JACOBS, SOLOMON, rabbin, né le 9 juillet 1861 à Sheffield, Angleterre, fils de Michael Joseph Jacobs et d’une prénommée Rachel Miriam ; en 1886, il épousa à Birmingham, Angleterre, Edith Cohen*, et ils eurent un fils et deux filles ; décédé le 6 août 1920 à Toronto.

Solomon Jacobs étudia au People’s College de Sheffield et à l’Aria College de Portsmouth où, en 1883, il fut le premier à être ordonné ministre-prédicateur. Après avoir été maître à la Manchester Jews’ School et ministre à Newcastle upon Tyne, il reçut son diplôme de rabbin en 1886. Sur la recommandation du grand rabbin de Grande-Bretagne, on le nomma ministre de l’Amalgamated Congregation of Israelites à Kingston, en Jamaïque. Représentant efficace de la communauté juive de cette colonie, il réussit en 1895 à faire abolir les droits de timbre de 15 shillings sur les contrats de mariage juifs. Il appartint au conseil d’administration de la Hebrew Benevolent Society et du dispensaire de Kingston ainsi qu’au bureau jamaïcain des examinateurs qui évaluait les demandes et les modalités d’admission à la University of Cambridge. Après sa démission en 1900, le correspondant en Jamaïque du Jewish Chronicle de Londres nota qu’aucun ministre du culte avant Jacobs n’avait « inspiré autant d’admiration que lui dans toute la collectivité » et qu’il était « grandement respecté de tous les habitants, y compris le gouverneur ».

Jacobs quitta la Jamaïque pour occuper la chaire de la synagogue Holy Blossom à Toronto. Cette congrégation juive, la plus ancienne de la ville, avait été établie en 1856, en grande partie grâce aux efforts du marchand Lewis Samuel*, et elle avait compté parmi ses membres l’élite des Juifs torontois. Depuis peu, elle avait, rue Bond, une magnifique synagogue à la construction de laquelle l’homme d’affaires Alfred David Benjamin*, entre autres, avait généreusement contribué. Cependant, avant l’arrivée de Jacobs en mars 1901, des questions comme la musique instrumentale, l’usage de l’anglais dans les cérémonies et la ségrégation des hommes et des femmes à l’intérieur de la synagogue avaient commencé à créer des tensions entre l’élément orthodoxe et l’élément libéral de la congrégation. Tant qu’il desservirait celle-ci, Jacobs devrait concilier les deux groupes. Lui-même était traditionaliste, mais il était disposé à faire des compromis pour unifier la congrégation. Aussi la plupart des membres lui portaient-ils une affection sincère. Jusqu’à sa mort, la congrégation Holy Blossom demeura plus proche de l’orthodoxie anglaise que du mouvement américain de réforme.

Dans les premières décennies du xxe siècle, la communauté juive de Toronto connut une expansion spectaculaire. Formée d’un peu plus de 3 000 membres en 1901, elle en comptait, 20 ans plus tard, près de 35 000. Aux premiers arrivants, surtout d’origine britannique ou allemande, étaient venus s’ajouter, depuis les années 1880, un nombre croissant de Juifs d’Europe de l’Est. On avait donc formé plusieurs nouvelles congrégations. Pendant la décennie qui suivit son arrivée, Jacobs fut le seul rabbin de Toronto à parler couramment l’anglais. On en vint donc à le considérer comme le porte-parole de toute la communauté juive, et non seulement de sa propre congrégation. Les journaux citaient souvent cet orateur éloquent. Il usait de sa position pour critiquer les stéréotypes sur les Juifs que répandait la presse et l’habitude d’attirer l’attention sur les Juifs traduits en justice. En outre, il s’élevait contre les missionnaires qui tentaient de convertir ses coreligionnaires au christianisme. Avec sa femme, Edith Cohen, il joua un rôle important dans la création d’un cercle pour jeunes immigrantes, le Jewish Girls’ Club.

Dès son sermon inaugural à la synagogue Holy Blossom, Jacobs avait annoncé ses couleurs : il ne serait pas sectaire, avait-il dit, et ses efforts en vue de soulager la souffrance humaine s’étendraient au delà de la communauté juive de Toronto. Les non-Juifs l’acceptaient donc aisément. Des congrégations chrétiennes et des organisations tels l’Overseas Club et la Theosophical Society l’invitaient à donner des conférences. Il assista à la réception donnée par la province en l’honneur du duc d’York en 1901, fut invité à des dîners de gala offerts par le lieutenant-gouverneur et prit part au service commémoratif en l’honneur d’Édouard VII à Queen’s Park en 1910. Élu la même année vice-président de l’Associated Charities of Toronto, il fut membre de la Charities Commission, formée par la ville en 1911 pour enquêter sur l’administration des organismes de bienfaisance. En outre, il fut conseiller auprès de la Toronto Ladies’ Aid Society et de l’Association for the Care of the Feebleminded. Souvent, quand il était convaincu que des personnes, juives ou non, avaient été accusées injustement ou que des circonstances atténuantes diminuaient la gravité de leurs crimes, il plaidait en leur faveur devant les tribunaux.

Pendant la Première Guerre mondiale, Solomon Jacobs recueillit de l’argent pour la Croix-Rouge, encouragea le recrutement et visita des camps d’entraînement et des hôpitaux. Dans un éloge prononcé à ses funérailles, le rabbin Max John Merritt de Montréal attribuerait à son inspiration « le brillant palmarès de la communauté juive de Toronto pendant la grande guerre ». Une fois les hostilités terminées, malgré la maladie qui allait finalement l’emporter, Jacobs fit campagne pour les Jewish War Sufferers (Milkhome Korbones). Selon le Toronto Daily Star, ses funérailles, en août 1920, attirèrent des gens de « toutes les confessions et de toutes les classes », dont le maire Thomas Langton Church*, des membres des élites religieuses et sociales de la ville et une « foule immense » de citoyens ordinaires, « chacun gardant quelque souvenir de [sa] bienveillante influence ».

Stephen A. Speisman

Arch. privées, S. A. Speisman (Thornhill, Ontario), entrevues avec Arthur Cohen, 20 déc. 1971 ; Bertha Draimin, 10 janv. 1972 ; Mme M. Goodman, 12 janv. 1972.— Daily Mail and Empire, 9–10 août 1920.— Jewish Chronicle (Londres), 1er févr. 1901, 13 août 1920.— Jewish Times (Montréal), 1er, 15 mars 1901.— Toronto Daily Star, 9 août 1920.— Yiddisher Zhurnal/Daily Hebrew Journal (Toronto), 8, 10 août 1920.— The Jew in Canada : a complete record of Canadian Jewry from the days of the French régime to the present time, A. D. Hart, édit. (Toronto et Montréal, 1926).— S. A. Speisman, The Jews of Toronto : a history to 1937 (Toronto, 1979).

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Stephen A. Speisman, « JACOBS, SOLOMON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jacobs_solomon_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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