WESTBROOK, ANDREW, homme d’affaires et fonctionnaire, né en 1771 au Massachusetts, fils d’Anthony Westbrook et de Sarah Decker ; il épousa Sally Hull, puis Nancy Thorn, Margaret Ann Crawford et, finalement, une femme dont le nom demeure inconnu, et il eut au moins 14 enfants ; décédé en 1835 dans le comté de St Clair (Michigan).
Peu de temps avant la guerre d’Indépendance américaine, le père d’Andrew Westbrook et sa famille quittèrent la région de Minisink (Port Jervis, New York) pour s’établir au Massachusetts. Durant cette guerre, Anthony fut le seul de la famille à se ranger du côté des loyalistes. Il combattit sous Joseph Brant [Thayendanegea*], ce qui lui valut deux terres le long de la rivière La Tranche (rivière Thames, Ontario). Quoique la situation ne soit pas claire, il semble qu’Anthony amena sa famille dans le Haut-Canada vers la fin de la guerre et qu’il s’établit non pas sur ses terres longeant la rivière La Tranche, mais en bordure de la rivière Grand. Il légua les deux terres qu’il avait reçues à son fils Andrew, qui s’y installa apparemment après la fondation par Ebenezer Allan* en 1794 de l’établissement de Delaware. Ayant fait l’acquisition d’autres terres sous forme de concessions gouvernementales et de transactions privées, Andrew Westbrook possédait plus de 4 000 acres lorsque éclata la guerre de 1812. Sur une terre du canton de Delaware, il se fit construire une maison confortable, ainsi qu’une distillerie, une grange, un entrepôt, une scierie et un moulin. Sa nomination comme constable du canton en 1805 illustre le prestige dont il jouissait à cet endroit.
Cependant, la vie dans le Haut-Canada ne fut pas toujours facile pour Westbrook. En tant que commerçant, il fut touché par la dépression économique qui se manifesta d’abord par une chute vertigineuse des prix en 1810. En tant que spéculateur foncier, il s’insurgea contre la politique gouvernementale qui limitait l’immigration, et notamment contre le pouvoir discrétionnaire que détenait le représentant principal du gouvernement dans la région, le colonel Thomas Talbot*. C’est probablement à cause des frustrations ainsi subies que Westbrook fut amené à changer de camp au cours de la guerre de 1812. Au milieu de juillet 1812, un régiment américain commandé par le général de brigade William Hull traversa la rivière de Detroit pour gagner le Haut-Canada. Daniel Springer, de Delaware, que Talbot avait nommé magistrat, rapporta au major-général Isaac Brock* que Westbrook avait contribué à faire circuler la proclamation de Hull qui pressait les habitants de la région de se rendre. Springer constata également qu’Ebenezer Ahan et Simon Zelotes Watson, amis de Westbrook et comme lui ennemis de Talbot, soutenaient activement la cause américaine.
La désaffection régnait dans le sud-ouest de la province. De plus, les autorités civiles et militaires se heurtaient à un tel climat d’agitation que les dissidents étaient facilement suspects et emprisonnés de façon arbitraire. Les indices qui permirent de soupçonner Westbrook d’avoir distribué la proclamation de Hull ne sont pas assez concluants pour affirmer qu’il l’a vraiment fait. Mais il est certain qu’il participa à la rédaction d’une pétition destinée à Hull, dont les cosignataires s’engageaient à ne pas résister aux envahisseurs à la condition que leurs propriétés soient épargnées. Au début d’août, il rencontra Hull au fort Detroit et retourna à Delaware afin d’agir comme espion pour le compte des Américains. La milice le captura en octobre, mais il s’évada et rejoignit les forces américaines commandées par le lieutenant-colonel George Croghan sous lequel il servit de nouveau comme espion. Après la défaite britannique à la bataille de Moraviantown en octobre 1813, il servit comme guide à des détachements de rangers du Michigan qui effectuaient des incursions dans les établissements vulnérables qui bordaient la rivière Thames et le lac Érié.
Solidement charpenté, mesurant six pieds deux pouces, les cheveux roux, Westbrook semait la terreur parmi les pionniers canadiens qui, en 1814, ne disposaient que de la milice pour les défendre contre les maraudeurs. Le 31 janvier de cette année-là, le détachement de Westbrook attaqua Delaware, y faisant prisonniers des officiers et des membres de la milice du comté de Middlesex, parmi lesquels se trouvaient Daniel Springer et le colonel François Baby*. Ensuite, Westbrook incendia sa propre maison, ses bâtiments et son maïs et conduisit sa famille jusqu’à la frontière américaine. Lors d’une autre incursion, au printemps de la même année, cette fois dans le village d’Oxford (Oxford Centre), il captura un vieux rival, Sikes Tousley. Il le fit sortir de son lit sous la menace d’un fusil et l’amena à la frontière américaine, non sans que son prisonnier, profitant d’un moment d’inattention de Westbrook, l’atteigne d’un coup de baïonnette à la cuisse.
Les incursions à Port Talbot furent particulièrement dévastatrices. Le 16 août, Westbrook captura à peu de chose près le colonel Talbot, qui parvint à lui échapper en s’enfuyant par une fenêtre arrière de sa maison. Il avait l’habitude de ravir sur son cheval les officiers supérieurs, ce qui compliquait la tâche de ses poursuivants haut-canadiens à qui il arriva une fois de tirer par erreur sur un prisonnier ainsi emporté. Il détruisait les moulins et dévastait les lieux investis en les incendiant et en les pillant.
En 1815, Westbrook fit l’acquisition d’une ferme et de terres situées le long de la rivière St Clair au nord de Marine City, dans le comté de St Clair. Le gouverneur Lewis Cass le nomma premier inspecteur des grands chemins en 1817 et l’un des trois premiers commissaires de comté en 1821. Pour le remercier de ses services pendant la guerre, le Congrès américain lui octroya deux terres en 1828, dont la plus importante se trouvait dans le canton de Clay. Un fonctionnaire du gouvernement américain dressa un portrait fidèle de Westbrook durant son séjour au Michigan : « Il a le regard vif et intelligent [...] Il n’a pas d’instruction, cependant il s’exprime parfaitement, avec précision, et fait [des] descriptions pittoresques [...] S’il se fixe un jour un objectif, il est certain de l’atteindre. Les moyens qu’il prend sont de simples outils, dont il juge d’après ses conceptions du Bien ; celles-ci sont généralement faites pour répondre à [ses] pulsions du moment, quelles qu’en soient l’origine ou les conséquences. »
En mai 1814, à Ancaster, dans le Haut-Canada, Westbrook avait été accusé de trahison. En 1816, la Cour des sessions trimestrielles du district de Niagara le déclara hors-la-loi. Une commission royale, formée de Thomas Talbot et de Robert Nichol et chargée de vérifier l’étendue des propriétés de Westbrook dans la province, établit qu’il possédait environ 4 040 acres. D’anciens voisins firent des démarches en vue d’acquérir ces terres et, en 1823, les « terrains, immeubles et dépendances » que Westbrook possédait dans le canton de Delaware furent vendus à Daniel Springer.
Dans le document d’enregistrement de cette vente, Andrew Westbrook apparaît comme yeoman, distinction qu’utilisa habilement John Richardson* dans son roman Westbrook, the outlaw ; or, the avenging wolf pour expliquer la désapprobation du héros face au favoritisme dont les autorités publiques faisaient preuve envers le capitaine Stringer, membre de la gentry terrienne. Au Michigan, l’ascension tant sociale que financière de Westbrook ne connut aucune entrave ; il aimait se faire appeler baron Steuben, rôle auquel il se prêta avec « certaines excentricités amusantes ».
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David R. Beasley, « WESTBROOK, ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/westbrook_andrew_6F.html.
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Auteur de l'article: | David R. Beasley |
Titre de l'article: | WESTBROOK, ANDREW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |