Titre original :  Prince Pedro : a tragedy by J.H. (John Hutchison) Garnier. Belford Bros, Toronto, 1877. From: https://archive.org/details/cihm_03294/page/n7/mode/2up.

Provenance : Lien

GARNIER, JOHN HUTCHISON, médecin, naturaliste et auteur, né en 1823 en Écosse, d’une mère française catholique et d’un père huguenot ; décédé le 1er février 1898 à Lucknow, Ontario.

Le père de John Hutchison Garnier avait quitté la France à cause des persécutions religieuses et s’était réfugié en Écosse, où on l’avait nommé colonel. La famille semble avoir été fortunée car, plus tard, quoique l’on n’ait pas plus de précisions, Garnier aurait reçu périodiquement d’Écosse des sommes assez substantielles.

Au début des années 1850, Garnier étudia la médecine à Dublin et à Paris. Pendant son séjour en Irlande, il devint un fervent orangiste ainsi qu’une relation et un admirateur de Daniel O’Connell. Après avoir obtenu son diplôme, il voyagea beaucoup et visita notamment la colonie du Cap (Afrique du Sud), l’Inde et l’Australie. Puis en 1856, pour des raisons inconnues, il vint s’établir à Hagersville, dans le Haut-Canada, et commença à y pratiquer la médecine. Le docteur Alexander John Mackenzie, qui enfant avait connu Garnier, a laissé entendre que celui-ci avait un frère qui habitait dans le Haut-Canada à cette époque. Quatre ans plus tard, il se fixa dans le nouveau petit village de Lucknow, qui faisait alors partie du Queen’s Bush. C’est là qu’il allait passer les 38 autres années de sa vie.

Malgré sa bonne éducation et sa formation médicale, Garnier traitait cavalièrement ses patients et, délibérément peut-être, ne faisait rien pour les rassurer. Son ton bourru n’éloigna cependant pas les malades qui, accompagnés de leurs parents, s’entassaient dans la rue en face de son cabinet durant les heures de visite du dimanche après-midi. L’un des premiers à utiliser les forceps en Ontario, Garnier devint un accoucheur très connu ; il se spécialisa également dans les opérations de la cataracte, pour lesquelles il utilisait un instrument qu’il avait lui-même conçu.

D’après nombre de témoins oculaires, Garnier était un homme excentrique et plein de manies, reconnu pour sa violence verbale. Il n’épargnait à personne – patients, connaissances comme étrangers – son humour rêche et même brutal. Une fois, semble-t-il, il emmena une femme dans son buggy et, en cours de route, la prévint qu’il était parfois en proie à des attaques mais qu’elle n’avait pas à s’inquiéter ; puis, arrivé au milieu d’un large ruisseau, il se mit à simuler une « crise » spectaculaire, sur quoi la jeune personne se sauva du plus vite qu’elle put, toute trempée et hurlant de peur. Le docteur Mackenzie se souvenait de lui comme d’un personnage terrifiant, que les gens du village « confondaient avec les fées et les revenants du folklore des Highlands ». Un jour, racontait-il, l’un de ses compagnons de jeu s’était fait capturer par le docteur Garnier, qui l’avait surpris en train de voler des pommes. Le petit, « tremblant, appréhendait d’étranges tortures ». Or, une fois arrivé chez lui, le médecin lui avait montré sa collection de serpents et de grenouilles et, avant de le relâcher, l’avait recruté pour lui trouver de nouveaux trésors.

Garnier possédait l’un des plus beaux jardins de fleurs de Lucknow et il fut parmi les premiers à importer des bulbes de l’étranger. Fervent naturaliste, c’était aussi un passionné de chasse et il emportait son arme avec lui lorsqu’il rendait visite à ses patients, allait en promenade et même, semble-t-il, en toute autre occasion. Son habileté légendaire de tireur d’élite ne fit qu’ajouter à son aura d’excentricité. Edward S. Caswell, résident de Lucknow, se souvenait avoir vu Garnier, à un âge avancé, abattre de petits oiseaux pour sa collection, démontrant ainsi qu’il n’avait rien perdu de son adresse. Garnier conservait et classait les petits mammifères, oiseaux et reptiles qu’il tuait et, comme il cherchait toujours à enrichir sa collection, il devint un grand spécialiste des oiseaux et des reptiles de l’Ontario. Dans The birds of Ontario [...], Thomas McIlwraith* lui attribue d’ailleurs nombre d’observations utiles. En 1891, Garnier donna à la University of Toronto des collections importantes, dont on peut voir les spécimens bien classés dans divers départements du Musée royal de l’Ontario. Selon le biographe W. Victor Johnston, Garnier a fait don aux musées de Toronto de plus de 600 oiseaux, 160 oiseaux fixés sur un support, 120 mammifères, 125 crânes de mammifères, 170 salamandres, 385 grenouilles et crapauds, environ 400 serpents non venimeux et 140 venimeux, et 360 tortues, lézards, crapauds cornus, alligators et autres créatures du même genre.

Dans le domaine des publications scientifiques sur la médecine, la contribution de Garnier semble avoir été minime, quoiqu’il ait publié quelques articles sur ses expériences cliniques, dont un sur les complications obstétricales qui pouvaient résulter d’un excès de liquide amniotique. Il est aussi l’auteur d’un document théorique sur le venin de serpent : après être accidentellement entré en contact avec du poison de cobra en manipulant certains cadavres de serpents de l’Inde, il avait dû mettre ses théories à l’épreuve ; sa guérison était, selon lui, le résultat direct de ces expériences. Comme il parlait couramment plusieurs langues, Garnier traduisit vers la fin du xixe siècle plusieurs articles pour diverses revues médicales canadiennes. Il participa au Canadian Institute, où il fit en février 1883 une communication sur les serpents venimeux d’Amérique du Nord. Élu membre de cet institut en mars 1889, il s’y senti toutefois isolé car aucun de ses collègues ne partageait ses intérêts.

Garnier avait aussi du talent dans un tout autre domaine, celui de l’écriture dramatique. Il écrivit au moins trois pièces : Dandolo ; a tragedy in five acts, Moron, the Jew of Syracuse et Prince Pedro. On aurait joué la dernière dans deux théâtres de Londres, de même qu’en représentation privée pour la reine Victoria. Au moment de sa mort le 1er février 1898, Garnier avait presque terminé la rédaction d’un livre sur les reptiles, ainsi qu’un essai critique sur la Bible, « The mistakes of Moses ».

On ne sait toujours pas pourquoi John Hutchison Garnier, homme éminemment doué et aux intérêts si variés, était allé s’établir dans le hameau de Lucknow. D’ailleurs, on ne sait pas grand-chose sur sa vie personnelle. Certaines rumeurs voulaient qu’un jour il ait reçu la visite d’un jeune inconnu et qu’après son départ il ait découvert que cet étranger était son fils.

Charles G. Roland

Des détails sur la collection de spécimens appartenant à John Hutchison Garnier ont été transmis à l’auteur par Ross MacCulloch du Royal Ontario Museum .]

Garnier est l’auteur d’un certain nombre de rapports sur des sujets médicaux et scientifiques, y compris : « Overdistention of the uterus from excess of liquor amnii », Canada Lancet (Toronto), 3 (1870–1871) : 262–266 ; « List of reptilia of Ontario », Canadian Sportsman and Naturalist (Montréal), 1 (1881) : 37–39 ; et « The poisonous snakes of North America » (communication faite devant le Canadian Institute, Toronto, 23 févr. 1883), dont une copie est conservée dans la James Little Baillie coll. de la UTFL (voir ci-dessous). Un extrait de son texte intitulé « Snake poisons », présenté devant les membres de l’institut en novembre 1887, figure dans les Canadian Institute, Proc. (Toronto), 3e sér., 5 (1888) : 255–261.

Les écrits de Garnier comprennent aussi une pièce de théâtre, Prince Pedro : a tragedy (Toronto, 1877). Les titres de deux autres pièces, Dandolo ; a tragedy in five acts et Moron, the Jew of Syracuse, sont consignés comme ayant fait l’objet d’une demande de copyright aux États-Unis en 1793, mais elles n’auraient pas été publiées.

UTFL, ms coll. 127, box 27.— Thomas McIlwraith, The birds of Ontario.[...] (Hamilton, Ontario, 1886 ; 2e éd., Toronto, 1894).— Dramatic compositions copyrighted in the United States, 1870 to 1916 (2 vol., Washington, 1918), 1 : 464, 1556.— P. B. [A.] O’Neill, « A checklist of Canadian dramatic writings to 1967, part – A to K », Canadian Drama (Guelph, Ontario), 8 (1982) : 262.— E. S. Caswell, « An eccentric physician », Canadian Journal of Medicine and Surgery (Toronto), 79 (1936) : 135–138.— W. V. Johnston, « Article of 25 years ago told of Dr. Garnier’s genius and eccentricities », Lucknow Sentinel (Lucknow, Ontario), 30 juill. 1958 ; « John Hutchison Garnier, a Canadian naturalist and physician », Canadian Medical Assoc., Journal (Toronto), 29 (1933) : 314–316.— A. J. Mackenzie, « A Canadian naturalist ; John Hutchison Garnier of Lucknow », Canadian Medical Assoc., Journal, 17 (1927) : 355–356.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Charles G. Roland, « GARNIER, JOHN HUTCHISON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/garnier_john_hutchison_12F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/garnier_john_hutchison_12F.html
Auteur de l'article:    Charles G. Roland
Titre de l'article:    GARNIER, JOHN HUTCHISON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    10 déc. 2024