TAYLOR, HENRY, homme d’affaires et auteur ; circa 1799–1859.

L’identification de Henry Taylor pose un problème, étant donné qu’un certain nombre d’auteurs de second plan portant ce nom publièrent en Angleterre et dans les colonies au milieu du xixe siècle. Il se peut que le Henry Taylor dont il est question soit le fils du docteur Henry Taylor et d’une prénommée Anne, de Québec, et qu’il naquit vers 1771. Il fit ses études en Angleterre, à Hoddesdon et à Waltham Abbey. Plus tard, il prétendit avoir été condisciple de sir Isaac Brock*, ce qui semble peu probable, et de James Hughes, qui devint trafiquant de la North West Company et fonctionnaire au département des Affaires indiennes à Montréal. Dans les années 1790, Taylor fut, pendant un certain temps, apprenti chez un chimiste à Londres, et, dans ses écrits, il déclara que très tôt il avait eu de l’admiration pour la chimie pneumatique et les découvertes de Henry Cavendish, de Joseph Priestly et d’Antoine-Laurent de Lavoisier.

En 1799, Taylor revint en Amérique du Nord britannique et s’établit comme importateur et distillateur à Halifax. En tant que membre du Committee of Trade de l’endroit [V. William Sabatier*], il présenta à la chambre d’Assemblée de la Nouvelle-Écosse, en 1811, une pétition qui demandait une réduction des droits d’importation sur le rhum et la mélasse en provenance des Antilles. De 1819 à 1829, il habita près de Québec, où il rédigea plusieurs articles, dont « A representative union of the British North American provinces and the parent state » pour le Montreal Herald en 1822 ; la même année, il écrivit d’autres articles pour l’Enquirer de Québec sur une politique de développement de l’agriculture, articles qu’il soumit d’ailleurs au gouverneur en chef sir James Kempt vers 1828. Ce fut aussi à Québec, entre 1819 et 1825 (on ne sait pas exactement quand), qu’il rédigea l’ébauche de son premier traité d’importance « An attempt to form a system of the creation of our globe », dont il soumit le manuscrit à l’archidiacre anglican George Jehoshaphat Mountain* en 1829. Mountain l’encouragea à publier son ouvrage en Angleterre, et, à l’automne de 1829, Taylor retourna à Londres, où il demeura cinq ans. Il ne réussit pas à intéresser les éditeurs à son épais manuscrit, mais il continua d’écrire pour appuyer différentes causes canadiennes ; il adressa des pétitions au député radical Joseph Hume, en 1831, sur la représentation des colonies dans le Parlement impérial, et à l’East India Company, sur le transport vers l’orient via l’Amérique du Nord britannique.

À son retour de Grande-Bretagne en 1834, Taylor s’installa probablement à Toronto ou dans les environs, où il semble être devenu agent foncier. En 1836, il publia à Toronto An attempt to form a system of the creation of our globe [...]. Cet ouvrage proposait une explication des origines du système solaire en utilisant l’exégèse biblique et la méthode scientifique. Écrit à la même époque que l’article érudit de John Jeremiah Bigsby*, publié en 1824, article qui prenait en considération, dans une certaine mesure, les débats entourant les origines géologiques de la terre, l’ouvrage de Taylor arriva à un moment où des hommes de science et des théologiens britanniques, tels que William Buckland et Edward Bouverie Pusey, publiaient sur des sujets semblables. Son livre n’apportait peu ou pas d’éléments nouveaux : il s’appuyait sur de longues citations de l’ouvrage de William Paley, Natural theology [...], paru à Londres en 1802. Les explications des phénomènes naturels données par Taylor, explications reposant sur l’intervention de la Providence, n’étaient que la vulgarisation d’idées acceptées par des théologiens anglicans une génération auparavant. Une deuxième édition de son ouvrage, augmentée, parut en 1840 à Québec, où Taylor, dont le seul gagne-pain semble avoir été la publication de brochures, alla s’installer pour publier et faire connaître ses écrits. Cette deuxième édition contenait de nouvelles preuves scientifiques fournies par d’éminents astronomes et philosophes européens.

En 1840, Taylor publia, à l’intention du grand public, Journal of a tour from Montreal [...], compte rendu de ses voyages dans les Cantons de l’Est, au Bas-Canada. Manifestement prévenu contre l’agriculture peu évoluée qu’il avait observée dans les seigneuries, Taylor formula de nombreuses suggestions pour accroître la productivité de l’agriculture dans le but de faire de l’Amérique du Nord britannique un important exportateur de céréales ; il démontra une assez grande connaissance de la mouche du blé, qui constituait alors un danger dans le Bas-Canada, et il recommanda la construction de routes et d’un canal entre les Cantons-de-l’Est et le Saint-Laurent afin de faciliter le transport des principaux produits de la région.

Ce fut à cette époque que Taylor commença d’écrire des tracts politiques portant sur la situation instable qui régnait dans les deux provinces. De 1839 à 1841, il exprima son opposition à une fédération des colonies de l’Amérique du Nord britannique dans deux ouvrages, Considerations on the past, present & future condition of the Canadas et On the forthcoming union of the two Canadas [...]. Il préférait la représentation des colonies dans le Parlement britannique en même temps qu’une union des deux Canadas où les régions habitées par des Britanniques auraient eu un pouvoir politique accru, ce qui aurait réduit les Canadiens français à une petite minorité au sein de l’Assemblée, capable tout au plus de voter sur des questions d’éducation, de services municipaux et de travaux d’amélioration sur le plan local. Apparemment, sa tentative de susciter l’intérêt du public pour ses écrits en les annonçant dans la Montreal Gazette n’aurait pas connu beaucoup de succès ; en 1841, il ne réussit pas non plus à persuader le conseil municipal de Montréal d’acheter des copies de son second ouvrage politique.

Au cours des années 1840 et de la décennie qui suivit, Taylor semble avoir accompagné le gouvernement dans les différentes villes où il siégeait, soit Québec, Montréal, Kingston et Toronto ; l’auteur continuait à chercher des appuis officiels pour ses ouvrages. Il rédigea encore un autre écrit polémique, On the present condition of United Canada [...], publié probablement en 1843, qui s’opposait énergiquement au gouvernement responsable, le qualifiant de remède républicain et le comparant, dans une métaphore pittoresque, aux « effets redoutables de l’activité volcanique ». Dans une deuxième édition de l’ouvrage, Taylor s’étendit sur des comparaisons défavorables avec la Révolution française ; cette version considérablement révisée et augmentée fut publiée en 1849 par le journal réformiste Canadian Free Press de London et, en 1850, par le Toronto Patriot. Taylor y exprimait son mépris pour les républicains radicaux de Paris de 1848, soulignait les avantages de la constitution britannique et attisait bassement les craintes suscitées par le « romanisme et l’infidélité » qui émanaient du Bas-Canada.

En 1850, Taylor entreprit à Toronto la réimpression de son dernier ouvrage à ses frais, et, deux ans plus tard, le Parlement lui accorda une petite subvention de £10 qui devait être affectée à l’achat de ce livre pour la bibliothèque du Parlement. En 1853, il demanda une aide financière au gouverneur en chef lord Elgin [Bruce*] pour la « poursuite de ses recherches scientifiques » et comme soutien financier pour ses publications, mais sa requête fut rejetée. En 1854, il présenta une nouvelle demande d’aide au gouvernement, à Québec, pour lui permettre, cette fois, de publier une neuvième édition de son ouvrage A system of the creation of our globe [...]. Même s’il se vit refuser cette subvention à cause de la « nature peu scientifique » de son ouvrage, il publia cette édition à ses frais. Présentée comme renfermant de nouvelles découvertes scientifiques, elle ne faisait que reprendre les célèbres travaux de Michael Faraday sur le magnétisme et ceux de François Arago sur l’astronomie. En 1856, à Toronto, Taylor fit une requête au gouverneur en chef Edmund Walker Head* pour obtenir de l’État un nouveau secours financier en évoquant ses « divers malheurs » et son « âge très avancé », mais sans succès. Sans jamais désespérer, il profita de la catastrophe du canal Desjardins ‘ survenue sur la ligne du Great Western Railway en mars 1857 [V. Samuel Zimmerman], pour adresser aux compagnies de chemins de fer et aux représentants du gouvernement une pétition leur demandant de conjuguer leurs efforts pour mettre au point des inventions brevetées qui préviendraient les accidents ferroviaires. Puis, en 1858, « dans une pauvreté extrême », il demanda l’aide du Parlement pour publier une brochure contenant un texte décousu sur la fédération des colonies et leur droit de représentation auprès des autorités impériales, deux sujets alors discutés dans la province du Canada. Il essuya un dernier refus en 1859, ce qui mit fin à sa prolifique mais médiocre carrière de publiciste.

Les idées conservatrices de Henry Taylor en politique étaient le prolongement naturel de ses discours sur la création de la terre par la Providence. De nombreuses digressions théologiques ponctuent ses tracts politiques, et il fait constamment allusion à la nature divine du contrat social et aux ressemblances entre le monde physique et le monde moral, auquel la politique appartenait. Son ouvrage le plus important, A system of the creation of our globe, constituait manifestement une explication accessible à tous de la théorie du créationisme, largement répandue avant la publication des théories de Charles Robert Darwin, et semble avoir été le livre le plus lu sur ce sujet à l’époque au Canada. En dépit de son contenu dépassé et « peu scientifique », il semble avoir répondu aux désirs de la population d’avoir une synthèse des explications venant de l’autorité de la Bible et de celles fournies par les nouvelles sciences naturelles.

Anthony W. Rasporich

Henry Taylor est l’auteur de : An attempt to form a system of the creation of our globe, of the planets, and the sun of our system ; founded on the first chapter of Genesis, on the geology of the earth, and on the modern discoveries in that science and the known operations of the laws of nature, as evinced by the discoveries of Lavoisier and others in pneumatic chemistry (Toronto, 1836). Cet ouvrage a connu plusieurs éditions subséquentes qui parurent sous le titre de A system of the creation of our globe [...]. Taylor est également l’auteur de : Considerations on the past, present & future condition of the Canadas (Montréal, 1839) ; Journal of a tour from Montreal, thro’ Berthier and Sorel, to, the Eastern Townships of Granby, Stanstead, Compton, Sherbrooke, Melbourne, &c., &c., to Port St. Francis (Québec, 1840) ; On the forthcoming union of the two Canadas, addressed to the Canadian public and their representatives, in the honourable legislature of United Canada (Montréal, 1841) ; On the present condition of United Canada, containing plans for the advancement of its agriculture, commerce and future prosperity, with strictures on the eventful question of responsible government, and the present crisis of the province (Montréal, [1843]). Ce dernier ouvrage a été substantiellement révisé et augmenté dans une seconde édition parue à London, Ontario, en 1849, sous le titre de On the present condition of United Canada, as regards her agriculture, trade, & commerce : with plans for advancing the same, and for promoting the health, wealth, and prosperity of her inhabitants with reflections on the present state of the Protestant religion ; with a view to harmonize its various sects and ultimately to bring them into one powerful united body, also a dissertation on the national debt of Great Britain, with a plan for its gradual payment (réimpr., Toronto, 1850). Taylor a encore écrit On the intention of the British government to unite the provinces of British North America, and a review of some events which took place during the last session of the provincial parliament (Hamilton, Ontario, 1857 ; 2e éd., Toronto, 1858).

APC, MG 24, D16, 56 ; RG 5, C1, 379, file 200 ; RG 7, G20, 62–67.— PANS, RG 5, A, 17, 25 févr. 1811.— Canada, prov. du, Assemblée législative, Journaux, 1852–1859 ; Conseil législatif, Journaux, 1852–1853 ; 1858.— Enquirer (Québec), 1er janv., 1er avril 1822.— Montreal Gazette, 5, 19 nov., 26 déc. 1840, 9, 28 janv. 1841.— Nova Scotia Royal Gazette, 17991816.— Quebec Gazette, 18 août 1766, 8 juin 1769, 27 janv. 1774.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 368369.— Lit. hist. of Canada (Klinck et al. ; 1965), 448449.

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Anthony W. Rasporich, « TAYLOR, HENRY (circa 1799-1859) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/taylor_henry_1799_1859_8F.html.

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Auteur de l'article:    Anthony W. Rasporich
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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