DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

ROBINSON, ELIZA ARDEN – Volume XIII (1901-1910)

décédée le 19 mars 1906 à Victoria

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

HOLTON, LUTHER HAMILTON, homme d’affaires de Montréal, citoyen éminent, homme politique, né le 22 janvier 1817 à Sheffield’s Corners (l’actuel Soperton), comté de Leeds, Haut-Canada, second fils et quatrième des six enfants d’Ezra Holton et d’Anner Phillips, originaires de Brandon, dans le Vermont, qui avaient émigré à Sheffield’s Corners en 1811, décédé le 14 mars 1880 à Ottawa et inhumé au cimetière du Mont-Royal à Montréal.

Ezra Holton, un pauvre fermier, mourut lorsque Luther avait sept ans. En 1826, Luther alla demeurer à Montréal, chez son oncle Moses Gilbert, négociant originaire du Vermont, qui le fit entrer à l’Union School, où Luther se montra un élève brillant et appliqué. Il resta dans cette institution privée pendant quatre ans et reçut une bonne instruction élémentaire. Dans les années 1830 et 1840, Montréal était un centre important où le commerce du blé avec le Royaume-Uni se développait constamment et où les jeunes gens avaient toutes les chances de pouvoir réussir dans les affaires. À 12 ans, Luther Holton débuta comme employé dans le bureau de comptabilité que dirigeait son oncle et il apprit rapidement les principes de la tenue des livres. En 1836, il cessa de travailler chez son oncle et entra comme employé dans la maison d’expédition et de courtage Henderson & Hooker. James Henderson, de Montréal, et Alfred Hooker, de Prescott, avaient fondé cette entreprise fort active en janvier 1825 et, depuis, avaient construit des quais et des entrepôts à Montréal, à Prescott et à Kingston. À 22 ans, Luther Holton était un jeune homme grand, au visage austère, travailleur et clairvoyant ; le 27 avril 1839, il épousa sa cousine germaine, Eliza Forbes. Ils eurent trois fils et trois filles, mais deux de leurs fils et une de leurs filles moururent en bas âge. À cause de ses capacités, les employeurs de Holton le tenaient en grande estime et, le 1er avril 1841, ils l’acceptèrent dans leur firme en qualité de plus jeune associé. À la mort de Henderson, le 22 mars 1845, Holton devint un des principaux associés et la firme prit le nom de Hooker & Holton.

Cette maison était l’une des plus importantes dans le commerce du transport sur le haut Saint-Laurent, le lac Ontario et le lac Érié. Comme toutes les firmes de ce genre, elle était aux prises avec les problèmes d’accumulation de capital, d’augmentation maximale des profits, de concurrence, de navigation et de mise en marché du blé. Holton, un des propriétaires et administrateurs de l’entreprise, assura un fonds de roulement en offrant les goélettes, les vapeurs, les quais et les entrepôts en garantie additionnelle pour obtenir des prêts bancaires à court terme. Il emprunta de l’argent à la Banque Commerciale du district de Midland (Commercial Bank of the Midland District) et à la Banque de la Cité de Montréal, et prit grand soin de conserver intacte la bonne réputation que ses associés s’étaient assurée auprès de ces banques. En 1842, les biens de Hooker & Holton étaient estimés à environ £20 000 et, au début des années 50, l’estimation était passée à environ £50 000. Holton, négociant habile et à l’esprit pratique, augmenta les bénéfices de l’entreprise en accroissant le transport des voyageurs et des marchandises, en investissant avec prudence dans l’achat de nouveaux vapeurs, en exerçant un contrôle étroit sur les frais d’opération et en faisant une publicité efficace. Afin de contrecarrer une concurrence ruineuse, Hooker et Holton coopérèrent avec des firmes rivales telles que Macpherson & Crane et H. & S. Jones, et formèrent à Montréal une coalition qui maintint des tarifs de transport élevés, monopolisa le commerce du transport sur le haut Saint-Laurent et parvint à évincer les petits expéditeurs. Pour pallier au problème de l’aménagement insuffisant sur le Saint-Laurent entre Montréal et Prescott, Hooker & Holton firent emprunter à leurs bateaux une voie indirecte ; ces bateaux remontaient la rivière Outaouais et la rivière Rideau, transbordaient leur cargaison à Kingston et descendaient à Montréal par les rapides du Saint-Laurent. Lorsque, en 1848, les canaux du Saint-Laurent furent terminés, la firme acheta de grands navires à hélices pour sa nouvelle ligne directe entre Montréal et Port Stanley sur le lac Érié, et profita ainsi du commerce lucratif qui se faisait alors avec l’Ouest. La situation financière de la firme était assez bien établie, ce qui lui permit de surmonter la crise économique de 1848 et 1849. Holton était maintenant un des principaux exportateurs de blé et de farine, et importait en petites quantités des marchandises diverses ; il avait ainsi contribué à établir une entreprise commerciale très importante.

Entre 1846 et 1849, le Canada perdit progressivement le tarif préférentiel dont il jouissait sur le marché anglais pour l’écoulement de son blé, et c’est pendant cette période que Holton joua un rôle éminent dans la vie économique de Montréal. En mars 1846, il fut nommé vice-président de la Montreal Free-Trade Association [V. John Young] et, le 5 avril, il fut élu au conseil du Bureau de commerce de Montréal (Montreal Board of Trade). C’était un libre-échangiste convaincu, qui croyait qu’une économie d’une grande souplesse apporterait aux centres commerciaux de la région du Saint-Laurent de nouveaux marchés pour les exportations de céréales, et serait un moyen de diminuer le coût des produits indispensables. Par l’intermédiaire de la Free-Trade Association et du Bureau de commerce, Holton et d’autres libre-échangistes montréalais parvinrent à obtenir l’appui des commerçants de Québec, de Kingston, de Toronto et de Hamilton et firent suffisamment pression sur les gouvernements canadien et anglais pour faire annuler, en 1846, les droits de douane que le Canada imposait sur le blé américain et, en 1847, la priorité que le Canada accordait aux produits manufacturés en Grande-Bretagne ; ils réussirent également, en 1849, à obtenir la liberté de navigation sur le Saint-Laurent. Pourtant l’assurance de Holton fut ébranlée par l’échec du gouvernement canadien dans ses tentatives, en 1848, de conclure un traité de réciprocité avec les États-Unis. En outre, la montée du protectionnisme au sein du Bureau de commerce de Montréal, entre 1847 et 1849, l’amena à démissionner de son conseil.

Le 15 novembre 1849, Holton devint l’un des vice-présidents de l’Association d’annexion de Montréal et, pendant quelques mois, vit dans le projet d’annexion du Canada aux États-Unis la solution aux difficultés qu’éprouvait son commerce d’expédition, ainsi qu’un remède au malaise économique dont souffrait Montréal. Le 24 décembre 1849, pour le punir d’être devenu partisan de l’annexion, le gouvernement lui retira son brevet de lieutenant dans la milice canadienne. La mesure eut pour résultat de refroidir son engouement pour l’annexionnisme. La reprise des affaires sur le Saint-Laurent et sa réélection au conseil du Bureau de commerce au début de 1850 lui firent envisager ses devoirs civiques sous un nouveau jour. De 1856 à 1859, puis de 1862 à 1863, il fut président du Bureau de commerce et commissaire du havre ; il partageait les vues de la collectivité de Montréal, qui voulait faire de cette ville une grande métropole, et il fit exécuter sur le Saint-Laurent un programme d’aménagements qui contribua à stimuler le commerce et à enrichir les milieux commerciaux de la ville.

Entre 1852 et 1854, Holton transféra graduellement dans la construction des chemins de fer les capitaux qu’il avait dans le commerce extérieur et dans le transport des marchandises et, le 12 janvier 1854, il se retira de la firme Hooker & Holton. Dans les années 1850 le commerce sur le Saint-Laurent était toujours en pleine expansion, mais les chemins de fer mobilisaient la plupart des entrepreneurs et offraient des domaines d’investissements plus attrayants. Le 10 août 1852, Holton fut nommé à la tête de la compagnie qui projetait de construire le chemin à rails de Montréal et Kingston (Montreal and Kingston Railroad), dont le capital s’élevait à £600 000 ; ce chemin de fer était conçu pour donner à Montréal la maîtrise du transport d’est en ouest. Comme il ne voulait pas que ce chemin de fer tombe dans les mains de l’entreprise de construction de William Jackson et de ses associés du Royaume-Uni, Holton, en compagnie des autres administrateurs, acquit la majorité des parts et recueillit £60 000 à Montréal. Ne pouvant néanmoins ni obtenir l’aide de l’État, ni les capitaux anglais nécessaires à la construction, il fut obligé d’abandonner au gouvernement canadien la charte que la compagnie détenait. Malgré ces déboires, Holton joua un rôle des plus importants dans les négociations qui conduisirent à l’unification des compagnies de chemins de fer du Saint-Laurent et de l’Atlantique, de Montréal et Kingston, de Toronto et Kingston et de Toronto et Sarnia en une société mixte, le Grand Tronc du Canada. Le 10 novembre 1852, Holton devint l’un des administrateurs du Grand Tronc et, le même mois, s’associa à Alexander Tilloch Galt*, David Lewis Macpherson* et Casimir Stanislaus Gzowski* pour former l’entreprise de construction C. S. Gzowski and Company. Le 12 avril 1853, peu après la démission de Holton du Grand Tronc, la firme signa un contrat de £1 376 000 pour construire une voie ferrée de 167 milles entre Toronto et Sarnia.

Le 5 septembre 1854, Holton entra au parlement canadien comme représentant de la ville de Montréal et devint l’un des principaux membres de l’opposition libérale du Bas-Canada. Dans les années 1840, il s’était déclaré fortement en faveur du principe du gouvernement responsable et avait appuyé des réformistes, tels que Francis Hincks*. Mais, en 1854, il trouvait Hincks trop conservateur et se montra alors ferme partisan d’Antoine-Aimé Dorion*, qui avait succédé à Louis-Joseph Papineau comme chef des libéraux du Bas-Canada. Holton se disait libéral progressiste et réclamait un Conseil législatif électif, la sécularisation des « réserves » du clergé du Haut-Canada, l’abolition de la tenure seigneuriale dans le Bas-Canada et la réforme de l’administration financière du gouvernement. Lorsque, vers 1855, ces réformes furent appliquées, il en retira une immense satisfaction et continua de souligner l’importance de la liberté individuelle, de la liberté religieuse et du libre-échange. Fondamentalement, c’était malgré tout un libéral modéré, qui montrait peu d’enthousiasme pour les opinions radicales. Il était en faveur de l’instruction publique gratuite, mais était convaincu qu’au point de vue politique il était inopportun de critiquer les écoles confessionnelles du Bas-Canada. Holton était fort affecté par le manque d’unité entre les libéraux du Haut-Canada et ceux du Bas-Canada. Mais, à cause de sa solidarité avec le groupe du Bas-Canada et de ses relations commerciales étroites avec les administrateurs du Grand Tronc, dont Montréal était le centre, ses initiatives pour réunir ces deux groupes en un seul parti libéral provincial échouèrent entre 1854 et 1857.

De fait, jusqu’en 1857, la construction des chemins de fer occupa la majeure partie de son temps. Entre 1852 et 1857, les principaux problèmes auxquels le groupe Gzowski eut à faire face consistèrent à entretenir de bonnes relations avec le public, à recueillir des fonds, à réduire les débours et à traiter avec le Grand Tronc. Entre 1854 et 1857, Holton et Galt, tous deux membres de l’Assemblée de la province du Canada, furent attaqués par l’opinion publique pour avoir obtenu le contrat de la ligne Toronto-Sarnia grâce au favoritisme du gouvernement, et pour avoir influencé les législateurs afin qu’ils accordent à leur firme une aide financière indirecte. Holton tenta de se concilier l’opinion en attirant son attention sur l’importance de ce chemin de fer qui contribuerait au développement économique du Canada et à l’expansion de Montréal. Il persuada le rédacteur en chef du Montreal Herald, Edward Goff Penny*, avec qui il était en relation étroite tant sur le plan social que politique, de donner une publicité favorable au groupe Gzowski. Les capitaux nécessaires à la construction de la ligne Toronto-Sarnia provenaient en grande partie de l’État et de commanditaires anglais, mais Holton lui-même contribua énormément à l’entreprise en canalisant dans la construction du chemin de fer les fonds qu’il avait dans les transports fluviaux, et en empruntant au nom de sa firme à la Banque Commerciale du District de Midland. Il craignait que la montée des salaires et l’augmentation du prix des matériaux de construction ne finissent par manger les bénéfices de l’entreprise. Fort de cet argument, il n’eut pas de mal à convaincre ses associés d’accélérer la construction de la voie ferrée, de réduire le personnel technique et de spéculer sur les terrains à Sarnia. Lorsqu’ éclata la guerre de Crimée, qui provoqua à Londres des restrictions sur le marché financier, le Grand Tronc fut incapable de vendre un nombre suffisant d’actions pour couvrir le coût de l’entreprise. Les paiements à la firme Gzowski se trouvèrent retardés et le Grand Tronc suspendit tous les travaux sur la ligne entre St Mary et Sarnia. Voyant cela, Holton, qui craignait une crise économique, était désireux de liquider ses affaires avec le Grand Tronc. Une entente conclue avec cette société, le 4 février 1857, permit au groupe Gzowski de réaliser un bénéfice net de £120 000, et le 12 mars Holton vendit ses actions et se retira des affaires. C’était alors un homme riche.

Holton désirait maintenant se consacrer entièrement à la politique, aussi fut-il profondément déçu lorsqu’il fut battu aux élections générales qui eurent lieu en décembre 1857. De 1858 à 1862, il resta en dehors du parlement mais n’en surveilla pas moins attentivement les travaux du gouvernement libéral-conservateur de George-Étienne Cartier et de John A. Macdonald* et de l’opposition libérale. Au cours de ces années, les relations étroites qu’avait Holton avec George Brown, directeur du Globe de Toronto et leader des libéraux du Haut-Canada, revêtaient une importance considérable dans la politique de l’union législative des deux Canadas et, en fait, constituaient un lien important entre les deux parties de la province du Canada. Holton admirait les qualités de chef de Brown, ainsi que ses talents d’orateur, bien que chez les deux hommes la fidélité à des intérêts régionaux divergents mît souvent leur amitié à dure épreuve. En février 1858, Holton fut l’un des principaux participants aux discussions qui devaient servir de base à l’union des libéraux du Haut et du Bas-Canada pour obtenir une représentation basée sur la population, des garanties constitutionnelles quant à la religion catholique et à la langue française, ainsi qu’un système scolaire unifié qui répondrait à la fois aux besoins des protestants et des catholiques. Holton fut nommé commissaire des Travaux publics le 2 août 1858, lorsque le gouvernement libéral Brown-Dorion arriva au pouvoir mais, le même jour, avant que Holton ait seulement pu se faire élire dans une circonscription, le ministère fut battu. Le refus du gouverneur général, Edmund Walker Head*, de dissoudre le parlement le rendit furieux, car il avait l’impression que l’existence même du gouvernement responsable se trouvait menacée.

Holton continua de souligner l’importance de l’unité libérale et, en octobre 1859, il rédigea un manifeste demandant aux libéraux du Haut et du Bas-Canada d’accepter le fédéralisme dans lequel il voyait un remède à l’instabilité politique de l’union canadienne. Lorsque la majorité des libéraux du Bas-Canada rejetèrent ce projet d’une fédération canadienne, Holton pressa Brown de tenter de faire tomber le gouvernement Cartier-Macdonald sur une question financière. En novembre 1860, non seulement il ne parvint pas à persuader Brown de démontrer que la Bank of Upper Canada, qui assurait le service de trésorerie du gouvernement, était une institution corrompue ne servant qu’à maintenir les libéraux-conservateurs au pouvoir, mais il refusa à son tour de blâmer le Grand Tronc, subventionné par le gouvernement, pour avoir acheté au prix fort à Sarnia des terrains qui appartenaient à la firme Gzowski. Les libéraux de Montréal invitèrent Holton à se présenter dans la circonscription de Montréal-Centre aux élections générales de juin 1861, mais il refusa craignant d’être battu par les conservateurs. Le 11 septembre 1862, les libéraux et les conservateurs de Montréal s’unirent pour élire Holton au Conseil législatif, dans la circonscription de Victoria. Il siégea peu de temps au Conseil législatif et travailla avec plaisir dans le comité sur les banques et le commerce, où cependant le champ d’action laissé à un militant politique était des plus restreints.

Lorsque le 16 mai 1863 un gouvernement libéral remanié prit le pouvoir, dirigé par John Sandfield Macdonald et Antoine-Aimé Dorion, Holton démissionna du Conseil législatif et fut nommé ministre des Finances. Aux élections générales de juin 1863, il fut battu dans la circonscription tant convoitée de Montréal-Centre, mais fut par la suite élu dans celle de Châteauguay. Holton, se rendant parfaitement compte que le ministère ne disposait que d’une faible majorité, n’essaya pas de proposer à la législature de voter des mesures financières onéreuses. Le budget qu’il présenta en octobre 1863 ne prévoyait aucune augmentation d’impôt et seulement une petite réduction des dépenses globales, ce qui n’apportait aucune solution au déficit de $1 500 000 qui existait alors. À l’aide de nouveaux emprunts, Holton paya les intérêts de la dette canadienne à Londres, mais par manque d’excédent budgétaire, il lui fut impossible de rembourser intégralement la dette. Son désir d’économiser les fonds publics lui fit oublier qu’il fallait prolonger les voies ferrées dans les Maritimes et promouvoir le développement économique en général. Selon lui, sa tâche principale était de trouver une banque capable d’assurer le service de trésorerie du gouvernement du Canada. La Bank of Upper Canada, fortement engagée dans les spéculations foncières et ferroviaires, connaissait de graves difficultés et ne pouvait prêter d’argent au gouvernement. Sur l’insistance de Holton, le gouvernement transféra à la Banque de Montréal, le 1er janvier 1864, le compte des fonds publics qu’il avait à la Bank of Upper Canada [V. Thomas Brown Anderson]. Holton tenta de maintenir la Bank of Upper Canada en activité, mais le retrait des fonds du gouvernement avait contribué à faire perdre la confiance que le public avait dans cette banque, qui s’effondra deux ans plus tard. La Banque de Montréal, devenue le dépositaire officiel du gouvernement, renforça la position de ce dernier. Mais le mécontentement de George Brown face à la politique bancaire du ministère, qui favorisait Montréal, et l’incapacité de Dorion de recruter d’autres partisans dans le Bas-Canada amenèrent Holton à ne pas présenter son budget de 1864 et à insister pour que l’on procède à un remaniement ministériel. Les obligations qu’imposait le ministère des Finances avaient fatigué Holton et il fut vraiment soulagé lorsque, le 21 mars 1864, après de vaines tentatives de réorganisation, le ministère fut obligé de démissionner.

De juin 1864 jusqu’au début de 1867, Holton s’opposa au programme du ministère de coalition qui était en faveur d’une union fédérale de l’Amérique du Nord britannique et s’accrocha avec acharnement au système constitutionnel peu satisfaisant de l’union canadienne. Son opposition au projet de confédération provenait d’une part de préjugés partisans et, d’autre part, d’une vision restreinte qui lui faisait considérer les membres du ministère de coalition comme des hommes plus intéressés au pouvoir qu’à l’amélioration du système politique et à l’obtention de nouveaux avantages économiques. Il s’opposait aussi à la confédération parce qu’il désirait foncièrement conserver l’intégrité du groupe canadien-anglais et du groupe canadien-français du Bas-Canada. Il était conscient de leurs besoins culturels et religieux et voulait être sûr qu’ils n’auraient pas à souffrir sous un régime centralisé à l’extrême. Il croyait par-dessus tout que les partisans de la confédération voyaient trop loin dans leurs projets d’expansion territoriale et oubliaient le fardeau financier que signifiait une telle expansion. C’est ainsi qu’il se trouva peu à peu détaché des libéraux du Haut-Canada et de nombreux hommes d’affaires de Montréal. Il ne proposa pas son projet de fédération canadienne, qui datait de 1859, pour faire contrepoids au projet d’union totale. Il était, en effet, incapable de trouver une solution aux problèmes complexes, tant politiques que constitutionnels, de l’union canadienne. C’est sans doute après qu’il eut constaté son incapacité dans ce domaine et à la suite de son rapprochement avec George Brown, au milieu de 1866, qu’il en vint à accepter plus facilement l’idée de confédération. Quand cette dernière fut réalisée, il en apprécia les avantages et parvint à convaincre Antoine-Aimé Dorion et d’autres libéraux du Bas-Canada d’accepter le nouvel ordre politique.

Entre 1867 et 1880, Holton accorda un certain intérêt à la politique de la province de Québec, mais consacra la majeure partie de son temps à la politique fédérale à Ottawa. De 1871 à 1874, il fut député de Montréal-Centre à l’Assemblée législative du Québec et, de 1867 à 1880, fut député de Châteauguay à la chambre des Communes du Canada. Bien qu’aux Communes il ne parlât que rarement et de façon laconique, Holton suivit attentivement les débats et collabora volontiers aux travaux des comités parlementaires sur les banques et le commerce, les chemins de fer, les canaux, le télégraphe et les comptes publics. Sous le gouvernement libéral, de 1873 à 1878, il fut l’un des principaux conseillers du premier ministre, Alexander Mackenzie*, mais refusa le portefeuille des finances en 1873, ainsi qu’un autre portefeuille qui lui fut offert en 1875. Holton voulait bien exercer des pouvoirs, mais reculait devant les responsabilités et s’offensait vite de ne pas être dans les secrets du gouvernement.

Après 1867, la conception qu’avait Holton de la nouvelle nation canadienne réflétait fondamentalement son libéralisme. Il était contre l’abrogation de la nouvelle Confédération, mais désirait que la Nouvelle-Écosse obtînt de meilleures conditions que celles dans lesquelles elle était entrée dans l’union. Ce désir s’apparentait au dessein qu’il avait de fonder un parti libéral national, ouvert aux problèmes provinciaux. Il était en faveur de l’amnistie de Louis Riel*, le chef de la rébellion de la Rivière-Rouge, et déplorait les attaques des protestants contre le clergé catholique de Québec, taxé de se mêler de politique ; de plus, il conseilla à Alexander Mackenzie d’accepter le projet du ministre des Colonies, Carnarvon [Herbert], qui prévoyait le versement d’une compensation à la Colombie-Britannique à cause du retard apporté à la construction du chemin de fer canadien du Pacifique. Bien que Holton eût toujours défendu l’autonomie canadienne dans tout ce qui avait trait aux affaires intérieures, il souligna que la Confédération était fondée sur une politique et une législation britanniques et trouva tout à fait normal que Carnarvon servît de médiateur entre le gouvernement fédéral et la Colombie-Britannique, dans le but de régler cette épineuse question du chemin de fer. Holton s’opposa au projet du parti libéral en vue d’une indépendance canadienne intégrale et insista sur la nécessité de maintenir les liens avec l’Angleterre et de conserver des institutions parlementaires sur le modèle britannique.

Si intéressé qu’il fût par ses entreprises commerciales, Holton ne les laissa jamais dominer entièrement sa vie. Très fier de sa ville, Holton parvenait à travailler pour la collectivité tout en défendant ses propres intérêts. C’est ainsi qu’il contribua au développement de Montréal, tout en bâtissant sa fortune et sa réputation personnelles. En 1850, il fut conseiller municipal ; il joua aussi un grand rôle dans la fondation de l’Unitarian Society de Montréal, le 6 juin 1842. Ses convictions unitariennes étaient dues à l’influence de son oncle, Moses Gilbert, qui à Montréal avait été l’un des premiers unitariens. En sa qualité de membre du comité de direction de l’Unitarian Society, au cours des années 1840 et 1850, Holton participa à la rédaction de la constitution, à l’installation du révérend John Cordner*, originaire de Newry, Irlande, comme pasteur et à la construction d’une nouvelle église à Beaver Hall Hill. Grâce à ces efforts cette petite congrégation eut un statut légal malgré une opposition considérable des autres sectes protestantes de Montréal. Bien qu’il ne manquât jamais d’affirmer sa croyance en un Dieu unique, et non pas en la sainte Trinité, Holton fut tolérant, plein de tact et s’intéressa beaucoup plus aux œuvres de bienfaisance qu’aux doctrines religieuses. Il contribua à la fondation de la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal, le 23 mai 1846 [V. Marc-Damase Masson]. En tant qu’administrateur de cette banque de 1846 à 1873, il encouragea les ouvriers à y déposer leurs économies dans le but d’améliorer leurs conditions de vie et, jusqu’en 1871, il investit ces fonds dans des valeurs avantageuses pour le seul bénéfice des déposants. Jusqu’en 1862, il ne reçut pour ses services aucune rémunération et utilisa ses ressources personnelles et sa réputation pour aider la banque à sortir des difficultés dans lesquelles elle était tombée en 1848 et en 1849. Lorsqu’en 1871 la banque devint une société par actions, Holton en fut nommé président et, pendant les deux années qui suivirent, les investissements qu’il fit dans la banque, après sa réorganisation, lui rapportèrent de bons bénéfices. Holton abandonna ses fonctions de président de la banque en 1873 et, de 1876 à 1880, il fut un des administrateurs de McGill University, montrant de cette façon le souci qu’il avait de voir l’instruction se développer dans la ville de Montréal.

À sa mort, le 14 mars 1880, Luther Holton laissa à sa famille une grosse fortune ainsi que sa grande demeure de la rue Sherbrooke.

H. C. Klassen

AJM, Greffe de Charles Cushing, no 16 403 ; Greffe de W. M. Easton, nos 4 076, 4 272 ; Greffe de I. J. Gibb, nos 5 643, 11 051, 12 133, 15 257, 15 281 ; Greffe de William Ross, no 275.— APC, FM 24, B40 (Papiers Brown), 1–11 ; FM 24, D16 (Papiers Buchanan), 15, 18, 25, 27, 30, 31, 37, 46, 63, 94, 99 ; FM 24, D21 (Baring Brothers & Co.), 1–4 ; FM 24 ; D36 (Glynn Mills & Co.), 8 ; FM 24, E9 (Papiers Gzowski), 1–3 ; FM 26, B (Papiers Mackenzie), 2° sér., 1–6 ; FM 27, I, D8 (Papiers Galt), 1–4 ; FM 27, I, E5 (Papiers Holton).— Archives de la Banque d’Épargne de la Cité et du District de Montréal, Minute Book, 1846–1862.— Glynn Mills & Co., Incoming correspondence, Official letters, 1850–1859, 1860–1861, 1862–1874 (microfilm aux APC).— Montreal Board of Trade Archives, Minutes of the general meeting, 1842–1863 ; Minutes of the Council, 1843–1863.— PAO, Edward Blake Papers, 1, 2, 3, 4, 9 ; Francis Shanly Papers, 41, 42, 81, 85.— Queen’s University Archives, Alexander Mackenzie Papers, General correspondence, 1–4.— Unitarian Church Archives (Montréal), Minute Book, A (1842–1856) ; Minute Book, B (1856–1874).— The ancestry of Ezra Holton of Northfield, Mass., and Soperton, Ont., 1785–1824 ; twenty-eight « stories » edited and corrolated by Geoffrey Gilbert, E. L. Moffat, compil. (Victoria, 1953) (copie à l’University of Toronto Library).— Debates of the House of Commons of Canada, 1867–1880.— Journals of the Legislative Assembly of the Province of Canada, 1841–1867.— Parliamentary debates (Province du Canada), 1858–1867.— Canadian Economist (Montréal), 1846–1847.— Globe (Toronto), 1°844–1867.— Montreal Herald, 1863–1880.— Montreal Witness, 1846–1854, 1857, 1860–1867.— Le Pays (Montréal), 1852–1871.— Dent, Canadian portrait gallery, II : 193–198.— Careless, Brown, I, II.— H. C. Klassen, L. H. Holton : Montreal businessman and politician, 1817–1867 (thèse de ph.d., University of Toronto, 1970).— J. R. A. Pollard, Luther Hamilton Holton, 1817–1880 (thèse de m.a., University of Toronto, 1928).

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

H. C. Klassen, « HOLTON, LUTHER HAMILTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/holton_luther_hamilton_10F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/holton_luther_hamilton_10F.html
Auteur de l'article:    H. C. Klassen
Titre de l'article:    HOLTON, LUTHER HAMILTON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    19 mars 2024