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WILLIAMS, sir WILLIAM FENWICK, soldat, administrateur militaire et colonial, né le 4 décembre 1800 à Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse, fils de Maria Walker et peut-être de Thomas Williams, décédé célibataire le 26 juillet 1883, à Londres.
Au moment de sa naissance et tout au long de sa carrière, on croyait généralement que William Fenwick Williams était le fils naturel d’Edward Augustus*, duc de Kent et Strathearn, qui avait vécu à Halifax et qui était reparti pour l’Angleterre avec madame de St Laurent [Mongenet*], en août 1800. Williams lui-même ne fit aucun effort pour démentir cette version, qui faisait de lui le demi-frère de la reine Victoria. Le père putatif de Williams était commissaire général et maître de caserne à la garnison britannique de Halifax. Comme son frère aîné, Thomas, Williams était destiné à la carrière militaire et, en mai 1815, il entra à la Royal Military Academy de Woolwich (maintenant partie de Londres). Après en être sorti diplômé, il passa plusieurs années à voyager et, par suite de la lenteur de toutes les affectations militaires durant la décennie qui suivit la bataille de Waterloo (Belgique), ce n’est qu’en juillet 1825 qu’il fut nommé lieutenant en second dans le Royal Régiment of Artillery. Il servit dans des postes militaires à Gibraltar, à Ceylan (Sri Lankâ) et en Angleterre, et fut promu capitaine en second en 1840, capitaine en premier en 1846 et colonel honoraire en 1854. En 1841, il se rendit à Constantinople (Istanbul) avec le capitaine Collingwood Dickson pour y réformer l’arsenal turc. En 1843, il fut nommé commissaire britannique, chargé de délimiter la frontière entre la Turquie et la Perse, tâche qui lui prit neuf ans et pour laquelle il fut créé compagnon de l’ordre du Bain en 1852.
Lorsque la guerre de Crimée éclata en 1854, Williams fut nommé commissaire britannique auprès de l’armée turque en Anatolie, avec mission d’aider à sa réorganisation après la dure défaite que les Russes avaient fait subir aux Turcs durant les tout premiers mois de la guerre. Il arriva à Kars, à l’extrémité nord-est de la Turquie, en septembre 1854, mais retourna peu de temps après à Erzurum pour tenter de persuader les autorités turques de renforcer Kars. Apprenant en mai 1855 que les Russes s’apprêtaient à s’emparer de Kars, il y retourna le 7 juin. Les forces russes, composées de 25 000 hommes, attaquèrent une semaine plus tard. Les Russes furent repoussés, après avoir subi de lourdes pertes, mais Kars fut investi et de nouveau attaqué par l’ennemi, le 7 août. Le général russe, Murav’ev, réattaqua une nouvelle fois le 29 septembre, et fut battu, avec des pertes de 6 000 hommes. Mais déjà la population de Kars commençait à sentir les effets de la faim, du froid et du choléra et, au début de novembre, lorsqu’il apprit qu’il ne recevrait pas de renfort, Williams décida de négocier la reddition de la ville. Il déclara à Murav’ev que, s’il exigeait une capitulation sans condition, il ferait enclouer tous les canons et brûler tous les drapeaux, et le laisserait ensuite faire ce qu’il voulait des survivants de la ville. Face à un ennemi aussi courageux, Murav’ev se montra généreux ; la garnison put sortir de la ville avec ses drapeaux et ses épées. Williams, emprisonné à Riazan, fut bien traité et, lorsque la guerre de Crimée prit fin quelques mois plus tard, il fut présenté au tsar Alexandre Il, avant de rentrer à Londres, en mars 1856.
Williams y devint une célébrité. Sa défense de la place de Kars constituait un des hauts faits de l’armée britannique dans une guerre qui en comptait peu. Williams fut fait chevalier commandeur de l’ordre du Bain et reçut un doctorat en droit civil d’Oxford ; la France lui remit la grand-croix de la Légion d’honneur et le parlement britannique lui vota une pension à vie de £1000 par an. Il fut promu major général, avec le commandement de la garnison de Woolwich, et, élu au parlement député de la circonscription de Calne, en juillet 1856, il conserva son siège jusqu’en avril 1859.
Williams accepta alors le poste de commandant en chef des forces britanniques en Amérique du Nord britannique et eut, à ce titre, à organiser la défense de la province du Canada lorsque la guerre de Sécession éclata, en avril 1861. Williams pensait que le Sud avait acquis définitivement son indépendance et qu’en conséquence le Nord allait chercher en Amérique du Nord britannique, et particulièrement au Haut-Canada, « une compensation pour les théâtres de ses ambitions [qu’il avait] perdus ». Il écrivit au duc de Cambridge : « c’est dès que leur guerre prendra fin que nous serons en danger ». Trois régiments supplémentaires furent envoyés au Canada à la demande de Williams et, en décembre 1861, au moment de la crise du Trent, 15 000 soldats vinrent s’y ajouter. Williams ordonna d’établir des batteries lourdes à Toronto et à Kingston. De fait, le gouverneur général lord Monck* avait du mal à retenir Williams et à convaincre le vieux soldat que la Grande-Bretagne n’était pas encore vraiment en guerre avec les États-Unis. Mais l’énergie de ce dernier ne trouva pas d’écho à la législature de la province du Canada qui, en mai 1862, alors que la crise semblait de toute évidence passée, rejeta le projet de loi sur la milice, dans lequel le gouvernement de George-Étienne Cartier* et John Alexander Macdonald* proposait de lever une force de milice active de 50 000 hommes, au coût annuel de $1 110 000. Le gouvernement réformiste modéré qui suivit s’opposa énergiquement à toute importante mesure de défense de la part du Canada. À partir de là, le ministre des Colonies, Edward Cardwell, insista, en 1864, pour que les forces britanniques soient concentrées dans la vallée du Saint-Laurent, plutôt que d’avoir de petites unités dispersées un peu partout, de Québec à London, Haut-Canada, et ne disposant pas de l’appui solide d’une milice dans l’éventualité d’une action militaire des Américains. L’insistance de Cardwell n’attira pas d’objection immédiate de la part de Williams, qui pensait que ni le gouvernement ni le peuple canadien n’avaient tenu les promesses d’appui militaire qu’ils avaient faites en 1861, au moment de la crise du Trent ; il pensait aussi que le retrait des troupes d’une grande partie du Haut-Canada pourrait forcer les Canadiens à faire les préparatifs de défense appropriés. Le 13 juin 1864, Williams se plaignit à Londres des « mesures partisanes stériles » du Canada ; mais il écrivait cela à un moment où celles-ci étaient particulièrement improductives, à la veille de la chute du gouvernement d’Étienne-Paschal Taché* et de Macdonald. Une semaine plus tard cependant, se formait le gouvernement de coalition de Taché, Macdonald et George Brown*, qui s’engageait à réunir dans une fédération toutes les provinces d’Amérique du Nord britannique et à créer, comme l’espéraient bien les autorités impériales, une force de défense canadienne.
Williams allait occuper son prochain poste dans sa province natale. Le lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse, sir Richard Graves MacDonnell, s’était souvent montré critique face aux tentatives de confédération que le gouvernement britannique appuya énergiquement dès la fin de 1864. Ce serait loin d’être facile de persuader la Nouvelle-Écosse d’accepter la confédération, mais Cardwell décida que les chances seraient plus grandes avec un lieutenant-gouverneur bien disposé et sympathique à l’idée. Sir Richard s’en alla donc à Hong-Kong, et sir William Fenwick Williams arriva en Nouvelle-Écosse en novembre 1865.
Williams était un soldat, à qui on avait dit de faire ce qu’il pouvait. Son bon caractère et sa réputation de militaire l’avaient rendu populaire dans sa province natale, cela avant même qu’il fût arrivé. Mais les Néo-Écossais opposés à la confédération ne pouvaient se laisser illusionner. Se voyant reprocher par lord Monck d’avoir encouragé le gouvernement d’Albert James Smith, adversaire de la confédération, au Nouveau-Brunswick, en ne mentionnant pas la confédération dans son discours du trône de février 1866 – omission qui était à la fois délibérée et considérée comme essentielle par le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Charles Tupper* – Williams avoua à Arthur Hamilton Gordon*, lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick, que cette omission n’avait pas trompé grand monde. « Le fait que je laisse complètement de côté la confédération [dans le discours du trône] ressemble trop à du guignol, même s’ils sont sincèrement convaincus. Ils savent pourquoi j’ai été envoyé ici. » En mars, Williams invita William Annand, chef de file des adversaires de celle-ci au sein de l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse, à suggérer la tenue d’une nouvelle conférence sur la confédération. Annand refusa, mais un autre membre de l’opposition, William Miller*, accepta. Cette initiative fut très bien vue de Tupper, comme on pouvait s’y attendre ; mais cela n’aplanit pas les difficultés, car ce qu’il fallait, c’était une prise de position claire, pour ou contre la confédération, de la part du gouvernement Smith, au Nouveau-Brunswick. Une fois le gouvernement Smith défait, ce qui se produisit le 10 avril, Tupper aurait les mains libres pour présenter à l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse une résolution en faveur de la confédération, ce qu’il fit le jour même. Une semaine plus tard, le 17 avril, alors que les troupes britanniques étaient envoyées par bateau de Halifax pour faire face à la menace fénienne dans l’estuaire de la rivière Sainte-Croix, l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse adopta la résolution sur la confédération par 31 voix contre 19. Lorsque Cardwell se démit de ses fonctions de ministre des Colonies en juillet 1866, il félicita chaleureusement Williams. « Réjouissons-nous ensemble, écrivit-il, du succès qu’a eu votre mission et de l’union certaine et assurée, présentement, des provinces de l’Amérique du Nord britannique, [comme] j’en ai le ferme espoir. »
Williams demeura lieutenant-gouverneur de la Nouvelle-Écosse jusqu’en octobre 1867 et fut alors remplacé par Charles Hastings Doyle. Il ne remplit aucune fonction officielle durant les trois années qui suivirent et passa quelque temps à Sussex, Nouveau-Brunswick, où il avait de la parenté. Il se rendit aussi en Angleterre. Nommé gouverneur et commandant en chef de Gibraltar en septembre 1870, il y demeura jusqu’à 1876. Sa dernière fonction officielle fut celle de gouverneur de la Tour de Londres, où il fut nommé en mai 1881. Williams mourut à son hôtel de Pall Mall et fut enterré au cimetière de Brompton.
Sir William Fenwick Williams constitue un exemple intéressant d’un fils de famille militaire britannique né dans une colonie. Il avait été un bon soldat, avec cette indépendance d’esprit et cette volonté de prendre des responsabilités propres aux coloniaux. Il était ferme comme le roc pour ce qui touchait le devoir, mais ce ne fut jamais un garde-chiourme. Cependant, il ne faudrait pas croire pour autant que, selon l’expression consacrée de l’époque, il vécut et mourut en « valeureux vétéran ». Edward William Watkin le décrivait en 1861 comme « un vieux roué éreinté qui peut faire rentrer dans Hyde Park les 10 000 hommes dont parlait le duc de fer, mais qui ne peut jamais les en faire ressortir ». Cette réputation n’était que trop répandue en 1861. Les jeunes et ardents colonels britanniques qui étaient arrivés au Canada en décembre 1861, Gamet Joseph Wolseley* par exemple, pensaient que, si la guerre éclatait vraiment avec les États-Unis, il faudrait remplacer Williams. Lorsqu’en 1870 il fut question que le gouvernement britannique confie à Williams l’expédition à la Rivière-Rouge, Edward Cardwell, alors ministre de la Guerre, fut d’accord avec le ministre des Colonies, lord Granville, pour dire que Williams n’était pas du tout l’homme de la situation. Assez utile pour avoir exercé un poste militaire de commande en temps de paix et pour avoir réussi à faire accepter la confédération en Nouvelle-Écosse, Williams était maintenant, dans l’esprit de Cardwell, incapable de remplir « un poste [présentant] de grandes difficultés ou demandant une grande capacité de discernement ». Le premier point est tout à fait compréhensible – Williams approchait les 70 ans – mais le second, touchant son manque de discernement, est pour le moins cinglant. Williams peut très bien avoir été, comme le décrit un ami, « le cœur le plus bienveillant et le plus courtois qui ait jamais battu », cela n’empêche pas qu’il ait pu devenir vers la fin de sa vie, comme c’est le cas sans doute pour beaucoup, une sorte de vieille baderne.
On trouve des notices nécrologiques de sir William Fenwick Williams dans le Times, de Londres, dans le Montreal Herald and Daily Commercial Gazette et le Morning Chronicle, de Halifax, en date du 28 juillet 1883, ainsi que dans l’Illustrated London News du 4 août 1883. Le musée du N.-B. possède une petite mais utile collection des papiers de Williams, principalement des lettres reçues. Durant la période où il exerça le commandement en Amérique du Nord, de 1859 à 1865, Williams écrivit quelque 300 lettres au duc de Cambridge, commandant en chef de l’armée britannique. Celles-ci se trouvent aux Royal Arch., Windsor, Angl. On trouve aussi des lettres de Williams dans les papiers Cardwell et dans ceux de Carnavon au PRO (PRO 30/48 ; 30/6) et dans les papiers d’Arthur Hamilton Gordon Stanmore, à l’UNBL (MG H 12a). Parmi les sources plus officielles, citons les dépêches de Williams au ministre de la Guerre (PRO, WO 1), ses dépêches envoyées de Nouvelle-Écosse (PRO, CO 217) et son très intéressant carnet de télégrammes (PANS, RG 2, sect. 2, 5–6).
Pour le récit du siège de Kars par un témoin, V. Humphry Sandwith, A narrative of the siege of Kars [...] (3e éd., Londres, 1856). La source secondaire la plus utile en ce qui concerne la carrière de Williams en Amérique du Nord britannique est l’article d’Adrian Preston, « General Sir William Fenwick Williams, the American Civil War and the defence of Canada, 1859–65 : observations on his military correspondence to the Duke of Cambridge, commander-in-chief at the Horse Guards », Dalhousie Rev., 56 (1976–1977) : 605–629. V. aussi Elisabeth Batt, Monck, governor general, 1861–1868 (Toronto, 1976) ; Creighton, Road to confederation ; K. G. Pryke, Nova Scotia and confederation, 1864–74 (Toronto, 1979) ; C. P. Stacey, Canada and the British army, 1846–1871 : a study in the practice of responsible government (éd. rév., [Toronto], 1963) ; et Waite, Life and times of confederation. On trouve également des notices biographiques dans Dent, Canadian portrait gallery, IV : 5–9, et dans Notman et Taylor, Portraits of British Americans, I : 51–66. Enfin, il y a un bon article sur Williams dans le DNB, mais il laisse de côté sa carrière nord-américaine. [p. b. w.]
P. B. Waite, « WILLIAMS, sir WILLIAM FENWICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 5 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/williams_william_fenwick_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/williams_william_fenwick_11F.html |
Auteur de l'article: | P. B. Waite |
Titre de l'article: | WILLIAMS, sir WILLIAM FENWICK |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 5 nov. 2024 |