BROWN, GEORGE, journaliste et homme politique, né à Alloa, Clackmannan, en Écosse, le 29 novembre 1818, décédé à Toronto le 9 mai 1880.

George Brown qui avait cinq frères et sœurs, était le fils aîné de Peter Brown* et de Marianne Mackenzie, fille de George Mackenzie, rentier de Stornoway dans l’île de Lewis. Peter tenait un commerce de gros florissant à Édimbourg mais faisait aussi des séjours à Alloa au nord du Firth of Forth pour contribuer à l’administration d’une verrerie locale. C’est ainsi que la vie de George Brown commença dans ce petit port tranquille des bords de la Forth bien que sa famille revînt à Édimbourg avant qu’il n’eût huit ans. Il fit ses études à la célèbre école secondaire d’Édimbourg et à la Southern Academy de cette ville, et resta toujours fier d’être lié ainsi à la capitale de l’Écosse. Après avoir quitté l’école où il se distingua et remporta de nombreux prix, il entra dans le commerce de son père et commença à s’intégrer à la société marchande aisée d’Édimbourg.

George était très près de son père. Peter Brown était un whig libéral convaincu et un presbytérien évangélique ; il croyait ardemment à la liberté civile et religieuse, au progrès, au libéralisme économique d’Adam Smith et à l’abolition des privilèges de l’aristocratie tory. De plus, il donna l’exemple dans le domaine de la politique en prenant une part active à la lutte pour la réforme des bourgs à Édimbourg, ainsi qu’à la vaste campagne qui aboutit à la loi sur la réforme parlementaire de 1832. Mais en 1836 Peter fut impliqué, en sa qualité de percepteur à Édimbourg, dans la disparition de fonds municipaux d’une valeur de près de £2 800 qui s’étaient en quelque sorte confondus avec sa comptabilité personnelle. Aucune accusation ne fut portée contre lui et ses répondants compensèrent la perte, mais Peter Brown essaya immédiatement de rembourser l’argent et de refaire sa réputation. Dès le début de la dépression économique de 1837, Peter Brown ne vit d’autre solution que de recommencer sa vie en Amérique. C’est ainsi que, le 30 avril 1837, George Brown, qui avait alors 18 ans, quitta Liverpool avec son père et s’embarqua pour New York.

Ils débarquèrent en Amérique en juin et, à peine quelques semaines après, ils avaient déjà ouvert un petit magasin de mercerie ; George en était le seul employé. Leur commerce fut assez prospère pour leur permettre de faire venir leur famille l’année suivante. Leurs affaires continuaient apparemment d’être assez florissantes mais Peter Brown s’intéressait déjà à autre chose. Au cours des années suivantes, il collabora à l’Albion de New York, le journal hebdomadaire des émigrants britanniques. Une fois de plus, il communiqua à son fils ses ferventes idées abolitionnistes et son goût marqué pour le système parlementaire britannique plutôt que pour le modèle républicain américain. Bien plus, au début de 1842, Peter Brown alla jusqu’à publier ses idées dans un ouvrage intitulé The fame and glory of England vindicated [...] qui parut à New York et à Londres ; cet ouvrage fut accueilli favorablement au moins par les émigrants britanniques qui vivaient aux États-Unis et au Canada anglais, ce qui incita son auteur à se consacrer entièrement au journalisme. Encore une fois, avec l’aide enthousiaste de son fils, il lança à New York, le 20 juin 1842, le British Chronicle, petit hebdomadaire à caractère plus politique et moins littéraire que l’Albion.

Lorsque sa diffusion fut assurée au Canada, ce nouveau journal se mit à traiter des affaires canadiennes. Il faisait des commentaires sur l’Union instaurée en 1841 entre les anciennes provinces du Haut et du Bas-Canada et se montrait en faveur du projet de gouvernement responsable défendu par les chefs libéraux ou réformistes au Canada, Robert Baldwin*, Francis Hincks* et Louis-Hippolyte La Fontaine*. George Brown commença à voyager au Canada pour le compte du journal de son père. Alors qu’il terminait son apprentissage dans le journalisme, son importance s’accroissait déjà. En mars 1843, âgé de 24 ans seulement, il devint directeur du Chronicle tandis que son père en était le rédacteur en chef. Au printemps de cette même année, il fit un séjour dans divers centres canadiens dont Toronto, Kingston et Montréal. Au cours de ce voyage, il rencontra des hommes politiques et des journalistes, ce qui lui permit de très bien connaître les perspectives d’avenir de ce pays.

Pendant ce temps, Peter Brown avait engagé à fond le British Chronicle dans une affaire qui venait tout juste d’aboutir à une crise en Écosse. L’élément évangélique de l’Église d’Écosse avait décidé de se séparer de l’Église presbytérienne établie et de lutter pour la liberté religieuse telle qu’il l’entendait. Ainsi se produisit la grande scission de mai 1843, qui donna naissance à l’Église libre d’Écosse. Inévitablement, les sympathies de Peter Brown allaient à la nouvelle Église libre. Ce mouvement, en effet, trouva une audience considérable dans toutes les communautés écossaises d’Amérique. De plus, il apparut évident que ce conflit qui déchirait le presbytérianisme pouvait également éclater au Canada en raison des sympathies des colons écossais pour l’une ou l’autre des deux Églises.

Dès lors, les partisans de l’Église libre qui vivaient au Canada se tournèrent vers le British Chronicle, qui défendait si chaleureusement leur cause. Au cours de l’été de 1843, des défenseurs influents de l’Église libre de la région de Toronto invitèrent Peter Brown à établir le siège de son journal au Canada et organisèrent une souscription à cette fin. Cette invitation fut transmise à George Brown, de passage à Toronto, par l’intermédiaire du révérend William Rintoul*. George était lui-même déjà intéressé à ce changement non seulement parce qu’il avait noué des amitiés avec certains chefs réformistes canadiens, mais encore parce qu’il pensait que le Canada britannique se montrerait beaucoup plus accueillant que la république américaine ; le Canada, de plus, par sa jeunesse et sa faible densité de population, offrait plus de possibilités de succès que la ville populeuse de New York. Il sut exposer avec force ces arguments à son père, qui accepta. Le British Chronicle parut pour la dernière fois le 22 juillet et annonça que son rédacteur publierait désormais à Toronto un hebdomadaire du nom de Banner, qui serait le porte-parole du presbytérianisme et le défenseur des principes réformistes sur tous les grands problèmes d’intérêt public.

Le premier numéro du Banner parut à Toronto le 18 août. La page éditoriale, qui constituait la partie essentielle des petits journaux de quatre pages de l’époque, était divisée en deux rubriques : la « rubrique religieuse » était du ressort de Peter Brown et la « rubrique laïque », de la compétence de George Brown. Peter prit immédiatement fait et cause dans ses articles de fond pour l’Église libre, tandis que George fut plus lent à s’engager. Mais, avant la fin de 1843, la démission des principaux ministres libéraux, Baldwin, La Fontaine et Hincks, du gouvernement de sir Charles Metcalfe* offrit un sujet d’intérêt public important sur lequel très vite George Brown se mit à se prononcer au nom des principes réformistes.

Il lui semblait, en effet, que le gouverneur Metcalfe rejetait le principe du gouvernement responsable en insistant, comme il le faisait, pour garder le contrôle du favoritisme. Cette attitude avait d’ailleurs amené la démission de ses ministres libéraux. Metcalfe procéda en décembre à la dissolution de l’Assemblée dont la majorité était réformiste, ce qui incita George Brown à prendre pleinement position. Tandis que continuait la crise politique, il fit du Banner le champion énergique de la cause des chefs réformistes.

Mais ce journal avait une cause religieuse à défendre et ne pouvait ainsi se consacrer qu’en partie à celle des réformistes. George Brown s’intéressait de plus en plus et presque exclusivement au domaine de la politique. Des réformistes éminents de Toronto, qui reconnaissaient ses dons de journaliste, le pressentirent pour créer un nouveau journal de parti : quatre d’entre eux lui offrirent même, pour démarrer, un capital de £250. Une telle somme était plus importante à l’époque que de nos jours, et ce point prouve combien il était relativement facile alors de créer un petit hebdomadaire dans une colonie. Bien que disposés à continuer la publication du Banner, les Brown décidèrent de créer le Globe, à Toronto. Ce journal parut pour la première fois le 5 mars 1844 et ce fut, dès le début, le journal de George Brown. C’est lui surtout qui devait en faire le journal anglais le plus puissant de l’Amérique britannique en rédigeant de vigoureux éditoriaux et en essayant toujours de donner les dernières nouvelles et de fournir le plus de détails possible, de sorte que le Globe était susceptible d’être lu, même à contrecœur, par ses ennemis politiques. De plus, il cherchait constamment à augmenter le tirage du journal en modernisant son atelier d’imprimerie. Alors que son journal paraissait depuis moins de trois mois, Brown introduisit dans le Haut-Canada la nouvelle presse rotative Hoe et la rapidité de cette nouvelle machine lui permit également d’imprimer des livres et de faire divers travaux d’imprimerie. Pour aider les réformistes dans les régions en plein développement du sud-ouest de la province, il fonda en 1845 le Western Globe, avec une filiale à London, où était acheminée régulièrement, par voie de terre, la matière qui avait déjà servi à l’édition de Toronto. Quant au Globe de Toronto, d’hebdomadaire il devint bihebdomadaire. En 1849, il paraissait trois fois par semaine, ce qui montre l’augmentation de son tirage, sans compter une édition hebdomadaire tout spécialement destinée à la campagne. Le fait qu’en octobre 1853 le Globe devint un quotidien imprimé par une presse à vapeur constitue une autre preuve du succès de « l’esprit d’entreprise » de Brown. À cette époque, le journal de Brown était déjà connu dans toute la province et il put très vite se prétendre le journal anglais le plus lu en Amérique du Nord britannique ; peu nombreux d’ailleurs ceux qui niaient un tel fait.

Évidemment, au fur et à mesure que grandissait l’influence du Globe, son organisation se développait en conséquence. Au début, dans les années 40, le personnel comprenait George et Peter Brown, un typographe et un ou deux apprentis ; d’après la tradition, l’un des deux apprentis était le jeune frère de George, Gordon. Dans les années 50, l’équipe du journal comprenait tout un groupe de typographes (qui exprimèrent leurs revendications syndicales au cours de grèves qui eurent lieu en 1853 et 1854), des ouvriers de la salle de presse et des machinistes, ainsi que des journalistes et des correspondants parlementaires. Pour George Brown, le temps était alors révolu où il écrivait lui-même la plupart des éditoriaux. Cependant, il contrôlait fermement les affaires de la maison et les grandes lignes de la politique éditoriale, de sorte qu’il n’était pas entièrement faux de croire que George Brown et le Globe ne faisaient qu’un. Mais, en fait, il avait passé la direction effective du journal à son frère Gordon, quand celui-ci fut nommé, en 1850, secrétaire à la rédaction, à l’âge de 22 ans seulement ; c’est à cette même époque que Peter Brown, alors âgé de 66 ans, se retira des affaires après avoir mis fin à la publication du Banner.

En résumé, George Brown réussit en quelques années à faire entrer le petit journal qu’il avait fondé dans le monde de la grande presse. Il devint ainsi un homme d’affaires important de Toronto et jouit d’un très grand pouvoir politique. Brown était, en effet, à la veille d’entreprendre une carrière politique ; mais le Globe devait toujours constituer sa principale préoccupation, tout comme à la création du journal en mars 1844.

C’est le 25 mars 1844 qu’il prononça son premier discours politique important à une réunion tenue à Toronto et organisée par la Reform Association of Canada pour protester contre sir Charles Metcalfe, qui essayait de gouverner avec seulement trois ministres, William Henry Draper, Dominick Daly* et Denis-Benjamin Viger* et qui n’avait pas encore réussi à pourvoir les postes ministériels non occupés. Le jeune directeur du Globe dénonça de façon retentissante cette politique si peu britannique et si peu libérale, ce qui suscita de chaudes réactions. À partir de ce moment, on fit souvent appel à son éloquence énergique et passionnée lors de réunions politiques et d’assemblées publiques. Il engagea à fond le Globe dans la bataille que menaient les réformistes contre Metcalfe et les forces conservatrices qui se rangeaient du côté du gouverneur général. Car on réagissait de plus en plus, au Canada anglais, contre les réformistes jugés trop sectaires qui insistaient pour que le gouverneur n’ait plus le contrôle du favoritisme. Les élections qui eurent lieu à l’automne marquèrent le triomphe des partisans de Metcalfe, qui remportèrent la victoire dans le Canada-Ouest (que l’on appelait encore couramment le Haut-Canada), même si la victoire des libéraux de La Fontaine dans le Canada-Est (qui correspondait au Bas-Canada et qui était à majorité francophone) faisait que le nouveau ministère conservateur n’avait qu’une faible majorité pour l’ensemble du pays.

Apparemment, beaucoup d’électeurs canadiens n’avaient pas vraiment compris ce qu’impliquait un gouvernement responsable, et le rôle des partis politiques dans ce genre de gouvernement. Pendant les quelques années qui suivirent, sous une administration conservatrice et tory, George Brown s’appliqua à éclairer le public et ainsi à renforcer le parti réformiste, dirigé par Baldwin et Hincks dans le Haut-Canada. En 1847, le fragile ministère conservateur ne réussit pas à consolider sa position malgré une réorganisation, et le parti réformiste semblait avoir toutes les chances de renaître, tout particulièrement à un moment où l’Angleterre acceptait entièrement le principe du gouvernement responsable pour le Canada et envoyait un nouveau gouverneur général, lord Elgin [Bruce*], chargé de mettre ce principe à exécution d’une façon décisive.

Aux élections de 1847 et de 1848, le Globe défendit une fois de plus, et à grand bruit, la cause libérale. Son directeur, en outre, s’engagea personnellement dans la lutte dans le comté d’Oxford, car Baldwin lui avait demandé d’y mener la campagne à la place de Hincks, alors en Angleterre. Bien qu’il ne fût pas candidat, ce fut pour Brown sa première vraie campagne électorale. Il fut infatigable dans ses efforts, et l’enthousiasme avec lequel il s’adressa aux électeurs de toute la circonscription lui permit indiscutablement de remporter le siège pour Hincks ; cette situation, cependant, suscita des jalousies entre deux hommes aussi résolus. Les réformistes arrivèrent au pouvoir après avoir recueilli l’approbation des deux parties du Canada et, en mars 1848, le gouvernement La Fontaine-Baldwin prit l’administration en main avec un cabinet réformiste et gagné au principe du gouvernement responsable.

Cette nouvelle administration, qui avait un vaste programme de réformes, proposa un poste au directeur du plus grand journal de parti du Canada-Ouest. Brown fut ainsi nommé secrétaire d’une commission d’enquête sur de prétendus abus au pénitencier provincial de Kingston. La commission siégea d’abord à Kingston en juin, et continua de siéger jusqu’à la fin de 1848. Brown mit tout son zèle à remplir des fonctions qui devinrent très importantes en raison même de son énergie et de sa compétence. Cette enquête approfondie apporta de nombreuses preuves de sévices et de forfaiture, et le directeur de la prison, Henry Smith*, fut révoqué. Le rapport de la commission, rédigé par Brown, au début de 1849, en sa qualité de secrétaire, condamnait de façon foudroyante ce qu’il qualifiait « d’effroyable abus d’autorité et de cruauté révoltante ». Ce rapport recommandait l’adoption de mesures importantes en criminologie canadienne, par exemple de séparer les criminels endurcis de ceux qui en étaient à leur première offense ou des jeunes délinquants, de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la réhabilitation des condamnés, et de procéder à la nomination d’inspecteurs de prison rétribués et permanents.

Mais, en dehors de ces fonctions, Brown était toujours et avant tout, en 1849, le directeur du Globe. Son journal était alors le porte-parole officiel du gouvernement dans le Haut-Canada et Brown jouissait d’une très grande estime au sein du parti. C’est pourquoi il fut étroitement assimilé au ministère La Fontaine-Baldwin lorsqu’il défendit au printemps de 1849, le projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion. Malgré le soulèvement des tories en colère, Brown prit la défense du projet de loi, ce qui lui valut de voir sa maison de Toronto attaquée. Vers la fin de cette année de marasme économique et d’agitation sociale, il lutta avec encore plus d’ardeur contre le mouvement en faveur de l’annexion aux États-Unis qui avait pris de l’importance avec le Manifeste annexionniste, lancé à Montréal en octobre, mais qui eut moins de retentissement dans le Haut-Canada. Dans le Globe Brown soutint fortement Baldwin, qui s’efforçait de dissocier du mouvement annexionniste le parti réformiste du Haut-Canada et ce, plus particulièrement, à l’occasion d’une élection partielle, en décembre 1849, où le candidat réformiste, Peter Perry*, vieux radical, montra malheureusement des penchants annexionnistes.

En dépit de pressions exercées par le chef et par l’organe du parti, Perry fut cependant élu sans avoir pleinement désavoué l’annexion mais en la présentant comme une possibilité. Sa victoire, toutefois, était due au mécontentement de l’aile gauche des réformistes locaux, en désaccord avec la direction centrale du parti, plutôt qu’au mouvement – alors en perte de vitesse – en faveur de l’annexion. En fait, le succès de Perry incita les éléments radicaux, très tôt qualifiés de Clear Grits dans le Globe, à former au début de 1850 un nouveau mouvement qui essaierait d’entraîner le parti dans des réformes « avancées », persuadés que le pouvoir avait amoli les chefs du parti et leurs partisans modérés. Ils voulaient un gouvernement économe et simple qui soit près du peuple, mais surtout une constitution vraiment démocratique sur le modèle électif américain. George Brown, qui s’était engagé en faveur du ministère Baldwin et qui se méfiait de la démocratie égalitaire et des constitutions écrites américaines, fut un adversaire farouche des propositions radicales des Clear Grits. Son journal montra la supériorité du gouvernement responsable britannique si récemment acquis au Canada. Mais les Clear Grits tinrent des assemblées locales, adoptèrent un programme tout à fait démocratique et fondèrent leur propre journal à Toronto, le North American, dirigé par William McDougall*, un jeune avocat, radical et intelligent.

En outre, les Grits épousèrent une autre cause très populaire dans le Haut-Canada : la sécularisation des « réserves » du clergé établies par une loi du gouvernement impérial, lors de la création de la province en 1791, en vue de soutenir le clergé protestant. Les anglicans reçurent toujours la plus grande part des profits réalisés par la vente des terres, mais cette situation était fortement mise en question à la fois par ceux qui souhaitaient un partage plus équitable entre les différentes Églises et par ceux qui voulaient que fussent entièrement abolies les réserves du clergé, sous prétexte qu’elles étaient un don déplacé de l’État aux Églises.

George Brown était évidemment d’accord avec la dernière position. Selon lui, l’État ne devait reconnaître aucune Église, et les Églises devaient être soutenues par les contributions volontaires de leurs paroissiens. Sur ce principe (voluntaryism), il était d’accord avec les Clear Grits, avec ses partisans de l’Église libre ainsi qu’avec divers corps protestants évangéliques. Mais, en politique, il réprouvait les vues des Clear Grits en raison de leurs idées sur la constitution ; il faisait confiance aux intentions déclarées du gouvernement Baldwin de liquider les réserves du clergé car il pensait que, par leurs revendications, les radicaux ne cherchaient qu’à se donner du crédit auprès de l’électorat. Cependant, la session parlementaire de 1850 lui inspira des doutes. L’Assemblée adopta des résolutions qui demandaient un acte impérial autorisant la législature canadienne à s’occuper elle-même des réserves du clergé. Mais James Price*, le ministre qui déposa ces résolutions, le fit seulement à titre de simple député, et La Fontaine ainsi que les réformistes canadiens-français qu’il entraînait étaient très peu disposés à toucher aux réserves du clergé. Étant catholiques, ils acceptaient les liens entre l’Église et l’État et approuvaient donc que l’État subvînt aux besoins de l’Église. Leur position était à l’opposé de celle de Brown.

Une autre mesure prise pendant la même session augmenta l’inquiétude de Brown au sujet de l’influence des catholiques sur la politique gouvernementale. La loi sur les écoles du Haut-Canada déposée par Hincks contenait des clauses favorisant les écoles confessionnelles séparées qui relevaient du système d’éducation publique du Canada-Ouest, de sorte que les écoles catholiques, plus particulièrement, se trouveraient plus facilement en mesure de recevoir une aide de l’État. Brown vit dans cette mesure un danger pour le maintien d’un système d’enseignement public non confessionnel. Le Globe qualifia cette mesure de « fer de lance ». Pendant que Brown et d’autres partisans de la séparation de l’Église et de l’État et du soutien de l’Église par les contributions volontaires des membres s’alarmaient de plus en plus de l’ingérence de « l’Église d’État » dans les affaires publiques, éclata en Angleterre, à l’automne de 1850, la question de l’agression papale.

La cause première de cette affaire fut un bref du pape qui recréait une hiérarchie catholique romaine en Angleterre, pour la première fois depuis la Réforme. Le bref déclarait d’une façon peu opportune que le royaume de l’anglicanisme, du puritanisme et du méthodisme était désormais rentré dans « l’orbite » de Rome. Violentes furent les réactions des protestants qui s’insurgeaient déjà contre le zèle ultramontain et anti-libéral de la papauté, zèle qui ressurgissait sous Pie IX. Le Globe de Brown ne fut au Canada que l’un des nombreux journaux libéraux ou partisans de la séparation de l’Église et de l’État et de la contribution volontaire à commenter sévèrement les présomptions papales et catholiques ; mais la force et la véhémence du Globe le firent s’engager dans un échange cinglant d’injures et d’arguments doctrinaux avec la presse catholique locale. Au printemps de 1851, Brown apparaissait donc comme un champion convaincant de la cause de la contribution volontaire et de la séparation de l’Église et de l’État, ou comme un anti-catholique notoire dans un pays profondément divisé par les passions religieuses.

Brown avait aussi décidé de se faire élire au parlement pour y défendre la cause de l’éducation publique non confessionnelle et de la séparation de l’Église et de l’État. Il se présenta à une élection partielle dans le comté de Haldimand en avril 1851. Il avait pour principal adversaire William Lyon Mackenzie*, allié des radicaux grits, qui, amnistié, était rentré au pays à la suite d’un long séjour aux États-Unis où il avait été exilé. Le prestige du nom de Mackenzie auprès des fermiers grits du Canada-Ouest, l’appui réticent donné à Brown par les chefs réformistes, qui le considéraient comme un candidat embarrassant, et surtout une forte pression catholique sur les réformistes irlandais afin qu’ils votent contre l’ennemi juré de leur foi, tels sont les éléments qui contribuèrent à assurer la victoire de Mackenzie. Le différend entre Brown et le ministère s’aggrava, et Brown ne fit que s’inquiéter davantage de l’influence des catholiques dans le domaine politique.

C’est alors, en juin de cette même année, que Baldwin donna sa démission au parlement, quand des Clear Grits s’opposèrent à ce qu’il réorganise la Cour de la chancellerie et formulèrent des objections qui dressèrent provisoirement contre lui une majorité du Haut-Canada. Son principal lieutenant, Francis Hincks, devint le chef du gouvernement au Canada-Ouest. Brown n’avait jamais été aussi loyal envers lui qu’envers Baldwin, et il se méfiait de cet homme qu’il croyait plus soucieux de rester en place pour promouvoir la nouvelle ère du chemin de fer que de défendre des principes vraiment libéraux et surtout le principe de la séparation de l’Église et de l’État (voluntaryism). Au début du mois de juillet, le Globe prit une position antigouvernementale en prônant la voie du réformisme indépendant : « la seule attitude possible pour les adversaires du cléricalisme et de l’Église d’État ». Brown pensait qu’un gouvernement Hincks ne serait qu’une coalition d’hommes sans principes, avides du pouvoir, et son jugement sembla se révéler juste lorsque ce ministère se hâta de s’allier aux Grits. Le North American de McDougall devint alors un journal gouvernemental et deux Clear Grits, Malcolm Cameron et John Rolph*, furent appelés à faire partie du ministère. Les Grits espéraient toujours pousser le ministère à adopter des réformes radicales mais Brown eut raison en prédisant qu’ils seraient écrasés, au sein de cette coalition, par les forces plus conservatrices des constructeurs de chemins de fer partisans de Hincks et des Canadiens français avec à leur tête Augustin-Norbert Morin*, qui avait succédé à La Fontaine.

Le nouveau gouvernement libéral Hincks-Morin fit appel au pays avec succès. Pendant la campagne électorale de l’automne de 1851, Brown se présenta comme réformiste indépendant dans le comté de Kent, situé au sud-ouest. Cette fois il fut élu facilement grâce à la force du mouvement en faveur de la séparation de l’Église et de l’État dans cette région et. au travail efficace de réformistes locaux éminents tels que Alexander Mackenzie*, qui devait devenir son partisan le plus fidèle. Les élections se terminèrent en 1852, au début de janvier, mais le parlement ne se réunit qu’en août. Les bureaux provinciaux devaient être transférés de Toronto à Québec ; on pouvait voir un signe de la division de l’Union canadienne dans le fait que le siège du gouvernement devait alterner et se trouver dans les anciennes capitales du Haut et du Bas-Canada, aucun siège permanent n’ayant encore été trouvé.

Ce germe de division se trouvait dans la constitution même de l’Union, puisque les deux Canadas avaient obtenu une représentation égale au parlement. Mais, sous la division politique, on sentait la division plus profonde encore qui existait entre deux communautés culturelles : d’une part, celle du Haut-Canada, anglophone et à majorité protestante, et, d’autre part, celle du Bas-Canada, à majorité francophone et catholique. Une telle différence ne pouvait qu’être avivée par les buts opposés du voluntaryism engagé du Canada-Ouest, qui visait à mettre fin à l’aide de l’État et à la reconnaissance de l’Église, et par le catholicisme des Canadiens français, tout aussi engagé, qui cherchait à établir de nouvelles corporations religieuses aux fins de l’enseignement ou du bien-être ou à soutenir la minorité catholique du Haut-Canada qui réclamait d’autres avantages pour les écoles séparées. La tension s’accrut entre ces deux régions du Canada avec les projets de loi sur les biens du clergé et sur les corporations religieuses, et lorsqu’un nouveau projet de loi sur les écoles séparées du Canada-Ouest fut adopté, grâce aux voix des représentants du Bas-Canada. On dénonça la « domination française » qui imposait sa volonté dans le Haut-Canada. George Brown joua un rôle de premier plan dans cette controverse et fut le porte-parole au Canada-Ouest d’un nombre d’électeurs supérieur à celui de sa circonscription de Kent.

La session continua en 1853 et George Brown accrut son prestige dans le Haut-Canada en déposant en mars une motion qui proposait la représentation basée sur la population. Une telle mesure devait donner au Canada-Ouest la majorité des sièges parlementaires car le nombre d’habitants du Canada-Ouest avait à cette époque dépassé celui du Canada-Est. Les Canadiens français, qui naturellement craignaient d’être écrasés par les représentants anglophones du Canada-Ouest, se retranchaient derrière le rempart d’une représentation égale des députés pour chacun des deux Canadas. De toute façon, la motion de Brown ne rallia pas beaucoup de partisans, le Canada anglais étant plus divisé politiquement entre le parti réformiste et le parti tory que la minorité canadienne-française, plus unie et moins divisée du point de vue ethnique. L’idée de la « représentation basée sur la population » reprise par Brown devait devenir de plus en plus étroitement associée à cet homme et devait de plus en plus gagner des partisans au Canada-Ouest, tandis que les divisions continuaient de faire rage au sein de l’Union.

En 1854, en effet, elles menacèrent de détruire le parti réformiste et de faire tomber le gouvernement Hincks-Morin. En juin le gouvernement n’avait pas réussi à régler le problème des réserves du clergé, même s’il avait alors reçu du gouvernement impérial l’autorisation d’agir. Ce fut là un élément essentiel qui permit l’alliance précipitée de groupes dissidents, qui mit Hincks en échec au parlement et entraîna de nouvelles élections. Cet été-là, Brown fut facilement réélu dans Lambton, circonscription électorale qui venait récemment d’être dissociée de Kent. Malgré toutes les divisions de parti, Brown espérait constituer un nouveau regroupement qui défendrait le principe de la séparation de l’Église et de l’État (voluntaryism) et la sécularisation des réserves du clergé et qui serait composé de réformistes non radicaux et de conservateurs modérés, puisque un grand nombre de ces derniers étaient prêts à défendre l’idée de la sécularisation.

La coalition gouvernementale qui fut formée lors de la réunion du parlement, en septembre, déçut les espoirs de Brown. Le nouveau gouvernement rassemblait les anciens partisans libéraux modérés de Hincks et le groupe des Canadiens français de Morin avec les forces tories-conservatrices de sir Allan MacNab*. Dans ce nouveau gouvernement MacNab-Morin, les tories et les conservateurs acceptaient la nécessité d’abolir les réserves du clergé et pouvaient avec les partisans de Hincks encourager le développement des chemins de fer ; cette alliance encourageait également les intérêts culturels des Canadiens français. En un mot, la coalition libérale-conservatrice constituait une nouvelle tentative pour aplanir les divisions régionales et la seule opposition n’était plus formée que de George Brown et de quelques partisans de la séparation de l’Église et de l’État (voluntaryism) du Canada-Ouest, de l’aile radicale clear grit et des membres de la petite faction radicale du Canada-Est, en majorité canadienne-française, que l’on appelait les « rouges » et qui avait à leur tête Antoine-Aimé Dorion*.

Ces différents groupes de l’opposition n’avaient pas de chef reconnu, mais Brown joua un rôle de plus en plus important en raison de ses prouesses au parlement et de la puissance du Globe. Lorsque fut proposé, en octobre 1854, le projet de loi promis par le gouvernement pour abolir les réserves du clergé, Brown et ses anciens adversaires clear grits s’unirent dans le même vote, ayant trouvé dans ce projet de loi des points de détails à critiquer, même si dans le fond ils étaient d’accord sur son contenu. Brown put aussi coopérer avec les « rouges » du Bas-Canada en attaquant le gouvernement, qu’ils accusaient de gaspillage et de corruption dans les projets de construction de chemin de fer, visant surtout par là le Grand Tronc qui dépensait des sommes folles pour construire la ligne principale qui devait traverser toute la province. En fait, il pouvait rejoindre les rouges sur plusieurs questions concernant « l’Église et l’État » puisque ces derniers avaient hérité de l’anticléricalisme de certains Canadiens français. Toutefois, un tel front d’opposition libérale ne pouvait être au mieux qu’une alliance fragile regroupant des factions différentes et Brown s’efforçait avant tout de constituer un parti réformiste cohérent dans la partie ouest de l’Union.

      L’année 1855 fut fructueuse pour Brown. Le Globe fit des ouvertures aux Clear Grits en insistant sur la nécessité d’une union des réformistes. Les chefs radicaux grits étaient prêts à oublier ce qui les séparaient de Brown et, devant le besoin urgent de lutter contre un pouvoir conservateur rajeuni et les dangers de « la domination catholique française », ils reléguaient au deuxième plan leurs espoirs de procéder à des réformes constitutionnelles et électorales. En février, Brown acheta le North American, journal grit, à son propriétaire, McDougall, qui se joignit à l’équipe du Globe : ce fut là un événement très significatif. En mai, un nouveau projet de loi sur les écoles séparées du Haut-Canada eut bien d’autres conséquences importantes. La loi de 1855 déposée par Étienne-Paschal Taché* fut brusquement adoptée à Québec alors que le parlement n’avait plus que quelques jours à siéger et tandis que beaucoup de députés du Haut-Canada étaient repartis chez eux. En outre, cette loi fut adoptée par un nombre de députés du Canada-Est largement supérieur à celui des représentants du Canada-Ouest, tels que Brown, qui étaient encore à Québec. C’était là, semble-t-il une preuve patente de la domination du Bas-Canada au sein de l’Union avec la complicité du gouvernement libéral-conservateur.

Le Haut-Canada fut soulevé d’indignation et de nombreux partisans grits exigèrent la dissolution de l’Union ; mais Brown, en tant qu’homme d’affaires de Toronto, se rendait peut-être mieux compte que les fermiers du Canada-Ouest de l’intérêt de l’Union canadienne sur le plan commercial. Brown préférait plutôt se battre dans le Globe pour obtenir la représentation basée sur la population ; il préférait reconstruire l’Union plutôt que de la détruire, donner justice au Haut-Canada mais surtout maintenir l’unité de l’axe commercial du Saint-Laurent et encourager le développement économique, qui serait compromis si les deux Canadas se séparaient. Au cours de l’été de 1855, une campagne fut menée dans le Canada-Ouest en faveur de la représentation basée sur la population. À l’automne de la même année, les Grits étaient gagnés à ce principe et Brown avait ainsi trouvé un objectif politique assez fort pour unir les réformistes du Haut-Canada.

Brown connut d’autres succès l’année suivante. Au printemps de 1856, le gouvernement libéral-conservateur se heurta, au parlement, à des querelles de parti, et il était lui-même divisé ; il perdit ainsi l’appui de certains des libéraux qui passèrent dans l’opposition, du côté des réformistes. Le ministère fut remanié en mai – quand MacNab fut remplacé comme leader du Canada-Ouest par un homme beaucoup plus compétent, John A. Macdonald* – et évita de justesse d’être mis en échec à l’Assemblée. Au début de la session, au cours de discussions animées, Brown et Macdonald s’étaient affrontés personnellement de façon très significative. Macdonald, qui avait toujours défendu son vieil ami, Henry Smith, ancien directeur du pénitencier de Kingston, accusa Brown sous le coup de la colère d’avoir, alors qu’il était secrétaire de la commission de 1848–1849, falsifié les dépositions et suborné des témoins. Brown exigea alors que soit immédiatement constituée une commission d’enquête, et cette dernière rassembla, au cours de l’audience, un très grand nombre de témoignages qui disculpaient définitivement Brown. Toutefois, la commission ne prononça qu’un verdict réservé car elle avait de fortes préventions politiques contre Brown. Brown était fier et sensible et il dut accepter que ne soient pas rétractées ces graves accusations qui élevaient d’autres barrières politiques entre lui et son grand rival conservateur.

En août 1856, Brown mena dans le Globe une nouvelle campagne en faveur de l’annexion au Canada des immenses territoires britanniques qui se trouvaient au-delà des Grands Lacs et dans lesquels la Hudson’s Bay Company avait le monopole de la traite des fourrures. Il avait toujours été intéressé par les ressources du Nord-Ouest, qui attiraient beaucoup, alors, l’attention des fermiers du Haut-Canada désireux d’obtenir d’autres terres et de trouver d’autres régions où s’installer, ainsi que des hommes d’affaires de Toronto qui espéraient amener de nouveaux courants commerciaux vers leur ville déjà en pleine expansion. Brown et son frère Gordon étaient étroitement liés aux efforts de Toronto pour établir des relations avec le Nord-Ouest. L’expansion du Nord-Ouest constituait un autre objectif pour un renouveau du parti réformiste dans le Haut-Canada et était susceptible de concilier les intérêts des marchands et des fermiers. Le moment semblait être venu de cimenter l’unité de ce parti quand, en décembre 1856, un petit groupe de professionnels et d’hommes d’affaires torontois groupés autour de George Brown demandèrent qu’un congrès réformiste se réunisse à Toronto.

Le congrès, qui se tint le 8 janvier 1857, rassemblait 150 personnes : il y avait des partisans de Brown, des Clear Grits et des libéraux qui avaient suivi Hincks. Au terme de ce congrès fut adopté un programme politique qui marquait la réussite de l’unité réformiste et comprenait la représentation basée sur la population, l’annexion du Nord-Ouest, l’enseignement national non confessionnel et le libre-échange. C’était en fait le programme de Brown ; ce dernier s’imposa dans les débats et ses amis étaient au cœur des structures du parti. Il avait en effet reconstitué le parti à son idée. Les adversaires pouvaient encore qualifier ce parti de « Clear Grit », et les libéraux partisans de Brown furent longtemps traités de « Grits ». Mais, en réalité, le vieux radicalisme clear grit de la démocratie élective américaine avait sombré dans le libéralisme parlementaire britannique de l’époque victorienne.

Le parti réorganisé connut son heure de vérité lorsque des élections furent annoncées en novembre par le gouvernement dirigé alors par Macdonald et par son puissant allié canadien-français, George-Étienne Cartier. Les réformistes de Brown remportèrent nettement la majorité dans le Haut-Canada et Brown fut triomphalement élu à Toronto et à Oxford-Nord ; mais, dans le Bas-Canada, les rouges de Dorion furent défaits d’une façon décisive par les nombreux conservateurs (« bleus ») de Cartier. Ainsi le gouvernement Macdonald-Cartier put rester au pouvoir lorsque s’ouvrit le nouveau parlement, à Toronto, en février 1858, mais Brown harcela le ministère en insistant sur sa faiblesse dans le Haut-Canada. Au milieu de l’été, le gouvernement connut des difficultés sérieuses et des dissensions, et subit des petites défaites à l’Assemblée. C’est pourquoi le ministère Macdonald-Cartier décida de démissionner lorsque, le 28 juillet, un vote rejeta le choix du gouvernement de prendre désormais pour capitale permanente la ville d’Ottawa.

Le gouverneur général, sir Edmund Head*, fit appel à George Brown, qui était la figure dominante de l’opposition, pour former un nouveau gouvernement. Cette proposition constituait un danger évident pour Brown puisque son parti n’avait pas vraiment la majorité au parlement. D’autre part, en refusant, il aurait donné pratiquement raison aux conservateurs qui ne cessaient d’affirmer qu’il lui était « impossible de gouverner ». Il travailla en collaboration étroite avec Dorion et réussit à former un ministère compétent qui devait se consacrer à instaurer la représentation basée sur la population tout en donnant des garanties constitutionnelles au Canada français. Mais, comme on pouvait s’y attendre, ce ministère Brown-Dorion fut renversé lorsqu’il se présenta devant le parlement le 2 août. Brown avait alors espéré faire appel au pays et remporter une nouvelle élection générale. Head refusa cette demande en alléguant que des élections avaient eu lieu trop récemment. Brown ne pouvait que démissionner, ce qu’il fit le 4 août.

Son « court ministère » devait devenir par la suite un sujet de plaisanterie classique mais, en fait, on voit mal comment il aurait pu faire autrement. Du reste, ses adversaires conservateurs montrèrent l’insécurité de leur situation dans un parlement où ils n’avaient qu’une très faible majorité. Ils prêtèrent serment pour occuper un poste puis soudain changèrent de fonctions, ce qui les laissait profiter d’une possibilité légale en leur évitant d’avoir à démissionner du parlement pour se représenter à une élection partielle, comme avaient eu à le faire les ministres du gouvernement Brown-Dorion. Ces manœuvres, que l’on a appelées double shuffle, avivèrent les blessures de Brown et le renforcèrent aussi dans l’opinion que, dans un Canada-Uni divisé, le gouvernement était devenu irrémédiablement sans scrupules et vénal. Son amertume fut plus grande encore quand il vit, en décembre 1858, que la cour ne condamnait pas le double shuffle [V. Draper] et une session parlementaire houleuse tenue à Québec pendant le printemps de 1859 le plongea dans un profond dégoût. En vérité, en dépit d’une grande énergie physique, il était épuisé par deux années d’efforts soutenus. C’est dans cet état qu’il laissa le Globe exprimer des idées radicales sur la dissolution de l’Union et prôner des constitutions de style américain, principalement par l’intermédiaire d’un journaliste compétent du Globe, George Sheppard, qui avait de fortes préférences pour la constitution américaine.

Pendant l’été de 1859, Brown se rasséréna et reprit le journal en main. En fait, il lança le Globe dans une nouvelle campagne en faveur d’une union fédérale dans le but de mettre fin aux inconvénients de deux Canadas divisés, de sorte que chacun des deux puisse défendre ses propres intérêts tout en conservant un gouvernement commun, formé selon le principe de la représentation basée sur la population, et qui s’occuperait des affaires d’intérêt général. En septembre, il projeta d’organiser un nouveau congrès réformiste dans le Haut-Canada afin de redonner de l’énergie à son parti découragé. En fait, il voulait l’amener à adopter une fédération ; si la représentation basée sur la population ne paraissait pas acceptable au deux Canadas, il y avait un autre moyen constitutionnel, la fédération, qui leur conviendrait et qui serait, comme Brown le démontrait clairement, une première étape vers « une grande confédération » de toute l’Amérique britannique et inclurait aussi le Nord-Ouest. Avec l’aide du petit groupe qui dirigeait le parti à Toronto, il travailla soigneusement à l’organisation des comités les plus importants du congrès, afin de s’assurer qu’aucune importance ne soit attachée aux partisans radicaux de la dissolution de l’Union, lors de la grande assemblée du parti.

Le congrès, qui réunit 570 délégués, eut lieu à St Lawrence Hall, à Toronto, le 9 novembre 1859. Une fois encore la personnalité de Brown et ses manœuvres le rendirent maître de la situation. Sheppard se fit, de façon persuasive, l’avocat de la « dissolution pure et simple », réflétant ainsi la méfiance très répandue chez les Grits agrariens à l’égard de toute complexité en matière politique. Puis William McDougall usa d’une expression suffisamment vague pour qu’on puisse s’en servir comme d’un compromis : « une autorité commune », dit-il en parlant de l’autorité fédérale qui devait coiffer les deux gouvernements régionaux. Brown, lui, lança un vibrant appel aux aspirations nationales, en insistant pour qu’on aboutisse à une union fédérale. Ce fut la fédération qui l’emporta. Et, par la suite, le Globe proclama triomphalement que c’était la ligne de conduite adoptée par le parti.

Brown avait l’intention de soumettre dès que possible à la session parlementaire de 1860, le programme adopté lors du congrès, mais la discorde apparut bientôt parmi ses propres députés et, cette fois, principalement parmi les modérés. John Sandfield Macdonald se fit le porte-parole des dissidents, prétendant qu’il était encore possible d’arriver au pouvoir en conservant l’Union sous sa forme actuelle, si l’on pouvait obtenir plus d’appui, dans le Bas-Canada, de la part des partisans du gouvernement fatigués de l’extravagance dont ce dernier faisait preuve et de l’influence qu’exerçait le Grand Tronc. Selon Sandfield Macdonald, une proposition concernant des changements constitutionnels radicaux ne ferait que les effrayer et les éloigner. Brown-prétendait toutefois qu’une nouvelle tentative de coalition, destinée simplement à arriver au pouvoir, ne résoudrait rien. Il eut gain de cause, mais il fallut pour cela qu’il menaçât de donner sa démission comme chef du parti. Finalement, vers le 30 avril, il soumit le programme, élaboré au congrès, mais la session tirait à sa fin, et il n’avait qu’un appui incertain. Le programme fut facilement battu. Brown avait cependant fait connaître la position prise par son parti sur la question du fédéralisme, et cela devait avoir des conséquences importantes dans l’avenir.

Pendant ce temps sa santé s’altérait. Il était visible qu’il ne s’était pas remis de ses fatigues précédentes, et il était assailli de soucis matériels aussi bien que politiques, soucis qui remontaient à la crise qui avait fait son apparition en 1857. Déjà avant cette année-là Brown était devenu un homme d’affaires, qui avait fait des placements importants dans le Haut-Canada en plus de diriger un grand journal. Au début des années 50, il avait acheté de vastes terrains dans le comté de Lambton, et, en 1855, lors de la construction du Great Western Railway, qui les traversait, on y avait construit le village de Bothwell. Le « seigneur de Bothwell » vendit fermes et terrains, construisit des routes et des moulins, fit abattre des arbres et se trouva à la tête d’une fabrique de meubles. Mais cela se passait en pleine prospérité, dans un pays qui vivait littéralement de crédit. La récession de 1857 amena un rapide amoindrissement du crédit et Brown se trouva rapidement en difficultés. Bothwell était hypothéqué et de grosses sommes étaient immobilisées au Globe, pour des améliorations dont on attendait des rentrées en tirage et en publicité.

Il se débattit péniblement pendant plusieurs années et réussit à éviter de trop lourdes pertes. Mais la lutte, et ses créanciers, se firent plus âpres en 1860. Il tomba sérieusement malade durant l’hiver de 1861, et dut rester alité pendant plus de deux mois, manquant ainsi la session parlementaire de 1861 ; il n’avait pas encore repris ses forces lorsqu’on annonça des élections générales en juin. Brown fit de son mieux, mais fut battu dans Toronto et se trouva exclu du parlement pour la première fois en dix ans. Du moins les affaires reprenaient-elles un peu, grâce à la demande croissante de bois et d’autres produits canadiens de la part des États-Unis, conséquence de la guerre de Sécession qui débutait. Mais surtout on s’était mis à exploiter des terrains pétrolifères près de Bothwell. À l’automne de 1861, il semblait bien que Bothwell allait devenir une ville-champignon. Brown conserva ses terres et en acheta d’autres. Sa prospérité matérielle semblait assurée. Pendant ce temps le Globe se montrait chaleureusement partisan des états du Nord, car Brown, qui était profondément abolitionniste, manifestait une hostilité évidente à l’égard du Sud esclavagiste. Le journal attaqua avec tout autant de vigueur l’influence du Grand Tronc, ainsi que les gens influents du Bas-Canada qui appuyaient le régime Cartier-Macdonald.

En 1862, à cause d’une santé encore chancelante, Brown décida de passer de longues vacances en Grande-Bretagne ; ce serait une sorte de convalescence. Il arriva à Liverpool le 23 juillet. C’était son premier voyage en Grande-Bretagne depuis 25 ans. Après un mois à Londres, il se rendit à Édimbourg, où il revit de vieux amis, dont William et Thomas Nelson, de la famille des éditeurs, avec lesquels il avait fait ses études secondaires. Il fit surtout la connaissance de leur sœur, Anne Nelson, vive, intelligente et cultivée. Il devint profondément amoureux d’elle et, à l’âge de 43 ans, le 27 novembre, il l’épousa à Abden House, demeure des Nelson.

Ils revinrent au Canada à la fin de décembre, et on leur réserva un accueil triomphal à Toronto. Mais bientôt, en dépit du charme que trouvait George Brown à cette vie familiale nouvelle pour lui, il ne put résister à l’appel de la politique et du travail qui restait à faire. Il était maintenant parfaitement rétabli et, du fait d’avoir pu considérer la politique régionale coloniale depuis le centre de l’Empire, son horizon s’était nettement élargi ; il se décida à faire une nouvelle tentative. Il était aussi vigoureux et résolu qu’auparavant, mais plus détaché, plus mesuré – peut-être le devait-il à son mariage.

Brown n’eut aucun mal à être élu lors d’élections partielles dans Oxford-Sud en mars 1863. Il s’aperçut vite que le parlement, tout en ayant changé, était demeuré fondamentalement le même. Un gouvernement libéral modéré, sous la direction de Sandfield Macdonald, avait remplacé en 1862 un régime conservateur qui s’effritait, mais ce ministère ne constituait qu’un effort de plus pour tenter de conserver l’Union sous sa forme actuelle, sans essayer de résoudre les problèmes ethniques et constitutionnels sous-jacents. Sandfield Macdonald avait misé sur le principe de la double majorité, selon lequel ni le Canada-Est ni le Canada-Ouest ne pourrait être gouverné sans l’assentiment de sa propre majorité parlementaire. Mais ce principe avait été mis en échec avant l’arrivée de Brown au parlement, au mois d’avril, à Québec, lorsqu’on avait adopté une nouvelle loi sur les écoles séparées du Haut-Canada sans l’appui de la majorité des députés de cette section. Le gouvernement, discrédité, modifia sa composition afin de prendre une allure plus nettement réformiste, et Brown joua un rôle important en exerçant de nouveau son influence d’antan sur son parti, bien qu’il choisît de demeurer en dehors du ministère. Dorion et ses amis rouges remplacèrent les libéraux modérés du Canada-Est dans le cabinet. Des collègues de Brown, dont Oliver Mowat*, firent partie de la section du Canada-Ouest. Ce nouveau ministère Macdonald-Dorion fit ensuite face aux élections en juillet 1863. Les réformistes remportèrent une victoire sans équivoque dans le Haut-Canada (tout comme Brown, une fois encore, à Oxford-Sud), mais les conservateurs de Cartier remportèrent une victoire similaire dans le Bas-Canada. Les deux partis étaient à peu près de même force. On était tout près d’une impasse.

Les luttes stériles qui s’engagèrent pour s’emparer du pouvoir au parlement cette année-là prouvèrent bien qu’il n’y avait eu aucun changement véritable dans la situation politique. Brown, cependant, à titre de simple député, usa d’une méthode dont la nouveauté était significative. Il annonça son intention de demander la nomination d’une commission d’enquête pour étudier de façon impartiale les problèmes régionaux du Canada et soumettre un rapport sur les méthodes qui sembleraient les plus propices à les résoudre. C’était là une façon de faire constructive, soigneusement formulée pour ne laisser percer aucun esprit partisan. Mais le vote concernant cette proposition n’eut lieu qu’au cours de la session du printemps de 1864, à un moment où la chambre connaissait des discussions plus amères, mettant aux prises les diverses factions. Le ministère de Sandfield Macdonald, incapable de gouverner, donna sa démission en mars. Le cabinet conservateur qui le remplaça, sous la direction de John A. Macdonald et de sir Étienne-Paschal Taché, n’avait pas de grandes chances de réussite, ni même d’espoir de survie. Brown n’avait qu’un seul but : résoudre l’impasse constitutionnelle et se retirer de la vie politique, qui lui était devenue pénible, afin de profiter de la chaude vie familiale qu’il désirait tant. Margaret, sa première-née, était venue au monde au mois de janvier précédent. Finalement, le 19 mai 1864, la proposition de Brown fut adoptée. Il devint président d’une commission d’enquête composée des membres les plus influents de chaque parti. Il les mit à l’œuvre immédiatement et, le 14 juin, la commission rapporta au parlement qu’il existait une « forte tendance » en faveur d’« un système fédéral ».

Il ne s’agissait là que d’une affirmation très générale, puisée dans un court rapport sur la façon dont se poursuivaient les travaux de la commission. Pourtant, c’est cette affirmation qui permit de trouver une issue lorsque, le jour même où parut ce rapport, le gouvernement Macdonald-Taché tomba. Brown sut immédiatement mettre à profit cette nouvelle crise ; il fit savoir aux chefs conservateurs qu’il était prêt à leur accorder son appui, comme à tout autre ministère, s’ils étaient décidés à prendre les mesures voulues pour résoudre la question constitutionnelle. Ils étaient maintenant prêts à l’écouter. Le 17 juin, John A. Macdonald et Alexander Galt*, un des principaux partisans d’une fédération de l’Amérique du Nord britannique, eurent un entretien avec Brown dans sa chambre de l’hôtel Saint-Louis. Cartier se joignit un peu plus tard à la discussion. On en arriva bientôt à la conclusion que la seule solution était « le principe d’une fédération, suggéré dans le rapport du comité de M. Brown », et qu’il faudrait commencer par pressentir les provinces de l’Atlantique, pour tenter d’arriver à une union générale de l’Amérique britannique. Brown avait bien envisagé cette vaste union comme but final, mais il estimait que les recommandations faites plus tôt à ce sujet par les conservateurs étaient prématurées, et ne servaient qu’à détourner l’attention du public afin d’éviter d’avoir à prendre des mesures sur les problèmes constitutionnels internes du Canada. Mais, puisque les conservateurs avaient maintenant accepté l’idée de constituer en fédération l’union canadienne, il ne voyait qu’avantages à y inclure les autres colonies si c’était possible. Il accepta, mais à contrecœur, de faire partie du gouvernement avec deux partisans réformistes. La nouvelle coalition, formée dans le but de créer une confédération, jouirait d’un pouvoir remarquable au parlement, puisqu’elle aurait l’appui des Grits de Brown, qui avaient la majorité dans le Haut-Canada, et celui des bleus de Cartier, qui avaient la majorité dans le Bas-Canada. On était enfin sorti de l’impasse. George Brown avait été l’instigateur des pourparlers et du mouvement en faveur d’une forme d’union totalement nouvelle.

Le 22 juin 1864, on annonça la formation de la « Grande Coalition » à un parlement enthousiaste. Brown se joignit à Macdonald, à Cartier et à leurs collègues du cabinet à titre de président du conseil ; il avait auprès de lui Mowat et McDougall, les autres réformistes, et Taché était premier ministre. Pendant l’été, ce nouveau gouvernement, très fort, put élaborer dans ses grandes lignes le projet de fédération que l’on soumettrait aux représentants des provinces maritimes lors d’une réunion qui devait avoir lieu à Charlottetown en septembre. Au nombre des huit membres du cabinet canadien qui se rendirent à la conférence de Charlottetown était Brown, qui joua un rôle important. Le 5 septembre, c’est lui qui présenta le projet de constitution qu’on se – proposait d’élaborer pour l’union fédérale. Après que la conférence eut, à l’unanimité, adopté en principe le projet de confédération, il assista aux réunions qui suivirent et qui eurent lieu à Halifax et à Saint-Jean.

En octobre eut lieu la conférence de Québec, qui réunit un plus grand nombre de délégués, afin de mettre au point la Confédération dans tous les détails. Là encore, Brown joua un rôle primordial au cours de cette assemblée d’une importance toute particulière ; il était, après tout, le plus éminent représentant des intérêts provinciaux les plus puissants : ceux de la future province d’Ontario. Et pourtant il ne considérait pas la situation du point de vue provincial ou ethnique, mais d’un point de vue national. Par exemple, c’est lui qui soumit une des résolutions essentielles, qui prévoyait un gouvernement central et des gouvernements provinciaux avec possibilité d’admettre dans l’union les Territoires du Nord-Ouest, la Colombie-Britannique et l’Île-de-Vancouver. Il s’opposa à l’idée d’un sénat élu pour le nouveau gouvernement fédéral, comme il l’avait fait auparavant à l’égard de la Chambre haute élective de la province du Canada, car selon lui, il était extrêmement difficile de fonder un gouvernement responsable de type britannique sur la confiance accordée à deux chambres élues, surtout si leur composition politique différait. Et il voulait que les autorités provinciales jouent un rôle simple et apolitique, puisque leur juridiction s’exercerait sur des sujets « insignifiants ». Brown estimait qu’établir la représentation basée sur la population au gouvernement central (autre proposition qu’il soumit) suffirait à donner au Haut-Canada la voix qui lui revenait sur les sujets d’intérêt national importants et que les régimes provinciaux s’occuperaient des questions régionales, qui divisaient la population mais étaient essentiellement locales, en dehors des hautes sphères de la politique. C’était là une vision confuse, mais du moins cela trahissait-il d’excellentes intentions de la part d’un homme politique « régional » devenu homme d’état de la Confédération.

Après la clôture de la conférence, Brown fut l’un des premiers à présenter au peuple canadien le projet véritable de confédération tel qu’il est contenu dans les 72 Résolutions de Québec. Dans son cas, ce fut par le truchement d’un important discours qu’il prononça à Toronto le 3 novembre. Un peu plus tard, il s’embarqua pour l’Angleterre. On l’avait choisi pour entamer les pourparlers relatifs à la Confédération avec le gouvernement impérial, et pour traiter du transfert des terres du Nord-Ouest, qu’exploitait la Hudson’s Bay Company, afin de les intégrer dans ce grand projet de confédération. Au cours du mois de décembre, il traita de ces questions avec le gouvernement britannique et avec les chefs de l’opposition, à Londres. On discuta également de la défense de l’Amérique du Nord britannique, question rendue pressante par le raidissement des rapports avec les États-Unis, consécutif à la guerre de Sécession qui allait bientôt se terminer par victoire du Nord. Il revint au début de 1865, assuré de l’approbation britannique au projet de confédération, plein d’espoir au sujet du transfert des terres du Nord-Ouest, mais inquiet devant la façon dont l’Angleterre semblait toute prête à laisser des colonies encore faibles « se débrouiller » en face de la menace possible des États-Unis.

Le parlement canadien se réunit en février, afin de discuter du projet élaboré à la conférence de Québec, et afin de lui donner l’approbation que l’on attendait de l’importante majorité gouvernementale. Pourtant les débats sur la Confédération, en 1865, ne furent pas de vaines palabres ; on y souleva des doutes, on y fit des critiques pénétrantes, on y exprima des espoirs nationaux et des arguments puissants en faveur de l’union. À ce dernier propos, le discours prononcé par Brown le 8 février fut peut-être son plus grand discours et l’un des plus forts qui aient servi la cause de la Confédération. Avant qu’on ne vote sur le sujet, toutefois, le projet devait se heurter à des contretemps dans les Maritimes, où le gouvernement de Samuel Leonard Tilley*, favorable à la Confédération, avait été battu en mars, lors des élections du Nouveau-Brunswick, et où le ministère de Charles Tupper* n’avait même pas osé soumettre le projet de Québec à l’Assemblée de la Nouvelle-Écosse.

On envoya donc une seconde mission en Angleterre, afin de discuter de l’avenir de la Confédération, mission qui cette fois se composait de Brown, de Macdonald, de Cartier et de Galt. Après de longues discussions et de nombreuses réceptions à Londres en mai et en juin, ils remportèrent un beau succès, s’assurant de la collaboration du gouvernement impérial dans la mise en œuvre du projet, et de son appui à la défense du Canada en cas de guerre – bien qu’à présent, la guerre de Sécession terminée, il semblait que toute menace d’agression américaine eût à peu près disparu. Le gouvernement britannique promit également son aide pour négocier une nouvelle entente commerciale avec les États-Unis, car le traité de réciprocité alors en vigueur devait expirer l’année suivante. Pendant son séjour en Angleterre, Brown avait pris une part active à l’élaboration des solutions à ces problèmes si importants pour le mouvement de la Confédération. L’essentiel, maintenant, était de s’assurer de nouveau de l’appui des provinces maritimes et, là encore, après le retour de la mission au Canada, Brown eut un rôle décisif à jouer.

En septembre 1865, Galt et lui représentèrent le Canada au Confederate Trade Council qui eut lieu à Québec. Moins importante que les réunions précédentes, cette conférence n’en réunissait pas moins les provinces afin d’envisager leur avenir commercial, au moment où le traité de réciprocité avec les États-Unis allait expirer. La façon commune d’envisager les problèmes commerciaux que cherchait le conseil et les rapports avec les Maritimes que Brown réussit à établir devaient être précieux pour Brown par la suite, quand le gouvernement canadien l’envoya sonder les provinces de l’Atlantique, afin de voir si le climat était redevenu favorable à la Confédération. Il nota une tendance dans ce sens au Nouveau-Brunswick, et s’entretint avec Tilley et avec le lieutenant-gouverneur, Arthur Hamilton Gordon*, des meilleurs moyens de favoriser cette cause. À son retour, vers la mi-novembre, il s’aperçut cependant que le gouvernement canadien avait adopté sa propre ligne de conduite relativement à la réciprocité avec les États-Unis, cherchant à y parvenir au moyen de mesures législatives communes plutôt que par un traité, et il s’opposa fermement à cette conception.

Brown était depuis longtemps partisan de la réciprocité, et cela pour deux raisons : ayant des vues libérales en matière économique, il cherchait à faire disparaître les barrières douanières, non à les renforcer ; et, en tant qu’habitant du Haut-Canada, il avait vu sa propre région bénéficier de la réciprocité. Mais il y avait risque, à son avis, qu’on payât trop cher cette réciprocité. Une réciprocité législative, qui pouvait évoluer selon le bon plaisir de n’importe quel groupe de pression du Congrès américain, pourrait, selon lui, mettre la prospérité du Canada à la merci des Américains. Il combattit la proposition au cours de discussions tendues au sein du cabinet, mais il n’arriva pas à convaincre ses collègues. Finalement, le 19 décembre, il donna sa démission. Il ne fait aucun doute que, pour Brown, le problème avait une importance cruciale. Mais il est tout aussi vrai que la tension régnait au cabinet depuis longtemps entre les deux puissants chefs de parti, les deux vieux adversaires, Macdonald et lui-même. De plus, Brown ne se sentit jamais à l’aise dans une coalition, quelque important qu’en fût l’enjeu, et il se trouvait par trop engagé dans un vieux sport qui semblait ne consister qu’en pouvoir à consolider et en faveurs à répartir de façon avantageuse. Ses sentiments le portaient à donner sa démission, tout simplement, à propos d’un problème aussi sérieux que la réciprocité. Il exprimait bien ce qu’il ressentait en télégraphiant à sa femme : « Je suis redevenu un homme libre. »

De toute façon, la Confédération était en bonne voie. Brown continua à lui accorder tout le soutien possible dans le Globe ainsi qu’au cours de la session parlementaire de 1866. Il eut, au printemps, la satisfaction de voir le Nouveau-Brunswick élire Tilley et les partisans de la Confédération, et la Nouvelle-Écosse entamer de nouveaux des pourparlers à propos de l’union, sans parler de l’échec, entre temps, de la réciprocité législative qu’on avait proposée aux États-Unis, qui n’avaient guère manifesté d’intérêt. Vers la fin de l’année, la dernière conférence préparatoire à la Confédération eut lieu à Londres et on rédigea le projet de loi impériale, qui incorporait toujours en leur essence les Résolutions de Québec que Brown avait contribué à formuler. La loi fut adoptée et prit le nom d’Acte de l’Amérique du Nord britannique en mars 1867.

À ce moment-là, Brown était de nouveau engagé dans la politique de parti ; il reprenait contact avec ses anciens amis rouges tels que Dorion et Luther Hamilton Holton, qui s’étaient opposés au ministère de la Confédération ; il s’efforçait aussi de redonner de la vigueur au parti réformiste dans le Haut-Canada, qui s’était affaibli pendant les années de coalition. Brown estimait que le besoin de coalition disparaîtrait avec l’avènement de la Confédération et que la politique de parti reprendrait ses droits dans la nouvelle fédération canadienne. D’un autre côté, les conservateurs de Macdonald et quelques libéraux prétendaient que l’ère qui s’ouvrait devait être inaugurée par un gouvernement que ne diviserait pas les questions de parti. Devant l’insistance de ses amis, qui le pressaient de reprendre la direction du parti réformiste, mis au défi par les partisans de la coalition, Brown fit taire son désir sincère d’en finir avec la vie parlementaire et se livra, une fois de plus, à une nouvelle tentative.

Il y eut un autre congrès réformiste, très important, à Toronto en juin 1867. On l’avait réuni pour que puisse bien s’affirmer l’unité du parti. Brown y annonça presque l’abandon du parti de William McDougall et de William Howland*, les deux libéraux les plus éminents qui étaient toujours membres du cabinet de coalition, et qui étaient bien décidés à y demeurer. Mowat, lui, l’avait depuis longtemps abandonné pour un poste dans la magistrature. Mais les élections aux assemblées législatives de la nouvelle union, qui eurent lieu plus tard au cours de l’été, prouvèrent que le congrès réformiste n’avait pas pu l’emporter sur le succès qu’avait, auprès de la population, le cri « patriotique » de : pas de parti. En août, Brown fut battu dans Ontario-Sud, siège qui était loin d’être assuré. En septembre, il apparut clairement qu’un nombre suffisant de réformistes s’étaient alliés aux conservateurs pour donner, dans l’Ontario, la majorité au nouveau gouvernement fédéral de sir John A. Macdonald, et à un gouvernement de coalition similaire pour la province, sous la direction de Sandfield Macdonald. On offrit à Brown de se présenter dans des circonscriptions moins dangereuses, mais sa défaite n’avait fait que renforcer les sentiments qu’il éprouvait à l’égard de la vie politique. En octobre 1867, il quitta le Canada pour passer de longues vacances en famille en Écosse : il avait abandonné la politique avant même d’avoir atteint l’âge de 49 ans.

Au cours des années suivantes, il se consacra surtout à sa famille, qui comptait deux enfants de plus, Catherine Edith et George Mackenzie, au Globe, son premier amour, ainsi qu’à ses affaires, qui étaient considérables. Il avait vendu ses propriétés de Bothwell à un syndicat pétrolier en 1865 pour la somme de $275 000, ce qui faisait de lui un homme riche. Mais, en 1866, il avait acheté une toute nouvelle propriété à Bow Park, près de Brantford, où il commença à faire l’élevage d’un troupeau de bovins. Bow Park, de maison de campagne familiale, devint une ferme d’élevage importante, qui l’occupa beaucoup. Cependant, il ne cherchait pas à s’évader de la politique, mais simplement de la vie publique. Le Globe demeurait l’organe des réformistes, tout aussi puissant qu’autrefois. Son propriétaire, ancien chef de parti, était fréquemment consulté par les Grits les plus influents, soit dans la capitale provinciale, Toronto, soit dans la capitale fédérale, Ottawa. De plus, il avait conservé des liens étroits avec Alexander Mackenzie, qui dirigeait l’opposition libérale fédérale, même s’il n’en avait pas le titre de chef, et qui avait été autrefois son agent électoral, lorsqu’il faisait ses premières armes à Kent et à Lambton, puis son loyal bras droit dans l’ancien parlement canadien.

Par l’entremise du Globe, il s’attacha à faire tomber la « coalition évidente » de Sandfield Macdonald en Ontario. Au printemps de 1871, les deuxièmes élections qui eurent lieu en Ontario donnèrent aux réformistes l’équilibre du pouvoir au parlement, et cela probablement parce que Brown avait fait la paix, dans son journal, avec les électeurs catholiques, après avoir déclaré que les querelles confessionnelles étaient maintenant terminées. Sandfield Macdonald demeura au pouvoir jusqu’en décembre, mais un gouvernement libéral, avec Edward Blake* à sa tête, lui succéda alors L’année suivante, lorsque Blake décida de se lancer dans la politique fédérale, Brown contribua à persuader un de ses vieux amis, Oliver Mowat, d’abandonner la magistrature et de prendre la tête du ministère. C’est ainsi que devait débuter, en octobre 1872, la longue période durant laquelle Mowat dirigea la politique ontarienne.

Pendant ce temps, Brown avait dû faire face à des difficultés au Globe, à cause d’une grève sérieuse survenue chez les imprimeurs du syndicat des ouvriers typographes de Toronto et qui dura de mars à juin 1872. La grève se termina par des concessions mutuelles mais non sans que Brown et quelques autres « maître imprimeurs » n’aient fait arrêter 18 typographes pour « intimidation ». Ces derniers furent d’ailleurs relâchés sous caution et ne passèrent jamais en jugement. L’année suivante, on eut de nouvelles raisons de s’exciter, bien différentes celles-là. Il s’agissait du « scandale du Pacifique Canadien ». Cette fois, le Globe se rangea ouvertement du côté bien-pensant et attaqua les versements malhonnêtes de fonds électoraux aux principaux ministres conservateurs qu’avait faits sir Hugh Allan*, à qui l’on avait accordé la charte du chemin de fer canadien du Pacifique. Le gouvernement fédéral de Macdonald tomba ; les libéraux, avec Mackenzie à leur tête, remportèrent une victoire retentissante aux élections qui eurent lieu au début de 1874. Le gouvernement Mackenzie pria alors George Brown de se charger d’une mission auprès des États-Unis, afin d’en arriver à la signature d’un nouveau traité de réciprocité.

Il accepta volontiers d’entreprendre des négociations en vue d’obtenir le genre de réciprocité dont il était partisan. De plus, il semblait possible que les Américains acceptent l’idée d’un traité, afin d’éviter d’avoir à payer comptant pour l’accès aux pêcheries canadiennes de l’Atlantique. Brown arriva à Washington en février, officiellement comme commissaire adjoint, avec le ministre plénipotentiaire britannique à Washington, sir Edward Thornton, mais en réalité pour faire seul l’essentiel du travail. Pendant plusieurs mois, il discuta et marchanda avec le secrétaire d’État américain, Hamilton Fish, homme affable mais rusé. On en vint petit à petit à rédiger un traité très complet, assurant la réciprocité de l’admission de nombreux produits manufacturés aussi bien que de produits naturels. On soumit ce projet au Congrès, le 18 juin, afin d’obtenir son approbation. Mais Fish avait tellement retardé les travaux qu’il fut impossible d’étudier le traité avant l’ajournement du Congrès, quatre jours plus tard. Le Sénat le mit tout bonnement de côté, et il y avait fort peu de chances pour qu’on y revînt, car l’intérêt des Américains avait fini par s’émousser. On peut dire, du projet de traité élaboré par Brown en 1874, que l’opération avait fort bien réussi, mais que le patient avait succombé.

Brown joua un rôle de moins en moins important dans la politique, après cette mission à Washington, sans toutefois jamais l’abandonner complètement. Il avait été nommé sénateur en 1874, mais n’alla siéger à Ottawa que l’année suivante. En fait, il assista aux séances de façon irrégulière, et il ne s’agissait pas là d’un véritable retour à la vie politique. Brown conserva toutefois ses liens avec Mackenzie et les membres les plus influents des Grits victoriens. C’est ainsi qu’il appuya Mackenzie en 1874 et en 1875, lorsqu’Edward Blake, homme politique fort compétent, manifesta un mécontentement passager et quand les jeunes idéalistes du mouvement « Canada First » se rallièrent autour de ce dernier, trouvant la politique de Mackenzie démodée et bien terne. Blake revint bientôt à de meilleurs sentiments, mais Brown et le Globe participèrent également à la lutte contre le redoutable Goldwin Smith*, publiciste intellectuel, à la langue acérée, qui pour un temps s’unit au groupe du « Canada First », groupe qui d’ailleurs disparut bientôt. C’est à ce moment-là que débuta la querelle avec Smith qui prétendait que le Canada ne pourrait sortir des abus partisans et de son infériorité coloniale que s’il lui était donné de respirer l’air pur de l’indépendance ; pour Smith, cela semblait signifier l’annexion du Canada aux États-Unis.

À partir de 1875, cependant, Brown consacra de plus en plus de son temps aux affaires de Bow Park. C’est là que le fils d’un de ses voisins, Alexander Graham Bell*, lui offrit, ainsi qu’à son frère Gordon, des actions dans la nouvelle « télégraphie du son », qu’il venait d’inventer, en retour d’un prêt de $600 et de l’obtention en sa faveur d’un brevet en Angleterre. Les deux frères acceptèrent d’avancer la somme nécessaire, et George Brown entreprit de faire une demande de brevet britannique pour Bell lors d’un voyage que, sur ces entrefaites, il entreprit en Angleterre. Mais, lorsqu’il arriva à Londres en février 1876, les opinions techniques qu’il recueillit sur l’invention de Bell le découragèrent, et il ne fit pas les démarches nécessaires. L’entente avec Bell fut laissée de côté et Brown ne s’associa pas au futur empire de Bell. Il s’occupa davantage de son projet de former en Grande-Bretagne une société par actions pour transformer Bow Park en élevage important de bovins de race. Déjà bien connu des plus importants éleveurs britanniques, il arriva à réunir près de $400 000 et revint au Canada en mai pour y recevoir sa charte.

Sous ces nouveaux auspices, Bow Park se développa rapidement et devint le centre d’attraction des spécialistes qui visitaient le Canada. Pourtant, en 1877, le pays devait souffrir de la crise économique qui affectait le monde entier, et le marché du bétail de race fut loin de se développer comme on l’avait escompté. Les affaires de Brown étaient déjà menacées de difficultés sérieuses quand, l’année suivante, il s’intéressa de nouveau à la politique, accordant son appui aux libéraux lors des élections fédérales de septembre 1878. Il prononça des discours dans tout le sud de l’Ontario, s’élevant contre l’appel lancé par les conservateurs pour l’adoption d’une « politique nationale » de protectionnisme douanier. Mais, une fois que cette politique nationale et la crise eurent ramené Macdonald au pouvoir, Brown retourna à ses affaires de Bow Park, qui tournaient de plus en plus mal.

En 1879, les actionnaires britanniques de sa compagnie envoyèrent un directeur très compétent, John Clay, pour tenter de sauver la situation. Au début de décembre, la réorganisation effectuée par ce dernier commençait à porter ses fruits, mais un incendie détruisit la plupart des bâtiments les plus importants de la propriété ; le jour de Noël, un nouveau sinistre, presque certainement le fait d’incendiaires, ravagea les étables. La grande aventure de Brown, le lancement de l’élevage des bovins de race au Canada, semblait avoir échoué. De plus, au début de 1880, il eut des difficultés au Globe, où il avait investi de grosses sommes pour faire des améliorations afin de publier un journal de plusieurs pages, plié à la machine ; des retards dans l’installation du matériel l’avaient forcé de reporter à une date ultérieure la nouvelle publication de ce journal.

Le 25 mars 1880, au Globe, un ancien employé à la salle des chaudières, que son contremaître avait renvoyé pour ivrognerie, George Bennett, vint dans le bureau de Brown pour y chercher un lettre attestant qu’il avait travaillé au Globe pendant cinq ans. Brown essaya d’envoyer l’homme, qu’il ne connaissait pas, au contremaître. Il y eut une dispute ; Bennett, qui avait bu, sortit une arme. Brown tenta de s’en emparer, le coup partit et le blessa à la cuisse. Son assaillant fut bientôt maîtrisé et l’on jugea la blessure de Brown bénigne ; il rentra avec soulagement à Lambton Lodge, sa maison de Toronto. Mais, tandis qu’il restait chez lui, convoquant des réunions concernant le Globe et se faisant des soucis à propos des pertes financières de Bow Park, la blessure, loin de guérir, s’envenima. Au cours du mois d’avril, les affaires s’améliorèrent, car on avait vendu le bétail de façon satisfaisante à Chicago, et le nouveau Globe commença de paraître. Mais sa jambe était déjà fort infectée, et il avait abusé de ses forces. Petit à petit, Brown sombra dans la fièvre et le délire, puis tomba dans le coma. Aux premières heures du 9 mai, il mourut à Lambton Lodge, à l’âge de 61 ans.

Ses derniers jours furent assombris par le sentiment d’avoir échoué ; pourtant, son affaire de Bow Park se rétablit avec la nouvelle direction, et le Globe ne cessa pas de prospérer. On se souvient par-dessus tout de la réussite de Brown dans le domaine du journalisme et du rôle qu’il joua au sein du parti libéral et dans l’avènement de la Confédération. Lord Monck*, qui était gouverneur général à l’époque de la Confédération, l’avait appelé « l’homme qui, en 1864, avait rendu possible le projet de confédération ». Ce fut aussi l’homme qui refusa le poste de lieutenant-gouverneur de l’Ontario en 1875, et qui refusa d’être créé chevalier en 1879. Il avait voulu demeurer George Brown du Globe : c’étaient les seules lettres de noblesse qu’il souhaitait.

J. M. S. Careless

Ce texte est tiré essentiellement de mon ouvrage, Brown of The Globe. On a trouvé fort peu de nouveaux documents sur Brown depuis la parution de ce livre. La principale source de documents était et demeure la collection des Papiers Brown aux APC. Quelques études intéressantes ont certes paru depuis que Brown of The Globe a été écrit. Toutefois, si elles fournissent des renseignements complémentaires utiles sur cette période, aucune n’a Brown comme sujet principal et ne change mon évaluation du personnage. On trouvera ci-dessous quelques-uns des titres de ces études, ainsi que ceux d’œuvres plus anciennes. Celles-ci ont été utilisées davantage dans Brown of the Globe et c’est là que le lecteur trouvera la liste la plus complète.  [j. m. s. c.]

Alexander Mackenzie, The life and speeches of Hon. George Brown (Toronto, 1882).— Careless, Union of the Canadas.— Charles Clarke, Sixty years in Upper Canada, with autobiographical recollections (Toronto, 1908).— Creighton, Macdonald, young politician ; Macdonald, old chieftain ; Road to confederation.— Dent, Last forty years.— John Lewis, George Brown (Toronto, 1906).— Morton, Critical years.— Waite, Life and times of confederation.— James Young, Public men and public life in Canada, being recollections of parliament and the press, and embracing a succinct account of the stirring events which led to the confederation of British North America into the Dominion of Canada (Toronto, 1902).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

J. M. S. Careless, « BROWN, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/brown_george_10F.html.

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Auteur de l'article:    J. M. S. Careless
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    6 nov. 2024