GRAHAME, JAMES ALLAN, commissaire en chef de la Hudson’s Bay Company, né le 22 décembre 1825 à Édimbourg, fils de James Grahame et de Lillias Allan ; le 5 septembre 1847, il épousa Susannah Birnie, et ils eurent trois fils, puis le 5 septembre 1860, Mary Work, et de ce second mariage naquirent six fils et trois filles ; décédé le 19 juin 1905 à Victoria.
James Allan Grahame était issu d’une solide famille bourgeoise d’Édimbourg. Son père était greffier d’un juge écossais, lord Meadowbank ; il était aussi avoué. Sa mère avait deux frères dans la Hudson’s Bay Company : John, qui avait été médecin de lord Selkirk [Douglas*], et George Traill, qui dirigea l’agence de la compagnie à Honolulu, à Hawaï, durant des années avant d’être muté dans le district de la Colombie, sur la côte du Pacifique. En août 1842, John Allan recommanda son neveu, alors âgé de 16 ans, à l’un des administrateurs de la Hudson’s Bay Company, John Halkett*. En rencontrant des hommes de la compagnie en visite à Édimbourg, disait-il, le jeune homme avait « conçu une véritable passion » pour celle-ci. « Il a fait ses études à l’Edinburgh Academy, poursuivait-il, [...] et est très versé en latin, en grec, en français, en arithmétique, etc. Il est très industrieux et correct, fort et en santé, et est [...] tout à fait le genre de garçon dont la compagnie a besoin. »
Grahame entra à la Hudson’s Bay Company en tant qu’apprenti commis et, ayant été recommandé par divers fonctionnaires de la compagnie à Londres, il s’embarqua pour York Factory (Manitoba) en juin 1843. Après un hiver d’initiation au Upper Fort Garry (Winnipeg), il fut muté dans le district de la Colombie en juin 1844. Il passa quelques années au fort Vancouver (Vancouver, Washington), qui, à compter de 1846, se trouva dans les limites du territoire de l’Oregon, aux États-Unis. En 1847, au fort George (Astoria, Oregon), il épousa Susannah Birnie, fille de James Birnie, fonctionnaire de la compagnie à la retraite. Deux ans plus tard, il fut promu commis. Pendant la ruée vers l’or de la Californie, en 1849–1850, beaucoup d’employés de la compagnie qui travaillaient sur le fleuve Columbia désertèrent ou démissionnèrent. Ce fut notamment le cas de l’oncle de Grahame, George Allan, et de son beau-frère Thomas Lowe, qui se firent marchands commissionnaires à San Francisco en fondant la Allan, Lowe and Company. Grahame, qui faillit lui aussi quitter la compagnie en 1850, était en position de profiter du nouvel ordre économique de la côte du Pacifique : en 1854, il avait un investissement de 5 000 $ dans la Allan, Lowe and Company.
Grahame connut une ascension rapide dans les années 1850. Placé au commandement du fort Vancouver en 1853, il devint chef de poste l’année suivante. Ensuite, après que l’agent principal Dugald Mactavish* eut quitté le fort Vancouver en 1858, il administra le département de l’Oregon. Pendant ces années, la Hudson’s Bay Company se mit à faire du commerce de détail dans les établissements américains du Columbia, puis dans les établissements britanniques du Fraser et de l’île de Vancouver. Ainsi, elle procéda dans ces régions à l’élargissement de son organisation des dizaines d’années avant de faire la même chose dans la terre de Rupert.
Grahame remit le fort Vancouver aux autorités américaines le 14 juin 1860 et transféra tous les objets de valeur au dépôt du département de l’Ouest, le fort Victoria (Victoria, Colombie-Britannique). Veuf depuis 1854, il se remaria quelques mois après être arrivé au fort Victoria en 1860 ; sa deuxième femme, Mary Work, était la fille de Josette Legacé* et de l’agent principal John Work*. En 1861, Grahame fut promu agent principal et muté au département du Nord. Il y demeura six ans, d’abord à la tête de Lower Fort Garry en 1861–1862, puis du district de Norway House de 1862 à 1867.
En 1867, Grahame retourna dans le département de l’Ouest où, durant deux ans, il dirigea les districts de New Caledonia et de Cariboo. Le 1er juin 1870, il prit la direction de tout le département avec son beau-frère Roderick Finlayson*. Il s’occupait de la côte du Pacifique et Finlayson, de l’intérieur des terres. Lorsque Finlayson prit sa retraite en 1872, Grahame assuma seul la direction du département ; son second était son beau-frère William Charles. Au cours de ces années, il supervisa l’expansion du commerce au détail dans les districts de New Caledonia, de Cassiar et de Cariboo ainsi que sur la rivière Skeena – toutes des régions où l’on avait découvert de l’or. À la suite d’une visite à Londres en 1872, il accéda au nouveau poste de sous-commissaire, qu’il occupa jusqu’au 1er juin 1874. Il succéda alors à Donald Alexander Smith* à la fonction de commissaire en chef de la Hudson’s Bay Company en Amérique du Nord et fut affecté à Winnipeg.
Les choses avaient bien changé depuis que Grahame avait quitté le département du Nord. En 1870, la terre de Rupert était passée au gouvernement du Canada et la Hudson’s Bay Company avait perdu son monopole de traite. La même année, une partie du département du Nord était devenue la province du Manitoba, et des colons canadiens avaient commencé d’arriver. Cependant, la compagnie possédait toujours sept millions d’acres dans les Prairies. Pendant cette difficile période de transition, elle s’employa à améliorer son réseau de transport dans la région et à diversifier ses opérations dans le but de contrer la concurrence et de tirer parti du peuplement.
Grahame était bien préparé à ce travail de modernisation : il s’était occupé du commerce de détail sur la côte ouest et avait l’expérience du transport sur les lacs, les cours d’eau et le littoral. Avant son arrivée, Smith avait commencé à mettre des vapeurs en service sur les principaux lacs et cours d’eau, et Graham continua de le faire. Dès 1874, des vapeurs desservaient le lac Winnipeg de même que les rivières Assiniboine, Rouge, Saskatchewan et Athabasca. En 1877, il engagea l’ingénieur Walter Moberly afin qu’il construise un tramway qui contournerait les rapides Grand de la Saskatchewan. Puis, après la construction d’un chemin de fer entre Winnipeg et St Paul, au Minnesota, en 1878, et l’achèvement de la section des Prairies du chemin de fer canadien du Pacifique, en 1883, il fit bâtir des magasins de détail, des scieries et des moulins à farine pour répondre aux exigences des colons et des commerçants. Toutefois, il entreprit bon nombre de ces travaux coûteux sans enthousiasme. Il savait que le prix des pelleteries s’effondrait sur le marché de Londres à cause de la dépression des années 1870 et que les fonctionnaires de la compagnie, qui l’accusaient de négliger la traite des fourrures proprement dite, s’opposaient à ces dépenses.
Par contre, les administrateurs de la compagnie à Londres estimaient que Grahame n’engageait pas assez audacieusement la compagnie sur la voie du commerce de détail. Ses désaccords avec Smith, devenu commissaire des terres de la compagnie en 1874, puis avec Charles John Brydges*, qui lui succéda en 1879, ajoutèrent à leurs inquiétudes. D’abord, Grahame s’opposa aux ambitieux projets ferroviaires de Smith ; ensuite, il trouva que Brydges manquait de modération dans l’expansion du commerce de détail. Pire, le comité de Londres condamna Graham, Brydges et deux autres employés lorsque, au plus fort du boom foncier de Winnipeg, ils achetèrent le vieux fort Garry pour leur propre compte, à des fins de spéculation.
En 1882, sir John Rose*, gouverneur adjoint de la Hudson’s Bay Company, produisit un rapport dans lequel il disait douter que Grahame soit en mesure d’accomplir « les tâches nouvelles et variées qui s’impos[aient] pour que [l’entreprise] reste dynamique ». Un autre fonctionnaire haut placé, Thomas Robert Smith, écrivit qu’il trouvait Grahame « bien dépassé ». À cause de ces remarques et de l’achat que Grahame avait fait, le gouverneur Eden Colvile* réclama sa démission en mars 1883. Grahame accéda à sa demande en avril, mais sa lettre de démission ne fut acceptée qu’en juin 1884, soit une fois qu’on lui eut trouvé un remplaçant, Joseph Wrigley. Même s’il avait suscité de l’opposition et avait été incapable de satisfaire aussi bien les fonctionnaires que le comité de Londres, Grahame, dont le zèle et le dévouement n’avaient jamais faibli, était resté en poste plus longtemps que tous les autres commissaires en chef de la compagnie au xixe siècle, y compris Smith.
Une fois à la retraite, James Allan Grahame s’établit d’abord à Montréal, puis, en 1887, à Victoria, où il mourut en 1905. Anglican et conservateur, il était lié par mariage à l’élite des trafiquants de fourrures, des coloniaux et des gouvernants de la Colombie-Britannique. L’agent principal William Fraser Tolmie* et le premier ministre de la province Edward Gawler Prior étaient ses beaux-frères. Franc-maçon convaincu, il avait aidé à fonder des loges à Oregon City, au fort Vancouver et à Victoria. Le mont Grahame, dans le district de Cassiar, en Colombie-Britannique, a été baptisé en son honneur, tout comme Fort Grahame, sur la rivière Finlay, localité qui a été rayée de la carte par la construction d’un barrage dans les années 1960.
AN, MG 19, A2, sér. 2, 1 : 5–16.— BCARS, A/D/20/Q31 ; EB/L951 ; E/C/G763.9 ; GR 1304, file 1905/2814 ; W/A/G76.— PAM, HBCA, A.10/15 ; A.11/62 : ff.556–559 ; A.11/107 : ff.299–299d ; J. A. Grahame file ; John Halkett file.— Daily Colonist (Victoria), 10 mai 1874.— Annuaire, Victoria, 1868–1869.— Alexander Begg, History of British Columbia from its earliest discovery to the present time (Toronto, 1894 ; réimpr., 1972).— C. J. Brydges, The letters of Charles John Brydges, 1879–1882 ; Hudson’s Bay Company land commissioner, Hartwell Bowsfield, édit., introd. d’Alan Wilson (Winnipeg, 1977) ; The letters of Charles John Brydges, 1883–1889 [...], Hartwell Bowsfield, édit., introd. de J. E. Rea (Winnipeg, 1981).— R. I. Burns, The Jesuits and the Indian wars of the northwest (New Haven, Conn., 1966).— H. A. Innis, The fur trade in Canada : an introduction to Canadian economic history, [Mary Quayle Innis et al., édit.] (éd. rév., Toronto, 1956).— A. A. den Otter, « The Hudson’s Bay Company’s prairie transportation problem, 1870–85 », The developing west : essays on Canadian history in honor of Lewis H. Thomas, J. E. Foster, édit. (Edmonton, 1983), 25–47.— The papers of the Palliser expedition, 1857–1860, I. M. Spry, édit. (Toronto, 1968).— A. J. Ray, The Canadian fur trade in the industrial age (Toronto, 1990).— E. O. S. Scholefield et R. E. Gosnell, A history of British Columbia [...] (Vancouver et Victoria, 1913).— Scholefield et Howay, British Columbia, 3 : 820–824.— Eleanor Stardom, « Twilight of the fur trade », Beaver, 71 (1991–1992), no 4 : 6–18.
Richard Mackie, « GRAHAME, JAMES ALLAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/grahame_james_allan_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/grahame_james_allan_13F.html |
Auteur de l'article: | Richard Mackie |
Titre de l'article: | GRAHAME, JAMES ALLAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |