WOLSELEY, GARNET JOSEPH, 1er vicomte WOLSELEY, officier et auteur, né le 4 juin 1833 à Golden Bridge House, comté de Dublin (république d’Irlande), fils aîné du major Garnet Joseph Wolseley et de Frances Anne Smith ; le 4 juin 1867, il épousa à Londres Louisa Erskine (décédée en 1920), et ils eurent une fille ; décédé le 25 mars 1913 à Menton, France, et inhumé en la cathédrale St Paul à Londres.

Garnet Joseph Wolseley perdit son père à l’âge de sept ans et sa mère éleva sept enfants avec peu de moyens. Il fréquenta un externat à Dublin puis travailla dans un bureau d’arpenteur. Le 12 mars 1852, grâce aux états de service de son père, il obtint une commission d’enseigne dans le 12th Foot sans avoir à l’acheter. Peu après, il passa au 80th Foot afin de servir en Inde.

Dès ce moment, Wolseley fut entraîné dans les guerres coloniales. En 1852–1853, il se trouvait en Birmanie, où il fut blessé grièvement à la cuisse, cité plus d’une fois et promu lieutenant le 16 mai 1853. Renvoyé en convalescence au pays, il fut muté au 90th Light Infantry et partit bientôt pour la Crimée. À Sébastopol (Ukraine), où il servit tout au long du siège de 1854–1855, il put mettre à contribution ses connaissances topographiques à titre de sous-ingénieur et, blessé à nouveau, perdit l’usage de l’œil droit. À la fin de la guerre, il serait sous-adjoint au quartier-maître général de la Light Division. Promu capitaine le 26 janvier 1855, sans avoir dû acheter son brevet, il fut cité plusieurs fois, reçut la Légion d’honneur et fut recommandé pour la croix de Victoria.

Wolseley fut ensuite envoyé en Inde, en pleine révolte des cipayes. À la tête de sa compagnie, il participa à la libération de Lakhnau en novembre 1857 et termina la guerre à titre de sous-adjoint au quartier-maître général dans la Oudh Division du major-général sir James Hope Grant. Cité cinq fois au cours de la campagne, il reçut le grade-titre de major le 24 mars 1858 et le grade-titre de lieutenant-colonel le 26 avril 1859. Grant requit à nouveau ses services dans l’état-major du quartier-maître général pour l’expédition de 1860 en Chine. Cette campagne marqua la fin de la carrière de Wolseley comme officier régimentaire.

En 1861, à l’époque de la crise du Trent [V. sir Charles Hastings Doyle*], Wolseley fut affecté au commandement canadien en qualité d’adjoint au quartier-maître général, mais à son arrivée, le 5 janvier 1862, le danger immédiat d’une guerre avec les États-Unis était passé. En garnison à Montréal, il s’occupa en faisant du théâtre d’amateurs, en escortant les dames et en étudiant la théorie militaire. Promu colonel le 5 juin 1865, il eut ses premiers véritables contacts avec la milice canadienne à l’automne, quand on le prêta au camp d’instruction de Laprairie (La Prairie), près de Montréal, à titre de commandant. Ce camp avait pour mission d’offrir une expérience pratique aux diplômés des écoles militaires tenues au Canada par l’armée britannique. Il s’inspirait des idées du colonel Patrick Leonard MacDougall*, adjudant général de la milice et théoricien militaire, mais leur application relevait de Wolseley. Chacun des 1 105 élèves-officiers inscrits au stage de trois semaines, écrivait-il, « exer[çait] successivement toutes les fonctions militaires, depuis celle d’officier supérieur de troupe jusqu’à celle de simple sentinelle ». Au cours des exercices de clôture, auxquels participa la garnison britannique de Montréal, Wolseley fit partie des commandants de brigade ; c’était la première fois qu’il se trouvait à la tête de plus d’une unité. On parla beaucoup des activités du camp. Mieux encore, sir John Michel*, lieutenant-général commandant en Amérique du Nord britannique, envoya à ses supérieurs un rapport favorable où il disait : « On ne saurait guère parler en termes trop élogieux de ce jeune officier talentueux et énergique. »

En juin 1866, pendant l’invasion fénienne du Haut-Canada, la piètre riposte des miliciens à Ridgeway [V. Alfred Booker*] montra que leur formation laissait beaucoup à désirer. Un camp d’observation et d’instruction fut donc mis sur pied à Thorold, sous le commandement de Wolseley. Des unités de volontaires venaient s’entraîner pendant une semaine avec des soldats britanniques réguliers tandis que les troupes gardaient la frontière du Niagara. Là encore, Wolseley se montra pragmatique ; son but était d’« enseigner aux officiers et aux hommes de troupe ce qu’ils auraient à faire dans une guerre réelle, en évitant de leur faire répéter des manœuvres [qui figuraient] dans le règlement et qui ne seraient jamais nécessaires au Canada ». Son séjour à Thorold lui fut profitable. « C’est un exercice capital pour moi qui suis si rarement avec les troupes, écrivit-il à son frère Richard, et j’ai beaucoup d’occasions d’apprendre à diriger les hommes. » En outre, son travail au camp attira encore davantage sur lui l’attention de personnes influentes en Grande-Bretagne.

En avril 1867, à l’échéance de son mandat d’adjoint au quartier-maître général, Wolseley retourna en Angleterre, où il épousa Louisa Erskine, mais il fut rappelé dès septembre à titre de sous-quartier-maître général. Jamais un officier aussi jeune – il avait 34 ans – n’avait été nommé à ce haut poste d’état-major au Canada. Ses premières années au pays avaient marqué les débuts de sa carrière d’auteur : il avait publié des comptes rendus de la guerre en Chine et d’une visite qu’il avait faite aux troupes confédérées en Virginie en 1862. Cependant, le livre qu’il fit paraître pendant sa deuxième affectation, The soldier’s pocket-book for field service (Londres, 1869), fut plus important pour lui. Bien qu’inspiré des travaux de théoriciens militaires postés au Canada, dont MacDougall et George Taylor Denison*, son guide était bien l’œuvre d’un officier d’état-major doté de sens pratique. Dans les éditions ultérieures, il y aborderait aussi certains aspects de son expérience canadienne.

Au début de 1870, la nécessité d’envoyer un genre quelconque d’expédition militaire dans la colonie de la Rivière-Rouge (Manitoba) devint évidente. Il fallait en effet surveiller le transfert au Canada du territoire de la Hudson’s Bay Company et remplacer le gouvernement provisoire de Louis Riel* par une autorité stable que le centre du Canada pourrait accepter. Sans délai, Wolseley tenta de se trouver une place au sein de l’expédition. Lorsqu’il apprit que Donald Alexander Smith agirait comme émissaire spécial auprès de Riel, il supplia son ami George Stephen* d’user de son influence auprès du premier ministre sir John Alexander Macdonald* pour qu’il soit autorisé à accompagner Smith. En fait, il espérait commander l’expédition. Grâce à son judicieux mémoire sur la manière dont elle devrait être conduite, il apparut comme le seul candidat logique. Toutefois, il fut « déçu et dégoûté » de ne pas se voir confier en même temps un mandat civil à titre de lieutenant-gouverneur du Manitoba.

Du point de vue de l’organisation, l’expédition de la Rivière-Rouge fut exemplaire. Les détails en furent réglés avec un tel soin que les militaires purent franchir, avec tout leur équipement, les quelque 600 milles de terrain inhospitalier séparant le lac Supérieur et les Prairies. Le mérite d’avoir préparé cette expédition revenait en grande partie à sir James Alexander Lindsay*, lieutenant-général commandant en Amérique du Nord britannique, ainsi qu’à sir George-Étienne Cartier*, ministre de la Milice et de la Défense, et à son tout nouveau département, mais ce fut Wolseley qui la dirigea. Du 3 mai au 24 août, il conduisit, depuis le port d’embarquement de Collingwood, en Ontario, jusqu’à la Rivière-Rouge, une force composée de près de 400 soldats britanniques, de plus de 700 miliciens canadiens et de nombreux voyageurs et ouvriers civils – et ce sans perdre un seul homme. En tout, les membres de l’expédition firent 47 portages et parcoururent 51 milles de rapides. Pour la dernière étape du voyage jusqu’à Upper Fort Garry (Winnipeg), Wolseley déploya sa petite troupe en formation tactique, mais à son arrivée, le fort était vide : Riel et son gouvernement s’étaient enfuis. Il n’eut plus qu’à accueillir le lieutenant-gouverneur Adams George Archibald* le 2 septembre, après quoi il repartit avec les soldats réguliers britanniques en laissant la milice sur place pour maintenir l’ordre. Les titres de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges et de compagnon de l’ordre du Bain lui furent conférés plus tard dans l’année pour l’accomplissement de cette mission.

En 1870–1871, Wolseley publia dans le Blackwood’s Edinburgh Magazine un article anonyme où il critiquait le gouvernement du Canada pour sa mauvaise administration des affaires de la Rivière-Rouge, sa capitulation devant le « parti rebelle français » (dans l’Acte du Manitoba en 1870), son ingérence dans les préparatifs de l’expédition et l’ensemble de son système de favoritisme politique. Le fait que le gouvernement avait refusé de le nommer lieutenant-gouverneur du Manitoba et avait répudié la proclamation qu’il avait adressée « Aux loyaux habitants du Manitoba » à partir de Prince Arthur’s Landing (Thunder Bay, Ontario) pourrait expliquer son ressentiment.

Wolseley était rentré en Angleterre en octobre 1870 pour assumer la fonction de sous-adjudant général au ministère de la Guerre, où on le rangea immédiatement parmi les partisans des réformes lancées par le secrétaire d’État à la Guerre, Edward Cardwell. Lorsque surgit le risque d’un conflit avec les Achantis d’Afrique occidentale, Wolseley fit parvenir un plan de campagne à Cardwell et, encore une fois, on lui en confia l’exécution. Promu temporairement major-général, il partit pour l’Afrique occidentale en septembre 1873 avec 35 officiers triés sur le volet, dont certains, tel William Francis Butler*, avaient fait partie de l’expédition de la Rivière-Rouge. La campagne aboutit à la prise de la capitale des Achantis, Koumassi (Ghana). Wolseley fut couvert d’honneurs : il obtint confirmation de son grade de major-général et reçut des remerciements du Parlement, la grand-croix de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges et le titre de chevalier commandeur de l’ordre du Bain.

Wolseley exerça ensuite plusieurs fonctions : inspecteur général des forces auxiliaires en 1874–1875, gouverneur du Natal en 1875, membre du Conseil de l’Inde de 1876 à 1878, premier administrateur de Chypre en 1878–1879, puis, en 1879–1880, haut commissaire au Natal et au Transvaal, auquel titre il mit fin à la guerre des Zoulous en capturant leur roi, Cetewayo. Le 25 mars 1878, il avait été promu lieutenant-général. En 1880, il retourna au ministère de la Guerre en tant que quartier-maître général. Sa popularité était alors à son comble. Il reçut la grand-croix de l’ordre du Bain pour son travail en Afrique australe et, lorsque The pirates of Penzance prit l’affiche à Londres cette année-là, on le reconnut instantanément derrière le personnage qui incarnait « le type même du major-général moderne ». En 1882, il assuma la fonction d’adjudant général.

La même année, la Grande-Bretagne décida d’intervenir en Égypte à la suite d’une révolte contre la domination turque. Wolseley se vit offrir le commandement de près de 31 000 hommes. Non seulement n’avait-il jamais dirigé une force aussi nombreuse, mais c’était la première fois qu’il avait sous ses ordres autant de soldats réguliers. Son attaque nocturne à Tall al-Kabir, près de Zagazig, le 13 septembre, mit en déroute ses adversaires égyptiens. Encore une fois, il reçut un accueil triomphal à son retour en Grande-Bretagne. Promu général, il fut élevé à la pairie sous le titre de baron Wolseley du Caire et de Wolseley.

Deux ans plus tard, la Grande-Bretagne se résigna à envoyer une expédition à Khartoum, au Soudan, pour prêter main-forte au major-général Charles George Gordon, qui était assiégé par les troupes du Mahdi. Placé au commandement de cette expédition, Wolseley proposa d’« envoyer par bateau sur le Nil tous les soldats à pied, comme [on avait] envoyé le petit corps expéditionnaire du lac Supérieur au fort Garry sur la rivière Rouge en 1870 ». À sa demande, 390 voyageurs canadiens, dont Jean-Baptiste Canadien, furent recrutés pour l’expédition. Encore une fois, l’état-major comprenait des vétérans de la Rivière-Rouge, tels Butler et Frederick Charles Denison*. En décembre, comme il était évident que ses troupes n’arrivaient pas à remonter le Nil assez vite, Wolseley envoya une colonne par le désert dans l’espoir de sauver Gordon. Cependant, son plan échoua, Khartoum tomba aux mains du Mahdi et l’expédition dut battre en retraite.

En dépit de l’échec de son dernier commandement en campagne, Wolseley reçut à nouveau des remerciements du Parlement et devint vicomte le 28 septembre 1885. Il passerait le reste de sa carrière dans l’administration militaire. Commandant des troupes en Irlande de 1890 à 1894, il fut promu maréchal le 26 mai 1894 et devint en 1895 commandant en chef de l’armée. Malgré une santé déficiente, il continua de promouvoir des réformes et de surveiller les petites guerres coloniales de la Grande-Bretagne, mais la situation en Afrique australe en vint à éclipser ses autres préoccupations. Il prit sa retraite en 1900, au terme de son mandat de cinq ans. Il avait continué d’écrire et avait publié, entre autres, des biographies de Marlborough et de Napoléon. À la fin de 1903, il fit paraître The story of a soldier’s life, autobiographie incomplète en deux volumes qui évoquait notamment ses années au Canada. Atteint d’amnésie dans ses dernières années, il se retira de la vie publique.

Lord Wolseley fut l’un des plus illustres généraux de l’époque victorienne. Issu d’une famille modeste, il dut faire son chemin tout seul, mais il n’aurait pas atteint les plus hauts échelons dans sa profession s’il n’avait pas été ambitieux. Bien qu’il ne se soit jamais révélé un commandant de premier ordre – il n’affronta jamais un puissant adversaire doté d’un équipement moderne et ne commanda jamais le gros de l’armée britannique en campagne –, il était apte à maîtriser des situations très diverses dans tout l’Empire. En outre, on en vint à l’associer à l’élément progressiste de l’armée britannique et, dans une période cruciale de l’histoire de cette institution, il prôna la réforme militaire.

Les années que Garnet Joseph Wolseley passa au Canada furent décisives. Les futurs dirigeants de la milice canadienne qui subirent son influence aux camps de Laprairie et de Thorold bénéficièrent de ses talents d’instructeur. Grâce à ses dons d’organisateur, de planificateur et de chef, ses hommes arrivèrent sains et saufs à la Rivière-Rouge, et le gouvernement canadien put imposer sa loi dans les Prairies. Quant à Wolseley, il expérimenta au Canada des innovations qu’il reprendrait régulièrement dans ses autres campagnes impériales, par exemple utiliser des soldats dans des rôles non conventionnels et choisir, comme officiers d’état-major et officiers subalternes, un groupe d’hommes qu’il connaissait et en qui il avait confiance.

O. A. Cooke

Une copie sur microfilm des documents concernant le Canada dans les papiers de la famille Wolseley conservés à la Hove Public Library (Hove, Angleterre) a été déposée aux AN, MG 29, E3.

Le texte de Wolseley publié sous le couvert de l’anonymat et intitulé « Narrative of the Red River expedition, by an officer of the Expeditionary Force » figure dans Blackwood’s Edinburgh Magazine (Édimbourg et Londres), 108 (1870) : 704–718 ; 109 (1871) : 48–73, 164–181 ; une version sous forme de monographie a paru sous son nom à New York vers 1871. Son compte rendu sur l’expédition à Khartoum a été publié sous le titre In relief of Gordon ; Lord Wolseley’s campaign journal of the Khartoum relief expedition, 1884–1885, Adrian Preston, édit. (Londres, 1967), et son autobiographie en deux volumes, The story of a soldier’s life a paru à Westminster (Londres) en 1903.

AN, RG 9, II, A3, 1–2.— Frederick Maurice et George Arthur, The life of Lord Wolseley (Garden City, N.Y., 1924).

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O. A. Cooke, « WOLSELEY, GARNET JOSEPH, 1er vicomte WOLSELEY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wolseley_garnet_joseph_14F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
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