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WAUGH, RICHARD DEANS, homme d’affaires, fonctionnaire et homme politique, né le 24 mars 1868 à St Boswells, Écosse, fils de Richard Waugh* et de Janet Deans ; le 21 octobre 1891, il épousa à Winnipeg Harriet Lillie Logan (décédée le 24 juillet 1931), et ils eurent deux filles et quatre fils, puis le 25 août 1932, à St James (Winnipeg), Eleanor Mary Lewis ; décédé le 20 mai 1938 dans la même ville et inhumé au cimetière St John de Winnipeg.
Le jeune Richard Deans Waugh, surnommé Dick, fréquenta la Highfield Academy de Melrose, en Écosse, puis émigra au Canada avec sa famille au début des années 1880 pour s’installer à Winnipeg. Waugh choisit de s’orienter vers les professions intellectuelles plutôt que, à l’instar de son père, vers le journalisme agricole. Du milieu à la fin des années 1880, il étudia le droit dans le cabinet de Chester et David Glass. Ce dernier, avocat et homme politique renommé, travaillait comme solicitor pour la ville de Winnipeg. Waugh ne fut jamais reçu au barreau. Il se lança dans l’immobilier au début des années 1890, soit avant l’essor économique rapide que connut la métropole à partir de la seconde moitié de la décennie.
Vers 1903, Waugh entra à l’emploi de la succursale de Winnipeg de la Haslam Land and Investment Company, dirigée par Thomson Beattie, autre Écossais débrouillard et ambitieux. Le siège social de la compagnie se trouvait au Minnesota. L’année suivante, les deux hommes rachetèrent les activités de la succursale, qu’ils renommèrent Waugh and Beattie, et se spécialisèrent dans l’immobilier et les investissements ; ce dernier domaine fournirait à Waugh les assises de sa réussite.
Waugh contribua à la création de la Winnipeg Real Estate Exchange en 1903 ; cinq ans plus tard, il en assuma la présidence, de même que celle de la Western Canadian Real Estate Exchange, nouvellement établie. Il servit également à titre de vice-président de la National Association of Real Estate Exchanges, association américaine mise sur pied en 1908. En 1906, Waugh avait participé à la fondation du Winnipeg Development and Industrial Bureau, dont il assurerait la présidence. Son mariage avec l’une des filles de l’ancien maire Alexander Logan* facilita sans aucun doute son ascension rapide dans le secteur commercial de la ville. Il entretenait aussi des liens dans les milieux juridiques grâce à son beau-frère, Thomas Graham Mathers, qui devint juge en chef de la Cour du banc du roi au Manitoba en 1910. Waugh avait fait partie des membres fondateurs du St Charles Country Club en 1905. Presbytérien, il figurait parmi les organisateurs de la United Scottish Association en 1918 et y servit en qualité de président.
Le succès de Waugh dans les affaires le conduisit vers la fonction publique et la politique municipales. Il connut sa première expérience dans le milieu en 1904, avec sa nomination à la tête du Public Parks Board de Winnipeg. Sportif et amateur de plein air enthousiaste, il chapeauta la Manitoba Curling Association et reçut le titre de président honoraire du Winnipeg Cricket Club et du Winnipeg Swimming Club. Comme les espaces publics récréatifs occupaient une place importante dans sa philosophie de la vie civique, il s’investit dans l’aménagement des parcs, des terrains de jeu, des piscines et des pistes cyclables.
En 1908, Waugh fut élu au bureau de contrôle de Winnipeg – organe exécutif du gouvernement de la ville –, où il servit à titre de secrétaire. Il remporta la mairie en 1911, au terme d’une lutte avec le conseiller municipal Frank W. Adams ; il succédait à son ami William Sanford Evans*. Waugh dirigea l’année suivante ce que l’historien Christopher Dafoe qualifie de « point culminant » de Winnipeg : l’apogée du développement spectaculaire d’avant-guerre du « Chicago du nord » – tel qu’on appelait alors la ville – comme métropole de l’ouest du Canada. En août 1912, Waugh se vit élu deuxième vice-président de l’Union des municipalités canadiennes et, en novembre, premier président de la Western Canada Civic and Industrial League. Il était dans la bonne voie pour devenir l’un des administrateurs municipaux les plus connus et respectés de l’Ouest canadien.
La mort tragique de Beattie, son associé, dans le terrible naufrage du Titanic [V. Arthur Godfrey Peuchen*] en avril 1912, découragea Waugh de briguer un deuxième mandat consécutif à la mairie. Il se concentra ensuite entièrement à son entreprise. En 1914, Waugh assuma la direction générale de la Canadian European Mortgage Corporation Limited. Alors membre éminent de l’élite commerciale de Winnipeg, qui dominait l’administration municipale, il fut élu maire par acclamation en 1915 et en 1916, succédant à Thomas Russ Deacon*. Au beau milieu de la Première Guerre mondiale, la xénophobie ambiante causée par les circonstances engendra, au Canada, une grande méfiance à l’égard des immigrants d’Europe de l’Est [V. William Perchaluk*] ; au même moment, la lutte des classes s’intensifia et, une fois le conflit terminé, provoqua des grèves massives [V. Mike Sokolowiski*]. Malgré ces défis posés par la guerre et la récession, Waugh effectua ses deux mandats subséquents sous le signe de la réussite. En 1915, il devint le président inaugural de la Returned Soldiers’ Association of Winnipeg, première organisation du genre au Canada et ancêtre de la Légion royale canadienne. En qualité de maire, il siégea au conseil d’administration du Greater Winnipeg Water District ; créé en 1913, celui-ci supervisait la construction d’un aqueduc qui s’étendrait sur 96 milles avec une descente de 300 pieds à partir de sa source, le lac Shoal, situé à la frontière ontarienne. En février 1916, on découvrit des fissures dans le tuyau en béton de la structure. Selon les insinuations du Winnipeg Telegram, le maire connaissait le problème et n’avait rien fait pour y remédier. Waugh se défendit avec succès et une enquête officielle le disculpa. Il mènerait ce projet majeur d’infrastructure municipale à son terme à titre de président du conseil des commissaires du Greater Winnipeg Water District (qui relevait du conseil d’administration) de 1918 à 1920.
Les trois mandats de Waugh à la mairie, bien que non consécutifs, eurent lieu au moment où la ville passa des années de prospérité à celles de crise et de déclin. En 1915, Winnipeg n’avait plus le même visage qu’en 1912. Malgré l’opinion publique favorable à la participation du Canada à la Première Guerre mondiale, les tensions et les rigueurs du conflit révélèrent des problèmes de gouvernance. En janvier 1916, Waugh présenta un document sur la réforme de l’administration municipale au congrès de la Civic Improvement League for Canada à Ottawa [V. Thomas Adams], organisé en collaboration avec la Commission de la conservation du gouvernement fédéral [V. sir Clifford Sifton*]. Il souligna que l’apathie des votants et les élections annuelles empêchaient une administration efficace de la ville, et déclara qu’il y avait « autant de place pour l’amélioration et la réforme chez les électeurs que chez les élus chargés de gérer les affaires municipales ». Il ne se porta pas candidat à la mairie en 1917 et quitta définitivement la politique.
À l’instar de nombreux libéraux de l’Ouest, Waugh se rangea du côté des unionistes sur la question de la conscription et appuya le gouvernement d’union au congrès des libéraux de l’Ouest tenu à Winnipeg en août 1917. Ardent partisan du recrutement, il vécut toutefois difficilement la mort au combat de son jeune fils, Alexander Logan, en décembre de la même année à Cambrai, en France. En janvier suivant, le premier ministre sir Robert Laird Borden offrit à Waugh la présidence de la Commission de secours d’Halifax, établie afin d’aider la ville à se remettre de l’explosion catastrophique de munitions sur un navire amarré au port le 6 décembre 1917 [V. Frederick Luther Fowke]. Waugh aurait accepté volontiers, mais le Greater Winnipeg Water District lui refusa un congé.
En mars 1920, Borden proposa à Waugh le poste de représentant de l’Empire britannique au sein de la Commission de gouvernement du territoire du bassin de la Sarre, région minière située près de la frontière franco-allemande. Il l’accepta. La Société des nations avait instauré cette organisation internationale, composée de cinq membres et autorisée par la troisième partie du traité de Versailles, dans le cadre d’une tutelle de 15 ans à partir de janvier 1920. Arrivé sur le territoire en avril, Waugh se vit confier les finances et le contrôle des denrées alimentaires.
Loin d’être proallemand, Waugh s’opposa néanmoins souvent à l’attitude punitive du président français de la commission et des membres belges et danois qui l’appuyaient. Waugh ne parlait ni français ni allemand ; cela contribua certainement à son isolement au sein du groupe. La dissidence de Waugh atteignit son point culminant en mars 1923. En réaction à une grève des mineurs, la commission décida alors d’imposer de lourdes amendes et, même, des peines d’emprisonnement aux Sarrois qui critiquaient la Société des nations, le traité ou la commission ; Waugh fut le seul membre à se prononcer contre ces mesures. En mai, à la publication d’un deuxième décret interdisant le piquetage, il exprima son désaccord avec le caractère permanent de l’acte et s’abstint de voter, tout en affirmant cependant qu’il fallait répondre à la grève de manière vigoureuse. Son dissentiment avec les autres commissaires constitua probablement le motif principal de sa démission en août 1923. Selon l’historien de la commission, Frank M. Russell, qui correspondait avec Waugh, « il était arrivé à la conclusion […] que la situation en Sarre lui était devenue pratiquement insoutenable ». Fervent défenseur de la Société des nations, Waugh avait gagné le respect de son conseil et celui des Sarrois ; son départ représenta une perte considérable pour la commission. Le Canadien George Washington Stephens lui succéda et présiderait l’organisation. La notice nécrologique de Waugh parue dans le Winnipeg Free Press cita une de ses déclarations : « Il semble que personne ne partageait mon opinion, alors que je croyais avoir le devoir de veiller à ce que le traité de Versailles soit appliqué à la lettre par les Français et les Allemands. » Selon l’auteur Sidney Osborne, il était le seul membre de la commission à plaire aux Allemands, parce qu’il était le seul à ne pas manger dans la main du gouvernement français.
Une perspective d’emploi au Canada pourrait avoir influencé la démission de Waugh. Le premier ministre John Bracken*, attiré par son bipartisme, son progressisme et son esprit civique, le nomma président de la Government Liquor Control Commission du Manitoba. On avait établi l’organisme en 1923, à la suite d’un référendum provincial qui, cette année-là, avait mené à l’abolition de la prohibition. Waugh s’avérait le candidat idéal : non seulement il n’était plus en politique, mais, sur les questions d’intérêt public, il avait des opinions très proches de celles de Bracken. Waugh resterait président de la commission jusqu’à sa mort, en 1938.
Dans les années 1920, Waugh fit une expérience significative sur les frais d’expédition transnationaux. Il commanda deux caisses de whisky d’une même distillerie écossaise. Les deux devaient aboutir à Brandon. La première passa par le fleuve Saint-Laurent et Winnipeg ; l’autre emprunta le canal de Panama pour atteindre Vancouver, puis se dirigea vers l’est par train. La différence de coût se révéla négligeable. Pendant qu’il agissait à titre de commissaire en chef, on créa une commission des alcools distincte (1928), on modifia le Government Liquor Control Act (1928), on instaura un permis autorisant les hôtels à vendre de la bière pour consommation dans un autre endroit que leur établissement (1934) et on imposa un tarif de vente au détail sur la bière produite à l’extérieur du Manitoba (1936).
En janvier 1938, Richard Deans Waugh perdit son fils aîné : Richard Douglas, ancien combattant invalide, mourut de manière prématurée et soudaine. Cette tragédie le bouleversa tant qu’il ne s’en remit pas et s’éteignit lui-même quatre mois plus tard. Waugh était un lad o’ pairts (homme qui a plusieurs cordes à son arc) écossais typique ; pour ainsi dire autodidacte, il compensa largement son manque d’éducation formelle par sa débrouillardise, sa discipline et son intelligence. Il défendit des causes progressistes, des jardins d’enfants au bon entretien des routes en passant par l’étatisation de l’hydroélectricité, et ne permit pas à la politique partisane d’entraver ses efforts continuels pour améliorer le cadre de vie des collectivités. Peu de fonctionnaires municipaux à Winnipeg réussirent à s’attirer et à conserver une telle confiance du public. Même si une génération sépare Waugh des « pères fondateurs » de Winnipeg [V. James Henry Ashdown*], il n’en laissa pas moins un legs presque aussi important que le leur.
Richard Deans Waugh a écrit Western Canada, the land of opportunity ([Winnipeg, 1910]). La communication qu’il présenta devant la Civic Improvement League for Canada en 1916, intitulée « The reform of municipal government », figure dans l’ouvrage Saving the Canadian city : the first phase, 1880–1920, Paul Rutherford, édit. (Toronto et Buffalo, N.Y., 1974), 335–340. Les AM conservent la vaste collection des papiers de Waugh dans le Waugh family fonds.
Ancestry.com, « Sélection de naissances et baptêmes, Écosse, 1564 à 1950 », Richard Waugh, Saint Boswells, 24 mars 1868.— Manitoba, Dept. de Justice, Bureau de l’état civil (Winnipeg), no 1891-001331 ; no 1932-031360 ; no 1938-020498.— Ville de Winnipeg, Dir. des arch. et des doc. publics, f00015 (Greater Winnipeg Water District fonds), 1916–1920 ; s00053 (City council minutes), 1908–1916 ; s00057 (Board of Control), 1908–1916.— Manitoba Free Press, 24 juill. 1903, 16 juill. 1908.— Winnipeg Free Press, 21 mai 1938.— Annuaire, Winnipeg, 1880–1920.— A. F. J. Artibise, Winnipeg : a social history of urban growth, 1874–1914 (Montréal et Londres, 1975).— R. C. Bellan, « The development of Winnipeg as a metropolitan centre » (thèse de ph.d., Columbia Univ., New York, 1958).— Jim Blanchard, Winnipeg 1912 (Winnipeg, 2005) ; Winnipeg’s Great War : a city comes of age (Winnipeg, 2010).— J. M. Bumsted, Dictionary of Manitoba biography (Winnipeg, 1999).— Canadian annual rev., 1912–1938.— Canadian who’s who, 1910–1936.— D. A. Ennis, « Developing a domestic water supply for Winnipeg from Shoal Lake and Lake of the Woods : the Great Winnipeg Water District aqueduct, 1905–1919 » (mémoire de m.sc., Univ. of Manitoba, Winnipeg, 2011).— Henry Huber, « Winnipeg’s age of plutocracy, 1901–1914 : a biographical study of Winnipeg’s mayors […] from the beginning of the twentieth century to the beginning of World War I » (s.l., 1971 ; travail non publié, copie en possession de l’auteur), 24–26.— Alan Hustak, Titanic : the Canadian story (Montréal, 1998).— J. [E.] Kendle, John Bracken : a political biography (Toronto, 1979).— Manitoba, Government Liquor Control Commission, Annual report (Winnipeg), 1924–1939.— Manitoba, pictorial and biographical (2 vol., Winnipeg, 1913), 1 : 265–268.— Manitoba, Statutes, 1913, c.22.— Sidney Osborne, The Saar question : a disease spot in Europe (Londres et Woking, Angleterre, 1923).— Pioneers and prominent people of Manitoba, Walter McRaye, édit. (Winnipeg, 1925).— F. M. Russell, The international government of the Saar (Berkeley, Calif., et Londres, 1926) ; The Saar : battleground and pawn (Stanford, Calif., 1951) ; « The Saar Basin Governing Commission », Political Science Quarterly (New York), 36 (1921) : 169–183.— J. H. Thompson, « The harvests of war : the prairie west, 1914–1918 » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1975).— L. M. Vallely, « George Stephens and the Saar Basin Governing Commission » (thèse de ph.d., McGill Univ., Montréal, 1965).
Barry Cahill, « WAUGH, RICHARD DEANS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 déc. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/waugh_richard_deans_16F.html.
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| Auteur de l'article: | Barry Cahill |
| Titre de l'article: | WAUGH, RICHARD DEANS |
| Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
| Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
| Année de la publication: | 2025 |
| Année de la révision: | 2025 |
| Date de consultation: | 16 déc. 2025 |