LILLY, GEORGE, encanteur, notaire, officier de milice, avocat, fonctionnaire et juge, né au début des années 1770 dans les Treize Colonies, peut-être à Boston ; le 25 janvier 1800, il épousa à St John’s Mary Ann Roberts, et ils eurent au moins sept enfants ; décédé le 10 septembre 1846 dans cette ville.

George Lilly était probablement le fils du loyaliste William Lilly, magistrat de Harbour Grace, à Terre-Neuve. Selon son propre témoignage, il arriva dans l’île « à un âge très précoce, avec [son] père qui avait quitté les États-Unis à cause de la révolution ». Entré à titre de commis débutant chez un marchand de St John’s, Nathaniel Philips, il possédait, en 1810 ou 1811, son propre bureau de notaire public et d’encanteur. Pendant la guerre de 1812, il aida à lever et à équiper une unité de milice au sein de laquelle il servit à titre d’adjudant et de capitaine. Ses services d’encanteur et de notaire spécialisé dans les actes translatifs de propriété furent très en demande de 1815 à 1819, au moment de la crise économique qui sévit à Terre-Neuve, mais l’incendie survenu à St John’s le 21 novembre 1817 détruisit ses locaux. Plus tard, il subit des pertes financières par suite de la forte baisse des loyers qu’il percevait sur des propriétés qu’il avait lui-même loué à long terme du gouvernement. Apparemment, il ne connut pas de succès en affaires.

Peu à peu, Lilly se consacra à la pratique du droit. Il n’avait jamais fait d’études dans ce but, mais à l’époque, en l’absence d’avocats formés selon les règles, les juges terre-neuviens autorisaient des attorneys non qualifiés à plaider devant les tribunaux. En 1826, il fut officiellement inscrit à titre de barrister. En 1820, devant la Cour suprême, il n’avait pu obtenir du jury un verdict favorable à ses clients, Philip Butler et James Lundrigan*, deux pêcheurs qui poursuivaient David Buchan et John Leigh*, juges d’un tribunal de surrogate, pour leur avoir infligé la peine du fouet. Lilly s’était ainsi attiré l’attention des réformistes, et il ne dédaigna pas qu’on l’associe à eux au cours de la décennie. Son nom figure, par exemple, parmi les premières signatures d’une pétition adressée au roi pour protester contre les incidents Butler-Lundrigan, et il appuya par la suite plusieurs requêtes en faveur de la création d’un Parlement. Par contre en 1832, à l’occasion des élections qui visaient à former la première chambre d’Assemblée, il soutint son collègue, l’avocat William Bickford Row*, ce qui indique qu’il associait ses propres intérêts à ceux de l’establishment. Et, en 1834, quand le gouverneur sir Thomas John Cochrane* confia à Lilly le poste de greffier par intérim de la chambre, le réformiste William Carson s’opposa à cette nomination. De plus, Lilly signa en 1835 une déclaration publique en faveur d’un des principaux adversaires des réformistes, le juge en chef Henry John Boulton*.

Cochrane nomma Lilly juge suppléant par intérim de la Cour suprême en septembre 1834, mais il n’obtint sa permanence qu’en 1845, à la mort d’Edward Brabazon Brenton. Plusieurs fois il avait réclamé cette charge permanente, mais on ne le considérait pas comme un très bon juge et il ne comptait pas autant d’appuis que les autres aspirants. Il était, notait le gouverneur Henry Prescott*, « le seul barrister à être attiré par le demi-salaire alloué à un fonctionnaire intérimaire ».

Pendant son mandat de juge suppléant par intérim, Lilly joua un rôle clé dans un affrontement qui contribua à miner le gouvernement représentatif à Terre-Neuve. Son courage – et peut-être son discernement – fut remarquable. Le 9 août 1838, Bryan Robinson* lui demanda de délivrer une ordonnance d’habeas corpus en faveur de son client, Edward Kielley*, chirurgien respecté qu’on avait mis aux arrêts en vertu d’un mandat du président de l’Assemblée, William Carson. Le prévenu avait présumément porté atteinte aux privilèges de l’Assemblée. Lilly rédigea l’ordonnance, exécutoire le lendemain matin et, comme il le devait, Kielley comparut devant lui pour être jugé en référé le 10. Après avoir entendu les arguments de Robinson, et sans examiner alors la question de savoir si l’Assemblée avait le droit d’emprisonner pour offense, Lilly conclut que le mandat était nul et non avenu. Par la suite, il justifia sa décision en disant que le document ne dévoilait aucun « motif suffisant d’incarcération ».

Le 11 août, le sergent d’armes de l’Assemblée, Thomas Beck, flanqué de cinq ou six des « portiers et messagers » de la chambre, pénétra dans le cabinet des juges et tenta d’appréhender Lilly en vertu d’un autre mandat du président. Sur ce, Lilly déclara à Beck qu’il ne reconnaissait ni son autorité ni celle de l’Assemblée et que, si l’arrestation devait être effectuée, « elle [devait] l’être par la force ». Beck et ses aides se saisirent alors de lui : « certains [me prirent] par le collet, raconta Lilly, d’autres par les bras et d’autres encore me poussèrent dans le dos, et ainsi me tirèrent et m’entraînèrent avec une grande violence » jusqu’à un étage inférieur, au bureau du président, car l’Assemblée siégeait dans le même édifice. C’est dans ce bureau qu’on l’enferma d’abord. Peu après, entouré d’« une foule nombreuse d’hommes et de garçons » qui, semble-t-il, s’étaient rassemblés pour assister à cet événement extraordinaire – l’arrestation d’un juge –, Lilly fut conduit chez Beck ; il y resta deux jours. On le relâcha le 13 août, par suite de la prorogation de la législature par le gouverneur Prescott.

Le jour même de sa libération, Lilly statua sur l’emprisonnement de Kielley. Dans un exposé long et convaincant, il réfuta Carson qui disait que l’Assemblée détenait des pouvoirs analogues à ceux de la chambre des Communes. En outre, disait-il, le pouvoir invoqué dans ce cas était superflu. Les députés avaient « particulièrement droit à une protection dans l’exercice légitime de leurs fonctions », mais les lois de la colonie étaient « applicables à eux autant qu’à tout organisme légalement constitué ». On présenta de nouveau les arguments de Lilly en décembre 1838, sous la forme d’une opinion dissidente, au procès de Kielley contre Carson, où la Cour suprême rendit un jugement favorable à l’Assemblée. Toutefois, en janvier 1843, le comité judiciaire du Conseil privé, à Londres, se rangea du côté de Lilly et rejeta les prétentions de l’Assemblée. On ne sait trop dans quelle mesure Lilly avait lui-même préparé les savants arguments qu’il avait présentés. Il en est toujours pour venir au secours de la victoire : tant Robinson qu’Edward Mortimer Archibald*, greffier en chef et registraire de la Cour suprême, s’attribuèrent le mérite d’avoir élaboré l’argumentation. Archibald affirma même qu’il avait « rédigé le jugement » en entier, ce que Prescott sembla confirmer dans une dépêche officielle à Londres.

Par la suite, George Lilly exerça surtout ses fonctions de juge dans un cadre moins prestigieux, le tribunal itinérant du nord de la colonie. Comme il le signalait en 1845, ce travail l’exposa aux « dangers que présente un voyage en mer par période de gros temps [... et] dont les effets [l’éprouvèrent] énormément ». Selon ses dires, il entendit environ 2 000 causes, dont aucune ne fut portée en appel. Le gouverneur sir John Harvey* nota en 1845 que Lilly, en sa qualité de juge itinérant, avait « gagné, par ses manières douces et conciliantes, une grande faveur auprès des habitants des petits villages de pêcheurs ».

Patrick O’Flaherty

Cathedral of St John the Baptist (Anglican) (St John’s), Reg. of baptisms, marriages, and burials (mfm aux PANL).— Law Soc. of Nfld. (St John’s), Barristers’ roll.— MHA, George Lilly name file ; William Lilly name file.— PANL, GN 2/1/A, 20–22, 34, 39 ; GN 2/2, janv. – avril 1835 : 273 ; juill.–déc. 1838 : 179–236 ; GN 5/2/A/1, 8–9 nov. 1820.— PRO, CO 194/64–126 ; 199/20–42 (copies aux PANL).— Supreme Court of Nfld. (St John’s), Solicitors’ roll.— T.-N., House of Assembly, Journal, 1834–1835.— Newfoundlander, 16 août 1838.— Newfoundland Mercantile Journal, 1816–1819, particulièrement 11 déc. 1816, 16 janv. 1818.— Newfoundland Patriot, 1838.— Public Ledger, 1838.— Royal Gazette and Newfoundland Advertiser, 25 nov. 1817, 16 juin 1835.— E. J. Archibald, Life and letters of Sir Edward Mortimer Archibald [...] (Toronto, 1924).— Prowse, Hist. of Nfld. (1895).

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Patrick O’Flaherty, « LILLY, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lilly_george_7F.html.

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Auteur de l'article:    Patrick O’Flaherty
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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