OUIMET, JOSEPH-ALDRIC (baptisé Aldric), avocat, officier de milice, homme d’affaires, homme politique et juge, né le 21 mai 1847 à Sainte-Rose (Laval, Québec), fils de Michel Ouimet et d’Élisabeth Filiatrault, dit Saint-Louis ; le 30 juillet 1874, il épousa à Montréal Thérèse La Rocque (décédée en 1897), et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 12 mai 1916 à Montréal.
Joseph-Aldric Ouimet étudia au petit séminaire de Sainte-Thérèse, au Bas-Canada. Il s’inscrivit ensuite au Victoria College de Cobourg, en Ontario, où il obtint en 1869 un baccalauréat en droit, et travailla comme journaliste à Montréal pour le Nouveau Monde et la Minerve jusqu’à son admission au Barreau de la province de Québec en 1870. Respecté tout au long de sa carrière juridique, il fut nommé en 1880 conseiller de la reine et procureur de la couronne à Montréal. Conservateur, il occupa le poste de procureur de la couronne jusqu’à ce que le gouvernement provincial libéral d’Honoré Mercier* l’en déloge en 1887.
Le 27 octobre 1873, Ouimet avait remporté le siège de Laval aux Communes au cours d’une élection partielle ; il le détiendrait jusqu’à sa nomination dans la magistrature en 1896. En Chambre, il réclama une amnistie complète pour le chef métis Louis Riel* à la suite du soulèvement de la Rivière-Rouge en 1869–1870. Par crainte que la compétence provinciale ne soit pas respectée, il s’opposa au projet de loi que présenta le gouvernement libéral d’Alexander Mackenzie* en 1875 en vue de créer la Cour suprême du Canada [V. Télesphore Fournier*]. Ouimet voulait que ce tribunal d’appel soit habilité à entendre seulement les causes relevant des lois adoptées par le Parlement et que les questions de procédure civile, de propriété et de droits civils soient laissées aux tribunaux provinciaux. Il s’en prit également à la politique libérale de libre-échange et soutint la Politique nationale de protection de l’industrie mise de l’avant par le chef conservateur sir John Alexander Macdonald*.
Ouimet se fit connaître en 1879 par ses violentes attaques contre le gouverneur général, lord Lorne [Campbell], qui, selon lui, avait violé la constitution en refusant de suivre l’avis du premier ministre du pays, Macdonald, et de démettre de ses fonctions Luc Letellier* de Saint-Just, le lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Lorne soumit plutôt la question au ministère des Colonies et, sur les instructions de celui-ci, il démit Letellier. Néanmoins, à cause de ses emportements contre le représentant de la reine, Ouimet subit le blâme de Macdonald, et son avancement politique fut menacé. En 1884, il prouva qu’il était prêt à mettre en péril l’achèvement du chemin de fer canadien du Pacifique en refusant de voter des crédits supplémentaires si le Québec ne recevait pas d’indemnités pour avoir construit sa section du chemin de fer de Montréal, Ottawa et Occidental. Par ce geste, il se condamna encore à rester à l’arrière-ban. Tout comme Alphonse Desjardins et Thomas McGreevy*, et avec le soutien de Louis-Adélard Senécal*, Ouimet faisait partie des dirigeants d’un consortium qui avait acquis la section est du chemin de fer en 1882.
Comme il n’avait guère d’avenir en politique, Ouimet se tourna vers la milice. Il l’avait toujours promue vigoureusement, non pas en tant que force défensive, mais en tant qu’institution capable de promouvoir un sentiment national dans la population. Ouimet s’était enrôlé dans la milice dès sa jeunesse et avait quitté l’école d’infanterie en 1864 avec un diplôme de première classe. L’année suivante, il obtint un diplôme de l’école d’artillerie. En 1870, il devint lieutenant en premier dans le 4e bataillon (Chasseurs canadiens) ; deux ans plus tard, il fut promu capitaine du 65e bataillon (fusiliers Mont-Royal). Il avait combattu en 1870 au cours de la deuxième campagne fénienne [V. John O’Neill*]. Les conservateurs étaient mieux disposés à satisfaire ses aspirations militaires que ses aspirations politiques et, en janvier 1880, il obtint un poste convoité, celui de lieutenant-colonel de son unité. Cinq ans plus tard, à la tête du 65e bataillon, il se rendit dans la région d’Edmonton afin de maintenir l’ordre après la rébellion du Nord-Ouest [V. Riel]. À son retour à Montréal, il était un héros, mais, aux yeux de bien des Canadiens français, il perdit bientôt son lustre en blâmant Riel pour la rébellion et en affirmant qu’il méritait d’être pendu. Parce qu’il soutint le gouvernement conservateur pendant la crise provoquée par la condamnation de Riel, il reçut en récompense, le 13 avril 1887, la présidence des Communes, qu’il conserva jusqu’en 1891. Macdonald reconnut sa loyauté en le faisant nommer au Conseil privé le 20 mai 1891.
Avec la bénédiction de son mentor, Joseph-Adolphe Chapleau*, Ouimet accepta le poste de ministre des Travaux publics dans le gouvernement de John Joseph Caldwell Abbott* en janvier 1892. Moins d’un an plus tard, il dirigeait les conservateurs canadiens-français à Ottawa. Le plus grand défi auquel il dut faire face fut la question scolaire du Manitoba [V. Thomas Greenway*]. Lui qui, de 1874 à 1879, avait appartenu au Bureau des commissaires d’écoles catholiques de la cité de Montréal, était favorable à ce que la minorité catholique du Manitoba ait des écoles confessionnelles. Comme le premier ministre du Canada, Mackenzie Bowell, hésitait à présenter une loi réparatrice qui redonnerait aux catholiques manitobains leurs droits scolaires, Ouimet et deux de ses collègues de la province de Québec, sir Adolphe-Philippe Caron* et Auguste-Réal Angers, démissionnèrent du cabinet le 8 juillet 1895. Ouimet et Adolphe Caron retirèrent leur démission après que Bowell eut promis d’agir. En avril 1896, le Parlement mit fin à ses travaux avant que la loi controversée ait pu être adoptée et Bowell démissionna du poste de premier ministre en faveur de sir Charles Tupper. Ouimet profita de l’occasion pour quitter la scène politique et accepter un poste de juge puîné à la Cour du banc de la reine de la province de Québec. Il entra en fonction le 19 mai.
En 1900, les conservateurs tentèrent de ramener Ouimet en politique, mais il refusa. Toutefois, il se présenta dans la circonscription de Yamaska aux élections générales de 1908, sans succès, après avoir démissionné de son poste de juge en 1906. Dès lors, il se consacra à ses affaires. Homme aisé, il s’était lancé tôt dans la finance et le commerce. Après 1886, il fut vice-président du Crédit foncier franco-canadien. Il fut également président de la National Real Estate and Investment Company of Canada et de la Société d’agriculture de Laval ainsi que membre du conseil d’administration de la Compagnie d’assurance sur la vie, dite des Manufacturiers, et de la Société d’administration générale. Membre du conseil d’administration de la Banque d’épargne de la cité et du district de Montréal depuis 1880, il en devint vice-président en 1906. Élu président l’année suivante, il permit à la banque de traverser en 1913 une crise au cours de laquelle elle perdit la confiance de la population et vit ses épargnants réclamer leur argent. Une fois les choses revenues à la normale, la banque prospéra sous la présidence de Ouimet. Il démissionna de son poste au début de 1916 pour des raisons de santé, mais il resta au conseil d’administration jusqu’à son décès.
Joseph-Aldric Ouimet était un homme accompli. Il participa à la Citizens’ Association of Montreal, au Club Cartier et à la Ligue antialcoolique de Montréal. Grand sportif, il aimait la chasse et le yachting. À titre de président de la Dominion Rifle Association en 1888, il tenterait de rehausser la compétence des miliciens au tir. Conservateur par sa mentalité et en politique, c’était un fier Canadien français qui évoluait dans les cercles huppés de Montréal.
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Kenneth Munro, « OUIMET, JOSEPH-ALDRIC (baptisé Aldric) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ouimet_joseph_aldric_14F.html.
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Auteur de l'article: | Kenneth Munro |
Titre de l'article: | OUIMET, JOSEPH-ALDRIC (baptisé Aldric) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |