FINLAY, HUGH, marchand, fonctionnaire, seigneur, homme politique et propriétaire foncier, né vers 1730, peut-être à Glasgow, Écosse, troisième fils de Robert Finlay, tanneur et cordonnier, et de Susanna Parkins ; vers 1769, il épousa à Québec Mary Phillips, et ils eurent dix enfants ; décédé le 26 décembre 1801 à Québec.

Partant de Glasgow, Hugh Finlay fit voile à destination de Québec au début de 1763, muni de plusieurs atouts qui lui promettaient la réussite. Il avait des relations familiales dans les milieux d’affaires de Glasgow et de Londres, ainsi que suffisamment de capitaux pour se joindre à une société de marchands en gros à Québec. Son aisance à s’exprimer en français s’avérerait utile, non seulement en affaires mais aussi pour se lancer dans une carrière administrative car, dans la colonie, rares étaient les immigrants britanniques bilingues. En fait, il apparaissait clairement, même avant son départ, qu’une carrière dans la fonction publique s’était amorcée, puisque Finlay était assuré d’être nommé maître des Postes de la colonie dès son arrivée.

À Québec, Finlay s’associa avec Stephen Moore, marchand qui s’était établi dans la ville en août 1761, moins de deux ans après sa prise par les troupes britanniques. Leur association illustre bien les méthodes et les risques d’une entreprise commerciale dans cette période de transition. Ils acquirent des locaux rue Saint-Pierre dans la basse ville puis, en mars 1764, achetèrent du chirurgien Jean-Baptiste Rieutord un lot et une maison à Baie-Saint-Paul afin peut-être de les utiliser en vue d’un commerce. Le mois suivant, ils obtinrent de François Foucault*, ancien membre du Conseil supérieur de la Nouvelle-France, pour la somme de 21 000#, une boulangerie située rue Saint-Charles. Ce dernier exigea d’être payé en espèces, évitant ainsi les billets de banque qui se dévalorisaient rapidement, de sorte que l’achat greva immédiatement la nouvelle association. Moore et Finlay ouvrirent un commerce de détail à leur local de la rue Saint-Charles, où ils vendaient toute une gamme d’articles, annoncés presque poétiquement dans la Gazette de Québec : boucles, boutons, bottes, gobelets, goudron, guipure, mousseline, molleton, mouchoirs de toile, miroirs de poche, marmites de fer, soie, satin, serge, toile, tasses, tuyaux, taffetas. Le milieu des années 1760 fut cependant difficile pour beaucoup de marchands de l’Amérique du Nord, indépendamment de leurs relations commerciales ou culturelles. Moore et Finlay se trouvèrent bientôt lourdement endettés, en même temps qu’augmentaient leurs créances : en décembre 1764, Alexandre Dumas, marchand de Québec, leur devait £4 000 ; quant à Charles Curtius, marchand de la vallée du Richelieu, sa dette s’élevait à £2 200 en novembre 1766. Malgré l’avantage dont jouissait Finlay, auquel devait s’ajouter l’application qui caractérisa sa carrière tout entière, Moore et Finlay n’avaient exploité leur commerce qu’un peu plus d’une année quand ils durent le céder à leurs créanciers en août 1765. Trois mois plus tard, ils vendirent pour £3 000 leurs locaux de la rue Saint-Pierre ainsi qu’un lot de grève qui leur avait été concédé en juin.

Tout en faisant affaire avec Moore, Finlay s’était mis également, de son côté, à faire des investissements fonciers. En 1764, il acheta la seigneurie de François Foucault, dans le haut de la rivière Richelieu, à l’entrée du lac Champlain, pour 15 000# en pièces d’or et d’argent, dont le versement fut étalé sur cinq ans. Trois ans plus tard, conjointement avec Francis Mackay, inspecteur général des forêts du roi, et avec Samuel McKay, marchand montréalais, Finlay reçut le lot no 55 dans l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard).

Ce fut probablement le comte d’Egmont qui arrangea la nomination de Finlay comme maître des Postes en résidence à Québec au cours des derniers mois du gouvernement du comte de Bute, et ce furent Benjamin Franklin et John Foxcroft, maîtres généraux des Postes adjoints de l’Amérique du Nord, agissant selon les instructions de Londres, qui confirmèrent cette nomination le 10 juin 1763. Les marchands de la colonie, appuyés par le gouverneur Murray*, avaient présenté, dès 1762, une requête afin d’obtenir un service postal régulier. Finlay établit bientôt un service postal hebdomadaire entre Québec et Montréal, via Trois-Rivières, ainsi qu’un courrier mensuel vers le sud en passant par Skenesborough et par Albany, dans la colonie de New York, pour relier le service postal de paquebot entre New York et Falmouth, en Angleterre. Il obtint du gouvernement que celui-ci ordonnât aux tenanciers des postes de relais (appelés maîtres de poste à l’époque) de fournir des chevaux aux courriers à la moitié du taux fixé pour le public, et aux passeurs de faire traverser les cours d’eau rapidement et sans frais. Vu la rareté du numéraire, Finlay fit face aux frais à l’aide de « billets » payables dès qu’il annonçait que des espèces venaient d’arriver au bureau de poste de Québec. Les postes eurent un succès inattendu, procurant un profit au département des Postes britannique et à Finlay un bon revenu d’un cinquième des recettes. En moins de dix ans, le réseau était assez rentable pour fournir un service hebdomadaire sur les routes postales de la colonie et deux courriers par mois à destination de New York.

Bientôt, le gouvernement allait mettre les talents de Finlay à profit dans d’autres domaines. En octobre 1764, il reçut une commission de juge de paix pour le district de Québec dans le gouvernement civil peu orthodoxe de Murray. Le 25 septembre 1765, il fut nommé au Conseil de Québec, organisme qui gouvernait la colonie, et occupa un poste comparable pendant les 36 dernières années de sa vie. Grâce à un appui venant de Grande-Bretagne, indépendant de Murray, Finlay se fit rapidement l’avocat de la communauté des marchands britanniques, qui s’opposait souvent au gouverneur, et il appuya de façon particulièrement véhémente la demande de ce groupe visant à appliquer le droit anglais dans la colonie, tel crue le promettait la Proclamation royale de 1763. Étant donné que son service postal dépendait du réseau des postes de relais et que personne n’avait reçu mission d’exercer une autorité quelconque sur les tenanciers des postes de relais, Finlay assuma officieusement la responsabilité de les représenter au conseil et, par conséquent, celle du transport et de l’hébergement des voyageurs sur les routes postales. En 1767, il publia un avis qui appliquait à la colonie les règlements régissant le réseau des postes de relais en Grande-Bretagne : les tenanciers conservaient le monopole des routes postales et étaient protégés contre les abus des usagers. En 1770 environ, il fit imprimer des directives codifiant les fonctions des tenanciers et des courriers de poste. Au conseil, il prit le parti des tenanciers contre le logement des troupes et les exigences des ordonnances de la milice, de sorte que ses objections à l’arbitraire, mesurées mais persistantes, constituèrent une défense des Canadiens en général.

À la fin de 1772, Finlay partit pour Londres muni d’une recommandation de Foxcroft de le nommer inspecteur des routes postales de l’Amérique du Nord. Il reçut apparemment le soutien des maîtres généraux des Postes, le baron Le Despencer et Henry Frederick Thynne (qui prendra, à partir de 1776, le nom de Carteret). Il convint avec ce dernier qu’il ferait enquête sur les problèmes affectant les vastes propriétés foncières de la famille Carteret en Caroline du Nord. Le 5 janvier 1773, Finlay fut nommé « inspecteur des routes postales sur le continent de l’Amérique du Nord ». De retour à Québec cet été-là, il renseigna Le Despencer sur les propriétés de choix mises en vente dans la colonie. Les services qu’il rendit à ses protecteurs renforcèrent davantage la position qu’il avait acquise en allant à Londres.

Peut-être bien en partie parce que des marchands de Québec s’étaient plaints que le service postal vers la Nouvelle-Angleterre via Montréal était lent et peu fiable, Finlay se mit en route en septembre 1773, accompagné de guides indiens et d’un interprète, pour découvrir un itinéraire direct en canot et à pied en remontant la Chaudière, puis en redescendant la Kennebec jusqu’à Falmouth (Maine). De là, il se dirigea vers le sud pour inspecter les routes postales, tout en faisant enquête sur les employés, notant les faiblesses du réseau et suggérant des améliorations. Le journal qu’il tint pendant cette tournée révèle son application, son bon sens et son extraordinaire perspicacité. Document unique en tant que compte rendu détaillé concernant le réseau postal, il traite aussi avec subtilité des attitudes des habitants de la colonie à l’endroit de ce département omniprésent et très vulnérable du gouvernement royal juste avant la Révolution américaine. Au New Hampshire, Finlay se joignit au gouverneur Wentworth pour recommander une nouvelle route qui passerait par les montagnes Blanches, puis descendrait la rivière Saint-François jusqu’au Saint-Laurent. Après avoir étudié soigneusement le réseau postal jusqu’à New York, Finlay se dépêcha de continuer vers le sud pour passer quelques mois en Caroline du Nord, où il examina les problèmes qui affectaient les terres de Carteret. Se trouvant en Virginie en mai 1774, il termina brusquement sa tournée en apprenant qu’il avait été nommé le 31 janvier l’un des deux maîtres généraux des Postes adjoints de l’Amérique du Nord, remplaçant Franklin.

Finlay revint à Québec le 26 juin 1774. La même année, le gouvernement britannique, après de longues pressions de la part de Guy Carleton, abandonna la politique d’anglicisation visée par la Proclamation royale de 1763 en adoptant l’Acte de Québec. Quoique nommé en 1775 au Conseil législatif créé par cette loi, Finlay s’opposa à de nombreuses mesures formulées dans la loi, lesquelles désavouaient les exigences des marchands britanniques. En outre, Carleton décida de ne tenir aucun compte des directives qui auraient adouci le coup assené aux marchands. Cependant, dans le contexte de l’invasion de la colonie par les Américains à l’automne de 1775 [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*], Finlay choisit de se taire. Faisant partie de la garnison qui défendait la ville de Québec assiégée cet hiver-là, il fut probablement l’auteur d’un journal détaillé illustrant nettement l’amertume et la méfiance que causait la répugnance des Canadiens à se battre contre les Américains.

La Révolution américaine porta à Finlay plusieurs coups. Elle éliminait pour lui la possibilité d’être le mandataire de la famille Carteret en Caroline du Nord. Elle ruinait aussi la perspective de faire une carrière politique dans cette colonie où le gouverneur l’avait proposé pour occuper un siège au conseil, le décrivant comme « un gentleman cultivé, d’une fortune respectable, d’excellente réputation et de grande intelligence ». En outre, l’invasion américaine supprima le lien postal avec le Sud et entraîna une censure complète tant du courrier interne que du courrier maritime. Le service postal fut donc quasiment aboli, le revenu de Finlay comme maître des Postes cessa, et sa nomination récente en tant que maître général des Postes adjoint de l’Amérique du Nord devint sans importance.

Finlay avait encore la confiance de Carleton, lequel craignait de ne pouvoir dominer le Conseil législatif, étant lui-même privé par la guerre de quelques-uns de ses conseillers les plus fidèles. En 1776, il choisit Finlay comme l’un des cinq membres d’un comité avec lequel il gouverna inconstitutionnellement la province pendant quelque temps. L’année suivante, Finlay parla en faveur de l’introduction du jugement par jury dans certains types de causes, mais la majorité du conseil régulier rétabli lui fit opposition ; quand il apprit que Carleton, lui aussi, s’était opposé à la mesure, il y renonça pour la durée de la guerre. Or, en même temps, il se trouvait en conflit grave avec Carleton, en public comme en privé, à propos des pouvoirs étendus et arbitraires donnés à l’armée en vertu d’une nouvelle loi sur la milice [V. François Baby]. Finlay insista sur la nécessité d’avoir des règlements plus officiels et plus spécifiques régissant les devoirs de la milice. Il se préoccupait d’autant plus du mécontentement général concernant cette mesure – dont il était très conscient étant donné sa charge de maître des Postes – qu’il lui fallait défendre les tenanciers des postes de relais qui risquaient de devenir des victimes particulières des clauses de la loi portant sur la corvée. Toutefois, le fait que les Canadiens n’avaient pas offert d’opposition aux Américains en 1775–1776 avait irrité Carleton, comme d’ailleurs le parti des seigneurs loyaux qui dominait au conseil, les rendant fortement opposés à tout allégement du fardeau qui pesait sur les habitants. L’insistance de Finlay eut pour conséquence de l’écarter du conseil restreint comme consultant, quoiqu’il fit toujours partie du conseil régulier.

L’arrivée de Haldimand, venu remplacer Carleton en 1778, ne rassura pas Finlay qui s’empressa d’effacer auprès du gouverneur le portrait que Carleton avait tracé de lui. Il était en outre évident que Haldimand n’était pas plus disposé que son prédécesseur à cesser toute censure du courrier. Le nouveau gouverneur, qui craignait que la saisie du courrier par les Américains ne vint compromettre la situation militaire de la Grande-Bretagne, n’était pas prêt non plus à donner son assentiment aux demandes de Finlay quant au rétablissement d’un service postal normal. Les interventions continuelles de Finlay à la défense des tenanciers des postes de relais, ainsi que leurs multiples problèmes mineurs qu’il soumettait à Haldimand afin d’y trouver une solution, avaient pour but d’appuyer sa campagne en vue d’obtenir une charge rémunérée, celle de surintendant des postes de relais de la colonie. Face aux atermoiements de Haldimand et aux prises avec un nombre croissant d’enfants de même qu’avec un revenu qui diminuait, Finlay eut recours aux tactiques plus audacieuses qui lui avaient réussi une fois auparavant : à l’automne de 1778, il partit pour l’Angleterre. Il fit signer une pétition à des marchands faisant commerce avec la colonie et s’assura l’appui de ses amis au département des Postes, qui encouragèrent le secrétaire d’État à le soutenir dans sa lutte pour rétablir un service postal normal comme dans son désir de devenir surintendant des postes de relais. Malgré ce soutien prompt et puissant, les deux décisions furent laissées à Haldimand. La guerre continuait de faire échouer Finlay.

De retour à Québec en août 1779, Finlay, quoiqu’il eût besoin de l’appui du gouverneur, n’adoucit pas son attitude au Conseil législatif envers la réforme de l’administration de la justice, mais les efforts qu’il fit à Londres ou à Québec ne modifièrent pas non plus la perspective militaire de Haldimand sur ce sujet. À l’été de 1780, Finlay obtint enfin l’autorisation de Haldimand d’inspecter les postes de relais, toutefois sans être rémunéré ; immédiatement après, Finlay fit preuve d’une ardeur caractéristique au cours d’une tournée des postes de relais et dans son rapport qui demandait que des améliorations fussent apportées aux routes et aux ponts. Même si Finlay demeurait un adversaire politique, Haldimand finit par lui faire confiance ; en janvier 1781, Finlay entreprit ostensiblement une autre tournée des postes de relais mais en fait, sur l’ordre de Haldimand, il rassembla en secret des renseignements sur l’insatisfaction et l’opposition clandestine envers le gouvernement. Son rapport était pénétrant et circonspect, faisant savoir que la plupart des gens obéiraient aux ordres qui leur seraient transmis.

En septembre 1780, Finlay effectua une transaction qui confirma son prestige comme fonctionnaire. En effet, il acquit de l’ancien procureur général, Francis Maseres*, une maison en pierre d’un seul étage rue des Casernes (rue de l’Arsenal), dans la haute ville, et paya aussitôt la totalité du prix d’achat, soit £300 (cours d’Angleterre) ; jusque-là, il avait habité rue du Saint-au-Matelot, rue commerçante de la basse ville. Comme bien des fonctionnaires, il se lança dans des transactions immobilières. En mai 1781, il acheta la moitié d’une maison située rue Saint-Jean, en payant de nouveau comptant le coût total de £300 ; en avril 1783, il donnait en location une partie d’une maison de la rue Saint-Paul, autre rue commerçante de la basse ville. Il semble que Finlay avait maintenu le contact avec le milieu des marchands : en mai, par exemple, le négociant John Young lui donna mandat de représenter les intérêts de trois entreprises anglaises pendant que lui, Young, était à Halifax.

À l’automne de 1781, Finlay était retourné à Londres sous la pression d’un Carteret inquiet, dont les craintes concernant les biens fonciers de sa famille en Caroline du Nord étaient justifiées, car ils furent en définitive perdus. Tandis qu’il était à Londres, Finlay saisit l’occasion de demander une rétribution pour ses fonctions de surintendant des postes de relais ; à la longue, il eut gain de cause. Il revint à Québec au mois de juin 1782, en compagnie du nouveau lieutenant-gouverneur, Henry Hamilton*, qui devint un allié précieux au conseil durant les deux dernières années du gouvernement de Haldimand. L’influence politique de Finlay atteignit son apogée au cours des années qui suivirent le retour de la paix avec les États-Unis. Pendant la session de 1784, ce fut l’un des partisans les plus en vue de Hamilton. Ils obtinrent la réintroduction de l’habeas corpus dans le système judiciaire de la province, lequel était suspendu depuis 1774 ; c’était une mesure pour laquelle lui et le marchand William Grant (1744–1805) s’étaient battus depuis longtemps. L’année suivante, il fut président du conseil ainsi que secrétaire et premier conseiller de Hamilton, avec lequel il avait noué des liens personnels étroits. Le lieutenant-gouverneur allait donner son nom au neuvième enfant de Finlay et lui servir de parrain.

Bien que l’habeas corpus eût été gagné en 1784, plusieurs autres mesures judiciaires n’avaient pas été adoptées, mais le départ de Haldimand fit renaître des espoirs de réforme. En 1785, Finlay présenta au conseil un arrêté important demandant que fussent établis le jugement par jury dans certaines causes, l’introduction du droit de commerce anglais et de la théorie anglaise des preuves dans les actions en dommages-intérêts ainsi que l’inscription dans les dossiers judiciaires de l’allocution du juge aux jurés ; cependant, tout sauf l’usage limité du jugement par jury fut défait par le French party que dirigeait Adam Mabane*. Finlay tenta également, mais en vain, de réformer la Cour d’appel, composée du lieutenant-gouverneur ou du juge en chef et de cinq conseillers législatifs. Finlay, un des rares membres du conseil assez consciencieux pour étudier le droit, condamna tout net comme anarchique la coutume qu’adoptaient la plupart des conseillers de prononcer un jugement selon l’équité. Il voulait limiter le nombre des membres en cour aux conseillers qui étaient bilingues et prêts à siéger régulièrement.

Si Finlay constituait le pivot de la campagne des marchands visant une réforme judiciaire, ses doutes quant à la sagesse de leurs requêtes pour obtenir une chambre d’assemblée contribuèrent probablement d’une façon significative à faire hésiter la Grande-Bretagne à accorder cette demande. Il avait acquis la réputation bien méritée d’être modéré et bien renseigné sur les opinions des Canadiens ; il s’était aussi assuré l’attention bienveillante du sous-secrétaire d’État à l’Intérieur, Evan Nepean. Finlay ne cessait d’affirmer que les habitants se souciaient peu d’une assemblée, surtout si cela voulait dire l’introduction d’impôts, et qu’il serait opportun de leur donner une éducation et de les angliciser en établissant des écoles paroissiales gratuites avec des maîtres parlant l’anglais, avant que ne leur fût confié l’avenir politique de la colonie. Il craignait, si l’on accordait le droit de vote sans préparation convenable, de voir les Canadiens élire des députés canadiens qui constitueraient une assemblée mal adaptée à gouverner un pays commerçant et qui feraient des lois pour conserver le droit français et la coutume canadienne ; sa prédiction s’avérerait bien plus juste que celle des instigateurs d’une assemblée comme Grant et George Allsopp, persuadés que les Britanniques domineraient aisément les députés canadiens.

L’influence directe de Finlay diminua avec le retour de Carleton, devenu lord Dorchester, comme gouverneur en 1786. En ce qui concernait la réforme du droit, Finlay s’inclina devant le nouveau juge en chef, William Smith*. Le French party fit échouer sa seule initiative personnelle, une campagne lancée en 1790 pour la création de cours des prérogatives chargées d’homologuer les testaments et d’appliquer les lois de tutelle. Politiquement, constatait Alexander Fraser* en 1789, Finlay était très attaché à Grant, mais il était « moins violent et moins redoutable ». À ce moment-là, il s’était converti à l’idée d’une assemblée, peut-être parce que la perspective d’une réforme judiciaire plus approfondie était limitée, dans le cadre de la constitution existante. Néanmoins, il ne cessa d’insister sur la nécessité de donner une éducation aux Canadiens et de les angliciser afin d’assurer le fonctionnement satisfaisant d’une assemblée. Quoique moins en vue, Finlay continua d’avoir de l’influence au conseil ; en 1787, il vit enfin la réforme de l’ordonnance sur la milice et, la même année, il traduisit en projet de loi important, adopté en 1788, les recommandations qu’avaient faites les médecins Charles Blake et James Fisher* en vue de réglementer la pratique de la médecine. Sa vie sociale fut également active en tant qu’officier dans le Quebec Battalion of British Militia, secrétaire de la Société d’agriculture à partir de sa fondation en 1789 jusqu’en 1794 au moins, et comme membre du conseil d’administration de la bibliothèque de Québec en 1790, 1792 et 1793.

Finlay, que la politique occupait moins après 1786, fut en mesure de consacrer davantage de temps au service postal. Il avait reçu la charge de maître général des Postes adjoint de la province de Québec en 1784. Toujours impatient de rétablir les services postaux via New York qui avaient eu tant de succès auparavant, il fut forcé d’établir jusqu’à Halifax un itinéraire de rechange par voie de terre. En 1787, il entreprit une autre odyssée d’inspection du réseau, en tenant de nouveau un journal, et finit par rédiger un rapport complet sur les routes et postes de relais entre Québec et Halifax. Typiquement, il recommandait l’unification des pouvoirs sur la totalité de l’itinéraire ; il obtint ainsi sa propre nomination en 1788 comme maître général des Postes adjoint de l’Amérique du Nord britannique, ayant autorité sur Joseph Peters* de la Nouvelle-Écosse et sur Christopher Sower* du Nouveau-Brunswick. Il obtint aussi que les paquebots assurant le service mensuel entre Falmouth et New York fissent une halte à Halifax, et cela au cours de chacune de leurs traversées transatlantiques, bien que la chose ne fût réalisable que huit mois par an. Finlay fut à même de prolonger le service postal jusqu’à Detroit (Michigan) par le Haut-Canada ; en 1792, il négocia un accord postal avec les États-Unis – lequel devait faire date – qui rétablissait en même temps le service postal avec ce pays et assurait le service entre la Grande-Bretagne et le Bas-Canada, en passant par le territoire américain, pendant les quatre mois de l’année au cours desquels il était impossible d’emprunter la route de Halifax.

Ayant réussi à restaurer le service postal qui lui fournissait une partie de son revenu, Finlay se trouva toutefois, en 1789, selon Alexander Fraser, « dans une grande indigence, n’ayant que sa charge de maître des Postes et son salaire de conseiller pour les faire vivre, lui, sa femme et près d’une douzaine d’enfants ». En avril, il vendit sa maison de la rue des Casernes et un lot vacant ailleurs pour acquitter une dette de près de £500 que son beau-père avait contractée et qu’il avait lui-même garantie. Deux mois plus tard, il acheta une modeste ferme, appelée Woodside, le long de la rivière Saint-Charles, promettant d’en verser le prix d’achat de £300 avant 1794 ; toutefois, en mars 1792, il mit sa ferme en vente. Il avait dû louer Woodside durant un certain temps avant de l’acheter, car c’est là que le voyageur Joseph Hadfield était allé voir sa famille en 1785 ; Hadfield trouva Finlay « très sensé et très agréable », et sa femme Mary « très aimable et très polie ». Quatre ans plus tard, l’évêque Charles Inglis séjourna chez Finlay pendant sa visite pastorale et trouva la famille « nombreuse et gentille ». La mort de Mary, survenue en novembre 1791, plongea l’heureux foyer dans le chagrin ; l’élite de la société de Québec, y compris le prince Edward Augustus, assista à ses obsèques.

Finlay chercha par différents moyens à augmenter son revenu insuffisant. Le fait d’avoir surtout exploité son influence politique à cette fin et aussi le fait qu’un bon nombre de ses supérieurs en politique s’efforcèrent de l’aider démontrent qu’ils reconnaissaient sa valeur en tant qu’administrateur et conseiller. En avril 1788, il tenta d’obtenir le bail des forges du Saint-Maurice, exploitées alors par la Davison and Lees [V. John Lees]. Quoique sa requête fût appuyée par le Conseil législatif, il n’obtint pas la concession. Cependant, lorsque George Pownall*, secrétaire de la province, partit pour l’Angleterre en août 1791, il délégua Finlay pour assurer l’intérim. Le mois suivant, Finlay fut nommé au Conseil exécutif créé par l’Acte constitutionnel et, en décembre 1792, il fut désigné pour faire partie du nouveau Conseil législatif. En mai, le lieutenant-gouverneur Alured Clarke* l’avait nommé greffier de la couronne en chancellerie. En 1792 également, le secrétaire d’État à l’Intérieur, Henry Dundas, intervint en sa faveur auprès du maître général des Postes quand on découvrit un lourd déficit dans les comptes de Finlay au département des Postes. Sa situation ne s’était pas améliorée lorsque, en 1794, il se rendit à Londres demander compensation pour des services non rétribués qu’il avait rendus au gouvernement ; entre autres fonctions, il avait présidé différents comités du conseil parce qu’il était bilingue, avait servi d’interprète à la Cour d’appel et avait aussi traduit en français et transcrit les jugements de ce tribunal. En compensation, il demanda de nouveau le bail des forges du Saint-Maurice, puis également la fonction de commissaire chargé de délimiter la frontière avec les États-Unis, celle de vérificateur des comptes du Bas-Canada et celle de président du comité des terres du Conseil exécutif. Appuyé par Dorchester et Dundas, il obtint les deux derniers postes, mais leur traitement combiné demeurait insuffisant pour ses besoins.

Ce fut peut-être en désespoir de cause que Hugh Finlay se laissa entraîner dans un projet de spéculation foncière, à l’automne de 1795. Pour réaliser ce plan auquel était mêlé John Jacob Astor, on fit appel à Finlay afin qu’il usât de sa position de président du comité des terres pour obtenir l’approbation de concessions comprenant jusqu’à 24 cantons. Or, le plan échoua parce que, cet automne-là, la concession gratuite de cantons fut interrompue temporairement. Finlay lui-même ainsi qu’environ 40 de ses associés avaient espéré recevoir le canton de Stanbridge. Ayant désespérément besoin d’argent, il vendit à l’avance 36 000 acres de Stanbridge pour £1 000 (cours d’Angleterre) ; en octobre 1796, se voyant soupçonné de spéculation par le gouverneur Robert Prescott et n’étant pas en mesure d’obtenir les lettres patentes pour la terre, il dut hypothéquer Woodside et donner son salaire en garantie afin de rembourser la somme. Le même mois, force lui fut de vendre sa maison de la rue du Sault-au-Matelot pour acquitter une autre créance. Ces difficultés s’ajoutaient à sa dette au département des Postes qu’aggravait la faillite du maître de poste de Trois-Rivières. Le gouvernement britannique, ne voulant plus tolérer ses arriérés qui sans cesse augmentaient, destitua Finlay du département des Postes en octobre 1799 ; George Heriot* le remplaça en avril 1800. Le long mandat de Finlay dans le gouvernement de la province, qu’il avait rempli avec compétence, permit de reporter, sans pouvoir les détourner, les rigueurs du droit civil anglais qu’il avait si ardemment défendu ; en 1801, la Cour du banc du roi ordonna à Finlay de verser £1 408 au département des Postes. En septembre de la même année, il reçut enfin les lettres patentes pour la concession de Stanbridge des mains du lieutenant-gouverneur Robert Shore Milnes* et, le mois suivant, il vendit 32 400 acres, pour la somme de £3 750, à Isaac Todd et à James McGill, deux marchands montréalais auxquels il était redevable d’une forte somme. La vente, qui rapporta trop peu, venait trop tard. Au moment de la mort de Finlay, le 26 décembre 1801, Todd et McGill n’étaient que parmi les plus grands des créanciers, probablement nombreux, de Finlay. Un mois plus tard, Milnes portait à la connaissance du secrétaire d’État aux Colonies, lord Hobart, la misère dans laquelle la famille de Finlay était tombée. Ses enfants durent renoncer à leur héritage ; quant aux créanciers, il leur faudrait des années pour récupérer les dettes de la succession qu’ils confièrent à la curatelle de John Mure*. Cependant, malgré sa ruine financière, Finlay demeurait à sa mort le doyen respecté du Conseil législatif et le fonctionnaire whig loyal qui avait mérité d’être désigné par la suite le « père des postes canadiennes ».

Ian K. Steele

Hugh Finlay est l’auteur de Journal kept by Hugh Finlay, surveyor of the post roads on the continent of North America, during his survey of the post offices between Falmouth and Casco Bay in the province of Massachusetts and Savannah in Georgia, begun the 13th Sept. 1773 & ended 26th June 1774, dont une copie de l’original se trouve aux National Arch., à Washington (RG 28). Il fut édité par Frank H. Norton et publié à Brooklyn, N.Y., en 1867 sous le même titre. Il fut réimprimé en 1975 sous le titre de The Hugh Finlay journal ; colonial postal history, 1773–1774 avec une introduction de Calvet M. Hahn. Le journal du siège de Québec en 1775–1776 qui est attribué à Finlay fut publié sous le titre de « Journal of the siege and blockade of Quebec by the American rebels, in autumn 1775 and winter 1776 » dans Literary and Hist. Soc. of Quebec, Hist. Docs. (Québec), 4e sér. (1875) : [3]–25.

ANQ-Q, CE1-61, 30 déc. 1801 ; CN1-16, 27 janv., 17 févr. 1809 ; CN1-26, 18 déc. 1801 ; CN1-83, 24 avril 1783, 18 févr. 1788, 21 avril 1789 ; CN1-92, 23 janv., 16 févr. 1802 ; CN1-148, 22 mars. 11 déc. 1764 ; CN1-205, 26 juin 1775, 26 janv., 30 sept. 1780, 25 févr., 31 mai 1783 ; CN1-207, 21 nov. 1766 ; CN1-224, 26 mai 1781 ; CN1-248, 23 avril 1764 ; CN1-256, 18 juin 1789, 11 oct. 1796 ; CN1-262, 3 oct. 1796, 19 mars 1798, 2 oct. 1801.— APC, MG 23, GII, 9 ; MG 30, D1, 12 : 730–791 ; MG 40, L, 1 ; 3A ; 60 (copies).— BL, Add. mss 21860 ; 21877 : 407.— PRO, CO 42/25–135, spécialement 42/46 ; 42/61 ; 42/87 ; 42/104.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), 2 : 697s., 729–733, 830–833, 841–845, 941–943.— Joseph Hadfield, An Englishman in America, 1785, being the diary of Joseph Hadfield, D. S. Robertson, édit. (Toronto, 1933), 130.— The papers of Benjamin Franklin, L. W. Labaree et al., édit. (21 vol. parus, New Haven, Conn., [1960–  ]), 10 : 221–223, 252s., 273, 279s., 284s. ; 19 : 273, 359, 374s., 415.— La Gazette de Québec, 4 oct., 20 déc. 1764, 28 mai, 13 juin, 25 juill., 18 août, 19 sept., 3 oct. 1766, 20 août 1767, 22 mars 1770, 15 juin 1772, 30 juin 1774, 25 août 1775, 15 mai, 12 juin 1777, 3 sept., 29 oct. 1778, 19 août 1779, 25 oct. 1781, 27 juin, 7 nov. 1782, 6 nov. 1783, 3 mars, 18 août 1785, 5, 26 juill. 1787, 14, 21 août 1788, 2 avril, 31 déc. 1789, 28 janv., 25 mars 1790, 18 août, 17 nov. 1791, 23 févr., 8, 29 mars, 10 mai 1792, 3 janv., 11 avril 1793, 2 juill. 1795, 6 févr. 1798, 27 juin 1799, 8 mai 1800, 31 déc. 1801, 28 janv., 28 avril, 25 nov. 1802, 7 avril, 12 mai, 3 nov., 1er déc. 1803.— Almanach de Québec, 1788 : 47 ; 1801 :102.— Kelley, « Church and state papers », ANQ Rapport, 1953–1955 : 108.— Tremaine, Biblio. of Canadian imprints, no 153.— Abbott, Hist. of medicine, 47.— A. H. Clark, Three centuries and the Island : a historical geography of settlement and agriculture in Prince Edward Island, Canada (Toronto, 1959).— Neatby, Administration of justice under Quebec Act, 28, 47–50, 76, 97, 100s., 115–117, 135, 137, 140, 168, 196–255, 322 ; Quebec, 79s., 161, 165–167, 190s., 203, 206–225.— William Smith, The history of the Post Office in British North America, 1639–1870 (Cambridge, Angl., 1920), 1, 37–58, 76, 79, 84–86, 89s.

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Ian K. Steele, « FINLAY, HUGH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/finlay_hugh_5F.html.

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Auteur de l'article:    Ian K. Steele
Titre de l'article:    FINLAY, HUGH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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