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STEWART, CHARLES JAMES TOWNSHEND, officier de la Police à cheval du Nord-Ouest et de l’armée, baptisé le 25 décembre 1874 à Amherst, Nouvelle-Écosse, un des 12 enfants de Charles James Stewart et d’Amelia Isabella McKay King, petit-fils d’Alexander Stewart* ; célibataire ; tué au combat le 28 septembre 1918 près de Raillencourt, France.
Charles James Townshend Stewart, ou Charlie Stewart, comme on l’appelait, appartenait à une riche et illustre famille néo-écossaise. Entré en 1892 au Royal Military College of Canada à Kingston, en Ontario, il en sortit en 1894. On dirait plus tard qu’il avait été renvoyé à « sa demande et [à] celle de ses parents », mais en fait, il fut expulsé parce qu’il s’adonnait aux jeux de hasard. Il fut ensuite commis dans les assurances à Halifax tout en servant dans le 66th Battalion of Infantry (Princess Louise Fusiliers) à titre de lieutenant. C’était tout un athlète : il excellait au cricket, au hockey, au football, au tennis et au golf. À un moment donné, il se lia d’amitié avec l’homme d’affaires William Maxwell Aitken*.
Stewart se joignit à la Police à cheval du Nord-Ouest le 3 avril 1896 et fut engagé comme constable pour cinq ans. À compter du milieu de 1898, pendant la ruée vers l’or du Klondike, au Yukon, il servit dans les détachements de Lower Laberge et de Tagish. Son père, toujours très soucieux de sa carrière, demanda qu’il soit promu, puis autorisé à s’enrôler dans le contingent que l’on était en train de former au Canada pour la guerre sud-africaine, mais ces deux requêtes furent rejetées. Promu caporal le 1er juin 1900, Stewart fut réengagé pour trois ans le 3 juin 1901. Peu après, il fut rétrogradé au rang de constable parce qu’il avait frappé un caporal tyrannique.
En décembre 1901, le père de Stewart tenta à nouveau de le faire envoyer en Afrique du Sud, cette fois avec le Canadian Mounted Rifles, en faisant appel aux ministres fédéraux William Stevens Fielding* et Clifford Sifton*. À la suite d’une série de télégrammes, Stewart obtint un congé d’un an. Toutefois, au lieu de rejoindre le Canadian Mounted Rifles, il s’embarqua pour la Grande-Bretagne, où il fut affecté en Afrique du Sud à titre d’officier des transports au sein de l’Imperial Yeomanry. Ayant appris cette nouvelle, la Police à cheval du Nord-Ouest le libéra de ses engagements le 23 avril 1902. Stewart revint à Halifax en novembre 1904, demanda sans succès une commission dans la Police à cheval du Nord-Ouest et disparut tout de suite après au Yukon. Ensuite, selon son neveu le futur ambassadeur Charles Stewart Almon Ritchie, il se mit à hanter « les bars de Calgary ou d’Edmonton [tout en occupant de] petits emplois ; il suppléait à l’insuffisance de ses revenus par ses gains au poker, et il laissa dans son sillage une foule de légendes et d’histoires. » En outre, il travailla sur les chemins de fer et faillit mourir de froid et de faim au cours d’une expédition de piégeage dans la baie d’Hudson. Il réapparut à Winnipeg à la veille de la Première Guerre mondiale.
Le 12 août 1914, de passage à Ottawa, Stewart fut nommé lieutenant dans le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, sans doute à cause des relations de sa famille. Parti pour l’Angleterre avec son régiment, il arriva là-bas le 14 octobre. Une nuit, par mégarde, il mit le feu à la tente qu’il partageait avec Talbot Mercer Papineau. Tous deux subirent de graves brûlures, ce qui les empêcha de partir le 20 décembre pour la France avec leur unité, qui faisait partie de la 27e division britannique. Cependant, ils furent bientôt rétablis grâce aux soins de la comtesse douairière de Donoughmore, belle-mère du premier officier commandant du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Papineau a dit « n’avoir jamais rencontré un homme qui avait autant de tempérament » que Stewart. « Il a la vitalité et l’allure d’un Hercule, mais reste normal au moyen de constantes activités de sape – par exemple cinquante cigarettes par jour et la production d’une distillerie de whisky. Il joue au bridge à la perfection et a récemment gagné 90 £ [en jouant contre] Bonar Law et sir Edward Grey. »
Le 21 janvier 1915, lorsque Stewart rejoignit son régiment, celui-ci se trouvait sur le front de Saint-Éloi (Sint-Elooi), au sud d’Ypres (Ieper, Belgique). Le 15 mars, tandis qu’il commandait un peloton, il reçut une balle dans la poitrine. Un aumônier lui demanda s’il voulait qu’il prie pour lui. « Oui, priez comme un désespéré ! », répondit-il. Renvoyé en Angleterre pour s’y faire soigner, Stewart put rejoindre son régiment le 17 juillet 1915 près d’Armentières, en France, et fut promu capitaine dix jours plus tard. Le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry retourna au saillant d’Ypres en janvier 1916 après avoir été incorporé à la 3e division du Corps d’armée canadien [V. Malcolm Smith Mercer]. En permission à compter du 17 mai, Stewart manqua la bataille du mont Sorrel, où l’unité perdit 400 hommes, dont 19 officiers sur 23. Au retour de Stewart, le 5 juin, le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry était en train de panser ses blessures et d’entraîner des renforts à l’arrière. Stewart avait été promu major deux jours plus tôt, et il prit une grande part à la réorganisation du régiment.
Comme toujours, il était exubérant. « Le whisky a toujours manqué, et Charlie [a] été déprimé », rapporta Papineau, mais lorsqu’il recevait une bouteille, il sautait, dansait, « la posait sur le manteau de la cheminée puis s’inclinait et faisait des salamalecs ». À la bataille de Flers-Courcelette, qui commença le 15 septembre, Stewart dirigea « une attaque qui permit de prendre deux tranchées ennemies et montra beaucoup de détermination, aussi bien dans l’attaque que dans le renforcement de la position emportée ». Il fut décoré de l’ordre du Service distingué pour sa bravoure et fut cité par la suite dans des dépêches.
Le 17 décembre, Stewart eut une permission pour se rendre en Angleterre, où un conseil médical le déclara inapte à reprendre le service et recommanda un repos prolongé. Il s’embarqua pour Halifax à ses frais et rendit visite à sa sœur Lilian Constance Harriette, la femme de William Bruce Almon Ritchie. « [Il] ne parlait pas d’exploits guerriers, raconte Charles Stewart Almon Ritchie, il n’avait pas de paroles haineuses à l’endroit des Boches, et ce qu’il disait sonnait étrangement à nos oreilles. Lorsqu’il parlait du fouillis qui régnait au haut commandement ou faisait voir son mépris pour les officiers d’état-major galonnés, nous avions l’impression qu’il trahissait des secrets. » En outre, ses « blagues désespérées sur les combattants » choquaient les membres de sa famille par leur « dureté incompréhensible ». Stewart renoua une ancienne idylle avec « Aunt Lucy » (aucun lien de parenté avec lui), ce qui suscita le commentaire suivant : « Jamais elle n’avait été aussi jolie que pendant les quelques jours qu’il passa avec nous. » Stewart avait eu beaucoup de liaisons de ce genre, « car il avait l’attrait de l’homme non apprivoisé, fébrile et émotif ». Pourtant, dans une lettre écrite à sa sœur la veille de sa mort, il écrivit : « Je n’ai jamais aimé que toi. »
Le 4 mai 1917, Stewart était de nouveau avec son régiment et se trouvait dans la région de Lens, en France ; il avait manqué la bataille de la crête de Vimy. Le 8 septembre, on le renvoya en Angleterre pour des raisons de santé. À son retour deux mois plus tard, il fut nommé commandant en second ; il avait manqué une troisième grande bataille, celle de Passchendaele (Passendale, Belgique). Le 30 mars 1918, après la démission d’Agar Stewart Allan Masterton Adamson*, il fut promu lieutenant-colonel et nommé à la tête de son régiment. Celui-ci passa la plus grande partie de l’été à rassembler du nouvel équipement et à s’entraîner en vue de la prochaine contre-offensive alliée.
Sous le commandement de Stewart, le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry prit part en août aux batailles d’Amiens et de la Scarpe. Au cours de cette dernière bataille, le régiment perdit 60 % de ses officiers et 30 % de ses hommes. Le 27 septembre, le régiment, épuisé et décimé, entra dans la bataille de Cambrai. Le lendemain, en avançant en terrain découvert avec son bataillon près de Raillencourt, à l’ouest de Cambrai, Stewart fut tué par un obus allemand. Dans la citation pour une barrette accompagnant la médaille de l’ordre du Service distingué, qui lui fut décernée à titre posthume, on loua « son énergie et sa ressource extraordinaires, ses solides connaissances et compétences tactiques » et l’on ajouta que « sa constante bonne humeur, son total mépris du danger et son exemple [avaient] sans aucun doute beaucoup contribué au succès de son bataillon ». La France lui décerna la croix de Guerre, et il reçut une seconde citation. Sa dépouille repose au cimetière Ontario, près de Sains-lès-Marquion, à l’ouest de Cambrai.
La nécrologie de Charles James Townshend Stewart note qu’il avait été « un homme extraordinaire, aimé de tous ceux qui comprenaient et admiraient sa vraie nature ». « Les hommes étaient prêts à le suivre n’importe où ; sa vie semblait sous un charme, a rapporté Charles Stewart Almon Ritchie. Pourtant, que fut son existence avant que la Guerre lui donne sa chance ? Une vie d’aventures qui, à l’âge mûr, aurait fait de lui tout bonnement un raté. » La propension de Stewart pour l’alcool, les aventures amoureuses, les histoires et le jeu était – c’est le moins que l’on puisse dire – contraire aux devoirs d’un officier, et il est difficile de soutenir qu’elle n’affectait pas ses relations avec ses subalternes et les hommes de troupe. Finalement, son principal titre de gloire fut, semble-t-il, d’avoir été le dernier officier parmi les « Old Originals » (premiers groupes de soldats enrôlés) à commander le Princess Patricia’s Canadian Light Infantry pendant la Première Guerre mondiale.
AN, RG 18, 3406, dossier 3136 ; RG 150, Acc. 1992–93/ 166.— PANS, MG 100, 234, no 22a.— Arch. privées, J. J. B. Pariseau (Ottawa), Jean Pariseau, « The founder and the First World War » (notes de cours préparées en 1988 pour la Princess Patricia’s Canadian Light Infantry et utilisées chaque année pour l’instruction des nouveaux officiers).— Halifax Herald, 4 oct. 1918.— Canada in the Great World War ; an authentic account of the military history of Canada from the earliest days to the close of the war of the nations (6 vol., Toronto, [1917–1920]).— Sandra Gwyn, Tapestry of war : a private view of Canadians in the Great War (Toronto, 1992) (comprend des photographies de Stewart à l’époque où il était lieutenant, aux pages 88 et 89, et major, à la page 312).— Ralph Hodder-Williams, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry, 1914–1919 (2 vol., Londres, 1923).— Nicholson, CEC.— C. [S. A.] Ritchie, My grandfather’s house : scenes of childhood and youth (Toronto, 1987), 4s., 29–31, 36s., 44, 133s.— Jeffery Williams, Princess Patricia’s Canadian Light Infantry (éd. rév., Londres, 1985).
Jean Pariseau, « STEWART, CHARLES JAMES TOWNSHEND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/stewart_charles_james_townshend_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/stewart_charles_james_townshend_14F.html |
Auteur de l'article: | Jean Pariseau |
Titre de l'article: | STEWART, CHARLES JAMES TOWNSHEND |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 8 oct. 2024 |