas-Canada, dont le tracé avait été prévu dans l’article 6 du traité Webster-Ashburton signé avec les États-Unis en 1842. Les instructions données à Estcourt lui enjoignaient non seulement de délimiter la frontière, mais aussi d’étudier la possibilité d’y organiser une défense militaire. Cette ligne de démarcation avait été un sujet de discorde depuis 1783, à l’époque où le traité de Paris, qui avait mis fin à la Révolution américaine, l’avait tracée d’une manière peu rigoureuse. Une commission mixte, créée en 1796 et dont faisaient partie Thomas Henry Barclay* et Ward Chipman* à titre de représentants de la Grande-Bretagne, avait délimité la frontière depuis la baie de Passamaquoddy, au Nouveau-Brunswick, jusqu’à la source de la rivière Sainte-Croix. Une autre commission au sein de laquelle Barclay et Chipman représentaient encore la Grande-Bretagne, avec Joseph Bouchette* puis William Franklin Odell* comme arpenteur en chef, avait tenté sans succès de 1816 à 1822 de fixer les limites entre le Nouveau-Brunswick et le Bas-Canada d’une part, et le Maine, le Vermont, le New Hampshire et l’état de New York d’autre part. En 1830, le désaccord avait été tranché par Guillaume Ier, roi des Pays-Bas, mais sa décision n’avait pas été acceptée par les États-Unis. À la longue, les conflits de juridiction entre le Maine et le Nouveau-Brunswick [V. Ward Chipman ; sir John Harvey] ainsi que les disputes de frontières qui avaient surgi ailleurs amenèrent la mise sur pied de la commission Webster-Ashburton en 1842. Cet organisme rédigea un traité qui fixait la frontière à partir de la source de la rivière Sainte-Croix jusqu’au Saint-Laurent et qui prévoyait un arpentage mixte pour borner cette ligne de délimitation.
Cinq jours à peine après sa nomination, Estcourt s’embarqua pour Boston où il arriva le 19 avril 1843, et le jour même il prit contact avec le commissaire américain chargé de la délimitation de la frontière, Albert Smith. Lors de cette rencontre et de celles qui eurent lieu à Bangor, dans le Maine, le 1er mai, et à Houlton le 1er juin, Estcourt et Smith établirent leur année de travail qui consistait à faire des levés fondés sur des observations astronomiques et à borner la ligne de délimitation, depuis la source de la rivière Sainte-Croix jusqu’au point d’intersection du ruisseau Hall, au Bas-Canada, et du 45e parallèle. Le personnel permanent d’ Estcourt comprenait un secrétaire, un arpenteur, trois membres du génie royal et six sous-officiers des Royal Sappers and Miners. À ce personnel vinrent s’ajouter des gens de la région, dont un arpenteur, John Wilkinson*, et jusqu’à 120 bûcherons et contremaîtres. À la fin de la saison d’activité de 1843, on avait terminé la plus grande partie du travail sur la ligne nord, de la source de la rivière Sainte-Croix à la rivière Saint-Jean, ainsi que la délimitation des lignes frontières de la Saint-Jean. Toutefois, l’arrivée de l’hiver, le retard dans la livraison de l’équipement requis et les difficultés créées par la vérification des levés déjà effectués, tout concourait à retarder l’arpentage fait à l’aide d’observations astronomiques. Aberdeen loua le travail accompli par Escourt et, à la suite d’une demande de ce dernier, il dépêcha 14 autres sapeurs afin de hâter les travaux en 1844. Cette année-là, Estcourt fit travailler 500 bûcherons et contremaîtres.
Malgré l’accord intervenu entre Estcourt et Smith en décembre 1843 sur le rôle des Américains et des Britanniques pendant la saison de 1844, le refus du Congrès des États-Unis de débloquer les crédits nécessaires eut pour résultat que les Britanniques se retrouvèrent seuls sur le terrain. Ayant pris des dispositions au printemps pour entreposer des provisions à certains points stratégiques le long de la ligne des hautes terres, ligne qui s’étendait de la source de la rivière Saint-Jean Sud-Ouest à celle du ruisseau Hall, Estcourt s’entendit avec Smith en juin pour que les Britanniques tracent toutes les lignes de délimitation en attendant l’arrivée des Américains et pour que les limites ainsi fixées soient considérées comme provisoires jusqu’à ce qu’elles soient approuvées par un arpentage mixte. Les Britanniques arpentèrent donc toute la frontière des hautes terres et tracèrent provisoirement les limites d’une section de 140 milles s’étendant de la route Kennebec jusqu’au ruisseau Hall, en plus d’une ligne de démarcation partant de la rivière Saint-Jean Sud-Ouest pour aboutir au portage Metgermette. Lorsque les Américains arrivèrent sur les lieux plus tard pendant l’été, ils tracèrent une ligne reliant la route Kennebec et le portage Metgermette.
En janvier 1845, la saison d’activité terminée, Aberdeen approuva encore une fois la gestion d’Estcourt, mais, faisant allusion au coût élevé des travaux, il exprima le désir, qu’il avait d’ailleurs formulé auparavant, de voir diminuer le personnel du commissaire. Prévoyant que les opérations seraient terminées en 1845, Estcourt avait déjà retranché de ses effectifs dix sapeurs et un membre du génie royal. Au cours de la saison d’activité qui suivit, les deux groupes fixèrent le 45e parallèle au moyen d’observations astronomiques. En outre, ils tracèrent conjointement les limites sud-ouest et sud, depuis le lac Pohénégamook, au Bas-Canada, jusqu’à la rivière Saint-Jean Sud-Ouest, ainsi que les bornes des hautes terres jusqu’au ruisseau Hall et la limite ouest le long du 45e parallèle jusqu’au Saint-Laurent. Étant donné que les Britanniques avaient fait le gros du travail en 1844, les Américains tracèrent et marquèrent le 45e parallèle à l’aide de bornes métalliques, depuis le ruisseau Hall jusqu’au Saint-Laurent. Dès le 10 juillet 1845, Estcourt était en mesure d’annoncer que tout le travail était terminé, sauf pour la mise en place de tiges repères, cette dernière tâche devant être effectuée par les Américains. Les commissaires se réunirent à Washington en octobre afin de mettre la dernière main aux relevés, aux cartes et aux autres travaux. Ils avaient dirigé le travail d’arpentage de la frontière sur une distance de 670 milles, de la rivière Sainte-Croix au Saint-Laurent. Cette frontière n’était formée par des cours d’eau que sur une étendue de 179 milles ; c’est donc dire qu’une grande partie de la ligne de démarcation traversait des régions sauvages. Les opérations nécessitées par le tracé avaient été précédées de mesures d’arpentage astronomiques d’une précision remarquable. Par exemple, en une occasion, deux équipes d’arpenteurs séparées par 64 milles de forêts aboutirent à moins de 341 pieds l’une de l’autre. De plus, toute l’opération avait été conduite dans un esprit de très grande coopération et sir Howard Douglas*, lors d’une séance de la chambre des Communes en 1845, loua Estcourt pour son travail à la commission. Celle-ci fixait de façon définitive une frontière qui avait depuis longtemps gâché les relations anglo-américaines. Estcourt retourna en Angleterre en 1846 et, l’année suivante, le rapport final de la commission fut déposé.
Estcourt avait été détaché de son régiment et placé à la demi-solde en août 1843, afin qu’il puisse occuper son poste de commissaire chargé de la délimitation de la frontière. Il continua à toucher une demi-solde après son retour en Angleterre et, en février 1848, il entra à la chambre des Communes comme député conservateur de la circonscription électorale de Devizes, où sa famille était toute-puissante. Il ne chercha pas à se faire réélire en 1852 et, le 21 février 1854, il fut nommé à un poste d’état-major en qualité d’adjudant général avec le grade de général de brigade, affecté à la force expéditionnaire britannique de la Crimée. Il remplit ses fonctions avec diligence et efficacité, et accéda au grade de major général le 12 décembre 1854. Cependant, Estcourt et le major général Richard Airey, les deux chefs d’état-major de lord Raglan, furent violemment pris à partie pour les souffrances terribles endurées par la force britannique pendant l’hiver de 1854–1855. Raglan défendit vigoureusement ses subalternes qui conservèrent leur poste. Estcourt continua à s’absorber dans son travail, mais le 21 juin 1855 il fut terrassé par le choléra. En dépit des soins vigilants dont l’entoura sa femme qui l’avait accompagné pendant toute la campagne, il mourut le 24 juin. Caroline Estcourt lui survécut jusqu’au 17 novembre 1886.
Ses contemporains ont décrit James Bucknall Bucknall Estcourt comme un homme qui avait l’expérience du monde, qui avait bon caractère et bon jugement, et qui était un parfait gentleman. En le recommandant au poste de commissaire chargé de la délimitation de la frontière entre les États-Unis, le Bas-Canada et le Nouveau-Brunswick, John Gellibrand Hubbard, plus tard lord Addington, avait loué sa bonne humeur, son énergie et son intégrité. L’historien contemporain Alexander William Kinglake a dit de lui qu’il était « un homme très aimé de lord Raglan, de tous ses amis du quartier général et, de fait, de tous ceux qui l’[avaient] connu ». Eût-il vécu qu’il aurait été fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain malgré les difficultés survenues en Crimée. C’est sa femme qui, en 1856, reçut la distinction à titre de veuve, par lettres patentes spéciales. Avec le recul du temps, Estcourt apparaît comme un officier d’état-major de temps de paix compétent sans toutefois être exceptionnel. Même si son travail à la commission chargée de la délimitation de la frontière avait été en général bien fait, il y avait eu des lacunes sur le plan de la logistique, lacunes qui apparurent de nouveau, mais malheureusement avec des conséquences plus graves, lors de l’expédition de Crimée qui devait s’avérer pour Estcourt une expérience tragique.
James Bucknall Bucknall Estcourt est l’auteur d’un rapport qui parut sous le titre de G.-B., Commission for running and tracing the boundary line between her majesty’s possessions in North America and the United States under the Treaty of Washington, 1842, North American boundary : narrative of the survey [...] (s.l.n.d.). Sa correspondance en tant que commissaire britannique chargé de la délimitation de la frontière entre les États-Unis, le Nouveau-Brunswick et le Bas-Canada, publiée sous le titre de G.-B., Foreign Office, Correspondence respecting the operations of the commission for running and tracing the boundary line [...] (Londres, [1845]), fut réimprimée avec d’autres documents dans G.-B., Parl., Reports, correspondence, despatches, and papers relating to the boundary between the British possessions in North America and the United States of America (Shannon, république d’Irlande, 1969).
Un volume de la MTL contient un exemplaire de chacune de ces publications et un autre rapport lié à deux croquis au crayon et à deux dessins à l’aquarelle d’endroits situés près de la frontière, réalisés par Estcourt. Lui et sa femme, Caroline, étaient des artistes amateurs, et une vaste collection de leurs aquarelles et de leurs dessins, représentant les régions des colonies de l’Amérique du Nord britannique qu’ils visitèrent, est conservée aux APC. Le couple est représenté sur une gravure décrivant le club de traîneau du 43° d’infanterie à Niagara (Niagara-on-the-Lake) en 1839. [j. b.]
APC, MG 24, A10, 7 : 55 ; RG 8, I (C sér.), 277 : 104 ; 675.— Gloucestershire Record Office (Gloucester, Angl.), Estcourt papers (mfm aux APC).— PRO, WO 17/1542 : 95, 103, 135, 140 ; 17/1543 : 173 ; 17/2384.— Gentleman’s Magazine, 1800 : 589 ; 1802 : 683 ; juill.–déc. 1837 : 302 ; juill.–déc. 1855 :189.— United Service Gazette, and Naval and Military Chronicle (Londres), 8 nov. 1845.— DNB.— G.-B., WO, Army list, 1820–1855.— R. G. A. Levinge, Historical records of the Forty-Third regiment, Monmouthshire Light Infantry, with a roll of the officers and their services from the period of embodiment to the close of 1867 (Londres, 1868).— Roll of officers of the Corps of Royal Engineers from 1660 to 1898 [...], R. F. Edwards, édit. (Chatham, Angl., 1898), 24–26.— H. G. Classen, Thrust and counterthrust : the genesis of the Canada-United States boundary (Don Mills [Toronto], 1965), 89–92.— International Boundary Commission, Joint report upon the survey and demarcation of the boundary between the United States and Canada from the source of the St Croix River to the St Lawrence River [...] (Washington, 1925).— A. W. Kinglake, The invasion of the Crimea : its origins and an account of its progress down to the death of Lord Raglan (8 vol., Édimbourg et Londres, 1863–1887).
Jim Burant, « ESTCOURT, JAMES BUCKNALL BUCKNALL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/estcourt_james_bucknall_bucknall_8F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/estcourt_james_bucknall_bucknall_8F.html |
Auteur de l'article: | Jim Burant |
Titre de l'article: | ESTCOURT, JAMES BUCKNALL BUCKNALL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1985 |
Année de la révision: | 1985 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |