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TEKARIHOGEN (Dekarihokenh, Ahyonwaeghs, Ahyouwaeghs, John Brant), membre du clan de la Tortue, chef agnier et fonctionnaire, né le 27 septembre 1794 près de l’endroit où se trouve aujourd’hui Brantford, Ontario, cadet des fils de Joseph Brant [Thayendanegea*] et de Catharine [Ohtowaˀkéhson*] ; décédé et enterré le 27 août 1832 au même endroit.

John Brant dut probablement commencer ses études à l’école des enfants indiens du village agnier où il naquit. En 1802, ses parents allèrent habiter le voisinage de la baie de Burlington (port de Hamilton, Ontario) et John continua alors ses études à Ancaster, localité située à proximité, puis à Niagara (Niagara-on-the-Lake) ; il eut comme professeur Richard Cockrell, dont certains élèves allaient se distinguer dans la société du Haut-Canada. Brant dut être un bon élève car, après avoir fait sa connaissance des années plus tard, l’ingénieur John Mactaggart fit la remarque suivante : « Je n’ai pas rencontré de gentleman plus poli ni de meilleur lettré dans tout le Canada. »

À l’approche de la guerre de 1812, de nombreux Agniers, influencés par Red Jacket [Shakóye:wa:thaˀ] et par d’autres Indiens, de même que par les tristes souvenirs de la Révolution américaine, hésitèrent à s’engager dans le combat. Brant, lui, n’hésita pas. Avec John Norton et un groupe d’Indiens qui pensaient comme eux, il contribua à arrêter des troupes américaines à Queenston Heights, le 13 octobre 1812. En avril 1813, il fut nommé lieutenant dans le département des Affaires indiennes et, le 24 juin, il servit à la bataille de Beaver Dams, au cours de laquelle les Américains furent défaits. Par la suite, l’officier britannique James FitzGibbon* attribua toute la victoire au contingent indien. Brant participa ensuite à la plupart des escarmouches qui se déroulèrent à la frontière du Niagara et aux batailles de Chippawa, de Lundy’s Lane et du fort Erie. Le 9 janvier 1814, choqué par le refus de se battre de certains de ses compatriotes, il se joignit à son oncle Henry Tekarihogen, à George Martin* et à d’autres pour signer une pétition priant le gouvernement de refuser à ces Indiens déloyaux les présents qu’il avait l’habitude de leur distribuer chaque année.

Quelque temps après la mort du père de Brant, survenue en 1807, sa mère était retournée à la rivière Grand en emmenant ses plus jeunes enfants avec elle. À la fin de la guerre, Brant et sa sœur Elizabeth retournèrent à la maison familiale de la baie de Burlington où ils vécurent à l’anglaise. Leur mère, qui préférait la façon de vivre des Agniers, resta à la rivière Grand.

Brant devait être encore assez jeune quand il démontra qu’il possédait les qualités qui le rendaient apte à devenir Tekarihogen, titre que portait le principal chef de la ligue des Six-Nations et qui était héréditaire dans la famille de sa mère. Il pouvait s’attendre à exercer une influence considérable puisque, au prestige de ce poste, il ajouterait sa connaissance des coutumes des Blancs, connaissance qui avait été une des raisons majeures du pouvoir de son père. Dès 1819, il assista Henry Tekarihogen, qui vieillissait et perdait la vue, dans le différend opposant les Six-Nations aux autorités des Blancs au sujet de la nature et de l’importance de leur concession foncière à la rivière Grand. En 1784, le gouverneur Frederick Haldimand* avait accordé des terres de « six milles de profondeur de chaque côté de la rivière, commençant au lac Érié et s’étendant dans [les mêmes] proportions jusqu’à la tête de ladite rivière », et les Indiens s’étaient battus durant des années pour que l’on confirme cette concession par un acte officiel reconnaissant leur droit de pleine propriété. La moitié nord de leur territoire les préoccupait particulièrement, car le titre de propriété de cette région comportait une lacune ; ces terres n’avaient pas été achetées à leurs propriétaires originaux, les Mississagués, avant que le gouverneur Haldimand n’accorde la concession. Cette erreur s’explique facilement par l’absence de levés appropriés et par le manque général de connaissances sur le pays en 1784. Les Six-Nations avaient toujours attendu et espéré que l’on fasse, en fin de compte, un achat légal pour eux, ce qui corrigerait l’erreur. L’achat fut finalement fait en 1819, mais le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* informa les Six-Nations en termes on ne peut plus clairs que ces terres avaient été achetées pour des colons blancs et non pour eux.

En 1821, Brant et Robert Johnson Kerr se rendirent finalement en Angleterre faire des pressions auprès du gouvernement pour le compte des Six-Nations. Les deux délégués affirmèrent que le transfert de propriété de la vallée, des Mississagués aux Six-Nations, avait été effectivement fait par un accord entre ces deux groupes avant même la proclamation de Haldimand, et que ceux-ci avaient compris que toute la vallée était transférée. Brant et Kerr firent aussi remarquer qu’il était absurde de soutenir que des titres étaient nuls parce que le roi n’avait pas acheté les terres aux premiers propriétaires. « Le principe est sans doute juste à l’égard de ces propriétaires, observèrent-ils, mais les Européens ont acquis leur titre de propriété de la plus grande partie de l’Amérique d’autres façons. » Ils proposèrent de soumettre leur cause aux légistes de la couronne. Le ministère des Colonies riposta en suggérant que les Indiens abandonnent leurs prétentions aux terres en litige en retour d’un titre de pleine propriété pour les terres qui n’étaient pas contestées. Brant et Kerr proposèrent d’accepter le titre et de laisser à l’arbitrage le dédommagement pour les terres en litige, mais le ministère des Colonies maintint avec insistance sa propre suggestion. À la fin d’avril 1822, les deux hommes avaient cédé.

Dès le retour des délégués dans le Haut-Canada, de nouvelles difficultés surgirent. Comme à l’époque de Joseph Brant, le gouvernement provincial s’opposait à tout arrangement qui permettrait aux Indiens de vendre leurs propres terres et l’on annonça aux Six-Nations, au cours d’un conseil tenu en février 1823, que s’ils devaient acquérir le droit de pleine propriété sur leurs terres ils ne seraient plus autorisés à recevoir des présents. En dépit de cette menace, Brant s’arrangea, au cours d’un conseil plénier qui eut lieu à la rivière Grand en septembre, pour obtenir l’assentiment d’une majorité de chefs à l’accord conclu en Angleterre, et sept chefs furent nommés fidéicommissaires des terres. Le gouvernement riposta au printemps suivant. William Claus, surintendant général adjoint des Affaires indiennes du Haut-Canada, déclara lors d’un conseil que, selon l’opinion du procureur général, les Indiens deviendraient entièrement soumis à toutes les lois en vigueur dans le Haut-Canada s’ils devaient obtenir la pleine-propriété de leurs terres. Sur ce, un certain nombre de chefs qui avaient appuyé Brant en septembre lui retirèrent leur appui, le laissant ainsi en minorité. Par l’entremise de John Galt*, il protesta auprès du ministère des Colonies à l’automne de 1825, mais le Haut-Canada avait gagné la bataille grâce à sa vigoureuse opposition, et le gouvernement de la colonie conserva jusqu’en 1841 une mainmise administrative sur la vente des terres indiennes. Cette année-là, le problème de l’aliénation des terres de la rivière Grand fut finalement réglé : les Indiens les remirent à la couronne pour qu’elle les administre en leur nom.

Brant s’engagea dans bien d’autres activités afin d’améliorer le sort de son peuple. À Londres, il avait été en contact avec la New England Company, société missionnaire qui n’était pas subventionnée par une secte en particulier, et, à son retour au pays, il travailla étroitement avec cet organisme. Il accueillit ainsi des missionnaires de toutes les croyances protestantes et encouragea la construction d’écoles. En 1829, il reçut une coupe en argent de la New England Company en reconnaissance de son travail.

Le 25 juin 1828, Brant fut officiellement nommé surintendant résidant des Six-Nations de la rivière Grand, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. À ce titre, il devait contrôler étroitement tout ce qui touchait les Six-Nations mais, en pratique, il ne s’occupa pas seulement d’eux ; il dut veiller aussi sur d’autres groupes indiens qui s’étaient installés à côté des Six-Nations. L’une de ses premières tâches fut d’empêcher la Welland Canal Company de construire une digue sur la rivière. Pour le gouvernement, le bien-être des Indiens pesait peu dans la balance quand on le comparait aux canaux, et Brant perdit en dépit des protestations énergiques qu’il avait formulées dès la lecture du plan. « Je suis très désireux de recevoir les ordres de Votre Excellence quant à la nature de l’explication à donner aux Six-Nations », fit-il remarquer de façon très explicite au lieutenant-gouverneur sir John Colborne* en juin 1829. En décembre, il écrivait : « J’ai l’honneur de rapporter [...] que la digue construite en travers de la rivière Grand par la Welland Canal Company a inondé les champs de maïs des Indiens, que leurs récoltes sont perdues et que leurs provisions pour l’hiver sont détruites. »

Brant dirigea aussi les Six-Nations dans leurs démêlés avec John Claus qui, à la mort de son père, William, en 1826, était devenu fidéicommissaire de fonds appartenant aux Indiens. Ceux-ci voulurent annuler la cession d’une énorme quantité de terre que Claus père avait obtenue d’eux peu de temps avant sa mort et, par représailles, John Claus retint l’intérêt des fonds dont il était le fidéicommissaire. Dans cette controverse, Brant réussit à faire congédier Claus en 1830.

Henry Tekarihogen mourut en 1830 et, cette année-là, ou peut-être un peu avant, Brant accéda officiellement au poste de chef et il en prit le titre. De plus, il se porta candidat dans la circonscription de Haldimand aux élections de la chambre d’Assemblée du Haut-Canada en 1830. Il prit son siège en janvier 1831, mais son élection fut contestée parce que certains de ceux qui avaient voté pour lui étaient des locataires à bail plutôt que des propriétaires fonciers, condition exigée par la loi ; son adversaire, John Warren, fut déclaré élu en février. Les deux hommes moururent durant l’épidémie de choléra de 1832. Dans le cas de Brant, il n’est pas clair qu’il succomba à la maladie elle-même ou aux soins prodigués par les médecins blancs appelés à son chevet. Il n’avait pas encore 38 ans.

Des années plus tard, un habitant de la région de la baie de Burlington raconta les souvenirs qu’il avait de Brant à l’époque où celui-ci y vivait. C’était un jeune homme qui aimait la danse et qui assistait régulièrement aux réceptions du voisinage. Il avait « si bien abandonné les manières indiennes qu’on ne s’apercevait pas qu’il était un aborigène, à moins d’attirer l’attention sur ce fait ». D’autres témoignages incitent à penser que, bien que Brant ait adopté le genre de vie d’un gentleman anglais, il était capable de se comporter en Agnier dans ses relations avec les gens de son peuple. Pourtant, sur le plan personnel, il paya le prix de son évolution. Il ne se maria jamais et, à ce sujet, il aurait fait ce commentaire assez triste au missionnaire Richard Phelps : « J’aurais pu épouser une belle dame anglaise. Même la noblesse me prenait pour quelqu’un là-bas. J’étais presque considéré comme un roi. Mais [...] la ramener ici et lui laisser voir la dégradation du peuple que je gouverne aurait brisé son cœur. » Cependant, il était fier de son héritage et il se donna du mal pour défendre le nom de son père, désapprouvant avec indignation un article paru dans le Christian Recorder de John Strachan* qui le dépeignait de manière défavorable. Selon toute apparence, il obtint des excuses de Strachan. Pendant son séjour en Angleterre, il entreprit de démontrer au poète Thomas Campbell, qui avait calomnié Brant père, l’appelant « le monstre » et l’accusant d’avoir été le principal responsable du « massacre du Wyoming » en 1778, que son père n’était même pas présent. Par la suite, Campbell publia des excuses à la mémoire de Joseph Brant.

Un portrait de John Brant a été reproduit dans la biographie de son père, écrite par William Leete Stone. Il montre un homme à l’expression aimable, mais qui a conservé peu de chose de son héritage indien. Brant avait de larges épaules et mesurait à peu près six pieds trois pouces, taille impressionnante pour l’époque. Mais ce qui frappait les gens, c’était son allure. Le juriste Marshall Spring Bidwell* rappela sa « dignité et [son] calme », et Phelps éprouvait un respect mêlé de crainte pour « la dignité, l’autorité, la puissance qui se dégageaient de [son] regard, de [ses] gestes et de [sa] façon de s’exprimer avec vigueur ».

Isabel T. Kelsay

AO, ms 148, sect. i, Brant family.— APC, RG 1, L3, 43 : B12/282 ; RG 5, A1 : 50501–50502 ; RG 8, I (C sér.), 268 : 157.— Hamilton Public Library, Special Coll. Dept. (Hamilton, Ontario), Arch. file, John Brant, copies of letters to the Indian Department, 1828–1830, and proceedings of council meeting of Six Nations Indians.— PRO, CO 42/369 : 220–229 ; 42/370 : 261 ; 42/374 : 352–366 ; 42/376 : 214–219.— James Buchanan, Sketches of the history, manners, and customs of the North American Indians, with a plan for their melioration (2 vol., New York, 1824), 1 : 32–37.— Thomas Campbell, « Letter to the Mohawk Chief Ahyonwaeghs, commonly called John Brant, Esq., of the Grand River, Upper Canada », New Monthly Magazine and Literary Journal (Londres), nouv. sér., 4 (1822), part. i : 97–101.— H.-C., House of Assembly, Journal, janv.–févr. 1831.— « Life of Capt. Brant », Christian Recorder (York [Toronto]), 1 (1819–1820) : 106–112, 145–151.— John Mactaggart, Three years in Canada : an account of the actual state of the country in 1826–7–8 [...] (2 vol., Londres, 1829), 1 : 45.— B. B. Thatcher, Indian biography [...] (2 vol., New York, 1832 ; réimpr., Glorieta, N.Mex., 1973), 2 : 314.— Valley of Six Nations (Johnston).— « Calendar of state papers », APC Report, 1935 : 248.— Death notices of Ont. (Reid).— J. [S.] Carroll, Case and his cotemporaries [...] (5 vol., Toronto, 1867–1877).— W. L. Stone, Life of Joseph Brant – Thayendanegea [...] (2 vol., New York, 1838 ; réimpr., New York, 1969, et St Clair Shores, Mich., 1970), 2 : 500–519, 523–525, 527–534.— Isabel Thompson Kelsay, Joseph Brant, 1743–1807 : man of two worlds (Syracuse, N.Y., 1984), chap. 25–28 et épilogue.— G. F. G. Stanley, « The significance of the Six Nations participation in the War of 1812 », OH, 55 (1963) : 215–231.

Bibliographie générale

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Isabel T. Kelsay, « TEKARIHOGEN (1794-1832) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tekarihogen_1794_1832_6F.html.

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Auteur de l'article:    Isabel T. Kelsay
Titre de l'article:    TEKARIHOGEN (1794-1832)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    18 mars 2024