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PONDIAC (orthographié aussi au xviiie siècle Pondiak ou Pondiag par les francophones et Pontiac, Pontiak, Ponteack ou Pontiague par les anglophones ; dénommé Obwandiyag dans la tradition outaouaise du xixe siècle) ; chef de guerre des Outaouais de Détroit ; né entre 1712 et 1725 ; assassiné le 20 avril 1769 à Cahokia (East St Louis, Ill.).
On ignore précisément où et quand naquit Pondiac, et les témoignages du xixe siècle ne concordent pas sur l’appartenance tribale de ses parents. Une de ses présumées veuves, Kan tuck ee gun, vivait encore en 1807. Il aurait eu au moins deux fils. De son physique, ses contemporains ont laissé des descriptions verbales contradictoires, vagues et subjectives. Sa personnalité paraît avoir impressionné davantage. Tous ceux qui ont parlé de Pondiac l’ont perçu comme un leader impérieux, fort intelligent et honoré. À l’auteur du Journal ou dictation d’une conspiration (probablement Robert Navarre*, un notaire de Détroit), il parut « orgueilleux, vindicatif, béliqueux et très aisé à choqué ». « J’ai eu plusieurs entretiens avec lui et alors il a manifesté un jugement très solide et une soif d’apprendre », remarqua le major Robert Rogers* en 1765. La même année, le lieutenant Alexander Fraser rencontra l’illustre chef au fort de Chartres (près de Prairie Du Rocher, Ill.) et nota : « Il est en quelque sorte adoré par toutes les nations d’alentour ; il est plus remarquable par son intégrité et son humanité que n’importe lequel Français ou Indien de la colonie. »
Des quelque 30 premières années de la vie de Pondiac, nulle trace n’est restée. Rarement d’ailleurs les documents français font état des événements survenus chez les Outaouais de 1720 à 1740. En 1736, 200 de leurs guerriers auraient vécu aux abords de Détroit. Ils ne demeuraient plus à proximité du fort français depuis 1732, mais en face, de l’autre côté de la rivière, formant une agglomération de 800 à 1 000 indigènes. Les gouverneurs du Canada et les commandants des forts Pontchartrain et Michillimakinac le redisent : les Outaouais restent attachés et utiles aux Français jusqu’en 1744.
Survient alors la guerre entre la France et l’Angleterre. En 1745, 60 Outaouais et Sauteux demandent d’être conduits « à Montréal afin d’aller faire coup sur l’Anglois ». Pondiac est peut-être avec eux. Il est, en 1747, témoin de la conspiration d’Orontony, chef huron de Sandoské (probablement à Sandusky, Ohio, ou tout près). Une hausse des prix des marchandises pour les Indiens a suscité un grand mécontentement. Les Iroquois fomentent la révolte qui mobilise des Outaouais. On veut s’emparer de Détroit. Mais le complot est découvert. Pondiac y a-t-il participé ? Lui-même l’aurait nié dans un discours prononcé en 1763 pour protester de son indéfectible fidélité aux Français. Néanmoins, il a dû tirer expérience de la sédition, lui qui dès lors commence à briguer, s’il ne l’occupe déjà, la fonction de chef de guerre dans son village.
Réduits à la paix et insatisfaits, Orontony et son groupe émigrent dans la vallée de l’Ohio pour se rapprocher des Anglais. Memeskia (La Demoiselle, Old Britain) et les Miamis anglophiles s’en vont à la rivière à la Roche (Great Miami River) et fondent Pickawillany (Piqua, Ohio). Les Français veulent contrer ces pertes d’alliances indiennes et l’établissement d’Anglais sur leur territoire. En juin 1749, Pierre-Joseph Céloron de Blainville avertit les Anglais de quitter les lieux. Le commerçant George Croghan n’en visite pas moins Pickawillany en 1752. Peu après, le village est massacré par Charles-Michel Mouet* de Langlade et 240 Canadiens et Outaouais, dont Pondiac peut-être. En 1754, sous les ordres de Claude-Pierre Pécaudy* de Contrecœur, les Français prennent un poste de traite anglais en construction. Ils l’agrandissent et l’appellent fort Duquesne (Pittsburgh, Penn). Commencent alors les hostilités qui conduiront à la guerre de Sept Ans, la « French and Indian War », diront les Anglo-Américains, tant les aborigènes y auront pris une part active.
En 1755, une armée britannique commandée par Edward Braddock se met en route pour prendre le fort Duquesne. Pondiac aurait été au nombre des quelque 800 à 1 000 Indiens qui, avec Jean-Daniel Dumas* et la garnison française, infligent une terrible défaite aux Anglais non loin du fort menacé. Environ 300 Outaouais de Détroit et 700 de Michillimakinac séjournent au poste jusqu’en 1756. Éclaireurs vigilants, ils multiplient les raids dans les colonies anglaises. Un an plus tard, Montcalm fait venir un certain nombre de ces Algonkiens (Algiques) à Montréal. Le marquis les amènera en expédition contre le fort William Henry (ou fort George ; maintenant Lake George, N.Y.). Avant d’attaquer, il compte parmi ses effectifs 30 Outaouais du bourg de Pondiac.
En 1757, celui-ci prononce une harangue devant Pécaudy de Contrecœur au fort Duquesne. Il signale qu’il vient d’être dupé par George Croghan. Ce marchand lui a laissé croire que Québec était tombé et lui a enjoint de s’allier aux Anglais. Pondiac dit avoir résisté à ses avances et rappelle les promesses avantageuses faites aux amis des Français. En 1758, des Outaouais de Détroit combattent encore pour la France non loin du fort Duquesne qu’ils cèdent à John Forbes le 24 novembre. Bien des Algonkiens de la période coloniale changeaient souvent d’alliés européens. Ils dépréciaient les vaincus et se solidarisaient précairement avec ceux qu’ils croyaient pour un temps les plus forts et les plus généreux. Pondiac et ses hommes rompront-ils un attachement aux Français structuré de longue date ? Après la prise de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), des forts Duquesne, Carillon (Ticonderoga, N.Y.) et Niagara (près de Youngstown, N.Y.) en 1758–1759, il devient facile de prévoir la victoire anglaise. Nommé surintendant adjoint des affaires des Indiens de l’Ouest, Croghan ne manque pas de le signaler aux Algiques pour les attirer à son négoce. À une assemblée qu’il tient en août 1759, deux « principaux » outaouais sont dits présents et témoignent de leur anglophilie. Pondiac n’y est pas. Son village sera à ce point divisé, en novembre 1759, que la faction proanglaise et son chef émigreront au sud du lac Érié. Environ 200 Outaouais resteront près de Détroit. L’année suivante, la capitulation française est imminente et Croghan prépare les autochtones de l’Ouest à passer sous l’empire anglais. Il promet un système d’échanges beaucoup plus libéral. En août 1750, avec d’autres chefs de Détroit, Pondiac aurait été le trouver pour savoir de quelle façon il serait traité. Dès lors il aurait hésité, cherchant à évaluer les relations éventuelles entre Indiens et Anglais.
Montréal capitule le 8 septembre 1760. Aussitôt le major Rogers et ses 200 rangers sont envoyés prendre possession de Détroit. Ils auraient rencontré Pondiac en chemin, le 27 novembre, à l’embouchure de la rivière Détroit. Celui-ci serait venu accueillir le détachement, avec un parti d’Outaouais, de Hurons et de Potéouatamis. En toute sincérité apparemment, il aurait montré une attitude pacifique et favorable à l’arrivée chez lui de ses tout récents ennemis–revirement typique et réponse à leurs promesses d’un ample et facile trafic.
Les Français pourvoyaient les Indiens en munitions et les comblaient de services gratuits et de présents. Les Anglais ne tiennent pas à maintenir cette habitude. Néanmoins, dans l’attente de règlements régissant de nouveaux rapports commerciaux, le commandant de Détroit, Donald Campbell, essaie tant bien que mal de maintenir les coutumes de troc suivies jusqu’alors par les Français. Sir William Johnson*, surintendant des affaires des Indiens du Nord, conseille au général Jeffery Amherst*, commandant en chef, de permettre qu’on continue à donner des vivres et des munitions aux indigènes. Amherst répond : « lorsque le commerce se fera comme nous l’entendons, ils seront capables de se procurer eux-mêmes ces choses auprès des traiteurs ». Le régime britannique amène d’autres changements dans l’Ouest : désormais, la traite des fourrures ne se pratiquera qu’aux postes et le trafic du rhum sera totalement supprimé. Profondément déçus, les Indiens ne tardent pas à protester. En juin 1761, selon Campbell, ils incitent « toutes les nations, de la Nouvelle-Écosse jusqu’au pays des Illinois, à prendre la hache de guerre contre les Anglais ». Alarmé, Johnson convoque une grande conférence de paix à Détroit en septembre 1761. Un fort contingent de troupes l’y rejoindra sous les ordres de Henry Gladwin* et complétera l’occupation de tous les postes nouvellement conquis. Juste avant d’arriver à Détroit, Johnson reçoit d’Amherst une lettre qui interdit l’usage d’acheter la bonne conduite des autochtones avec des dons. Il trouve la décision si imprudente qu’à la réunion il n’en dit mot aux Indiens et leur offre même des présents. Ce n’est pas Pondiac qui tient à Johnson un discours au nom des Outaouais. On ne saurait dire s’il a simplement voulu laisser parler un chef civil plus âgé, Mécatépilésis, ou s’il a choisi de se taire parce que déjà il ne croyait plus à la possibilité d’un modus vivendi avec les Britanniques. Les harangues finies, non sans amertume, les Indiens ont bientôt conscience de la mise en vigueur des mesures secrètes d’Amherst. Au printemps de 1762, à la fin de la saison de la chasse, ils subissent une grave pénurie de rhum, de poudre et de plomb. Johnson exhorte Amherst à revenir aux usages français de la traite, mais le général rejette son avis.
Le bruit court alors d’une éventuelle reprise de Québec, ce qui encourage les Indiens à la révolte. À l’été de 1762, un conseil se réunit clandestinement au village de Détroit. Des chefs outaouais, sauteux, hurons, potéouatamis et d’autres du lac Supérieur y assistent avec deux Canadiens. On ignore les motifs du rassemblement. Ils sont belliqueux sans nul doute et Pondiac en est assurément l’instigateur, car il est chez lui chef de guerre.
Comme ses alliés des parages, l’avivent peut-être les propos de Neolin, un Abénaquis ou Loup (Delaware) qui se dit inspiré et proclame à grands cris la nécessité d’un retour aux valeurs reconnues avant l’arrivée des Européens. Le prédicant incite ses auditeurs à s’abstenir de tout contact avec les Blancs. Il exalte « toutes les nations du Nord », particulièrement leurs guerriers, selon Jean-Jacques-Blaise d’Abbadie, le commissaire général et ordonnateur en Louisiane, qui en parle ainsi : « Chez les abénakis un homme de Cette Nation n’a pas Eu de peine a Convincre tous les Siens et Successivement tous les hommes Rouges que Dieu lui estoit apparu Et lui avoit dit « [...] je vous avertis que Si vous souffrée Langlais Chez vous vous Estes morts, Les maladies, La picotte Et leur poison vous Detruiront totallement, Il faut me prier, Et ne Rien Faire qui n’aie Rapport a moy ». » Pondiac aurait écouté le voyant et, sans cesser d’être fidèle à la France, il aurait compris l’utilité du prêche pour justifier l’anéantissement des Anglais. Son discours à la rivière à l’Écorce (à quelques milles au sud de Détroit) l’indiquera en 1763.
Comme les Ouiatanons dans l’Ouest, les Tsonnontouans animent un foyer de rébellion dans l’est en 1762. C’est un soulèvement de tous les Indiens qu’ils entendent promouvoir. À leurs voisins, les Loups, ils passent un « collier souterrain » qui parvient ensuite aux Chaouanons. Les Miamis du haut de la rivière Ouabache (Wabash) le reçoivent en mars 1763. Au début de l’année, les Tsonnontouans envoient eux aussi aux Hurons un message de guerre. Mais le conflit qu’ils cherchent à provoquer n’aura pas lieu. Robert Holmes, le commandant du fort des Miamis (fort Wayne, Ind., ou tout près), intercepte leur premier collier de porcelaine (wampum). Le second laisse indifférents ses destinataires.
Revenu de la chasse au printemps de 1763, Pondiac veut déclencher une réaction armée. Assuré de l’appui et de la venue des Potéouatamis de la bande de Ninivois et des Hurons de Také, deux communautés avoisinant la sienne, il convoque un premier conseil secret à la rivière à l’Écorce le 27 avril. Environ 460 guerriers s’y rendent, ceux de son village y compris. Un plan d’attaque est élaboré. Trois jours plus tard, 40 à 60 Indiens s’introduisent dans le fort Détroit. Ils prétextent vouloir « danser Le Calumet » aux occupants et reconnaissent l’état de la garnison et la situation des magasins. Avant de passer à l’attaque, Pondiac aurait essayé, par l’envoi de messages, de coaliser d’autres groupes algiques : les Sauteux de la baie de Saguinam (Saginaw Bay), les Outaouais de L’Arbre Croche (Cross Village, Mich.), et les Mississagués de la rivière à la Tranche (Thames River).
Une deuxième conférence a lieu chez les Potéouatamis sans que les Algiques invités y soient présents. Le projet d’une tuerie se précise. De Gladwin, commandant à Détroit depuis le 23 août 1762, les Indiens solliciteront la tenue d’un grand conseil. Ils pénétreront dans le fort, dissimulant des armes sous leurs costumes. Un certain nombre d’armes seront distribuées aux résidents français, et les conjurés entreront en action au signal de Pondiac. Celui-ci affirme que François-Marie Picoté* de Belestre, l’ancien commandant de Détroit, lui a envoyé un collier de guerre.
Un informateur – on conjecture toujours sur son nom – a avisé Gladwin de la conjuration. Le 7 mai, celui-ci laisse néanmoins entrer au fort quelque 300 Indiens factieux, mais il a doublé la garde. Lui-même et ses officiers portent l’épée à l’assemblée sur la place d’armes et toute la garnison entoure les intrus. Pondiac se rend alors compte que son dessein est connu. Il n’ordonne pas le carnage. Cette rebuffade essuyée, afin d’atténuer les soupçons, il va parlementer le lendemain avec Gladwin. Trois chefs outaouais l’accompagnent. Il prétend qu’il y a eu méprise sur l’attitude des siens. Il reviendra prochainement avec eux au fort « pour fumer dans Le Calumet de paix », annonce-t-il. Entre-temps, il invite les Hurons, Potéouatamis et Canadiens des alentours à venir jouer à la crosse dans son village pour afficher leurs intentions pacifiques. Le 9 mai, avec 65 canots, tous retournent à Détroit reprendre le coup manqué. Cette fois, Gladwin ne leur ouvre pas les portes. Dépité et, par ailleurs, désireux de conserver son influence, rapidement le chef outaouais change de tactique : il décide d’assiéger le fort et de dresser des embuscades à ses approches. Des victimes parmi les fermiers sont vite faites et, en amont de la rivière, des Sauteux attaquent le détachement du lieutenant Charles Robertson. Ils l’abattent, lui, sir Robert Davers et deux soldats.
Le 10 mai, Pondiac se dit prêt à proposer une trêve à Gladwin. Chez Antoine Cuillerier, dit Beaubien, il réunit des partisans indiens et français. Parmi eux se trouvent, entre autres, Jacques Godfroy, qui collaborera à l’insurrection par la suite, et Pierre Chesne, dit Labutte, interprète. On envoie chercher des délégués adverses pour parler de paix. Deux officiers, Donald Campbell et George McDougall, se présentent. Ils sont retenus prisonniers. Aussitôt les Potéouatamis et les Hurons en sont avertis. Ils capturent deux Anglais au fort Saint-Joseph (probablement Niles, Mich.) et les amènent chez Cuillerier où ils sont mis à mort. Pondiac, à qui il reste deux otages, somme le commandant Gladwin de capituler mais il essuie un refus. Le jour suivant, avec des chefs potéouatamis, il force des paysans à lui céder des vivres. Cela ne les encourage guère à mener avec lui le siège entrepris. Les Hurons chrétiens de la bande de Téata sont aussi réticents à le suivre. Le père Pierre Potier* leur conseille la neutralité mais, usant d’intimidation, Pondiac fait passer de son côté 60 combattants. D’autres groupes se placent directement sous son autorité, notamment 250 Sauteux de la baie de Saguinam et de la rivière à la Tranche. Le 18 mai, il convoque une conférence de tous les habitants. Il exige qu’ils écrivent à Pierre-Joseph Neyon de Villiers, commandant du fort de Chartres, pour lui demander du secours. Ils le font mais de mauvais gré, appert-il, car les signataires ajoutent une note à l’écrit : « Nous Sommes Obligés de Nous Soumettre à ce que les Sauvages exigent de Nous ; Les Anglois sont Bloquez, Et Tous les Passages fermés ; Nous ne pouvons Vous Exprimer Notre Perplexité[...]. »
Peu de Canadiens ont jusque-là conspiré activement avec Pondiac. Vers la fin de mai 1763, une douzaine d’entre eux se rendent chez lui. Ils se plaignent de ses saccages et manifestent leur intention de rester neutres dans le conflit. Le chef indien leur promet de mettre fin aux déprédations et leur demande en retour d’apporter des vivres et de laisser les Indiennes cultiver le maïs dans leurs champs.
Pendant un mois, le soulèvement se répand dans tous les pays d’en haut et d’éclatantes victoires en marquent l’ampleur. Fin mai, le lieutenant Abraham Cuyler, ignorant les troubles qui sévissent à l’ouest du lac Érié, quitte Niagara avec 96 hommes et 139 barils de provisions. Dix embarcations les emportent vers le fort en péril. Un parti d’Outaouais les surprend à la pointe Pelée ; 46 Anglais sont faits prisonniers et 2 embarcations prises. Le 26 mai, les forts Saint-Joseph et Miami tombent aux mains des Miamis et des Illinois. Les Ouiatanons, Kicapous et Mascoutens s’emparent du fort Ouiatanon (près de Lafayette, Ind.) le 1er juin et, le lendemain, les Sauteux prennent Michillimakinac. Le lieutenant James Gorrell et ses troupes abandonnent par la suite le fort Edward Augustus (Green Bay, Wisc.). Le 27 mai, en Pennsylvanie, les Loups et les Tsonnontouans occupent l’établissement de William Chapman, puis ils assiègent le fort Pitt (autrefois le fort Duquesne). Tôt en juin, les Chaouanons rejoignent les Loups. Les Tsonnontouans brûlent Venango (Franklin, Penn.) vers le 16 juin et, quelques jours plus tard, se rendent maîtres du fort de la rivière au Bœuf (Waterford, Penn.). Le 21 juin, en compagnie de 200 Outaouais, Hurons et Sauteux de Détroit, ils s’emparent du fort de la Presqu’île (Erie, Penn.).
Progressivement, les plus hautes autorités des colonies américaines sont informées de l’agitation qui règne chez les Indiens. Amherst connaît mal les aborigènes et, incrédule, il sous-estime la gravité du malaise. Le 16 juin, on l’informe des pertes infligées au convoi de Cuyler. Il dépêche alors à Albany son aide de camp, James Dalyell, avec mission d’y prendre des troupes et de les conduire au fort Niagara, voire jusqu’à Détroit si l’insurrection persiste. De son côté, l’assemblée de la Pennsylvanie décide de recruter 700 soldats pour défendre la colonie. Les capitulations des postes anglais augmentent considérablement le prestige de Pondiac à l’ouest des Appalaches. Plus que tout autre, il a amorcé la résistance autochtone, mais ce chef nominal reconnu par tous les insurgés n’a sous son commandement direct que ceux faisant le siège de Détroit, soit près de 870 guerriers, s’il faut en croire le Journal ou dictation d’une conspiration. Quand il établit ce chiffre le 9 juin, peut-être l’auteur ne tient-il pas compte des 200 Outaouais, Hurons et Sauteux envoyés au fort de la Presqu’île et d’un nombre moindre de Potéouatamis déjà rendus au fort Saint-Joseph.
Cependant, les groupes rassemblés autour de Détroit pour un même mobile commencent lentement à se désolidariser. Au cours d’une beuverie, des Outaouais torturent des prisonniers et les jettent à la rivière. Irrités par une conduite aussi inhabituelle, les Potéouatamis se rendent chez Gladwin et lui disent que les Outaouais les ont acculés à la guerre. Les Hurons de Téata rencontrent le commandant pour négocier une entente. Kinonchamek, fils d’un chef très respecté des Sauteux, vient reprocher à Pondiac d’avoir violé les règles guerrières, ce à quoi le chef outaouais ne sait que répliquer. Une dernière fois, il cherche à se rallier les Canadiens restés passifs ; Zacharie Chiquot (Cicotte) et, possiblement, 300 jeunes gens acceptent de le suivre. Simultanément, il est vrai, d’autres Français se rangent du côté des Anglais et forment une compagnie militaire. Entre-temps, Cuyler atteint Détroit ; il a en main le texte du traité de Paris. Par la suite, le 6 juillet, les Potéouatamis se dissocient de Pondiac. Pareillement, les Hurons de Také rompent leur alliance. Le 25 juillet, Jacques Godfroy revient du fort de Chartres avec la nouvelle que Neyon n’enverra pas le renfort escompté.
Les secours anglais, composés de 260 soldats sous les ordres de Dalyell, arrivent le 29 juillet à la faveur du brouillard. À peine parvenu à Détroit, et contre les avis de Gladwin, le jeune et ambitieux Dalyell s’empresse de risquer une sortie spectaculaire. Dans la nuit du 1er août, il part avec un contingent de 247 hommes à dessein de surprendre le camp des assiégeants. La veille, des Canadiens ont prévenu les Indiens de la manœuvre. Par un manège peu commun à son ethnie, Pondiac espère encercler l’ennemi et le massacrer. Il n’y parvient qu’à demi : un affrontement sanglant se produit sur le pont qui franchit le ruisseau Parent (appelé par la suite Bloody Run), et les Anglais, taillés en pièces, rentrent précipitamment au fort. Parmi leurs nombreux morts, se trouve Dalyell.
Plus à l’est, en Pennsylvanie, le colonel Henry Bouquet a reçu instruction de quitter Carlisle le 18 juillet. Avec 460 hommes de troupes, il ira défendre à Pittsburgh le fort en état de siège. Là les Loups, Chaouanons et Tsonnontouans se lassent de batailler. Un de leurs assauts a raté le 1er août. Peu après, ils s’embusquent et fondent sur les colonnes de Bouquet à Edge Hill (26 milles à l’est de Pittsburgh), mais ils sont repoussés. Pourtant, à New York, Amherst n’a reçu que des nouvelles accablantes depuis juin. Le 7 juillet, il apprend la perte de Venango, des forts de la rivière au Bœuf et de la Presqu’île. Furieux, il suggère à Bouquet : « N’y aurait-il pas moyen de communiquer la petite vérole aux tribus indiennes mécontentes ? Nous devons utiliser tous les moyens à notre disposition pour les anéantir. » À Détroit les défenseurs résistent toujours. Déjà c’est le mois de septembre et Pondiac ne peut empêcher la goélette Huron et le sloop Michigan d’apporter aux assiégés des vivres et des munitions. Il lui faudrait changer de stratégie, c’est-à-dire risquer une charge générale contre le fort. Mais pour les Algiques regroupés en petites bandes, il n’est pas de bonne guerre de se laisser infliger des pertes, même infimes, et une offensive concertée pourrait en entraîner de considérables. Peu à peu, malgré la nouvelle–fausse d’ailleurs–de l’arrivée prochaine des forces de Louis Liénard* de Beaujeu de Villemomble et en dépit du dernier appel de Pondiac, la plupart de ses partisans sauteux et outaouais l’abandonnent en octobre. Ils se dispersent dans les bois pour l’hiver.
Le 29 octobre, un messager venu du fort de Chartres confirme la signature du traité de paix franco-anglais. Il apporte des lettres du commandant Neyon invitant les Indiens à enterrer la hache de guerre. Aux habitants, il conseille de se soumettre aux Britanniques ou de se retirer sur le territoire à l’ouest du Mississipi. Subséquemment, les Canadiens acceptent de vendre 8 000 livres de blé à la garnison de Détroit qui en a grand besoin. Le 31 octobre, Pondiac écrit à Gladwin : « Mon Frère, La parole que mon père a envoyée pour faire la paix je l’accepte tous mes jeunes gens ont enterres leurs hachètes, je pense que tu oubliras les mauvaises choses qui sont passées il y a quelque temps, de meme j’oublirai ce que tu peut m’aviser faire pour ne penser que de bonne, moi, les Saulteurs, les Hurons, nous devons t’aller parler quand tu nous demanderas, fais nous la réponse, je t’envoyes le conseil afin que tu le voye, si tu es bien comme moi tu me feras réponse. Je te souhaite le bon Jour. »
Déprécié par son milieu, Pondiac décide d’aller lui-même chez Neyon le convaincre de collaborer à son projet. En cours de route, il s’arrête chez les Hurons de Sandoské non encore apaisés. En compagnie de plusieurs familles outaouaises, il campe sur la rivière des Miamis (Maumee River) pour l’hiver. Des Français qui ont combattu avec lui et qui fuient Détroit le rejoignent. Le groupe se remet en marche au « petit printemps » de 1764. En mars, il s’introduit chez les Illinois dont il attise les sentiments. Reçu le 15 avril chez Neyon, Pondiac lui demande de renforcer son « armée à Détroit où elle continue la guerre contre les Anglais et ne s’arrêtera que lorsqu’il n’y aura plus d’hommes rouges ». Neyon déclare ne plus vouloir le combat, puisque Anglais et Français sont devenus frères et vivent en paix. Le chef comprend mal l’argument et ne veut pas en entendre plus ; il retourne semer l’agitation chez les Illinois. En juillet 1764, il est de retour à son nouveau campement à la rivière des Miamis. Les Loups et les Hurons de Sandoské poursuivent la paix, lui apprend-on. En son absence, le chef Manitou, son rival, s’est employé à pacifier ses derniers partisans. Une scission du village en a résulté. À l’été de 1764, Pondiac n’assiste pas au congrès de sir William Johnson à Niagara. Seuls sont représentés des groupes qui n’ont pas pris part au soulèvement. Pondiac évite les deux expéditions de John Bradstreet* et de Bouquet envoyées réprimer les derniers résistants. Il ne se montre pas non plus à la réunion des indigènes tenue à Détroit du 5 au 7 septembre.
Ses activités pendant l’automne de 1764 restent obscures. L’hiver suivant, il ne cesse de fomenter des troubles en compagnie de Minweweh, de quelques habitants et d’un chef chaouanon, Charlot Kaské. Il aurait cherché à unifier en confédération les Indiens du nord et du sud. S’il ne l’a pas fait, il a du moins invité les Arkansas à s’insurger. Charlot Kaské pour sa part a inutilement requis le soutien militaire du commandant Louis Groston* de Saint-Ange et de Bellerive à Vincennes (Ind.), le 27 août 1764. Le « chef chaouanon et un autre des illinois deputé par plus de 40 villages qui sont en guerre avec les anglois » en appelleront aux autorités françaises de La Nouvelle-Orléans en décembre 1764 et en février 1765, mais ils n’obtiendront aucune aide. Cependant, les Illinois ne déposent pas les armes et Pondiac les encourage à empêcher les Anglais d’occuper leur pays. Les Anglais y délèguent deux missions de paix. La première avorte, mais à la seconde, le 18 avril 1765, Pondiac se plie définitivement. Saint-Ange et le lieutenant Alexander Fraser l’ont enfin persuadé de la fausseté des deux seules raisons qu’il avait de continuer à susciter des conflits : il croyait les Chaouanons et les Loups encore en guerre et le territoire illinois propriété française. George Croghan confère avec Pondiac à Ouiatanon en juillet 1765 et une première entente est signée. Le chef outaouais précise une condition de la paix, à savoir que les Britanniques ne considèrent pas la cession des forts français comme leur donnant droit de posséder le pays entier et de le coloniser : les Français n’étaient installés chez eux qu’à titre de tenanciers et non de propriétaires. Pondiac et Croghan se rendent à Détroit pour faire ratifier l’accord par une assemblée d’Outaouais, de Sauteux, de Hurons et de Potéouatamis. Les chefs de la rivière Ouabache répètent à Croghan que les Français n’ont pas conquis ni acheté leurs domaines et ne peuvent donc les céder aux Anglais. Au printemps de 1766, les délégués algiques se rendent au fort Ontario (Oswego, N. Y.) afin de signer un traité final. Sir William Johnson préside la cérémonie en juillet. Auparavant, la rumeur a circulé que Pondiac recevra des autorités britanniques une solde de capitaine, ce qui excite la jalousie des autres chefs. Leur envie s’accroît au congrès, quand Johnson fait parler Pondiac au nom de tous et lui témoigne une déférence peu ordinaire, réussissant ainsi à gagner son allégeance.
À l’automne de 1766, comme à l’été de 1767, des groupements insatisfaits sollicitent la complicité du favori pour continuer la lutte contre les nouveaux occupants. Pondiac continue d’affirmer sa loyauté à l’Angleterre, ce qui amène ses anciens alliés à le détester. Son village a même décidé de l’exiler. Il parait s’être aliéné par la suite les Illinois, on ne sait trop pour quel motif. Un an plus tard, quand il reparaît à Kaskaskia (Ill.) avec quelques parents et amis, il cause un certain émoi car les Kaskaskias le redoutent ; ils colportent qu’il a une armée et envahira la confédération illinoise. Pourtant, il n’est là que pour vendre ses pelleteries. Le 30 mars 1769, il va à Cahokia. Tout près, il y a un village de Peouareas, réputés pour leurs homicides vindicatifs. Réunis en conseil en avril, ils décident qu’un des leurs, le neveu du chef Makatachinga, exécutera Pondiac. Le sinistre projet est accompli le 20 avril, au moment où, accompagné de l’assassin, le célèbre Outaouais quitte un magasin de Cahokia, Baynton, Wharton & Morgan. Sans tarder, et pour montrer l’innocence des Anglais dans l’affaire, le commandant du fort Cavendish (autrefois le fort de Chartres), John Wilkins, ordonne à un commerçant de l’endroit d’ensevelir la victime. Le marchand aurait alors laissé les Français emporter le corps de l’autre côté du Mississipi et l’enterrer à Saint-Louis (Missouri), non sans honneurs. On ignore toujours le lieu précis de la sépulture. Seul Minweweh tentera de venger l’infamie. Il tuera deux serviteurs du magasin.
Pendant tout le soulèvement, les autorités françaises de la Louisiane et du pays des Illinois ont agi correctement. En août 1763, les Anglais remontent le cours inférieur du Mississipi et occupent le territoire jusque chez les Illinois. Les administrateurs français de La Nouvelle-Orléans connaissent la colère des naturels, mais ils ne cherchent pas à exciter leurs sentiments. Au contraire, de Versailles, ils ont reçu de nouvelles consignes diplomatiques et s’y conforment, de crainte d’être disgraciés. « Quant à tous les mouvements que je vous ay fait entrevoir, Monseigneur, de la part des sauvages, je feray tout ce qui dépendra de moy pour les prévenir », écrit le gouverneur de la Louisiane, Louis Billouart de Kerlérac, au ministre de la Marine, à l’été de 1763. Le traité de Paris signé, nul Français constitué en autorité n’a intérêt à soulever les autochtones en Louisiane. « Convaincu comme je le suis, écrit Charles-Philippe Aubry (commandant des troupes à La Nouvelle-Orléans), du peu de Fond que Lon peut faire sur des hommes sans Loix et que Leur Levée de bouclier n’apportera aucun Changement aux arrangements Entre les deux Couronnes, [je pense] qu’il Serois Nécéssaire dévacuer [...] [le fort de Chartres], c’est le Seul moyens de faire Cesser Leur Entreprise. »
« Pondiak [est] Celebre a jamais dans les annalles de l’amerique du nord », écrit-on déjà en 1765, et l’histoire a retenu son nom, même si son activité n’a pas connu l’aboutissement attendu. Il a su entraîner un grand nombre d’Indiens du « Vieil Ouest » à réagir avec lui. Mais il a persuadé trop peu de Français, ce qui l’a empêché de réaliser son projet. Il fut incapable de mettre sur pied une armée qui, par ses effectifs et ses tactiques, aurait pu égaler celle de ses opposants. Pondiac ne manquait pas d’envergure. Il a lutté avec un discernement et une ténacité exceptionnels. Son ethnie lui avait transmis les règles de ses stratégies et, généralement, il les a suivies. À cet égard, nous ne saurions le juger selon nos critères. Ses harangues démontrent, au principe de son action, la préoccupation terre-à-terre de subsister. Pour cela il a comparé deux conceptions du troc et choisi la moins asservissante. Il a également appréhendé de façon aigüe les problèmes qui pour des générations à venir affligeraient les Amérindiens : la menace de l’assimilation et le lent accaparement de leurs territoires par une population européenne établissant toujours plus à l’ouest sa frontière et sa culture.
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Louis Chevrette, « PONDIAC (Pondiak, Pondiag, Pontiac, Pontiak, Ponteack, Pontiague) (Obwandiyag) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pondiac_3F.html.
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Auteur de l'article: | Louis Chevrette |
Titre de l'article: | PONDIAC (Pondiak, Pondiag, Pontiac, Pontiak, Ponteack, Pontiague) (Obwandiyag) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |