THOMSON, ANDREW, homme d’affaires, né le 30 novembre 1829 à Québec, fils aîné de John Thomson et d’Isabella Henry, originaires d’Écosse ; le 18 mai 1853, il épousa à Québec Henrietta Hamilton, fille aînée de George Hamilton* (décédée à l’âge de 27 ans en 1857), puis le 30 octobre 1860, dans la même ville, Margaret Grant Cook, fille aînée de John Cook*, ministre de l’église St Andrew de Québec, et de ces deux mariages naquirent deux garçons et quatre filles ; décédé le 10 janvier 1907 à sa résidence du chemin Sainte-Foy, d’une crise cardiaque, et inhumé au cimetière Mount Hermon le 12 janvier.
Andrew Thomson étudie à la Québec High School puis auprès de Daniel Wilkie*. Très tôt, il travaille dans la compagnie de son père, associé depuis le milieu des années 1840 à John*, George, fils, et Robert Hamilton, sous la raison sociale de Hamilton et Thomson. Les deux familles ont des intérêts communs dans des anses à bois à Québec, à New Liverpool, sur la rive sud, des droits de coupe le long des rivières Gatineau, Rideau, Rouge et South Nation et des scieries à Hawkesbury et à Buckingham. En 1850, sans toutefois rompre avec les Thomson, les frères Hamilton établissent une nouvelle firme, la Hamilton Brothers, dont le siège social est à New Liverpool et les activités de production, à Hawkesbury. À la même époque, John Thomson et ses fils se portent acquéreurs de l’anse Victoria, près de Sillery, tout en continuant d’exploiter leur scierie de Buckingham. En 1853, Andrew Thomson est d’ailleurs le directeur de cette scierie lorsque les deux familles réunissent leurs intérêts communs, sous la raison sociale de Hamilton and Company. Le décès de George Hamilton amène toutefois une réorganisation du groupe en 1859 : John Thomson s’associe à ses fils, Andrew et John Cook, pour fonder la Thomson and Company, tandis que Robert et John Hamilton font de même pour relancer la Hamilton Brothers.
Dans les années 1860, la Thomson and Company a un des volumes d’affaires les plus élevés dans la ville de Québec et ne cesse d’accroître ses ressources, notamment en achetant des lots de terre dans le canton de Buckingham. En 1867, elle admet de nouveaux associés, à la suite du retrait définitif de John Thomson. McPherson LeMoyne, marchand de bois montréalais, et Robert J. Lusk, commerçant de Buckingham, deviennent les principaux intermédiaires d’Andrew et de John Cook Thomson dans la vallée de l’Outaouais, tandis que les deux frères se réservent la direction des affaires à Québec. En fait, tout le financement est assumé par ces derniers à partir de l’actif de l’ancienne compagnie qui a été évalué, en novembre 1866, à 297 136 $. En 1868, Lusk se retire de la compagnie et LeMoyne ne tarde pas à l’imiter à la suite de la vente, en 1869, des propriétés de la Thomson and Company à Buckingham et sur la rivière du Lièvre à James Maclaren*, James Gibb fils et James Gibb Ross*, pour une somme de 89 266 $.
À partir de 1870, Andrew Thomson se démarque de son frère John Cook, qui semble se cantonner dans les activités de la Thomson and Company de Québec. Même amputée de sa filiale outaouaise, l’entreprise se voit encore attribuer, pendant les premières années de la décennie, une des cotes de crédit les plus élevées du monde des affaires de la ville de Québec. Le succès d’Andrew dans le commerce du bois est peut-être dû à ses initiatives commerciales. Tout en vaquant aux affaires de la Thomson and Company, il réussit dès 1870 à s’associer à George Benson Hall*. Ce marchand de bois, de Beauport, lui transfère, pour une période de trois ans, la gestion de trois contrats de coupe le long des rives du Saint-Maurice, de la Matawin et de la Nicolet, qui représentent un approvisionnement de plus de 100 000 billes de pin blanc et jaune et d’épinette. L’entente initiale prend plus d’ampleur en janvier 1871 quand Hall consent à céder à Thomson divers droits de coupe dans la Mauricie et l’Outaouais, tout en lui permettant d’utiliser ses bureaux de Québec, Ottawa et Trois-Rivières. Ce nouvel accord procure à Thomson au moins 180 000 à 220 000 billes additionnelles qui doivent être acheminées aux scieries de la chute Montmorency pour y être transformées. Pour une somme annuelle de 12 000 $, Thomson a accès à d’amples ressources forestières et Hall s’engage à lui verser une commission de 5 % sur toutes les ventes de bois manufacturé.
Au milieu des années 1870, Thomson est un homme d’affaires à l’aise, bien implanté dans le milieu commercial de Québec. À l’image de sa réussite, il fait rebâtir, en 1874, sa résidence du chemin Sainte-Foy, Bijou, en la transformant en une somptueuse villa de style Second Empire. En 1876, il devient l’associé de Hall et de son fils Peter Patterson tout en continuant à faire fructifier l’entreprise familiale, qui prend le nom de Thomson Brothers quand John Cook est remplacé par son frère Thomas Henry. Trois ans plus tard, il y fait entrer son fils aîné, George Hamilton Thomson. La Andrew Thomson and Son voit alors le jour pour être presque aussitôt remplacée par la Thomson and Son. Tandis que l’entreprise continue de jouir d’une excellente cote de crédit jusqu’à la fin du siècle, son principal maître d’œuvre concentre désormais ses énergies dans les secteurs de la finance et de la gestion.
Membre du conseil d’administration de la Banque d’Union du Bas-Canada depuis 1874, Thomson en est devenu président en 1877. Il a accédé à ce poste à un moment difficile : la banque, qui avait consenti des prêts à d’importants marchands de bois de Québec, est presque acculée à la faillite. Sous sa direction, l’établissement, fondé en 1865, connaît une période de croissance jusqu’en 1884. Une succursale est ouverte à Winnipeg en 1882 et elle rapporte dès le début de bons dividendes. Cependant, le déplacement des bureaux d’Ottawa et de Trois-Rivières et un ralentissement des affaires dans l’Ouest freinent l’expansion dans cette dernière région et, à partir de 1884, la banque connaît une baisse de ses profits. Les débuts de la rébellion du Nord-Ouest et surtout de mauvais placements des filiales de Winnipeg et de Trois-Rivières entraînent de telles pertes que le bureau de direction décide, en 1885, de réduire de 800 000 $ son fonds de capital, plutôt que de procéder à la liquidation de l’actif. En 1886, on assiste donc à un nouveau départ. On modifie la raison sociale de l’établissement, qui devient la Banque Union du Canada, on ferme la filiale de Trois-Rivières, et la banque consolide sa position dans l’Ouest en ouvrant une deuxième succursale à Lethbridge (Alberta). Cette réorganisation porte fruit. Le bilan financier de 1887 est très positif. La banque a ouvert deux nouvelles succursales en Ontario, à Smiths Falls et à Alexandria, tout en réalisant des profits nets de plus de 138 000 $ qui lui ont permis de créer un premier fonds de réserve de 50 000 $. Cette reprise se confirme en 1888, avec des bénéfices nets de plus de 120 000 $, l’accroissement du fonds de réserve et l’ouverture de trois nouvelles succursales en Ontario, à Iroquois, West Winchester et Toronto. Grâce à Thomson et à son équipe de direction, la banque est bien implantée au Canada et, en 1890, elle possède un fonds de réserve de 200 000 $. Elle peut se permettre quelques placements dans des entreprises de la ville de Québec qui sont souvent en étroite relation avec les intérêts privés de son président.
Depuis 1884, Thomson est le procureur des héritiers de George Benson Hall et il est chargé à ce titre de la liquidation du patrimoine familial. Incapables de le vendre en entier, les héritiers continuent d’exploiter les scieries au pied de la chute Montmorency et cherchent à tirer parti du potentiel hydraulique de celle-ci. À titre de conseiller et gestionnaire, Thomson exerce une influence directe sur leur décision d’octroyer, en 1885, à la Compagnie d’éclairage électrique de Québec et Lévis, pour une période de neuf ans, un contrat qui lui permet d’utiliser l’énergie hydraulique de la chute, entre deux heures de l’après-midi et huit heures du matin, pour alimenter un maximum de 800 lampes à arc. Au moment des négociations, Thomson est président de cette compagnie, qu’il a fondée quatre ans plus tôt avec Pierre Garneau, Adolphe-Philippe Caron, Joseph Bell Forsyth et William Sharples. Finalement conclue en août 1885, l’entente permet d’éclairer le mois suivant, pour la toute première fois, la terrasse Dufferin [V. Sigismund Mohr*]. Cet événement rassure les investisseurs et, en deux ans, le capital souscrit, évalué en juillet 1885 à 50 000 $, est entièrement payé. En août 1887, la compagnie s’engage auprès de la corporation de la ville de Québec à convertir à l’électricité l’éclairage des rues, auparavant alimenté par le gaz.
La construction de la centrale électrique ne peut qu’inciter d’autres entreprises à s’établir au pied de la chute Montmorency. Thomson en est sûrement conscient en tant que conseiller et administrateur du patrimoine des Hall ou simplement comme financier. Les événements lui donnent raison : en juin 1889, les héritiers Hall consentent un bail emphytéotique de 99 ans à la Montmorency Cotton Manufacturing Company. Puis, en août, Evan John Price*, vice-président de la Banque Union du Canada, achète, par l’intermédiaire de Thomson, pour 200 000 $, toutes les propriétés foncières des Hall dans les paroisses de Beauport et de L’Ange-Gardien, incluant celles de la chute Montmorency. La Banque Union du Canada supervise alors tout le processus d’achat et de transfert ; elle fait la même chose pour son président, Thomson, lorsqu’il rachète de Price ces propriétés au début de février 1890. En fait, dans ces transactions, les deux administrateurs ne sont que des fiduciaires agissant au nom de la banque.
Les années 1890 constituent une ère d’expansion sans précédent pour la banque et son président. Entre 1892 et 1895, la banque établit des succursales en Ontario, à Chesterville, Norwood et Shelburne, et au Manitoba, à Souris, Morden et Virden. Durant ces trois dernières années, elle accumule encore des profits nets annuels qui fluctuent entre 80 000 $ et 100 000 $ malgré la récession de 1894. En 1896, son fonds de réserve atteint même 300 000 $. En 1897, la banque agrandit son siège social en ajoutant deux étages à son édifice de la rue Saint-Pierre. Tout en portant le fonds de réserve à 325 000 $, elle effectue cette année-là de nouvelles percées à Hastings, en Ontario, et à Carman et Deloraine au Manitoba. En 1898, son fonds de capital est porté à 1,5 million de dollars, puis en 1899, à 2 millions. Au début du siècle, la Banque Union du Canada est devenue un des établissements florissants du dominion. Elle a augmenté son fonds de réserve pour le faire passer à 500 000 $, accru le montant des dividendes versés aux actionnaires et s’est même permis d’ouvrir deux nouvelles succursales, à Pincher Creek (Alberta) et à Yorkton (Saskatchewan).
Tout au cours de la décennie 1890, Thomson continue de s’occuper de la gestion de la succession Hall et du financement de la Hall and Price, qui a succédé à la Hall Brothers and Company pour exploiter les scieries de Montmorency. Il s’intéresse aussi au secteur minier et, en 1892, avec son fils, George Hamilton, quelques membres de la Banque Union et des marchands montréalais, dont Edward Black Greenshields*, il forme la Brompton Lake Asbestos Company pour exploiter un gisement d’amiante dans le canton de Brompton. Son principal intérêt demeure toutefois l’exploitation et la transformation de l’énergie de la chute Montmorency. Toujours président de la Compagnie d’éclairage électrique de Québec et Lévis, en 1890, il autorise cette dernière, à titre de président de la Banque Union, propriétaire des terrains de Montmorency, à porter à 2 500 chevaux-vapeur l’énergie prélevée de la chute. Il accorde même à la compagnie l’exclusivité et une prolongation substantielle des modalités d’exploitation, qui s’appliquent dorénavant pendant une période de 20 ans, c’est-à-dire jusqu’en 1910.
Puis, en décembre 1892, la Banque Union accepte de vendre les propriétés de la chute Montmorency à la compagnie. Cette transaction consolide la position de l’entreprise, dont les engagements ont augmenté : en 1892, elle a renouvelé son entente avec la ville de Québec pour l’éclairage des rues et a porté à plus de 300 le nombre de luminaires à alimenter ; elle s’est également implantée dans le secteur de l’éclairage résidentiel en desservant, à partir du début des années 1890, ses premiers abonnés. En accord avec son conseil d’administration, Thomson procède alors à une nouvelle émission d’obligations hypothécaires pour amortir la dette issue de l’achat des terrains et il fait passer le fonds de capital de l’entreprise de 200 000 $ à 300 000 $ tout en renégociant auprès du gouvernement provincial la charte de la compagnie, qui devient, en février 1893, la Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency. Ses assises consolidées, la compagnie entreprend une modernisation de ses équipements et envisage de percer un nouveau marché, celui du transport urbain.
Encore une fois, c’est Thomson qui est au centre des négociations qui amènent la Compagnie du chemin de fer du district de Québec, dont il est président en 1896, à prendre la relève de la Compagnie du chemin de fer de Québec, Montmorency et Charlevoix, qui avait obtenu en 1895 une franchise exclusive pour établir un réseau de transport urbain électrifié dans la ville de Québec. Pour une somme nominale de 1 $, cette dernière cède momentanément à la Compagnie du chemin de fer du district de Québec le contrat de construction et d’exploitation du réseau de transport électrifié tout en se réservant un droit de réacquisition. Après avoir renouvelé l’entente de 1892 pour l’éclairage des rues de la ville de Québec, la Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency entreprend donc des réfections importantes à ses usines de la rue Prince-Édouard afin de faire face à l’accroissement de la demande énergétique requise par la mise en service des tramways. Au même moment, la Compagnie du chemin de fer du district de Québec négocie le rachat des terrains et de la franchise de la Compagnie de chemin de fer urbain Saint-Jean, entreprise de transport à traction animale dont le siège social était situé rue d’Aiguillon, dans la haute ville. Parallèlement, elle conclut un contrat de service avec la municipalité de paroisse de Notre-Dame de Québec, une des banlieues les plus cossues de Québec. Encore une fois, Thomson joue un rôle prépondérant. Conseiller municipal, c’est lui qui présente l’offre de service aux autres membres du conseil. En juin 1897, la compagnie rachète aussi la franchise de la Compagnie du chemin de fer des rues de Québec qui exploitait une ligne jusqu’à Saint-Sauveur. Dans la matinée du 19 juillet, Québec assiste enfin à l’inauguration de son premier réseau de transport électrifié.
Désireuse de convertir et d’étendre ce réseau, la direction de la Compagnie de chemin de fer de Québec, Montmorency et Charlevoix, présidée par Horace Jansen Beemer*, décide de se prévaloir de son droit de rachat, avec l’assentiment des autres intervenants. En juin 1898, elle réussit à absorber la Compagnie du chemin de fer du district de Québec pour une somme évaluée à plus de 550 000 $. Cette offensive se poursuit en septembre 1898 : elle acquiert les propriétés et les installations de la Compagnie de pouvoir électrique de Montmorency évaluées à 1,5 million de dollars. Pour réussir ces transactions, la compagnie a dû toutefois céder une quantité astronomique d’actions et d’obligations aux propriétaires des deux compagnies. Cette situation ne tarde pas à amener, en 1899, la création de la Compagnie de chemin de fer, d’éclairage et de force motrice de Québec, première concentration horizontale d’entreprises à Québec, dont Thomson devient président.
C’est le couronnement de la carrière de Thomson. Durant les dernières années de sa vie, il administre deux des plus puissants leviers économiques de la ville de Québec. Il contribue à desservir en électricité la ville de Québec autant pour des fins industrielles et commerciales, que résidentielles et publiques. Il défend d’ailleurs jalousement ce monopole de production et de distribution. Il réussit à parachever tout le réseau de transport urbain de la ville de Québec et à établir une ligne électrifiée sur le trajet Québec-Saint-Anne-de-Beaupré tout en reconvertissant le manoir de la chute Montmorency en un luxueux hôtel. Enfin, il continue de faire fructifier l’actif de la Banque Union, qui ne cesse d’accumuler des profits durant la première décennie du xxe siècle.
Un des plus brillants financiers de son époque, Andrew Thomson laisse toutefois un maigre héritage à sa mort, si l’on tient compte de la valeur des sociétés qu’il a administrées et présidées. Dans son testament, rédigé en 1904, il donnait à son épouse et à ses enfants des biens mobiliers évalués à près de 60 000 $. À son décès trois ans plus tard, sa femme reçoit une pension annuelle de 1 400 $ durant sept ans. Cet héritage est loin de représenter une fortune. En 1914, au moment du partage des biens, la résidence familiale (Bijou) a déjà été vendue aux Sœurs de Saint-Joseph de Saint-Vallier et il ne reste que le portefeuille d’actions et d’obligations, évalué à 53 000 $, des dettes de 32 000 $ dues à la succession et un montant de 6 100 $ à répartir entre les héritiers. C’est donc un legs modeste pour un homme qui avait été un des principaux artisans de la diversification économique de la ville de Québec à la fin du xixe siècle.
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Jean Benoit, « THOMSON, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/thomson_andrew_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/thomson_andrew_13F.html |
Auteur de l'article: | Jean Benoit |
Titre de l'article: | THOMSON, ANDREW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |