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RYAN, THOMAS, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 21 août 1804 à Ballinakill (comté de Laois, République d’Irlande) ; il se maria et eut un fils qui mourut en 1866 ; en secondes noces, il épousa, le 4 septembre 1871, à Fribourg, Suisse, Wilhelmine-Dudding Perrault de Linière, née Montenach, petite-fille de Marie-Charles-Joseph Le Moyne* de Longueuil ; décédé le 25 mai 1889, à Montréal.
La famille de Thomas Ryan était suffisamment à l’aise pour l’envoyer, avec ses deux frères, Edward et John B.*, au collège des jésuites de Clonglowes Wood, dans le comté de Kildare. Thomas y étudia de 1815 à 1822, après quoi il immigra au Canada pour s’y lancer en affaires avec son frère Edward. Au début, les deux frères se maintinrent en rapport, commercialement, avec le bureau de Liverpool de la Baring Brothers, grande entreprise bancaire et commerciale dont le siège social était à Londres et qui, vraisemblablement, approvisionnait la Ryan Brothers and Company, à Québec, à la fin des années 1820. En 1838, la compagnie sollicitait activement les Baring de faire affaire avec elle ; cette année-là, Thomas se rendit à Dublin pour y établir une succursale, aux fins de l’activité import-export de sa compagnie, et il offrit aux Baring d’être leur représentant en Irlande. Cette entreprise connut une existence éphémère, semble-t-il : les Baring se retirèrent d’Irlande, et Ryan rentra au Canada au milieu des années 1840.
Au Canada, Ryan devint le principal correspondant commercial du bureau londonien des Baring. Pendant son séjour en Irlande, il était resté en rapport avec le Canada, et son entreprise de Québec s’était lancée dans des importations de thé de l’Orient, par l’entremise des Baring, à Londres. Ryan jouait le rôle de représentant des Baring, leur communiquant des renseignements fort désirés touchant le prix des denrées, les droits à payer, et les taux d’expédition et de change ; il les informait aussi de questions financières diverses, par exemple les émissions d’obligations, par les villes de Montréal et de Québec, en 1852 et 1853. Il fournissait aux Baring des rapports confidentiels sur les entreprises qui sollicitaient d’eux des marges de crédit ou l’octroi de comptes courants. Il les mit aussi en rapport avec certains hommes d’affaires, dont, en 1852, Peter McGill [McCutcheon*], président de la Banque de Montréal, et John Ross*, un grand ami de Ryan, qui, vers la fin de cette même année, se rendit à Londres pour chercher à financer le Grand Tronc.
En 1859, les Baring, qui avaient de vastes intérêts dans le Grand Tronc, eurent l’idée de se servir des connaissances qu’avait Ryan du commerce des denrées en Amérique du Nord, pour vérifier la possibilité d’utiliser la route allant de Chicago à Boston, en passant par le territoire canadien. On acheta environ 10 000 barils de farine à Chicago et on les expédia, par le Grand Tronc, à Montréal, puis, de là, à Boston. L’expérience échoua : les Baring faillirent y perdre beaucoup d’argent, et les expéditions de farine en provenance du Centre-Ouest américain continuèrent d’être faites par la route américaine traditionnelle. Il semble que cet échec ait mis fin aux rapports commerciaux de Ryan avec les Baring.
Le rôle d’informateur et de confident qu’il joua auprès des Baring dut permettre à Ryan de rehausser son rang au sein de l’élite commerciale canadienne. Les liens avec les grandes entreprises britanniques étaient une composante essentielle du système économique impérial de la Grande-Bretagne, et Ryan était en correspondance avec l’une des plus grandes maisons financières du monde. D’autres hommes d’affaires, Francis Hincks, par exemple, avaient cherché à devenir les représentants des Baring au Canada, mais ce fut Ryan qui, jusqu’à la fin des années 1850, joua officieusement ce rôle.
Les intérêts commerciaux de Ryan furent considérables. Au milieu des années 1840, il était associé à Henry Chapman dans la firme Ryan, Chapman and Company, « marchands généraux » établis tant à Québec qu’à Montréal. Cette entreprise représenta aussi la Globe Insurance Company et les Lloyd’s de Londres, jusqu’à sa dissolution en 1852. Lui succéda une autre entreprise, aussi nommée Ryan Brothers and Company, qui connut un succès commercial et obtint de bonnes cotes de crédit. Thomas et Edward étaient ainsi qualifiés, en 1858, par la R. G. Dun and Company (firme déterminant la cote de crédit des compagnies) : « on parle toujours d’eux comme de gens riches et respectables. Ils surveillent leurs affaires de près, n’ont jamais de difficultés, sont prudents, réservés et minutieux. » Elle ajouta en 1860 que le populaire frère aîné, Edward, dirigeait l’entreprise à Québec, et que Thomas, qui la dirigeait à Montréal, tout en veillant de là à la gestion des deux bureaux, était « célibataire, bizarre, et quelque peu excentrique, et enclin, dans ses relations d’affaires, à l’opiniâtreté et à l’arrogance ».
En 1849, Thomas Ryan exploitait des navires à vapeur sur le Saint-Laurent et les lacs Érié et Ontario, conjointement, il est probable, avec son frère John B. En 1853, Thomas fut l’un de ceux qui sollicitèrent la constitution juridique de la Compagnie canadienne de navigation à la vapeur, faisant concurrence à Hugh Allan pour l’obtention de subsides gouvernementaux en vue du service de navigation transatlantique. Quand celui-ci fut inauguré en 1875, Ryan faisait toutefois partie du conseil d’administration de la Compagnie de navigation du Richelieu et d’Ontario, une entreprise dont Allan avait fait la plus grande et la plus prospère du Saint-Laurent. À un moment donné, l’investissement de Ryan dans cette compagnie s’élevait à $45 000. Il demeura membre du conseil d’administration jusqu’au 11 février 1882, jour où Louis-Adélard Senécal assuma la présidence de la compagnie Outre ses intérêts dans le domaine de la navigation, Ryan fit partie du conseil d’administration de la Banque de Montréal de 1847 à 1881, et il en fut vice-président de 1860 à 1873 ; il siégea aussi au conseil d’administration de la Dominion Type Foundry Company, de la North British and Mercantile Insurance Company et de la Montreal and Western Land Company. Il fut au nombre de ceux qui obtinrent la constitution juridique de la Bourse de Montréal en 1852, de la Compagnie du chemin de fer à passagers de la cité de Montréal en 1861, et, en 1864, de la Compagnie du chemin de fer de la vallée de Chaudière et de la Compagnie pour l’exploitation des mines d’or de Kennebec. Tôt dans sa carrière, Ryan était devenu un personnage en vue à Montréal, comme le montre son élection à la présidence du Bureau de commerce de Montréal, qu’il assuma en 1849–1850. Il fut aussi nommé lieutenant-colonel de la milice locale. De 1855 à 1861, il fut consul à Montréal de la France, du Danemark, de Lubeck, de Brême et de Hambourg.
En 1863, Ryan se fit élire à titre de représentant de la division de Victoria au Conseil législatif de la province du Canada, en remplacement de Luther Hamilton Holton*, qui avait démissionné en vue de se présenter comme candidat aux élections à l’Assemblée. Au conseil, Ryan s’intéressa aux questions qui influençaient le commerce canadien ; en 1865, il fit partie de la mission qui visita le Brésil, le Mexique et les Antilles britanniques, dans un effort pour améliorer le commerce avec ces pays ; la même année, il présida la délégation canadienne aux négociations entourant l’entente de réciprocité, à Detroit. Au cours des débats sur la confédération, Ryan prôna fortement l’idée d’une chambre haute de la législature fédérale, dont les membres seraient nommés et non point élus ; il faisait valoir qu’une telle chambre, composée de représentants issus de groupes sociaux différents de ceux des membres de la chambre d’Assemblée, pourrait s’opposer efficacement à cette dernière. Nommé au sénat en octobre 1867, il s’intéressa activement aux projets de loi relatifs à la navigation, aux banques, aux chemins de fer, aux droits d’auteur et au commerce.
Ryan œuvra au sein de la communauté irlandaise catholique de Montréal, laquelle, au xixe siècle, était fortement unie et très prompte à réagir quand il s’agissait de défendre ses institutions religieuses et ethniques. En 1860, par exemple, Mgr Ignace Bourget tenta de transformer l’église St Patrick, qui desservait la communauté des catholiques irlandais de Montréal depuis 1847, en une église paroissiale au sens canonique, destinée à des résidants tant francophones qu’anglophones d’un territoire donné et non à toute la ville. Les paroissiens s’y opposèrent. Très en colère, les Irlandais chargèrent Ryan et Thomas D’Arcy McGee* d’aller en appeler directement à Rome, ce qu’ils firent avec succès, même si l’affaire ne se régla, à la satisfaction des paroissiens, qu’en 1873. Ryan continua de représenter les Irlandais catholiques de Montréal, à titre de membre du comité catholique du conseil de l’Instruction publique à compter de 1869. Au contraire de beaucoup d’Irlandais catholiques, Ryan, quand il mourut en 1889, avait acquis de l’influence sur ses concitoyens, en plus d’avoir réussi commercialement.
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Gerald J. J. Tulchinsky et Alan R. Dever, « RYAN, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ryan_thomas_11F.html.
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Auteur de l'article: | Gerald J. J. Tulchinsky et Alan R. Dever |
Titre de l'article: | RYAN, THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 3 déc. 2024 |