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CRONYN, HUME BLAKE, soldat, avocat, homme d’affaires et homme politique, né le 28 août 1864 à London, Haut-Canada, fils de Verschoyle Cronyn et de Sophia Eliza Blake ; le 4 septembre 1892, il épousa dans cette ville Frances Amelia Labatt, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 19 juin 1933 au même endroit.
Hume Blake Cronyn naquit dans l’une des trois importantes familles étroitement liées de London. Originaires d’Irlande, les Cronyn, les Hume et les Blake étaient arrivés dans la région à bord du brick Anne of Halifax à l’été de 1832. Hume Blake fut prénommé comme le voulait la coutume pour les enfants issus des mariages entre les membres de ces familles. Il avait des liens de parenté avec bon nombre d’éminentes personnalités du Haut-Canada. Son grand-père paternel, Benjamin Cronyn*, fut le premier évêque anglican du diocèse de Huron et l’un des fondateurs du Huron College. Son père, Verschoyle, célèbre avocat, deviendrait conseiller du roi en 1902, fondateur de la Huron and Erie Loan and Savings Company (mieux connue sous le nom de Huron and Erie Savings and Loan Society) et chancelier du diocèse. Sa mère, Sophia Eliza, était une des filles de William Hume Blake*, premier chancelier du Haut-Canada, et sœur d’Edward Blake*, éminent avocat qui occuperait les charges de premier ministre de l’Ontario, de ministre de la Justice dans le cabinet d’Alexander Mackenzie* et de chef du Parti libéral fédéral. Lorsque Cronyn avait six ans, sa grand-mère maternelle, Catherine Honoria Hume Blake*, veuve depuis peu, vint habiter avec ses parents. Matriarche des trois familles, elle entretenait de fortes convictions et comptait de nombreuses réalisations à son actif. Sa discipline rigoureuse et la ferveur de sa foi chrétienne évangélique influencèrent sans aucun doute son jeune petit-fils.
Cronyn étudia d’abord à la très réputée Galt Grammar School de William Tassie* et au London Collegiate Institute. Il entra ensuite à la University of Toronto et se joignit à l’unité de milice du Queen’s Own Rifles, qui partit au printemps de 1885 pour aider à mater la rébellion du Nord-Ouest menée par Louis Riel*. Le 2 mai, le régiment du caporal Cronyn, sous le commandement du lieutenant-colonel William Dillon Otter*, combattit au mont Cut Knife les tireurs autochtones partisans de Poundmaker [Pītikwahanapiwīyin*]. Les hommes d’Otter durent finalement battre en retraite, mais, pour son rôle dans cette bataille, Cronyn reçut la médaille du Nord-Ouest canadien avec agrafe, qu’il porta fièrement.
Une fois la rébellion réprimée, Cronyn retourna à ses études à Toronto et obtint sa licence ès arts en 1886. À l’époque, l’université s’apprêtait à fonder une faculté de droit qui offrirait le programme de licence en droit ; deux de ses oncles, Edward et Samuel Hume Blake*, figuraient au nombre des maîtres de conférences. Cronyn compta parmi la poignée d’étudiants (dont le futur juge en chef Lyman Poore Duff*) qui s’inscrivirent à ce programme éphémère. En 1889, il termina ses études et fut admis au barreau ; il ne reçut officiellement son diplôme que l’année suivante. Il commença à exercer à London au sein du cabinet Cronyn and Betts, fondé par son père et son oncle Frederick Pimlott Betts, marié à une de ses tantes paternelles. Située dans les Huron and Erie Buildings, la firme fournissait des services juridiques à leur principal occupant, la Huron and Erie Loan and Savings Company, ainsi qu’à sa future filiale, la Canada Trust Company, et au synode anglican de Huron ; ces clients avaient tous des liens familiaux avec leurs conseillers juridiques.
Le 4 septembre 1892, Cronyn épousa Frances Amelia Labatt, deuxième fille d’un autre éminent citoyen de London, John Labatt*. Cette union comportait de grands avantages. Labatt possédant et exploitant une importante brasserie, dont l’India pale ale bénéficiait d’une popularité considérable, Cronyn avait une belle-famille au moins aussi riche et influente que la sienne. Il exerça sa profession dans l’entreprise familiale durant 18 ans, sans vraiment s’y distinguer ; pendant cette période, il se joignit au 7th Battalion of Fusiliers et obtint le grade de major. En 1907, il cessa de pratiquer le droit pour devenir chef des opérations de la Huron and Erie Loan and Savings Company (renommée Huron and Erie Mortgage Corporation en 1915) ; rapidement, il montra plus d’aptitudes pour l’administration financière que pour le droit. Il serait aussi directeur général de la Canada Trust Company et directeur, puis président (en 1920), de la Mutual Life Assurance Company of Canada.
Sa famille appuyant les libéraux depuis longtemps, ce fut sans surprise que Cronyn s’impliqua dans ce parti. En 1898, il déclina l’investiture libérale dans la circonscription provinciale de London ; il prononça plutôt un discours drôle et efficace en soutien au colonel Francis Baxter Leys, qui remporta l’élection. Dix ans plus tard, Cronyn travailla en coulisse pour aider le premier ministre sir Wilfrid Laurier* à mobiliser des capitaux en France. Lorsque Cronyn devint finalement candidat, il se présenta cependant contre le Parti libéral. En 1917, il compta parmi les libéraux de l’Ontario (dont Frank Broadstreet Carvell*, Newton Wesley Rowell* et Arthur Lewis Watkins Sifton*) qui acceptèrent l’invitation du premier ministre conservateur, sir Robert Laird Borden, à former un gouvernement de coalition pour mettre en œuvre la conscription, jugée nécessaire dans le contexte de la Première Guerre mondiale. Le major Cronyn, qu’on appelait toujours ainsi, devint le candidat unioniste de la circonscription de London. George Sutton Gibbons, homme politique de la région et fils de sir George Christie Gibbons*, se présenta contre lui pour le Parti libéral de Laurier. Le 17 décembre 1917, au terme d’une âpre campagne, Cronyn fut élu avec plus de 62 % des voix.
Durant les trois années et demie de son mandat, Cronyn participa activement aux travaux des Communes. Il fut responsable d’une modification du Code criminel, relative aux locataires coupables d’actes frauduleux, et présida trois comités parlementaires spéciaux, dont deux sur les pensions (y compris celles des soldats de retour du front) et un sur la recherche scientifique [V. Archibald Byron Macallum]. On remarqua particulièrement son rôle au sein du deuxième comité sur les pensions en raison des réunions publiques où il dut répondre avec tact aux questions des anciens combattants invalides et de leurs familles. Mettant également ses talents d’orateur au service du secteur hypothécaire, il réclama que les entreprises comme la Huron and Erie Mortgage Corporation puissent accepter des dépôts du public.
Quand Arthur Meighen* succéda à Borden comme premier ministre, en juillet 1920, on supposa à tort que Cronyn deviendrait ministre au cabinet : soit il ne reçut pas de proposition de Meighen, soit il la rejeta. Il refusa de briguer les suffrages aux élections générales du 6 décembre 1921. Publiquement, il affirma qu’il ne pouvait concilier un autre mandat avec ses intérêts commerciaux. En vérité, Cronyn avait peu d’options : malgré son étroite amitié avec le premier ministre, il ne voulait pas se présenter sous l’étiquette du Parti libéral et conservateur national de Meighen, et les libéraux, alors dirigés par William Lyon Mackenzie King*, se montraient réticents à appuyer un homme qui avait déserté le parti pendant la crise de la conscription.
Après que Cronyn eut quitté la vie politique, ses affaires ne l’empêchèrent pas d’accepter plusieurs charges publiques chronophages. En 1922, on le nomma au conseil d’administration du Conseil consultatif honoraire de recherches scientifiques et industrielles (précurseur du Conseil national de recherches du Canada). De 1921 à 1923, il présida un conseil d’arbitrage trié sur le volet (constitué de lui-même, de sir Adam Beck* et de sir William Thomas White*) chargé de fixer le montant de l’indemnité que la nouvelle Toronto Transportation Commission, de propriété municipale, devait payer à la Toronto Railway Company pour l’expropriation de ses lignes et de son équipement. Cronyn rédigea et lut à voix haute le rapport majoritaire allouant environ 12 millions de dollars à la Toronto Railway Company ; la ville contesta cette somme, mais le tribunal la jugea appropriée. Cette expérience le mena à s’opposer haut et fort au droit des gouvernements d’exproprier les propriétaires privés en imposant leurs propres conditions.
En 1925, Cronyn joua un rôle de premier plan dans la commission royale d’enquête, présidée par sir Andrew Rae Duncan, chargée d’étudier les problèmes de l’industrie houillère en Nouvelle-Écosse [V. James Bryson McLachlan]. Soulignant que les promesses faites à cette province pour la convaincre d’entrer dans la Confédération avaient été déçues et que son lien d’attachement au dominion avait beaucoup décliné, Cronyn, pour préserver la prospérité et l’unité du pays, encouragea les entreprises canadiennes à acheter le charbon de la Nouvelle-Écosse même s’il coûtait plus cher. Entre-temps, il continua de diriger la Huron and Erie Mortgage Corporation et la Canada Trust Company, et d’exercer ses responsabilités de président de la Mutual Life Assurance Company of Canada. Toutes ces entreprises prospérèrent sous sa conduite : par exemple, en 1927, l’actif de la Huron and Erie Mortgage Corporation s’élevait à près de 40 millions de dollars et son taux de croissance annuel à 20 %. On reconnut le succès de Cronyn en le nommant président honoraire et membre de la direction de l’association professionnelle de l’industrie : la Dominion Mortgage and Investments Association.
Un différend passager avec son fils homonyme, le benjamin, marqua les dernières années de la vie de Hume Blake Cronyn. Ayant hérité du talent de son père à captiver le public, le jeune Hume Blake* aspirait à devenir acteur et, contrairement à son frère Verschoyle Philip, à la tête d’une agence d’assurance et membre du conseil d’administration de la Huron and Erie Mortgage Corporation, de la Canada Trust Company et de la John Labatt Limited, ne s’intéressait ni au droit ni à la finance. Il défierait ses parents, poursuivrait son rêve et monterait sur les planches ; en 1934, il fit ses débuts à Broadway en jouant le rôle d’un concierge dans la pièce Hipper’s holiday. Son père ne vécut pas assez longtemps pour y assister. Souffrant, pendant les dernières années de sa vie, d’une maladie débilitante qui lui causait des crises épileptiques, Cronyn avait démissionné de ses différents postes en février 1933 ; il mourut le 19 juin. Le Hume Cronyn Memorial Observatory, construit grâce aux fonds donnés par sa femme en 1940 à la University of Western Ontario, honore son nom et commémore le profond intérêt de Cronyn pour la science. La brillante carrière de son fils, sur scène et à l’écran, éclipsa toutefois ses succès commerciaux et politiques. Aujourd’hui, Hume Blake Cronyn père doit presque exclusivement sa renommée au fait d’être le père de l’acteur Hume Blake Cronyn.
Hume Blake Cronyn est l’auteur de « Canadian loan and savings companies », Scottish Bankers Magazine (Édimbourg et Londres), 6 (avril 1914–janvier 1915) : 97–107. Il a prononcé un discours intitulé « The weak spot in our Canadian constitution » devant l’Empire Club of Canada, qui l’a publié dans Addresses (Toronto), 1926 : 295–309.
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C. Ian Kyer, « CRONYN, HUME BLAKE (1864-1933) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cronyn_hume_blake_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cronyn_hume_blake_16F.html |
Auteur de l'article: | C. Ian Kyer |
Titre de l'article: | CRONYN, HUME BLAKE (1864-1933) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2020 |
Année de la révision: | 2020 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |