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Titre original :  Painting Portrait of Isaac Todd, (about 1742-1819) Donald Hill About 1922, 20th century 30.2 x 25.5 cm Gift of Mr. David Ross McCord M1595 © McCord Museum Keywords:  male (26812) , Painting (2229) , painting (2226) , portrait (53878)

Provenance : Lien

TODD, ISAAC, homme d’affaires, fonctionnaire, officier de milice et propriétaire foncier, né vers 1742 en Irlande ; décédé le 22 mai 1819 à Bath, Angleterre.

Isaac Todd avait été marchand en Irlande avant de venir au Canada peu après la Conquête. En février 1765, il possédait un commerce à Montréal et, à la suite du désastreux incendie qui fit rage dans cette ville le 18 mai, il déposa une réclamation de £150 pour les marchandises qu’il avait perdues. Le 23 mai, il reçut une commission de juge de paix dans le district de Montréal. La traite des fourrures ne tarda pas à l’attirer, et de nombreuses associations et une grande malchance caractérisèrent ses premières années dans ce domaine. En 1767, il se porta garant d’une somme totalisant près de £1 500 en faveur de trois trafiquants qui se rendaient dans différents endroits de l’intérieur du continent. L’année suivante, deux des trafiquants qu’il avait engagés furent tués par les Indiens, ce qui lui fit subir une lourde perte financière. En 1769, au moment où il investit environ £900, il se trouvait associé à James McGill ; la même année, Todd et McGill se joignirent à Benjamin* et à Joseph Frobisher. Todd et ses associés essuyèrent un nouveau revers avec le pillage de leurs canots par les Indiens au lac à la Pluie (Ontario). L’année suivante, les mêmes associés réussirent cependant à faire passer leurs canots dans le Nord-Ouest. Une association ultérieure avec Richard McNeall prit fin en octobre 1772. Cette année-là, Todd était associé à George McBeath, à Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) ; ceux-ci reçurent des marchandises de traite de Thomas Walker* par l’intermédiaire de Maurice-Régis Blondeau à Montréal et, en retour, ils approvisionnèrent les trafiquants Thomas Corry et John Askin. Au début de 1773, Todd perdit deux autres hommes, tués ou morts de faim, aux alentours de Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota). Au printemps de cette année-là, il se rendit avec McGill à Michillimakinac ; ils emmenèrent avec eux le trafiquant indépendant Peter Pond et une partie de ses marchandises. En 1774, Todd représentait à Montréal la Phyn, Ellice and Company, firme de Schenectady, dans la colonie de New York [V. Alexander Ellice].

Todd fut l’un des premiers chefs de file des marchands britanniques au Canada dans le domaine politique. En 1765 et 1766, il comptait parmi ceux qui adressèrent au gouverneur Murray* une pétition en vue de réduire les restrictions imposées à la traite des fourrures. En mars 1769, il fit partie du jury d’accusation du district de Montréal, que les marchands britanniques considéraient comme le seul organisme représentatif de la colonie et qu’ils utilisaient fréquemment comme une tribune pour critiquer la politique des gouverneurs et promouvoir des initiatives politiques, sociales et économiques. En 1770, Todd signa une requête en faveur d’une assemblée élective et, à l’automne de 1774, il était, selon Simon McTavish, « fort occupé par les affaires publiques », ayant été nommé avec McGill et d’autres personnes au sein d’un comité chargé de rédiger une pétition à l’intention du roi et du Parlement britannique, dans le but de s’opposer à l’Acte de Québec ; ce comité devait aussi trouver les moyens de réparer les torts causés aux marchands. De par son poste au comité, Todd put conseiller la Phyn, Ellice and Company sur la meilleure façon de s’opposer à la loi de Québec sur le revenu qui menaçait, par l’imposition d’une taxe sur le rhum et les spiritueux importés des colonies américaines, le lucratif commerce d’approvisionnement qu’exerçait cette compagnie auprès des marchands montréalais ; en retour, celle-ci donna à Todd de précieux renseignements sur l’état de la traite des fourrures depuis New York et l’informa de l’arrivée imminente à Québec de grandes quantités de rhum que les négociants américains avaient expédiées par mer afin de contourner la loi de Québec sur le revenu. Le comité auquel appartenait Todd correspondait avec des comités similaires dans les colonies américaines. Cependant, après que la Révolution américaine eut éclaté en 1775, Todd resta fidèle à la Grande-Bretagne et servit comme lieutenant dans la milice britannique.

En 1775, Todd et McGill se joignirent à Blondeau et aux Frobisher afin d’envoyer 12 canots à Grand Portage ; cette association marqua les débuts d’un commerce de grande envergure et présagea la formation de la North West Company. En mai ou juin 1776, Todd et McGill confirmèrent leur association en fondant la firme Todd and McGill ; le fait que le nom de Todd apparaisse en premier dénote probablement son ancienneté dans l’entreprise. L’amitié vint consolider leur association ; le 2 décembre 1776, Todd fut témoin au mariage de McGill et de Charlotte Trottier Desrivières, née Guillimin. L’année suivante, la Todd and McGill chargea six canots de marchandises évaluées à £2 700 et, en 1778, Todd seul investit environ £6 000. En 1779, neuf compagnies pratiquant la traite à Michillimakinac créèrent la North West Company, coassociation au capital de 16 actions, dont deux, le maximum permis, furent remises à la Todd and McGill. Chacune des deux sociétés avec lesquelles la Todd and McGill était étroitement associée détenait deux actions de la North West Company. Il s’agissait de la Benjamin and Joseph Frobisher et de la McGill and Paterson, dont John, le frère de McGill, était sociétaire. En mai 1781, la Todd and McGill se joignit aux Frobisher et à la McGill and Paterson pour envoyer à Grand Portage 100 hommes, 12 canots et des marchandises évaluées à £5 000, dans le but de faire la traite dans le Nord-Ouest. La même année, la Todd and McGill devint la représentante à Montréal des marchands Robert Hamilton et Richard Cartwright, tous deux de Niagara.

À la fin de 1782, on apprit à Montréal la nature des clauses préliminaires de la paix entre la Grande-Bretagne et ses colonies américaines rebelles ; les trafiquants de fourrures montréalais s’alarmèrent alors à la perspective de perdre Detroit et Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), centres de traite des fourrures. Todd, qui se trouvait à Londres en février 1783, faisait partie d’un petit comité qui défendait les intérêts des marchands montréalais auprès des fonctionnaires du gouvernement. Il signa aussi des requêtes s’opposant à la cession projetée de tels postes clés, requêtes qui prédisaient également une perte commerciale pour les marchands montréalais, si cette cession se produisait. En dépit des déclarations publiques de Todd, la société Todd and McGill avait suffisamment foi en l’avenir de la traite sur le territoire américain pour se retirer du Nord-Ouest vers 1783 ou 1784 et concentrer son activité dans les régions du Mississippi et des lacs Supérieur, Michigan et Huron.

La Todd and McGill équipait elle-même les expéditions, mais elle servait surtout d’intermédiaire en important de différentes compagnies londoniennes une grande variété de marchandises de traite. Ces marchandises, à leur arrivée à Québec, étaient envoyées à Montréal où l’on en faisait des paquets qu’on expédiait ensuite aux clients de Detroit, de Michillimakinac et d’autres postes. McGill, qui possédait un jugement sûr mais un tempérament plus réservé que celui de Todd, dirigeait les affaires à Montréal et s’occupait de la majeure partie de la correspondance de la société. Homme sociable et plein d’entrain, Todd voyageait quand les affaires l’exigeaient, maintenait un contact personnel avec ceux sur qui reposait le succès de la compagnie et de la traite des fourrures en général. Il fit au moins quatre voyages à Londres entre 1778 et 1785. Cette dernière année, le lieutenant-gouverneur Henry Hamilton* envoya une pétition rédigée par les trafiquants des pays d’en haut au secrétaire d’État à l’Intérieur, lord Sydney, à qui il recommanda de s’adresser à Todd pour avoir un compte rendu sur l’état de la traite.

Pendant la période qui suivit immédiatement la Révolution américaine, la Todd and McGill, comme d’autres compagnies qui faisaient la traite à Detroit, subit des pertes par suite des conditions de traite instables qu’engendra le conflit entre les Indiens et l’armée américaine. En avril 1786, McGill informa son représentant à Detroit, Askin, que la société était si endettée auprès de ses fournisseurs anglais « que Todd, [de nouveau à Londres, lui avait] écrit qu’il se trouv[ait] dans la nécessité d’abandonner tous les projets d’affaires, sauf l’expédition de quelques marchandises sèches et d’une certaine quantité de rhum, craignant de s’endetter davantage et peut-être même de se heurter à un refus concernant un nouveau crédit ». Cette année-là, lorsque les trafiquants de Detroit furent contraints de former une coassociation appelée la Miamis Company, ils choisirent la Todd and McGill comme leur représentante à Montréal, probablement sous l’influence d’Askin.

Todd participait toujours activement à la vie publique de Montréal. En mars 1787, il était membre du jury d’accusation de Montréal et capitaine dans la milice britannique, mais ses activités politiques (sauf celles directement reliées au commerce) déclinèrent, alors que celles de McGill s’accrurent. Dans les années 1790, les principales opérations commerciales de Todd et de McGill, qu’ils dirigeaient de leurs entrepôts situés rue Saint-Paul, continuèrent d’être reliées à la traite des fourrures. Ils importaient pour eux-mêmes des produits manufacturés de Grande-Bretagne ainsi que du tabac et des spiritueux des Antilles, et vendaient aussi ces marchandises à d’autres marchands. En 1790, ils chargèrent 15 canots et 10 bateaux de marchandises évaluées à £11 500. Ils concentraient encore leurs activités dans les régions situées au sud des Grands Lacs. De 1790 à 1796, ils embauchèrent au moins 518 engagés ; parmi eux, 57 p. cent acceptèrent d’aller là où on les enverrait, ce qui permit à la Todd, McGill and Company (comme on l’appelait en 1790) de s’adapter aux fluctuations d’un commerce instable. Des engagés dont on avait précisé la destination dans le contrat, 24 p. cent se rendirent à Michillimakinac, 19 p. cent dans la région du Mississippi, 17 p. cent à Detroit et le reste dans un grand nombre de postes. En 1797, cependant, on s’éloigna de l’ancienne pratique ; parmi les 70 engagés dont on sait qu’ils furent embauchés à Montréal, 14 p. cent seulement n’avaient pas de destination précise, alors que 73 p. cent devaient se rendre à Michillimakinac.

Dans les années 1790, la Todd, McGill and Company avait établi des relations avec Auguste Chouteau à St Louis (Missouri). Celui-ci achetait les marchandises de traite de la compagnie et lui envoyait, via Michillimakinac, des fourrures recueillies le long des rivières Missouri et Osage. Lorsque le gouvernement espagnol de Louisiane accorda, en 1794, au neveu de Todd, Andrew Todd, le privilège exclusif de la traite dans le haut Mississippi, la Todd, McGill and Company se trouva en mesure de monopoliser l’approvisionnement de toute la vallée du Mississippi. Malheureusement, la déclaration de guerre entre l’Espagne et la Grande-Bretagne en octobre 1796 et la mort d’Andrew survenue plus tard la même année ne tardèrent pas à anéantir ces magnifiques espérances.

La concentration de la traite par la Todd, McGill and Company sur le territoire américain était plus une source d’appréhension pour Todd que pour McGill. En mai 1790, Todd, qui se trouvait à Londres, et le marchand londonien John Inglis firent des pressions auprès du secrétaire d’État à l’Intérieur, William Wyndham Grenville, afin d’empêcher, ou du moins retarder, la cession aux États-Unis des postes militaires de l’Ouest situés sur le territoire américain encore occupé par les troupes britanniques. L’année suivante, la Todd, McGill and Company, ainsi que la McTavish, Frobisher and Company [V. Simon McTavish] et la Forsyth, Richardson and Company, exhortèrent le lieutenant-gouverneur Simcoe à bien faire comprendre au gouvernement britannique la nécessité de créer un territoire indien indépendant dans l’Ouest, ouvert à la fois aux trafiquants britanniques et américains ; en 1792, Todd exerça des pressions en ce sens à Londres. En avril de cette année-là, la Todd, McGill and Company ainsi que d’autres compagnies se plaignirent à Simcoe que les Américains entravaient les communications entre Montréal et l’intérieur du territoire américain. Selon ces compagnies, si le gouvernement britannique tolérait cette situation, cela « équivaudrait presque à un abandon total de la traite ». En août, Todd écrivit à Askin ces lignes pessimistes : « J’ai fortement recommandé à la chambre de diminuer et de restreindre notre activité dans le domaine de la traite, car lorsque je considère l’incertitude où nous nous trouvons quant à la conservation de nos postes, la guerre qui sévit entre les Indiens et les Américains, et les évidentes répercussions sur les fourrures, je suis convaincu que c’est une entreprise hasardeuse et peu lucrative et que cela continuera ainsi pendant deux ou trois ans. » En 1794, Todd et Simon McTavish soumirent au gouvernement britannique un mémoire dans lequel ils spécifiaient les conditions qu’on devrait exiger des Américains avant de leur remettre les postes de l’Ouest ; la liberté de traite pour les marchands britanniques était la chose la plus importante.

Tout en se battant pour assurer à sa compagnie le libre accès à la traite dans le Sud-Ouest, Todd cherchait, en cas d’échec, à ouvrir une voie vers le Nord-Ouest, qui se trouvait dans une large mesure sous l’autorité de la North West Company depuis 1787. En 1791, John Gregory, un des associés de la North West Company, informa McTavish que Todd, John Richardson* et Alexander Henry* étaient déterminés à se tailler une place dans la traite du Nord-Ouest si McGill voulait diriger la partie montréalaise d’une nouvelle compagnie. L’idée de s’opposer à la North West Company ne souriait pas à McGill, et il persuada les autres de le laisser négocier leur entrée dans celle-ci avec son ami Joseph Frobisher. Ce dernier ne tarda pas à être convaincu que si l’on n’accordait pas à la Todd, McGill and Company et à la Forsyth, Richardson and Company une part dans la traite du Nord-Ouest, par l’intermédiaire de la North West Company, celles-ci constitueraient, grâce à leur coalition et à l’appui financier de la Phyn, Ellices, and Inglis de Londres, une opposition ruineuse. Le 14 septembre 1792, la Todd, McGill and Company reçut deux actions aux termes d’une nouvelle entente de la North West Company au capital de 46 actions. Trois ans plus tard, cependant, peut-être mécontents des nouvelles conditions d’association proposées, Todd et McGill ne signèrent pas l’accord révisé de la North West Company. Ils convinrent plutôt avec la Forsyth, Richardson and Company et deux trafiquants indépendants de pratiquer la traite durant trois ans dans la région de Nipigon, mais, par la suite, ils se retirèrent de l’entente à cause des pressions qu’exerça la North West Company.

Dans les années 1780, Todd et McGill avaient commencé à diversifier leurs activités, en partie pour se prémunir contre les caprices de la traite des fourrures. En plus d’effectuer leurs propres opérations bancaires, ils signèrent en mars 1792, avec la Phyn, Ellices, and Inglis et la Forsyth, Richardson and Company, une entente préliminaire concernant la fondation d’une banque au Bas-Canada, mais ce projet avorta. En 1789, ils s’étaient associés aux firmes Forsyth, Richardson and Company et Lester and Morrogh [V. Robert Lester], ainsi qu’aux marchands Thomas McCord*, George King et Jean-Baptiste-Amable Durocher, afin d’acheter, moyennant £3 050, la Compagnie de la distillerie de Montréal, dont Jacob Jordan* était auparavant le principal commanditaire au Canada. Cependant, cette compagnie ne semble pas avoir rapporté les profits attendus ; aussi fut-elle dissoute en 1794 et la propriété vendue à Nicholas Montour pour £1 166 en octobre de la même année. Todd commença aussi à concevoir l’idée d’approvisionner le gouvernement en céréales pour remplacer éventuellement la traite des fourrures où tout serait perdu dans quelques années, écrivait-il à Askin en avril 1793, « à moins qu’un changement, auquel [il] os[ait] à peine croire, ne surv[înt] dans la façon de pratiquer la traite et dans les frais d’exploitation ». Cette année-là, Todd et William Robertson firent des pressions auprès du gouvernement, à Londres, et obtinrent pour Cartwright, l’associé de Todd et de McGill dans le Haut-Canada, et pour d’autres, un sous-contrat exclusif d’approvisionnement des postes militaires dans la région des Grands Lacs. À l’instar de nombreux autres marchands, Todd et McGill se lancèrent dans la spéculation foncière. En 1796, ils acquirent, par l’intermédiaire d’Askin, plusieurs actions dans le Cuyahoga Purchase, une immense étendue de terre située le long de la rive sud du lac Érié. Ils durent à l’occasion accepter des terres en paiement de dettes. Askin, l’un de leurs plus gros débiteurs, leur devait £20 217 en 1792 ; il remboursa une partie de cette somme en leur transférant la propriété de terrains situés à Detroit et dans les environs. En 1798, Todd hérita aussi de tous les biens de son neveu Andrew.

Le désaccord croissant entre Todd et McGill au sujet de l’avenir de la traite des fourrures sur le territoire américain contribua probablement pour beaucoup à la dissolution de leur association au début d’avril 1797. Cinq ans plus tôt, le frère de James McGill, Andrew, était entré à la Todd, McGill and Company comme associé, et on l’avait probablement préparé à devenir l’éventuel successeur de Todd. Toutefois, Todd ne rompit pas immédiatement ses liens avec la traite, puisqu’il fallait plusieurs années pour qu’un envoi de marchandises devînt rentable ou non ; en mars 1798, il écrivit à Askin que les Français avaient capturé « le plus riche de [leurs] bateaux dans lequel [se trouvaient] des fourrures évaluées à £12 000 ». C’est seulement après le mois d’août de cette année-là qu’il commença à réduire sa participation active. Il se retira des affaires avec la réputation d’une autorité en matière de traite des fourrures et d’un chef de file dans le milieu des trafiquants. En 1795, il était entré au prestigieux Beaver Club. L’année suivante, Simcoe écrivit à l’un de ses correspondants qu’il allait « recueillir dans Carver et dans les Voyages d’Hennepin, ou plutôt en conversant avec un homme comme M. Todd », les renseignements sur les communications qu’il avait demandés. En 1804, Todd usa de sa grande influence dans le milieu de la traite des fourrures pour prôner l’union de la North West Company et de la New North West Company (appelée parfois la XY Company) [V. sir Alexander Mackenzie], car il était apparemment, nota le comte de Selkirk [Douglas], « à peu près le seul homme à avoir maintenu avec les deux parties de constants rapports d’amitié ».

De 1800 à 1807 environ, Todd s’associa à la firme Lester and Morrogh de Québec pour approvisionner en vivres l’armée britannique cantonnée au Bas-Canada. Il continua de spéculer sur les terres, seul ou avec McGill. En octobre 1801, ils achetèrent de Hugh Finlay 32 400 acres dans le canton de Stanbridge, au Bas-Canada, pour £3 750. En août de l’année suivante, Todd obtint 11 760 acres dans le canton de Leeds, en vertu du système des chefs et associés de canton [V. James Caldwell]. En 1805, il avait aussi acquis, de concert avec McGill et Askin, d’autres terrains à Detroit et dans les environs. Après la cession de ce poste aux États-Unis en 1796, le refus du gouvernement américain de reconnaître tous les titres de propriété foncière de Todd et de McGill, et le fait de se voir refuser l’appui des tribunaux américains dans leurs poursuites pour dettes avaient rendu Todd amer. En 1808, il avoua à Askin être « à bout de patience avec [son] pays de gredins ».

En dépit d’une santé déclinante, Todd menait une vie sociale active. En janvier 1799, dans une lettre à Askin, Alexander Henry disait que Todd, tout comme lui-même, « vieilliss[ait] et se plaign[ait] toujours ». L’année suivante, il précisait que Todd « se plai[gnait] toujours quand il a[vait] le ventre vide, mais qu’il récup[érait] à merveille après le souper ». Vers la même époque, l’officier britannique George Thomas Landmann* le décrivait comme un vieil homme qui racontait « de manière excessive » de nombreuses anecdotes sur ses aventures à Michillimakinac ; Todd avait, d’ajouter Landmann, le surnom affectueux de « par Jupiter », qui était son expression préférée. Les décès, en juillet 1804, de son ami intime McTavish et d’une gouvernante l’éprouvèrent cruellement. « Elle n’avait que 31 ans, confia-t-il tristement à Askin, elle a vécu avec moi près de dix ans et était mère d’une petite fille qui m’appelle, avec raison, son père. » Il plaça la fillette dans une école de Québec et constitua un fonds en fidéicommis de £1 000 pour chacune des deux autres filles de sa gouvernante. « Je ne sais pas à quoi sert l’argent sinon à faire le bien et me permettre d’aider les autres », dit-il à Askin. « C’est avec plaisir que je me prive d’un confort dont je pourrais jouir. »

En mars 1805, Todd présida un souper offert par les marchands de Montréal en l’honneur de députés de cette ville à la chambre d’Assemblée. La Montreal Gazette rapporta la teneur de certains toasts sarcastiques, dont ceux de Todd, qui dénonçaient une proposition de l’Assemblée visant à établir un impôt sur les marchandises afin de financer la construction d’une nouvelle prison à Montréal. Lorsque l’Assemblée se réunit en février 1806, les députés qui appuyaient cette proposition firent envoyer de Québec le sergent d’armes pour arrêter Todd, à titre de président du souper, et Edward Edwards, de la Gazette, sous l’accusation de diffamation. Quand le sergent d’armes arriva à Montréal, Todd avait déjà disparu.

De 1806 à 1813, Todd voyagea sans arrêt : il se rendit à Niagara (Niagara-on-the-Lake, Ontario), à New York et en Angleterre, tant pour ses affaires que pour chercher un soulagement à ses nombreux maux ; cependant, il revint toujours à Montréal, ayant un grand besoin de la compagnie de ses vieux amis. Membre de l’église Scotch Presbyterian, connue plus tard sous le nom de St Gabriel Street, il fut élu, en 1809, à son comité des affaires séculières et en devint par la suite président. En février 1810, Henry eut l’occasion d’observer, lors d’un voyage de Todd à New York, qu’on regrettait à Montréal la compagnie de ce dernier : « il est le seul ami, à l’exception de M. Frobisher, qui n’a pas changé son caractère, comme d’autres qui sont devenus riches ou qui ont obtenu des postes élevés, etc., [ce qui] les a mis, dans leur imagination, au-dessus de leurs vieilles connaissances ». La même année, Todd, qui aimait toujours la vie de société, fonda à Londres le Canada Club, avec Alexander Mackenzie, Edward Ellice*, Simon McGillivray* et d’autres personnes. Mais ayant survécu à tous ses amis dans cette ville, il était revenu à Montréal en 1812, surtout pour y retrouver Henry et McGill. En février 1811, Henry dit en plaisantant à Askin : « Todd affirme qu’il n’a que 68 ans. » Et il ajouta : « Todd a déjà été beaucoup plus vieux que moi, mais il est devenu aujourd’hui beaucoup plus jeune que moi. » Le 21 décembre 1813, Todd signa le certificat de décès de McGill ; la mort de son ami et ancien associé le poussa à prendre sa retraite. En mai 1815, il était de retour en Angleterre, à Bath, pour y prendre les eaux. Là, il apprit sans nul doute l’existence d’un navire de la North West Company nommé en son honneur, car, en 1813 et 1814, l’Isaac Todd avait participé à une opération réussie de la marine royale en vue de débarrasser l’océan Pacifique de la présence navale américaine et de s’emparer du fort Astoria (Astoria, Oregon), la base du principal concurrent de la North West Company sur la côte ouest, John Jacob Astor. Todd semble ne jamais être revenu au Canada. Le 22 mai 1819, il mourut à Bath à l’âge présumé de 77 ans. Le Montreal Herald nota que sa mort fut « très sincèrement regrettée par un cercle de nombreux et très respectables amis et connaissances ».

Si l’on considère, avec le recul du temps, que les Américains éliminèrent graduellement les marchands montréalais de la traite des fourrures dans le Sud-Ouest après 1800, Isaac Todd semble avoir été le plus prévoyant des associés principaux de la Todd, McGill and Company en ce qui a trait à sa principale activité économique. Il se peut qu’il ait déjà eu des doutes quant à l’abandon de la traite dans le Nord-Ouest en 1783 ou 1784, mais, dès le début des années 1790, il s’était bien rendu compte que l’avenir de la traite se trouvait dans cette région. En 1792, cependant, lorsque la Todd, McGill and Company se joignit enfin à la North West Company, sous sa pression, Joseph Frobisher et Simon McTavish avaient déjà assuré leur prépondérance dans la coassociation. Si Todd et McGill étaient restés dans la North West Company depuis le début, ils se seraient peut-être montrés de sérieux rivaux dans la conquête de la traite des fourrures depuis Montréal.

Myron Momryk

ANQ-Q, CN1-16, 27 janv., 17 févr. 1809 ; CN1-26, 18 déc. 1801 ; CN1-256, 29 mai 1792 ; CN1-262, 2 oct. 1801.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 74 : 234s. ; MG 19, A3, 24 ; 69 ; MG 30, Dl, 20 ; RG 4, B1, 12 : 4586–4591 ; B28, 115.— NYPL, William Edgar papers (copies aux APC).— PRO, CO 42/5 : 30s. (copies aux APC).— « The British regime in Wisconsin, 1760–1800 », R. G. Thwaites, édit., Wis., State Hist. Soc., Coll., 18 (1908) : 313, 326.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 4 : 255.— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), 1 : 397s., 886s.— Docs. relating to NWC (Wallace).— Douglas, Lord Selkirk’s diary (White).— John Askin papers (Quaife).— Landmann, Adventures and recollections, 2 : 172.— La Gazette de Québec, 1766–1806.— Montreal Herald, 19 juin 1819.— Almanach de Québec, 1788 : 52.— Langelier, Liste des terrains concédés, 9.— Massicotte, « Répertoire des engagements pour l’Ouest », ANQ Rapport, 1942–1943.— M. W. Campbell, NWC (1973).— R. Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church.— B. M. Gough, The Royal Navy and the northwest coast of North America, 1810–1914 : a study of British maritime ascendancy (Vancouver, 1971), 12–24.— Innis, Fur trade in Canada (1970).— L. P. Kellogg, The British régime in Wisconsin and the northwest (Madison, Wis., 1935).— Lanctot, Canada and American revolution (Cameron).— M. S. MacSporran, « James McGill : a critical biographical study » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, [1930]).— Miquelon, « Baby family », 182, 189.— P. C. Phillips, The fur trade (2 vol., Norman, Okla., 1961), 2.— Rich, Hist. of HBC (1960), 2.— Rumilly, La compagnie du Nord-Ouest.— Ivanhoë Caron, « The colonization of Canada under the British dominion, 1800–1815 », Québec, Bureau des Statistiques, Statistical year-book (Québec), 7 (1920).— R. H Fleming, « Phyn, Ellice and Company of Schenectady », Contributions to Canadian Economics (Toronto), 4 (1932) : 30–32.— Charles Lart, « Fur trade returns, 1767 », CHR, 3 (1922) : 351–358.— E. A. Mitchell, « The North West Company agreement of 1795 », CHR, 36 (1955) : 128–130.— Ouellet, « Dualité économique et changement technologique », HS, 9 : 286.— W. E. Stevens, « The northwest fur trade, 1763–1800 », Univ. of Ill. Studies in the Social Sciences (Urbana), 14 (1926), no 3 : 167, 171, 175, 183s.

Bibliographie générale

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Myron Momryk, « TODD, ISAAC », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/todd_isaac_5F.html.

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Auteur de l'article:    Myron Momryk
Titre de l'article:    TODD, ISAAC
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    18 mars 2024