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MACPHAIL, sir ANDREW (baptisé John Andrew McPhail, il signerait Andrew Macphail à partir de 1893 environ), instituteur, journaliste, médecin, professeur d’université, auteur, rédacteur en chef, expérimentateur en agriculture et officier dans l’armée, né le 24 novembre 1864 à Orwell, Île-du-Prince-Édouard, quatrième des dix enfants survivants de William McPhail* et de Catherine Elizabeth Smith ; le 19 décembre 1893, il épousa à Montréal Georgina Nightingale Burland (décédée en 1902), et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 23 septembre 1938 au même endroit.
Andrew Macphail était le fils d’un instituteur écossais respecté qui devint l’un des inspecteurs d’écoles les plus efficaces de l’Île-du-Prince-Édouard au xixe siècle. Peu avant sa naissance, ses parents s’étaient installés dans le district rural d’Orwell ; presque tous les habitants de cette région étaient d’origine écossaise et adeptes d’une forme de calvinisme. Macphail fréquenta la grammar school de deux pièces de Uigg, non loin de là. En 1880, il obtint une bourse et poursuivit ses études pendant deux ans au Prince of Wales College de Charlottetown [V. Alexander Anderson*], établissement dont les normes d’enseignement élevées et les idéaux classiques laisseraient une marque indélébile sur sa vision des choses. Il enseigna ensuite dans des écoles rurales pendant trois ans, dont les deux dernières années et demie à la Fanning Grammar School de Malpeque. Situé à environ 55 milles d’Orwell, Malpeque était, selon ses dires, « un nouveau monde ». Plus ancien, plus raffiné et plus prospère que sa région natale, Malpeque ne possédait pas l’intensité évangélique d’Orwell, et les années que Macphail y passa furent parmi les plus heureuses de sa vie, au sein d’une collectivité peu tourmentée par les notions de péché, de repentir et d’abnégation.
La famille de Macphail entretenait une longue tradition d’érudition et, en 1885, Macphail entra à la McGill University de Montréal en deuxième année du programme d’arts ; il obtiendrait une licence ès arts en 1888, puis un doctorat en médecine en 1891. La vie urbaine étant beaucoup plus chère qu’il ne l’avait prévu, il s’engagea comme précepteur et comme journaliste pour plusieurs journaux. Il montra des capacités de travail exceptionnelles et, dès la fin de 1889, gagnait 2 000 $ par an tout en étudiant à temps plein. Il participait également à des activités hors programme et siégeait au comité de rédaction de la University Gazette de Montréal, publication étudiante bimensuelle dont il fut le rédacteur en chef en 1889–1890. Trois jours après avoir obtenu son doctorat en médecine, il signa, à New York, un contrat avec une agence de presse pour parcourir le monde en bateau et réaliser des reportages sur ses voyages qui le mèneraient en Grande-Bretagne, en Europe, en Égypte, dans le sud de l’Asie et au Japon.
À son retour à Montréal, à l’automne, Macphail ouvrit un cabinet médical. Durant les dix années suivantes, la médecine dominerait sa vie professionnelle. En 1892, il passa plusieurs mois à Londres, y obtint une licence du Royal College of Physicians et devint membre du Royal College of Surgeons of England. Le 31 mai 1893, il fut nommé professeur de maladies infantiles à la faculté de médecine du Bishop’s College, à Montréal [V. Francis Wayland Campbell*]. Moins d’un an plus tard, il accepta un poste additionnel au même endroit, à titre de professeur de pathologie et de bactériologie. En 1895 et 1896, il fut nommé pathologiste ou médecin visiteur dans un certain nombre d’établissements de Montréal. Au début de 1903, il assuma les fonctions de directeur de rédaction du mensuel Montreal Medical Journal.
Les activités d’enseignement de Macphail furent interrompues en 1905, quand la McGill University absorba la faculté de médecine du Bishop’s College. Convaincu que le Bishop’s College ne disposait pas des ressources nécessaires à une école de médecine efficace et moderne, Macphail avait joué un rôle important dans cette fusion. En 1907, il devint le premier professeur d’histoire de la médecine de la McGill University, poste qu’il occuperait pendant 30 ans ; en classe, son intention déclarée était d’« examiner les causes qui avaient engendré les diverses conceptions de la médecine dans le passé », plutôt que de se concentrer sur les faits et les biographies. Selon Charles Ferdinand Martin, collègue de la McGill University qui exercerait la fonction de doyen de la faculté de médecine de 1923 à 1936, il était aussi « un fervent défenseur d’un programme qui mettait l’étudiant en contact avec le patient le plus tôt possible, croyant que trop de formation en laboratoire dans les premières années éclipsait les principaux problèmes humains que comportait la pratique de la médecine ». Macphail était ainsi en désaccord avec les attitudes dominantes de l’époque concernant l’enseignement de la médecine. Néanmoins, il était sans aucun doute respecté au sein de sa profession, car il devint, en 1911, fondateur et rédacteur en chef du Journal, mensuel de la Canadian Medical Association publié à Toronto. Il avait fait la promotion d’une telle publication pour la première fois à l’assemblée annuelle de l’association tenue en septembre 1907 et avait proposé d’intégrer le Montreal Medical Journal dans ce projet ; la suggestion fut acceptée. Au fil des ans, il continuerait d’exprimer des opinions controversées. Le discours qu’il prononça en 1926 au Clinical Congress de l’American College of Surgeons, intitulé « An address on American methods in medical education », en est un exemple. Macphail soutenait que l’application de méthodes commerciales à la chirurgie au nom de l’efficacité avait produit des praticiens qui envisageaient leur travail de façon mécanique et qui comprenaient peu le patient dans son ensemble. Par crainte d’offenser, son successeur au poste de rédacteur en chef du Journal s’opposa à l’impression de cet exposé sur « ce système inhumain » décrit par Macphail ; ce fut plutôt le British Medical Journal qui le publia, à Londres, en 1927.
Au retour de ses voyages en 1891, Macphail s’était fiancé à Georgina (surnommée Georgie) Nightingale Burland, fille d’un homme d’affaires prospère de Montréal, George Bull Burland. Le couple s’était probablement rencontré grâce à la relation d’amitié qu’entretenait Macphail avec le frère de Georgie, Jeffrey Hale Burland*, condisciple de la McGill University. Le mariage eut lieu en décembre 1893, et les jeunes mariés partirent visiter l’Europe pendant cinq mois. Ils s’installèrent ensuite dans une maison en rangée au 216 de la rue Peel, offerte par le père de Georgie, qui deviendrait la demeure principale de Macphail jusqu’à la fin de sa vie. Georgie, qui avait toujours eu la santé fragile, mourut subitement du diabète le 22 avril 1902 pendant qu’elle se trouvait à New York en compagnie de son mari et de leurs deux enfants.
La mort de sa femme marqua la fin de la période de la carrière de Macphail axée principalement sur la médecine. Même s’il demeura actif dans les domaines de l’enseignement et du journalisme médical, il laissa sa clientèle privée diminuer et commença à montrer un intérêt sérieux pour la littérature. Dans les années qui suivirent immédiatement 1902, il prépara une anthologie de poésie ayant pour thème le chagrin, The book of sorrow, qu’il publierait à Londres en 1916.
En 1897, Macphail avait été élu au Pen and Pencil Club de Montréal, fondé sept ans plus tôt pour offrir « des divertissements sociaux et promouvoir les arts et les lettres ». Les membres de ce club, tous des hommes, étaient des écrivains et des artistes qui se réunissaient un samedi soir sur deux pendant l’hiver ; tous les mois ou toutes les six semaines, ils devaient lire ou dévoiler une œuvre originale. Parmi les artistes les plus actifs se trouvaient William Brymner*, Maurice Galbraith Cullen et Robert Harris*, de même que Paul Theodore Lafleur, professeur de littérature à la McGill University. À ces réunions, Macphail ferait la connaissance de Stephen Butler Leacock*, qui intégra le club en 1901 et devint son grand ami, et parrainerait, en 1905, le médecin et poète John McCrae* pour qu’il devienne membre du club. Macphail assuma rapidement un rôle de premier plan. Même s’il était inhabituel de faire des exposés dans des réunions consécutives, Macphail prit la parole huit fois d’affilée à partir du 22 janvier 1898. À six de ces occasions, il lut de la poésie, notamment des sonnets à deux reprises. Ces réunions étaient conviviales, en partie, selon ses dires, parce que « des artistes y parlaient d’écriture, et […] des écrivains y parlaient de peinture ».
Les activités du club étaient menées en anglais, même si celui-ci comptait quelques éminents membres francophones. Sans maîtriser le français, Macphail le parlait de façon satisfaisante et cherchait à augmenter les contacts entre l’élite professionnelle des deux communautés linguistiques. Pendant la période où il était au Bishop’s College, il avait recommandé l’embauche de personnel supplémentaire de façon à offrir des cours de médecine en français et, au club, il appuya une motion qui visait à inviter le journaliste et homme politique Henri Bourassa* à devenir membre (rien n’indique que cette proposition eut des suites).
En 1905, Macphail publia à Boston le livre Essays in Puritanism, qui comporte cinq allocutions qu’il avait prononcées au Pen and Pencil Club. Il avait déjà manifesté ses compétences d’essayiste : peu avant l’obtention de son diplôme, en 1891, il avait gagné un concours parrainé par l’American Humane Education Society en défendant la vivisection. Le jury était composé de professeurs de médecine de la Harvard University, et l’épreuve avait été ouverte à l’ensemble du monde anglophone. Son livre comprend des essais sur la vie et l’époque de cinq personnes, dont le leader puritain John Winthrop, ainsi que la journaliste et critique Sarah Margaret Fuller, qui représentèrent le puritanisme ou réagirent contre cette doctrine. Ce recueil, qui fit l’objet de nombreuses recensions, établit la réputation de Macphail d’important homme de lettres. Son roman historique, The vine of Sibmah : a relation of the Puritans, publié à New York en 1906, dont l’intrigue se déroule à l’époque de la Restauration anglaise, connut moins de succès. L’action manque de crédibilité. Néanmoins, le fait qu’il produisit cette œuvre laissa entrevoir l’une de ses marques distinctives en tant qu’écrivain : la volonté d’essayer presque tous les genres littéraires au moins une fois.
En 1907, Macphail fonda un trimestriel, le University Magazine, pour succéder au McGill University Magazine, publié à Montréal tous les six mois. Même si le premier numéro mentionnait Toronto comme lieu de publication, les livraisons ultérieures indiquèrent Montréal ; ce périodique, qu’il dirigeait lui-même et qu’il finit par financer, était en fait produit dans sa maison de la rue Peel. Son but déclaré était « d’exprimer une opinion éclairée sur des questions concernant directement le Canada et de traiter librement dans un style littéraire de toutes les affaires ayant trait à la politique, à l’industrie, à la philosophie, aux sciences et aux arts ». Macphail fut en mesure d’obtenir le parrainage de la University of Toronto, de la Dalhousie University de Halifax et de la McGill University. Il créa un comité de rédaction formé de six personnes venant de ces trois établissements, entre autres James Mavor*, Archibald McKellar MacMechan et William Peterson*. Néanmoins, c’était indubitablement Macphail qui tenait les commandes. Il faisait appel à un grand nombre de relations et dirigeait des personnalités difficiles avec une habileté consommée. La revue publiait à l’occasion des textes en français, tant en prose qu’en poésie. Son objectif était d’attirer un auditoire plus large que les lecteurs universitaires et, grâce au style clair et non technique de la publication, Macphail parvint à l’atteindre de façon remarquable. La communauté universitaire canadienne comptait des centaines de membres, mais son trimestriel tirait à une certaine époque, probablement en 1912, à près de 6 000 exemplaires.
Durant les 13 années d’existence du University Magazine, ce fut Macphail qui fournit le plus grand nombre d’articles, soit 43. Il y traitait des affaires publiques de l’époque, exposant une philosophie approfondie en matière de conservatisme social et politique qui trouvait sa première expression dans l’impérialisme. Se concentrant sur le rôle de son pays dans l’Empire britannique, il mit en évidence les points communs entre le Canada et la Grande-Bretagne, la maturité croissante de l’ancienne colonie et le besoin pour cette dernière d’assumer de plus grandes responsabilités, entre autres dans les questions liées à la défense de l’Empire. « Nous ne pouvons partager la gloire de l’Empire sans partager ses dangers et, pour parler franchement, ses frais. » Dans le débat public sur l’avenir du Canada, Macphail se rangeait sans équivoque du côté des partisans de la fédération impériale, contre l’autonomie. Toutefois, il s’opposa catégoriquement à la déclaration de l’homme politique britannique Joseph Chamberlain, en 1896, selon laquelle l’« Empire [était] du commerce », car il soutenait que l’impérialisme se comparait plutôt à un sentiment familial. En 1909, il publia Essays in politics à Londres et à New York, ouvrage qui comprend en grande partie des réimpressions de textes parus dans son magazine sur le thème de l’impérialisme.
D’un ton de plus en plus incisif, Macphail critiqua les progrès de l’industrie réalisés au détriment de l’agriculture, tendance qu’il assimilait au matérialisme. Il était en désaccord avec le Parti conservateur fédéral, car ce dernier soutenait le protectionnisme tarifaire. Préconisant un mode de vie rural, il précisa, au fil des ans, l’idée qu’il prônait : l’agriculture mixte traditionnelle. « Des images de champs de blé ondoyants où 16 “lieuses” avancent en échelon ne suffisent pas. L’agriculture est un mode de vie. Ce n’est rien d’autre que cela. Il ne s’agit pas d’un commerce. » Dans un court article portant le titre lourd de sens « Prince Edward Island », il écrivit que « l’homme qui s’adonne à l’agriculture seulement pour l’argent qu’elle procure est un fou, car une personne qui peut faire des profits en agriculture peut en faire beaucoup plus dans un autre domaine ». Il garda contact avec l’Île-du-Prince-Édouard et, à partir de 1905, l’année de la mort de son père, passa ses étés à la maison familiale, où sa mère demeurait. À cet endroit, Macphail et l’un de ses frères cadets, James Alexander, professeur de génie au Queen’s College de Kingston, en Ontario, exaltaient les avantages de l’agriculture scientifique et effectuaient des expériences relatives à la culture des pommes de terre et du tabac. Leur intention était d’aider à faire de l’agriculture une activité viable au xxe siècle dans leur province natale, dont la population diminuait de façon alarmante.
À la fin de la première décennie du siècle, Macphail dénonça le courant moderniste dans la religion, l’éducation et le rôle des femmes. Il exposa son point de vue sur ces questions dans le livre intitulé Essays in fallacy, publié à New York en juin 1910. L’ouvrage commence par deux articles sur les femmes. Macphail y affirmait que la sphère propre à la femme était la famille, que l’ère de la machine rendait beaucoup de ses compétences superflues et que, par conséquent, elle cherchait à s’épanouir à l’extérieur du foyer, ce qui entraînait des résultats désastreux pour la société. Cette femme nouvelle exigeait le droit de vote ; l’un des essais du livre de Macphail attaque vigoureusement le mouvement en faveur du suffrage féminin. Il défendait également les concepts traditionnels de l’éducation contre l’envahissement de l’utilitarisme et argumentait contre « la nouvelle Église » et, à la demande insistante de l’époque, l’adaptation de la religion aux changements sociaux. Ce fut sa critique du féminisme qui suscita le plus de réactions ; l’historienne Veronica Strong-Boag le considère comme l’un des principaux écrivains antiféministes canado-britanniques. Cependant, en tant que rédacteur en chef, il prévoyait de l’espace dans le University Magazine pour publier des opinions contraires aux siennes : tout juste avant l’un de ses propres articles où il déplorait le féminisme, il publia le texte « Votes for women », écrit par une suffragette de Toronto, Sonia Leathes.
Parmi les thèmes souvent abordés par Macphail figurait la nécessité d’unir la théorie à la pratique. Avant la Première Guerre mondiale, il avait préconisé la planification et l’esprit militaire pour contrebalancer les effets affaiblissants de la société moderne. Quand le conflit éclata en 1914, il soutint la participation du Canada et insista pour servir, même à près de 50 ans et presque borgne à la suite de l’explosion, en 1911, d’une bouteille de boisson gazeuse. Promu capitaine en mars 1915, il partit pour l’Angleterre en mai, puis, de là, pour la France, en septembre. Pendant 14 mois, il participa aux efforts de guerre à titre de médecin militaire rattaché à l’Ambulance de campagne no 6 et d’officier d’état-major près du front pendant six autres mois. Il tint un journal durant ses années à l’étranger. Son opinion changea : il devint profondément dégoûté par la guerre. En octobre 1916, il écrivit que « durant [un] après-midi, [il] [avait dormi] pendant deux heures, et [avait souhaité] avoir perdu la vie sur la Somme [… Il] ne [voyait] aucune issue à la guerre. » Au sujet du service militaire, il nota ceci : « L’inhumanité […] m’horrifie. Seules les circonstances les plus exceptionnelles peuvent permettre de rendre le moindre service à un homme sans enfreindre un règlement. » Son moral atteignit peut-être son point le plus bas lorsqu’il fut désigné comme médecin qui assisterait à la mise à mort d’un soldat par un peloton d’exécution. À la fin de mai 1917, il accepta, avec un certain soulagement, une mutation au quartier général de Londres. En juin, on le promut major. Le 23 mars 1918, il reçut un titre de chevalier ; sa contribution aux lettres canadiennes avait sans aucun doute exercé une certaine influence, mais l’exemple qu’il avait donné en tant que Canadien d’âge mûr, bien en vue, qui avait volontairement supporté de grandes épreuves et tout risqué pour l’effort de guerre, joua probablement un rôle crucial dans la décision de lui décerner cet honneur.
À son retour au Canada, au printemps de 1919, Macphail souffrait de glaucome ; jusqu’à l’automne, sa vue était trop mauvaise pour qu’il puisse lire. Pendant son absence, le University Magazine, dirigé par Peterson, avait perdu beaucoup de lecteurs et sa qualité avait diminué. Tandis que Macphail avait fait du paiement des collaborateurs un principe, Peterson avait cessé cette pratique, car la situation financière du périodique s’était détériorée. Après l’envoi de quatre numéros à l’impression, Macphail ferma le trimestriel en 1920. Ses points de vue politiques et sociaux devenaient démodés et, dans une note qu’il envoya à Mavor, il admit craindre « de commencer à dire des sottises ». Quand les jeunes hommes qu’il avait engagés pour l’aider à poursuivre ses expériences agricoles partirent soudainement pour l’Ouest canadien, il abandonna les projets. Il souffrit également d’une autre infirmité en raison d’une tentative de meurtre dont il fut apparemment victime en 1921 ; un homme, sans doute à l’esprit dérangé, était entré dans sa maison et avait tiré plusieurs coups de feu, blessant Macphail, avant de s’enlever la vie. Macphail passa un mois à l’hôpital et ne recouvra jamais toutes ses forces. Un éclat de balle, qui s’était logé dans la partie supérieure de son bras droit, le faisait terriblement souffrir de temps à autre et l’empêchait d’utiliser sa main d’écriture de façon prolongée.
Néanmoins, Macphail continua de contribuer à la vie culturelle canadienne. En 1921, il offrit la première traduction en anglais de Maria Chapdelaine, œuvre que Louis Hémon* avait publiée à Montréal en 1916. Ce roman correspondait bien à sa compréhension idéalisée de la province de Québec en tant que bastion du conservatisme. Partisan des droits de la minorité francophone, il exprimait son admiration pour les réalisations culturelles du Canada français et avait traduit de la poésie française. À titre de mécène, il encouragea de jeunes écrivains, tel James Sinclair Ross*, et contribuerait généreusement au financement du Montreal Repertory Theatre, qui présentait des pièces en anglais et en français, après sa fondation en 1929.
Ses deux livres les plus controversés de l’après-guerre furent Official history of the Canadian forces in the Great War, 1914–19 : the medical services, publié à Ottawa en 1925, et Three persons, paru à Londres en 1929. Le premier ouvrage constitue une défense passionnée des réalisations des services médicaux et comporte une critique sérieuse du ministre de la Milice et de la Défense, sir Samuel Hughes*. Le second est un recueil d’essais sur des personnalités que le public a appris à connaître pendant la Première Guerre mondiale : le feld-maréchal britannique sir Henry Hughes Wilson, le diplomate américain Edward Mandell House et Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie. Le caractère distinctif de cet ouvrage résidait dans la méthode utilisée par Macphail. Ses sources sont presque exclusivement les mémoires publiés par ses sujets. Ce livre fit immédiatement sensation en Grande-Bretagne, en raison du traitement réservé à Wilson, qu’il dépeignit comme un flagorneur et un intrigant qui se préoccupait peu de la perte de vies humaines au front.
Macphail publia un grand nombre d’essais, de nouvelles et de recensions dans les années 1920 et 1930. Ses essais abordaient une vaste gamme de thèmes, notamment la littérature, l’histoire de la médecine, la religion, les arts et l’histoire militaire. Parmi ses écrits sur la religion figure un court ouvrage intitulé The Bible in Scotland, publié à Londres en 1931. Il écrivit également des pièces de théâtre, dont certaines parurent en entier ou en partie. Au moins l’une d’entre elles, Good theatre, satire en un acte sur le Montreal Repertory Theatre, fut interprétée par cette troupe en 1931. Macphail poursuivait ainsi son désir d’essayer différents genres littéraires ; en 1914, il avait publié à Montréal The land : a play of character in one act with five scenes, qui présentait des citadins malheureux et axés sur le matérialisme qui aspiraient secrètement à renouer avec la terre. Cette pièce serait considérée par Gordon Lester, du Canadian Adaptations of Shakespeare Project, comme « une adaptation libre de la pièce la Mégère apprivoisée » ; en effet, le retour à la terre y est montré comme solution à la discorde familiale causée par la femme moderne.
Durant l’été de 1938, pendant qu’il se trouvait à l’Île-du-Prince-Édouard, Macphail subit une crise cardiaque dont il ne se remit jamais. On le transporta dans un hôpital de Montréal, où il mourut, et il fut enterré auprès de sa femme au cimetière Mont-Royal à Outremont (Montréal).
L’œuvre littéraire la plus durable de Macphail, The master’s wife, portrait semi-autobiographique de la vie à Orwell durant la deuxième moitié du xixe siècle, parut après sa mort et joua un rôle essentiel pour faire de lui une figure emblématique de sa province natale. Ce récit réussit à saisir un type particulier de communauté canado-écossaise et constitue un trésor d’information sur ses pratiques et sa vision du monde ; il fait la lumière sur des sujets inhabituels, comme la relation complexe des agriculteurs avec les animaux domestiques. Le maître et la femme dont il est question dans le titre sont le père et la mère de Macphail. Il existe une tension persistante entre la piété du mari et les attitudes relativement humanistes de son épouse, à qui la parenté offre « un refuge païen contre les problèmes du péché ». Le point de vue adopté est celui d’un enfant ; Macphail le compare à « l’esprit d’un rêveur la nuit », qui associe librement des souvenirs et des éléments disparates pour former « une suite fantastique » possédant « la force de la réalité intense ». La technique d’écriture est aussi remarquable que le contenu.
Ce livre, tout comme la création du University Magazine, est l’une des plus grandes réussites de Macphail, voire sa plus grande. Il travailla avec plus d’ardeur sur cette œuvre que sur n’importe quel autre de ses écrits. Une lettre datant de 1927 destinée au sculpteur et éducateur Robert Tait McKenzie, ancien condisciple de Macphail, révèle qu’il avait un manuscrit à lui envoyer par la poste pour connaître son opinion ; Macphail continua de le réviser jusqu’à la fin de sa vie. Ses enfants publièrent l’ouvrage à titre privé grâce à une imprimerie de Montréal en 1939, mais sans l’aide d’un véritable réseau de distribution. Ce fut seulement après sa réimpression par des éditeurs en 1977 et 1994 que l’œuvre attira l’attention d’un large public. C’est surtout grâce au livre The master’s wife que le nom de Macphail figure maintenant aux côtés de ceux de Lucy Maud Montgomery* et de Milton James Rhode Acorn*, en tête de la liste des écrivains de l’Île-du-Prince-Édouard qui tirèrent inspiration de leur province.
Un autre facteur contribua à établir la réputation de Macphail à l’Île-du-Prince-Édouard. La propriété de sa famille fut donnée au gouvernement provincial en 1961, mais on en négligea l’entretien, ce qui créa une controverse publique à la fin des années 1980. En même temps qu’il convoquait des élections pour le 29 mai 1989, le gouvernement du premier ministre Joseph Atallah Ghiz annonça qu’il offrirait des fonds pour restaurer la maison. Aujourd’hui, la ferme comprend des sentiers d’interprétation de la nature, une pépinière et un projet d’écologie forestière ; l’information offerte sur place présente Macphail comme un précurseur de l’utilisation durable des terres. Située sur une route de campagne étroite et pittoresque, la ferme est un endroit d’une grande tranquillité.
La reconnaissance du talent artistique de Macphail grâce au livre The master’s wife, la redécouverte de sa défense déclarée de la vie rurale et la saga de la propriété de sa famille ont toutes contribué à mieux faire connaître sa carrière, ses réalisations et ses convictions. Son insistance sur le fait que l’impérialisme était fondé sur un sentiment plutôt que sur des considérations commerciales, son opposition à la protection tarifaire, sa conception de l’agriculture comme mode de vie plutôt que comme entreprise et les expériences agricoles qu’il effectua à l’Île-du-Prince-Édouard sont unies par un fil conducteur : sa foi en une société distincte basée sur la solidarité et une relative indifférence envers les concepts matérialistes. C’était l’idée qu’il se faisait de « la bonne société » et celle-ci était menacée par les tendances modernes.
Sir Andrew Macphail fut reconnu par un large public d’abord en tant qu’impérialiste. Comparativement à d’autres grands écrivains canadiens de cette tradition, il fut particulièrement remarquable en raison des multiples intérêts qu’il exprima dans ses écrits. Son approche globale de la société était attribuable en partie à sa formation en médecine, qui mettait l’accent sur la nécessité de comprendre le patient dans son ensemble. Dans l’histoire littéraire canadienne, Macphail se distingue comme essayiste de réputation internationale, meilleur exemple d’homme de lettres canadien généraliste, styliste accompli et habile rédacteur en chef fondateur du University Magazine. Dans l’une de ses épigrammes caractéristiques, il indiqua aux lecteurs du premier numéro du Journal de la Canadian Medical Association qu’« un texte facile à lire [était] difficile à écrire ».
Une bibliographie exhaustive des publications de sir Andrew Macphail ainsi qu’une liste complète des sources se trouvent dans notre ouvrage Sir Andrew Macphail : the life and legacy of a Canadian man of letters (Montréal, 2008). Les lecteurs peuvent également se référer à notre thèse : « Sir Andrew Macphail as a social critic » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1974).
Nous avons consulté les papiers de Macphail lorsqu’ils étaient en la possession de sa fille, Dorothy Cochrane Lindsay ; la majorité de ces documents ont ensuite été confiés à BAC, où ils font partie de l’Andrew Macphail fonds (R2364-0-6). Les registres des procès-verbaux du Pen and Pencil Club (P139), conservés au Musée McCord (Montréal), constituent une autre source importante. Outre l’information qu’ils contiennent sur ses activités au sein du club, les quatre volumes de ces registres fournissent les titres de plusieurs poèmes de Macphail, dont peu semblent subsister. Le testament olographe de Macphail, daté du 27 mars 1935, avec un codicille du 18 févr. 1937, est conservé à BAnQ-CAM (CT601-S1, 26 nov. 1938). L’article de son ami S. [B.] Leacock, « Andrew Macphail », Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario), 45 (1938–1939) : 445–452, évoque la personnalité de Macphail de façon inégalée. En 1990, Katherine Dewar, de Charlottetown, a mené une série de précieuses entrevues, dans lesquelles des gens évoquent leurs souvenirs de Macphail pendant la période qui a suivi la Première Guerre mondiale ; ces enregistrements sur cassettes audio sont à la Univ. of P.E.I., Robertson Library, Univ. Arch. & Special Coll., Sound and Moving Image Arch. (Charlottetown), Acc. 2008-010 (K. Dewar coll.).
Une œuvre de Macphail est essentielle à la compréhension de ce personnage : The master’s wife (Montréal, 1939 ; réimpr., introd. par I. R. Robertson, Toronto, 1977 ; réimpr., nouvelle introd. par I. R. Robertson, Charlottetown, 1994). L’introduction de la réimpression la plus récente est considérablement plus longue que la précédente et tient compte de la reconnaissance que l’on accorde à Macphail à l’Île-du-Prince-Édouard depuis les années 1970. En termes de critique littéraire, l’étude de K. [A.] Mac[K]innon, « Technique in The master’s wife », Essays on Canadian Writing (Toronto), 31 (été 1985) : 65–74, et celle de J. K. Keefer, Under eastern eyes : a critical reading of Maritime fiction (Toronto, 1987), fournissent les commentaires les plus perspicaces sur The master’s wife. Notre article « Macphail, Andrew », dans Encyclopedia of the essay, Tracy Chevalier, édit., (Londres et Chicago, 1997), 512–513, porte plus particulièrement sur Macphail en tant qu’essayiste.
Macphail a relativement peu retenu l’attention d’historiens canadiens. Carl Berger, dans The sense of power : studies in the ideas of Canadian imperialism, 1867–1914 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1970), le situe avec justesse dans la tradition de la pensée impérialiste canadienne ; S. E. D. Shortt, dans The search for an ideal : six Canadian intellectuals and their convictions in an age of transition, 1890–1930 (Toronto et Buffalo, 1976), affirme, mais sans convaincre, que le point de vue de Macphail s’explique par sa dévotion à une philosophie idéaliste. Nous renvoyons aussi les lecteurs à l’article de S. E. D. Shortt, « Essayist, editor, & physician : the career of Sir Andrew Macphail, 1864–1938 », Canadian Literature (Vancouver), 96 (printemps 1983) : 49–58, et à notre essai, « Andrew Macphail : a holistic approach », Canadian Literature, 107 (hiver 1985) : 179–186. Veronica Strong-Boag, dans « Independent women, problematic men : first- and second-wave anti-feminism in Canada from Goldwin Smith to Betty Steele », Hist. sociale (Ottawa), 29 (1996) : 1–22, étudie l’antiféminisme de Macphail. David Campbell, dans « I would not have missed it for the world : Sir Andrew Macphail’s war », part. 1–2, Island Magazine (Charlottetown), no 51 (printemps–été 2002) : 2–10 ; no 52 (automne–hiver 2002) : 2–9, fait un résumé pénétrant de ses services rendus en temps de guerre.
Ian Ross Robertson, « MACPHAIL, sir ANDREW (baptisé John Andrew McPhail) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/macphail_andrew_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/macphail_andrew_16F.html |
Auteur de l'article: | Ian Ross Robertson |
Titre de l'article: | MACPHAIL, sir ANDREW (baptisé John Andrew McPhail) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2016 |
Année de la révision: | 2016 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |