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FRENCH, sir GEORGE ARTHUR, officier dans l’armée, la milice et la Police à cheval du Nord-Ouest, né le 19 juin 1841 à Roscommon (république d’Irlande), fils aîné de John French et d’Isabella Hamilton ; le 18 décembre 1862, il épousa à Kingston, Haut-Canada, Janet Clarke Innes (décédée en 1917), et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 7 juillet 1921 à Kensington (Londres).
À l’instar de bien d’autres officiers de l’armée britannique vers la fin du xixe siècle, George Arthur French était anglo-irlandais. Sa famille ne devait pas être aisée puisque, après avoir commencé sa formation de soldat à Sandhurst, il la poursuivit à la Royal Military Academy de Woolwich (Londres) et devint canonnier. Les commissions dans la Royal Artillery ne s’achetaient pas, contrairement à celles des régiments d’infanterie et de cavalerie.
Nommé lieutenant le 19 juin 1860, French servit de 1862 à 1866 dans la Royal Artillery à Kingston. En 1869, il fut détaché auprès de la milice canadienne à titre d’inspecteur de l’artillerie et du matériel de combat. Bien que cette mutation ait constitué un avancement – elle s’accompagnait d’une promotion au grade de lieutenant-colonel, échelon auquel French parviendrait dans l’armée seulement le 1er octobre 1887 –, on peut penser qu’il l’accepta autant pour des raisons financières. Comme les forces impériales étaient en train de se retirer du Canada, French fit valoir au département de la Milice et de la Défense, dans son rapport du 1er janvier 1870, « l’absolue nécessité de former quelques batteries permanentes d’artillerie de garnison » et joignit à sa recommandation des estimations pour deux batteries. Le département prit alors des mesures en vue d’établir à Kingston et à Québec des écoles permanentes d’artillerie pour l’entraînement de la milice. Tout en conservant son poste d’inspecteur, French fut autorisé le 20 octobre 1871 à mettre sur pied à Kingston la School of Gunnery (A Battery, Garrison Artillery) et à en prendre le commandement.
En 1873, le gouvernement de sir John Alexander Macdonald* créa la Police à cheval du Nord-Ouest. En choisir le premier commissaire était de la plus haute importance. Les candidats ne manquaient pas : il y avait par exemple le commandant de l’école d’artillerie de Québec, Thomas Bland Strange, et plusieurs officiers supérieurs de la milice. Aucun document n’indique pourquoi Macdonald désigna French, mais, à titre de député de Kingston, il avait sans doute eu l’occasion de rencontrer ce commandant compétent. Macdonald pourrait aussi avoir tenu compte du fait que, avant d’entrer dans l’armée, French avait servi un moment dans la Royal Irish Constabulary, dont s’inspirait beaucoup la Police à cheval du Nord-Ouest.
French entra officiellement en fonction de commissaire le 16 octobre 1873, mais son travail le retint à Kingston jusqu’après la fin de novembre. À ce moment-là, la Police à cheval du Nord-Ouest existait déjà en partie, car le gouvernement avait dû devancer l’échéancier de sa mise sur pied en apprenant la nouvelle du massacre d’Hunkajuka* et d’une partie de ses hommes par une bande de trafiquants et de chasseurs canadiens et américains dans les monts Cypress (Alberta/Saskatchewan). Un premier groupe de policiers – 150 recrues et plusieurs officiers, dont James Farquharson Macleod* – avait été envoyé à Winnipeg, où il s’entraînait sous les ordres de William Osborne Smith*. Après s’être rendu à Winnipeg en janvier 1874 pour évaluer son commandement, French retourna à Toronto afin de lever un deuxième contingent.
Le 6 juin, French, 16 officiers (parmi lesquels son frère John*) et 201 hommes, avec 244 chevaux, s’embarquèrent dans des trains spéciaux et, en passant par Chicago, se rendirent jusqu’à Fargo (Dakota du Nord). À partir de là, ils continuèrent leur voyage à cheval vers le nord jusqu’à Dufferin, au Manitoba, où ils rejoignirent le contingent qui avait passé l’hiver à Winnipeg. French avait reçu l’ordre de mener ses hommes vers l’ouest jusqu’à ce qui est maintenant le sud de l’Alberta et de mettre fin au trafic de whisky qui se faisait à partir du territoire du Montana. Le groupe devait suivre un trajet situé juste au nord du 49e parallèle afin de profiter des campements et cachettes aménagés par les arpenteurs de la frontière internationale [V. Samuel Anderson*]. Toutefois, à cause des rapports selon lesquels des combats opposaient des autochtones et l’armée américaine près de la frontière, Ottawa ordonna à French de rester beaucoup plus au nord. Tel était le contexte dans lequel commença ce que l’on appelle la Longue Marche.
Le changement d’itinéraire causa d’énormes difficultés à la Police à cheval du Nord-Ouest. Il existait alors une seule carte de la région, dressée pendant l’expédition de John Palliser* en 1857, et elle se révéla inexacte. Les policiers n’arrivaient ni à trouver des guides, ni à se procurer du fourrage et de l’eau pour leurs chevaux. À la fin de juillet, près d’un mois après le début de la marche, French chargea une équipe de conduire les chevaux les plus malades vers le nord par la piste Carlton jusqu’au fort Edmonton (Edmonton), propriété de la Hudson’s Bay Company. Le reste de la colonne continua d’avancer dans les Prairies. Il n’y avait pas la moindre piste. Au début de septembre, la plupart des hommes savaient que French était complètement égaré. Néanmoins, il tint bon et, malgré leur épuisement, mena ses hommes toujours plus à l’ouest jusqu’en terrain connu. Le 18 septembre, ils firent halte dans les monts Sweet Grass (Alberta/Montana) et y établirent un campement.
French descendit ensuite jusqu’au fort Benton (Fort Benton, Montana) avec une partie de ses hommes afin d’aller chercher des chevaux et des provisions et de télégraphier à Ottawa. De plus, il recueillit des indices sur le massacre des monts Cypress. Le gouvernement approuva son plan, qui consistait à laisser la plupart de ses hommes dans la région de la rivière Belly pendant que lui-même monterait vers le nord-est pour installer un quartier général à la rivière Swan (Livingstone, Saskatchewan). Cet emplacement, choisi à Ottawa parce qu’il se trouvait sur le tracé du futur chemin de fer vers la côte du Pacifique, ne présentait guère d’autres avantages que celui-là, comme le découvrit French à son arrivée le 21 octobre. Il n’y avait aucune forte concentration d’autochtones dans les environs et aucun établissement dans la région. En outre, un incendie avait ravagé ce coin perdu et les entrepreneurs n’avaient pas terminé les bâtiments. Convaincu que l’ensemble de ses hommes et de ses chevaux ne pourraient pas passer tout l’hiver dans un lieu pareil, French n’y laissa qu’une trentaine d’hommes et, même s’il n’avait aucune autorité au Manitoba, prit la sage décision d’installer son quartier général plus au sud, à Dufferin.
Lorsque French retourna à la rivière Swan au printemps de 1875, il tenta honnêtement de rendre l’endroit habitable. Néanmoins, dans ses messages à Ottawa, il ne cachait pas sa mauvaise opinion du poste et réclamait avec insistance l’autorisation d’établir son quartier général au fort Macleod (Fort Macleod, Alberta), où se concentraient la plupart des activités de la police. Malheureusement pour lui, le climat politique avait changé depuis la formation d’un gouvernement libéral à la fin de 1873. Le nouveau premier ministre, Alexander Mackenzie*, était économe à l’excès et, à l’instar de son cabinet, il doutait sérieusement que le gouvernement précédent avait eu raison de créer la Police à cheval du Nord-Ouest. Comme French devait sa nomination aux conservateurs, il avait peu de chance de trouver une oreille attentive. Et puis, ses nombreuses suggestions en vue d’améliorer la police, toutes coûteuses, confirmaient le gouvernement libéral dans ses soupçons que French était dépensier.
Au début de 1876, la situation atteignit un point critique. Conscient de ne plus avoir la confiance des autorités, French tenta de provoquer un dénouement. En mars, il écrivit au ministre de la Justice, Edward Blake*, pour lui demander la permission de se rendre à Ottawa afin de discuter d’une longue liste de problèmes pressants. Blake refusa. Dans les télégrammes échangés au cours des deux mois suivants, French continua d’énumérer des raisons de se rendre dans la capitale, mais ses supérieurs politiques continuèrent de rejeter sa requête. Il offrit même de payer le voyage. En vain. Sa position était devenue intenable. Il démissionna en juillet 1876. Ses officiers et ses hommes lui témoignèrent plus d’admiration que les milieux politiques : ils lui remirent une montre en or d’une valeur de 150 $ (une grosse somme pour l’époque) et donnèrent à Mme French un service d’argenterie. Quant au gouvernement britannique, il le récompensa en lui décernant le 30 mai 1877 le titre de compagnon de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges.
French retourna à la Royal Artillery, qui l’affecterait tour à tour en Angleterre, en Australie et en Inde. Nommé inspecteur du matériel de combat à Devonport en 1878, il occupa ce poste jusqu’à sa nomination au commandement des forces coloniales du Queensland en 1883. Les troupes de défense de ce territoire furent réorganisées en 1885 en vertu d’un projet de loi rédigé par lui et inspiré du système canadien. À son retour en Angleterre en 1891, il fut placé à la tête de la Royal Artilley à Douvres. De juin 1892 à octobre 1893, il fut instructeur en chef à la School of Gunnery de Shoeburyness. Ensuite, il dirigea la Royal Artillery à Bombay durant deux ans en qualité de colonel d’état-major. Sa dernière affectation le mena en Nouvelle-Galles du Sud, où il commanda les forces coloniales. Promu major-général le 25 mai 1900, il se retira de l’armée en septembre 1902 et reçut la même année le titre de chevalier commandeur de l’ordre de Saint-Michel et Saint-Georges. Il vécut à Londres jusqu’à son décès.
Militaire assez distingué, sir George Arthur French joua un rôle bref mais important dans l’histoire du Canada. Il fut l’un de ceux qui facilitèrent la création d’une armée régulière de défense. En tant que premier commissaire permanent de la Police à cheval du Nord-Ouest, il organisa celle-ci et lui donna de solides assises dans l’Ouest. Cependant, les difficultés de sa mission et l’absence de soutien politique de la part du gouvernement Mackenzie l’amenèrent à démissionner avant terme et à quitter le Canada.
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Roderick C. Macleod, « FRENCH, sir GEORGE ARTHUR », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/french_george_arthur_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/french_george_arthur_15F.html |
Auteur de l'article: | Roderick C. Macleod |
Titre de l'article: | FRENCH, sir GEORGE ARTHUR |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 9 nov. 2024 |