PHELAN, PATRICK, prêtre catholique, sulpicien et évêque, né le ou vers le 14 février 1795 à Ballyragget (république d’Irlande), fils de Joseph Phelan et de Catharine Brennan ; décédé le 6 juin 1857 à Kingston, Haut-Canada.

Manquant d’argent pour continuer d’étudier, Patrick Phelan devint instituteur dans une école privée, mais il décida peu après de venir en Amérique pour y poursuivre ses études. Selon un biographe anonyme, « l’impression que Dieu l’avait appelé en Amérique et que c’est là qu’il serait réellement utile était profonde et ne le quitta plus ». En 1821, à Dublin, il s’embarqua sur le premier navire en partance pour l’Amérique, qui faisait voile vers Boston. À son arrivée, il se plaça sous la tutelle du prélat de cette ville qui, trois mois plus tard, l’envoya à Montréal faire ses études de prêtrise. Le 24 septembre 1825, au cours d’une cérémonie présidée par Mgr Jean-Jacques Lartigue*, Phelan devint le premier prêtre à être ordonné dans l’église Saint-Jacques, nouvellement consacrée. Par suite de la « sollicitation pressante » du séminaire de Saint-Sulpice, Phelan eut la permission de demeurer à Montréal pour servir dans la paroisse Notre-Dame. Agrégé au séminaire le 21 novembre 1825, il passa les 17 années suivantes à desservir les Irlandais catholiques de la ville. Comme cette communauté était toute nouvelle, il ne devait pas veiller qu’à la satisfaction de ses besoins spirituels. Ainsi il travailla à parfaire l’éducation des jeunes, assura des soins médicaux pendant les épidémies de choléra de 1832 et de 1834, s’occupa, quelquefois à ses frais, des veuves et des orphelins démunis et tenta de contrer l’alcoolisme, fort répandu dans la communauté, en créant la St-Patrick’s Total Abstinence Society en 1841. Selon son biographe, l’activité déployée par Phelan au cours des épidémies « impressionna si vivement ses fidèles qu’ils lui vouèrent dès lors une confiance sans bornes ». Le hasard avait bien fait les choses, car leur confiance fut bientôt mise à l’épreuve. Il y eut d’abord le cas de Maria Monk*, ancienne résidente de la région montréalaise qui prétendait avoir passé plusieurs années dans un couvent et qui, à l’été de 1835, se mit à faire des allégations calomnieuses sur le clergé catholique de la ville. Dans l’une de ses nombreuses déclarations scandaleuses, elle avança que Phelan était le père de son enfant illégitime et que la conception avait eu lieu au couvent. Phelan eut peu de mal à s’innocenter, et il s’avéra bientôt que Maria Monk était une menteuse et une prostituée. Un autre incident se produisit pendant les désordres politiques de 1837 : des membres de la communauté irlandaise de Montréal parlèrent de tenir une assemblée où ils inviteraient les orateurs patriotes Edmund Bailey O’Callaghan* et Thomas Storrow Brown*. Le supérieur de Phelan, Joseph-Vincent Quiblier, le chargea d’aller restaurer le calme, ce qu’il fit en démontrant la nécessité d’obéir au gouvernement.

Peut-être en raison des impressions favorables que Phelan fit pendant ses visites missionnaires dans la vallée de l’Outaouais, en 1838 et 1841 (cette dernière en compagnie de Mgr Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson*), Mgr Rémi Gaulin, évêque de Kingston, demanda en 1842 que Phelan soit nommé curé à Bytown (Ottawa). Accédant à cette requête, les autorités ecclésiastiques le nommèrent vicaire général des diocèses de Montréal et de Kingston. Avant son départ, des membres importants de sa paroisse, dont John Ponsonby Sexton* et John Michael Tobin, lui présentèrent une élogieuse adresse d’adieux et les soldats irlandais de la garnison montréalaise lui offrirent une tabatière d’argent en remerciement des services qu’il leur avait rendus. Phelan prit la paroisse de Bytown en charge le 22 novembre 1842 et fut rejoint environ un mois plus tard par un assistant, Hippolyte Moreau*.

Mgr Gaulin souffrant à l’époque de déficiences physiques et mentales, l’épiscopat canadien dut le remplacer par un évêque coadjuteur qui administrerait le diocèse, dont la superficie couvrait alors toute la moitié est du Haut-Canada. Rome approuva le choix de Phelan mais Gaulin, qui peu de temps auparavant avait dit beaucoup de bien de lui, le dénonça amèrement lorsqu’il apprit sa nomination, en avril 1843. Les années les plus difficiles du ministère de Phelan allaient commencer.

Le 20 août 1843, à Montréal, Ignace Bourget*, Pierre-Flavien Turgeon* et Michael Power* sacrèrent Phelan évêque de Carrhae et coadjuteur de l’évêque de Kingston, avec droit de succession. La tâche du nouvel évêque était immense. Le diocèse de Kingston, comme d’autres à l’époque, avait besoin d’écoles, d’hôpitaux, d’orphelinats et d’églises, ainsi que de prêtres et de religieux qualifiés pour y travailler. De plus, Phelan devait presque toujours compter avec les ingérences de Gaulin, même quand celui-ci habitait dans le Bas-Canada (de 1843 à 1849, puis de 1852 à 1857). Au début, Gaulin refusa d’abandonner l’idée de demeurer dans la résidence de l’évêque, à Kingston, empêcha Phelan d’avoir accès aux archives diocésaines et permit à sa gouvernante de maintenir une surveillance étroite sur ses bureaux et ses effets. Ce n’est que graduellement, puis en grande partie grâce aux conseils et aux encouragements constants de Mgr Bourget, que Phelan parvint à assurer l’administration du diocèse.

En dépit de l’opposition à laquelle il faisait face, Phelan obtint des résultats impressionnants. Les oblats de Marie-Immaculée s’établirent à Bytown en 1844 et, un an plus tard, les Sœurs de la charité de l’Hôpital Général de Montréal firent de même [V. Élisabeth Bruyère*]. Les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph arrivèrent à Kingston en 1845 pour y ouvrir un hôpital. En 1847, le diocèse de Bytown fut créé à même une partie du territoire de celui de Kingston, et son premier évêque, Joseph-Bruno Guigues*, fut sacré en 1848. La même année, le premier jésuite commença à enseigner au Regiopolis College de Kingston. Phelan, dont le premier geste officiel à Kingston avait été de poser la pierre de fondation de la cathédrale St Mary, participa à la consécration de cette église le 4 octobre 1848 [V. Patrick Dollard*]. Deux ans plus tard, Turgeon reconnaissait la contribution et les talents de Phelan en le nommant vicaire général de l’archidiocèse de Québec. En 1853, les Frères des écoles chrétiennes fondèrent une école à Kingston et, en 1855, un système d’écoles séparées fut mis en place. Phelan sacra John Farrell*, premier évêque de Hamilton, en 1856 et accueillit les Sisters of Loretto à Belleville un an plus tard [V. Ellen Dease*, dite mère Teresa]. Des établissements d’enseignement virent aussi le jour à St Andrews et à Alexandria pendant son mandat. Toutefois, l’ensemble de ces progrès ne se réalisa qu’au prix d’une rancœur profonde et constante, puisque Gaulin refusait toujours d’abandonner son autorité à Phelan, même s’il était de plus en plus incapable de l’exercer.

La plupart du temps, Gaulin n’opposait à Phelan que des obstacles mineurs mais, entre 1849 et 1852, il tenta de reprendre sa place dans le diocèse. Revenu à Kingston, il pourvut à plusieurs postes diocésains et entreprit plusieurs projets d’envergure, pour se faire bientôt rappeler par l’épiscopat canadien que Phelan détenait tous les pouvoirs. Il fallut que le pape intervienne personnellement en prévenant Gaulin de ne plus s’immiscer dans l’administration du diocèse pour que ce dernier retourne dans le Bas-Canada et que le calme revienne. Phelan parvint à contrer toutes ces menaces à son autorité, mais elles lui causèrent beaucoup d’angoisse et l’obligèrent à poursuivre des négociations et une correspondance interminables.

La longue lutte de Gaulin contre la maladie s’acheva le 8 mai 1857. Patrick Phelan, après avoir tenté intensivement pendant 14 ans de régler les multiples problèmes que posait l’administration d’un diocèse, tout en subissant sans cesse les ingérences d’un malade, avait enfin la voie libre. Il devint évêque, mais sa liberté, comme le sentiment de soulagement qui dut l’accompagner, ne dura pas. En assistant aux funérailles de Gaulin à Kingston le 13 mai 1857, il prit un refroidissement. Plusieurs jours après, se sentant assez bien, il se rendit à Belleville, lieu de sa première visite pastorale comme coadjuteur, pour assister à la bénédiction du nouveau cimetière. Un compte rendu du Toronto Mirror, peut-être écrit par son éditeur, Charles Donlevy, raconte : « À cette occasion, étant exposé une deuxième fois au grand air, il contracta une inflammation des poumons [...] À son retour à Kingston, la maladie devint plus virulente et, dans la nuit du samedi 6 juin, entouré de son clergé fidèle et bien-aimé, il expira après avoir reçu les derniers sacrements de Mgr Bourget. » Tout comme son prédécesseur, Phelan fut inhumé dans la cathédrale St Mary. Le quatrième évêque de Kingston, Edward John Horan*, fut sacré en mai de l’année suivante.

J. E. Robert Choquette

ACAM, 255.102, 842-16 ; 843-2, -8–9, -12–13 ; 844-3 ; 845-2, -6 ; 851-1 ; 255.104, 842-4 ; RC, I : fos 125–128 vo.— AO, RG 22, sér. 155, testament de Patrick Phelan.— Arch. of the Archdiocese of Kingston (Kingston, Ontario), BI (Remigius Gaulin, corn), 2ED3-6–7 ; 2ER1-7–8 ; 2CL1-15 ; C (Patrick Phelan papers).— Life of Right Reverend Patrick Phelan, third bishop of Kingston, to which is added a synopsis of the lives of the two first bishops of Kingston ; by the clergyman who served Bishop Phelan’s last mass (Kingston, 1862).— Maria Monk, Awful disclosures of Maria Monk [...] (New York, 1836), 16, 228–229 ; Awful disclosures, by Maria Monk, of the Hotel Dieu nunnery of Montreal, revised, with an appendix [...] (New York, 1836), 240, 307–321, 330, 337, 346–347 (les deux ouvrages ont été réimprimés sous le titre de Awful disclosures of the Hotel Dieu nunnery, introd. de R. A. Billington (Hamden, Conn., 1962).— British Whig, 7 oct. 1848.— Chronicle & Gazette, 15 juill., 12, 23 août, 9 sept. 1843.— Daily British Whig, 8, 12 juin 1857.— Toronto Mirror, 6, 13 oct. 1848, 15, 22 mai, 12, 19 juin 1857.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Plessis », ANQ Rapport, 1928–1929.— L.-A. Desrosiers, « Correspondance de Mgr Ignace Bourget [...] », ANQ Rapport, 1945–1946 ; 1948–1949 ; « Inv. de la corr. de Mgr Lartigue », 1941–1942 ; 1945–1946.— Léon Pouliot et François Beaudin, « Correspondance de Mgr Ignace Bourget [...] », ANQ Rapport, 1955–1957 ; 1961–1964 ; 1969.— Gaston Carrière, Histoire documentaire de la Congrégation des missionnaires oblats de Marie-Immaculée dans l’Est du Canada (12 vol., Ottawa, 1957–1975), 1 : 219, 223 ; 4 : 123.— L. J. Flynn, Built on a rock ; the story of the Roman Catholic Church in Kingston, 1826–1976 (Kingston, 1976) (contient un portrait de Patrick Phelan).— Labarrère-Paulé, les lnstituteurs laïques, 59–60, 75.— Robert Rumilly, Histoire de Montréal (5 vol., Montréal, 1970–1974), 2 : 229, 282.

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J. E. Robert Choquette, « PHELAN, PATRICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/phelan_patrick_8F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
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