PATTEE, DAVID, fermier, homme d’affaires, juge de paix, juge et homme politique, né le 30 juillet 1778 à Goffstown, New Hampshire, fils de John Pattee et de Mary Hadley ; vers 1803, il épousa Clarissa Thomas, et ils eurent trois fils et cinq filles ; décédé le 5 février 1851, près de Hawkesbury, Haut-Canada.

David Pattee reçut une certaine formation médicale dans sa jeunesse, mais la perte d’un œil semble l’avoir empêché d’exercer. En 1803, il quitta le New Hampshire, sur le conseil de son père, pour éviter de payer ses dettes et échapper à des poursuites pour faux. Il s’établit dans le Haut-Canada, attiré par la présence de son cousin, Moses Pattee, et par l’importante communauté d’habitants originaires de la Nouvelle-Angleterre et de l’état de New York qui s’étaient installés sur les terres de Nathaniel Hazard Tredwell et dans le voisinage de celles-ci, sur le cours inférieur de la rivière des Outaouais. Arrivé le 3 juin 1803, Pattee se tourna vers les principaux débouchés économiques offerts par la région, la culture et l’exploitation forestière. Jeune homme ambitieux, il défricha un terrain pour y construire une ferme, en amont des rapides du Long-Sault et, en 1805, il s’associa avec son compatriote Thomas Mears, propriétaire de moulin expérimenté, afin d’exploiter l’énergie hydraulique des rapides pour le sciage du bois. En juillet de la même année, Mears et le marchand montréalais John Shuter, obtinrent des Algonquins et des Népissingues le bail à long terme de deux îles qui pouvaient fournir des points d’ancrage pour des barrages. Mears et Pattee ne tardèrent pas à acquérir un terrain de 1 000 acres dans le canton voisin, construisirent des barrages en bois avec des canaux d’amenée et bâtirent la première scierie de la rivière des Outaouais située dans le Haut-Canada, pour y produire des madriers destinés au marché d’exportation britannique. Ce fut autour de cette scierie que la ville de Hawkesbury se développa.

En 1809, Mears et Pattee avait passé un contrat avec une firme de Québec appartenant à George* et à William Hamilton pour lui fournir du bois de chêne et d’orme, y compris des madriers, en échange de marchandises devant être vendues à Hawkesbury, et d’une série d’hypothèques et d’avances pour financer leur exploitation. Ils ne réussirent pas à remplir leur contrat. Cet échec et des difficultés financières forcèrent par la suite Mears et Pattee à céder par écrit la scierie aux Hamilton qui semblent en avoir pris possession en octobre 1811. Cependant, l’affaire se termina d’une manière suspecte, car la scierie et le stock brûlèrent le 20 avril 1812. Les Hamilton reconstruisirent rapidement le moulin.

Pattee se remit à la culture à temps complet, et il le fit avec succès. Son importance, à laquelle s’ajoutaient ses relations étroites avec Mears et d’autres membres en vue de la communauté américaine, le fait qu’il possédait une certaine instruction, sa qualité de membre de l’Église d’Angleterre et son intérêt pour les affaires publiques assurèrent son admission parmi l’élite qui dominait la région. Ainsi, quand le district d’Ottawa fut créé en 1816, il devint juge de paix et juge du tribunal des successions et tutelles, charges qu’il conserva jusqu’en 1849. Mears, qui avait continué à faire de l’exploitation forestière, fut nommé shérif.

Sa fonction de magistrat de district entraîna encore une fois Pattee dans un autre malheureux affrontement avec les Hamilton. Les élections provinciales de 1820 dans la circonscription de Prescott and Russell mirent le feu aux poudres, mais le problème venait de la friction qui couvait depuis longtemps au sujet de la domination économique et politique dans les deux comtés. La reconstruction de la scierie de Hawkesbury avait laissé les Hamilton dans une situation financière précaire, et ils se montraient particulièrement entreprenants dans leur tentatives pour établir leur hégémonie dans la vallée du cours inférieur de la rivière des Outaouais. Entrepreneur coriace et tory dans l’âme, prêt à utiliser les insinuations malveillantes et l’intimidation pour en arriver à ses fins, George Hamilton, en particulier, considérait les membres de la communauté américaine, tels Pattee et Mears, comme des rivaux possibles dans le domaine commercial et comme des propagateurs d’idéaux démocratiques séditieux, qui étaient susceptibles de détenir le pouvoir politique. Hamilton craignait aussi que Pattee et d’autres magistrats puissent dénoncer le fait que son frère et lui, comme la plupart des marchands de bois, coupaient illégalement du bois sur les terres de la couronne. Aux yeux de la communauté américaine, George Hamilton apparaissait comme un petit tyran et, selon un colon, c’était « la plus grande canaille du district ».

À l’annonce des élections, en 1820, les Hamilton étaient prêts à réduire le pouvoir politique de la communauté américaine. Pattee, appuyé à fond par Mears, était le candidat opposé à William Hamilton ; Joseph Fortune, collègue de George Hamilton dans la milice, fut nommé directeur du scrutin. La campagne fut très chaude et le vote, qui dura des semaines, tumultueux et violent, chaque partie accusant l’autre d’intimider les électeurs. Pattee soutenait que le peuple devait conserver le pouvoir entre ses mains, alors que les Hamilton appuyaient le « gouvernement exécutif du pays ». George Hamilton essaya de faire élire son frère en rappelant l’accusation de « contrefaçon et de mise en circulation de faux billets de banque » portée contre Pattee en 1803. En dépit de cette révélation, Pattee obtint tout de même la majorité des voix et c’est seulement quand Fortune annula illégalement un certain nombre de votes que Hamilton fut élu.

George Hamilton, qui connaissait l’irrégularité de la situation et qui savait que Pattee présenterait inévitablement une pétition à la chambre d’Assemblée, porta immédiatement des accusations contre les différents fonctionnaires qui appuyaient Pattee, dans un effort pour les faire congédier et pour consolider la victoire de son frère aux élections. Durant toute la fin de l’été et l’automne de 1820, Hamilton tenta de recueillir des accusations complètes, la plupart insignifiantes, contre ces fonctionnaires. En octobre, le procureur général John Beverley Robinson* déclara que ces accusations, à l’exception de celles qui concernaient Pattee, avaient peu de fondement. Pattee, reconnaissant la gravité de l’accusation portée contre lui, plaida sa propre cause dans une lettre au secrétaire civil de la province, au début de l’année suivante. Il soutint qu’il avait été faussement accusé en 1803 par un criminel reconnu qui avait témoigné contre ses complices, sous promesses de pardon ; Pattee affirma que des fonctionnaires du New Hampshire lui avaient refusé l’immunité pour qu’il retourne se blanchir. Au cours des années, il avait mis de l’ordre dans ses affaires et payé toutes ses dettes. De plus, il offrit d’abandonner ses fonctions si le lieutenant-gouverneur le souhaitait, mais il le supplia de ne pas « donner cours à l’esprit de vengeance et de persécution » qui, selon lui, se cachait derrière les actes de Georges Hamilton.

Bien que Hamilton ait envoyé un mandataire au New Hampshire pour consulter les archives judiciaires condamnant Pattee, l’Assemblée annula le résultat des élections le 24 mars et donna le siège à Pattee. Cette victoire fut suivie le 16 mai d’une décision du Conseil exécutif déclarant qu’aucun des documents se rapportant au cas de Pattee, qui avaient été envoyés par Hamilton, ne contenait de « preuve de culpabilité concernant l’accusation de contrefaçon qui [pouvait] l’emporter sur dix-huit ans de conduite irréprochable dans la province, comme l’[avaient] certifié tant d’habitants respectables ». De plus, le Conseil recommanda que Pattee conserve ses fonctions publiques, puisque les citoyens du district avaient témoigné qu’il les avait remplies d’une façon plus que satisfaisante.

Du point de vue politique, John Beverley Robinson détestait David Pattee ; il déclara en 1821 que ce dernier formait, avec Barnabas Bidwell* et Robert Randal* « la lie » qui représentait les « vauriens de la province ». Pattee termina son mandat au Parlement mais ne chercha pas à être réélu en 1824. Il s’aventura une seule autre fois sur la scène politique de la province, en 1834. Cette année-là, il essaya de se faire élire dans la circonscription de Prescott comme candidat réformiste, mais il se classa troisième, derrière Charles Waters, un autre réformiste, et le tory Alexander Greenfield Macdonell*. Ayant réglé son différend avec les Hamilton, Pattee demeura un citoyen respecté de la région de Hawkesbury, où il continua à s’occuper de culture jusqu’à sa mort survenue à sa résidence en 1851.

Robert Peter Gillis

AO, MS 78, J. B. Robinson à John Macaulay, 18 nov. 1821 ; MU 1129, Pattee family genealogy ; RG 1, C-I-1, pétition de David Pattee, 20 févr. 1826 ; C-IV, West Hawkesbury Township, concession 2, lot 8, pétition de David Pattee, 4 janv. 1832.— APC, RG 1, E3, 61 : 49–53 ; L3, 234 : H17/53 ; 239 : H20/30 ; 404a : P13/39 ; RG 5, AI : 23703–23706, 23925–23928, 24277–24284, 24370–24373, 24490–24493, 25055–25088, 25157–25158c, 25163–25165, 25177–25179, 25182, 25373–25385.— Prescott Land Registry Office (L’Orignal, Ontario), Abstract index to deeds, West Hawkesbury Township (mfm aux AO, GS 5092–5093).— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology.— Lucien Brault, Histoire des comtés unis de Prescott et Russell (L’Orignal, 1965).— S. J. Gillis, The timber trade in the Ottawa valley, 1806–54 (Canada, Direction des parcs et lieux hist. nationaux, Travail inédit, no 153, Ottawa, 1975).— M. A. Higginson et Mme J. T. Brock, The village of Hawkesbury, 1808–1888 : the era of « Hamilton Brothers » (Hawkesbury, Ontario, 1961).— Cyrus Thomas, History of the counties of Argenteuil, Que., and Prescott, Ont., from the earliest settlement to the present (Montréal, 1896 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1981).

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Robert Peter Gillis, « PATTEE, DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pattee_david_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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