WILLIAMS, ÉLÉAZAR (Eleazer) (Onwarenhiiaki, qui signifie « on lui a fendu la bûche » ; baptisé Razar Williams, il fut surtout connu sous le nom d’Éléazar Williams), chef de la réserve de Caughnawaga (Kahnawake, Québec), ministre congrégationaliste et épiscopalien, et auteur, né en mai 1788 sur les bords du lac George, New York, fils de Tehoragwanegen* (Thomas Williams), chef de la réserve de Caughnawaga, et de Konwatonteta (Mary Ann Rice) ; le 4 mars 1823, il épousa à La Baye (Green Bay, Wisconsin) Madeleine (Magdelene) Jourdain (Jourdon), et ils eurent deux filles, qui moururent en bas âge, et un fils ; décédé le 28 août 1858 dans la réserve de Saint-Régis.

L’ancêtre d’ Éléazar Williams était John Williams*, ministre puritain fait prisonnier lors de l’expédition du major Jean-Baptiste Hertel* de Rouville contre Deerfield, au Massachusetts, en février 1703/1704. Le petit-fils de John, Thomas Williams, fit baptiser le fils qui lui naquit en mai 1788 dans la religion catholique et lui donna le prénom de Razar, diminutif d’Éléazar. Après que ce dernier se fut blessé à la tête en plongeant dans le lac George, il reçut le nom indien Onwarenhiiaki qui signifie « on lui a fendu la bûche ». On prit cependant l’habitude de l’appeler Éléazar Williams.

Williams grandit à Caughnawaga. Lorsqu’il fut en âge d’étudier, son père (contre les désirs de sa femme qui était une fervente catholique) l’envoya avec son frère John en 1800 au séminaire congrégationaliste de Longmeadow, au Massachusetts. À la suggestion de parents vivant dans cet État, l’American Board of Commissioners for Foreign Missions prit à sa charge les frais de l’éducation du jeune homme, pourvu qu’il s’agrège au congrégationalisme. Peu après, il apostasia la foi catholique pour devenir congrégationaliste.

Ses études terminées, Williams exerça auprès des Indiens le ministère d’un prédicant itinérant et besogneux, séjournant surtout à Caughnawaga, à Oneida Castle, dans l’état de New York, à La Baye et à Saint-Régis. Ses loisirs, il les employait à étudier l’histoire du pays des Iroquois. Il était peu à peu devenu une autorité en histoire indienne. Prédicateur éloquent, il exerçait sur ceux qu’il appelait ses « frères de race » une influence à la fois politique et religieuse. Sur les instances de l’American Board of Commissioners for Foreign Missions, Williams fit plusieurs voyages à titre d’agent entre 1809 et 1812 à Caughnawaga pour y introduire le protestantisme. En mars de cette dernière année, il fit preuve d’une si grande éloquence que les Indiens de la réserve le désignèrent comme leur chef. Au début de la guerre de 1812, le gouvernement américain le nomma surintendant général des Affaires des Indiens du Nord ; au cours des hostilités, il s’efforça de persuader les Indiens de Caughnawaga de se ranger du côté des États-Unis [V. Atiatoharongwen*] et tenta d’obtenir des renseignements sur les mouvements des troupes britanniques.

Toutefois, c’est dans la sphère religieuse que Williams déploya toutes les ressources de son savoir-faire. En mai 1815, n’hésitant pas à changer encore une fois de credo, Williams s’affilia à l’Église épiscopalienne, puis enseigna le catéchisme à Oneida Castle. Ordonné ministre épiscopalien en 1826, il fit du prosélytisme en faveur de sa confession auprès des Indiens de La Baye où il était allé s’établir trois ans plus tôt ; il y œuvra jusqu’en octobre 1834. Il se rendit ensuite à Saint-Régis en juin 1835 et fut nommé officiellement maître d’école de cette mission par le gouverneur du Bas-Canada, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer*]. Il se heurta tout naturellement aux missionnaires catholiques qui desservaient les missions de Caughnawaga et de Saint-Régis, Joseph Marcoux et François-Xavier Marcoux. Finalement, à la suite de démarches faites par Mgr Jean-Jacques Lartigue*, le nouveau gouverneur du Bas-Canada, lord Gosford [Acheson*], intervint, en 1836, en faveur des deux prêtres catholiques, et Williams n’eut d’autre choix que de démissionner de son poste de maître d’école. Il essaiera encore plus tard, de 1846 à 1848 et de 1850 à 1853, de faire de la propagande parmi ses « frères », ses « compatriotes ». Ce sera sans aucun succès. Aussi l’abbé Joseph Marcoux confiait-il à Jacques Viger, le 19 janvier 1854, que, relativement à Williams, il n’avait pas « grand’chose à craindre de lui comme missionnaire de Caughnawaga ».

Cette même année, Éléazar Williams subissait un autre échec, retentissant celui-là, puisqu’il se voyait dépouiller de la prétention qu’il nourrissait depuis quelques années : rien de moins que celle d’une origine royale ! Il était le vrai Louis XVII, qui avait été enlevé de sa prison en 1795 et qui, une fois en Amérique, avait été conduit à Caughnawaga et confié par un nommé Bellanger au sang-mêlé Thomas Williams ! C’est l’étrange histoire que les lecteurs d’un périodique new-yorkais nouvellement fondé, le Putnam’s Monthly, pouvaient apprendre dans le numéro de février 1853 : « Have we a Bourbon among us ? » L’auteur en était un confrère épiscopalien de Williams, John Halloway Hanson. Le légitimiste français Henry de Courcy, correspondant à New York de l’Univers de Paris, se hâta de démolir l’élucubration américaine dans le numéro du 7 mars 1853 du journal parisien par un article au titre non équivoque : « Un roman d’imagination ». Puis, grâce à son ami montréalais Jacques Viger, qui le pourvut d’arguments décisifs tirant leur force principale des déclarations de la mère d’Éléazar Williams, Courcy réfuta point par point l’ouvrage de 480 pages que Hanson fit paraître en 1854, intitulé The lost prince [...]. Pour lui, le titre du livre était tout à fait exact : le prince était bien perdu, et il n’était pas retrouvé.

Philippe Sylvain

Les papiers d’Éléazar Williams sont conservés à la Newberry Library (Chicago), à la Detroit Public Library (Detroit, Mich.), à la Mo., Hist. Soc. (St Louis), à la Buffalo Hist. Soc. (Buffalo, N.Y.) et à la Wis., State Hist. Soc. (Madison). Le Fonda Department of Hist. and Arch. (Fonda, N.Y.) possède un ouvrage manuscrit en 2 vol. sur sa vie.

Williams a écrit et traduit plusieurs ouvrages qui ont été compilés par James Constantine Pilling dans Bibliography of the Iroquoian languages (Washington, 1888).

Wis., State Hist. Soc., Grignon, Lowe, Porlier papers, vol. 55, 4 mars 1823.— Handbook of American Indians (Hodge), 2 : 953–955.— E. J. Devine, Historic Caughnawaga (Montréal, 1922), 316–322, 370–371.— J. H. Hanson, The lost prince : facts tending to prove the identity of Louis the seventeenth, of France, and the Rev. Eleazar Williams, missionary among the Indians of North America (New York, 1854).— Robert [Philippe] Sylvain, la Vie et l’Œuvre de Henry de Courcy (1820–1861), premier historien de’ l’Église catholique aux États-Unis (Québec, 1955), 224–261.— W. W. Wight, Eleazar Williams, not the dauphin of France (Chicago, 1903).— Guillaume de Bertier de Sauvigny, « Louis XVII, un métis indien », Historia (Paris), 112 (1956) : 307–310.— L. C. Draper, « Additional notes on Eleazer Williams », Wis., State Hist. Soc., Coll., 8 (1879) : 353–369.— A. G. Ellis, « Fifty-four years’ recollections of men and events in Wisconsin », Wis., State Hist. Soc., Coll., 7 (1876) : 207–268 ; « Recollections of Rev. Eleazer Williams », 8 : 322–352.— J. H. Hanson, « Have we a Bourbon among us ? », Putnam’s Monthly Magazine (New York), 1 (janv.–juin 1853) : 194–217.— Moïse Mainville, « Louis XVII est-il venu au Canada ? », BRH, 3 (1897) : 66–71.— Robert [Philippe] Sylvain, « Louis XVII vint-il en Amérique ? », Rev. de l’ univ. Laval, 3 (1948–1949) : 743–761, 857–882.

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Philippe Sylvain, « WILLIAMS, ÉLÉAZAR (Eleazer) (Onwarenhiiaki), baptisé Razar Williams », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/williams_eleazar_8F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
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