PRYOR, JOHN, enseignant, ministre baptiste et administrateur scolaire, né le 4 juillet 1805 à Halifax, fils de John Pryor et de Sarah Stevens, et frère aîné de Henry Pryor ; le 9 octobre 1826, il épousa, probablement à Halifax, Elizabeth Mary Boggs, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 17 août 1892 dans cette ville.
Le père de John Pryor était un marchand prospère de Halifax et un membre influent de la congrégation anglicane St Paul. Grâce à leurs relations familiales et commerciales, les Pryor étaient liés à l’élite politique, sociale et économique de la Nouvelle-Écosse. John fréquenta le King’s College, à Windsor, et obtint une licence ès arts en 1824 puis une maîtrise ès arts en 1831. C’est au collège qu’il subit, semble-t-il, l’influence du mouvement évangélique qui allait changer le cours de sa vie.
En Nouvelle-Écosse, au sein de l’Église d’Angleterre, des forces opposées, qu’avivaient des hommes comme le révérend Hibbert Binney, déchirèrent la congrégation St Paul au milieu des années 1820. Dans une querelle profonde et acrimonieuse avec l’évêque John Inglish* au sujet de la nomination de Robert Willis* comme rector, la famille Pryor se rangea du côté du vicaire à tendance évangélique John Thomas Twining*. Finalement vaincus en 1825, les dissidents furent forcés de quitter la congrégation St Paul ; certains, dont John Pryor, James William Johnston*, John Ferguson et Edmund Albern Crawley*, abandonnèrent complètement l’Église d’Angleterre. Après une certaine hésitation, ils optèrent pour la confession baptiste. Cependant, la présence de ces avocats et hommes d’affaires de la haute bourgeoisie parmi les ouvriers, surtout des Noirs, que comptait la congrégation baptiste dirigée par le révérend John Burton* fut à l’origine de sérieuses tensions, puis de l’insatisfaction des deux groupes. Le 30 septembre 1827, les dissidents formèrent une congrégation distincte, connue sous le nom de Granville Street Baptist. Baptisé par immersion deux semaines plus tard, Pryor se joignit à la congrégation. Moins d’un mois après, on le nommait clerc et, le 12 septembre 1828, il obtenait la permission de prêcher.
Après avoir reçu son diplôme du King’s College en 1824, Pryor avait enseigné quelque temps à Sydney et à Halifax. Mais une fois qu’il eut obtenu l’autorisation de prêcher, il abandonna l’enseignement pour entreprendre des études au Newton Theological Institute, à Newton, au Massachusetts, en vue de devenir ministre du culte ; on l’ordonna à Providence, au Rhode Island, en 1830. Il n’aimait pas l’esprit profane, comme il l’appelait, des Américains ; il retourna donc avec plaisir en Nouvelle-Écosse en 1830 pour prendre la direction de la Horton Academy, à Wolfville, école qu’avait ouverte l’année précédente la Nova Scotia Baptist Education Society. Pendant les huit années qui suivirent, Pryor s’employa à établir l’école sur des bases solides, tant sur le plan matériel que scolaire ; cet établissement continua à rayonner jusqu’au milieu du xxe siècle.
En 1838, Pryor appuya la demande de Crawley qui posait sa candidature à un poste de professeur au Dalhousie College, récemment reconstitué [V. Thomas McCulloch*]. Quand on rejeta la demande de Crawley à l’automne sous prétexte qu’il était baptiste, Pryor se sentit lui aussi outragé. Les deux hommes rencontrèrent alors le révérend Ingraham Ebenezer Bill à Nictaux et décidèrent de donner suite au projet original de la Horton Academy en la dotant d’un cours de niveau collégial. Leur proposition fut présentée à une réunion de la Nova Scotia Baptist Education Society le 15 novembre ; on décida alors de fonder le Queen’s College (renommé Acadia en 1841). Les cours débutèrent en janvier 1839 ; Pryor et Crawley se partageaient l’enseignement et l’administration. L’établissement comptait alors 19 étudiants.
Pryor travailla à l’Acadia College pendant presque 12 ans. Au cours des trois dernières années, il occupa le poste de premier directeur de l’établissement. Il enseigna de nombreuses disciplines, voyagea beaucoup, même jusqu’en Angleterre, pour recueillir des fonds, et assura la surveillance des activités quotidiennes des étudiants. Il se préoccupait particulièrement de leur bien-être spirituel, car il considérait qu’il lui incombait avant tout de faire d’eux des jeunes hommes instruits et à l’esprit chrétien. Les périodes successives de renouveau spirituel que connurent l’académie, le collège et les collectivités avoisinantes pendant qu’il était en fonction contribuèrent largement à calmer les appréhensions de nombreux baptistes qui craignaient que l’instruction et la ferveur religieuse soient incompatibles. En 1848, le collège lui décerna, en reconnaissance de ses services, un doctorat honorifique en théologie.
Estimant probablement que ni l’Acadia College ni lui-même, à titre de directeur, ne bénéficiaient de tout le soutien voulu de la part de la communauté baptiste, et fatigué par 20 années d’efforts constants, Pryor remit sa démission en 1850. (Il devait effectuer un bref retour au collège en 1862–1863 en tant que premier titulaire d’une chaire parrainée par les anciens étudiants.) Il passa les années 1850 à remplir les fonctions de ministre du culte à l’église baptiste de Cambridge, au Massachusetts ; en 1863, il retourna à sa congrégation Granville Street Baptist, à Halifax. À partir de ce moment, sa vie tourna au désastre. Pryor fut mêlé à un scandale qui ternit à jamais sa réputation. En 1867, à la suite de rumeurs qui couraient depuis plusieurs années, des membres de sa congrégation l’accusèrent de détourner des fonds placés en fiducie et de se comporter de façon inconvenante avec une femme aux mœurs douteuses. La controverse qui s’ensuivit déchira la congrégation, et toute la communauté baptiste s’en mêla. Même si un conseil formé de dix pasteurs et laïques jugea qu’il avait seulement été « incompétent » dans la gestion des fonds et « imprudent » dans ses relations personnelles, la congrégation baptiste n’accepta pas la recommandation de le réintégrer dans ses fonctions, ce qui mit fin à sa carrière à Halifax. Il retourna alors aux États-Unis, où il desservit plusieurs congrégations avant de prendre sa retraite, en 1881.
Peut-être à cause de ce scandale, on ne reconnut pas à John Pryor tout le mérite qui lui revenait pour son rôle dans la fondation et le développement de l’Acadia University. En outre, il fut éclipsé par la personnalité plus ostentatoire et tapageuse de Crawley, homme déterminé à saisir tous les honneurs qui pouvaient se présenter. Son éloignement de cet établissement, la perte financière qu’il subit à cause de l’effondrement de la West Columbia Mining and Manufacturing Company [V. Edmund Albern Crawley), le scandale de la congrégation Granville Street Baptist et la mort de trois de ses enfants firent de la vie de Pryor une histoire assez tragique et jetèrent de l’ombre sur sa véritable contribution au secteur de l’éducation en Nouvelle-Écosse.
John Pryor est l’auteur de : Letter to the Nova Scotia Central Baptist Association (Cambridge, Mass., 1868). On trouve un portrait de lui dans le hall de l’Acadia Univ. (Wolfville, N.-É.).
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Barry M. Moody, « PRYOR, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pryor_john_12F.html.
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Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
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