DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

ROBINSON, ELIZA ARDEN – Volume XIII (1901-1910)

décédée le 19 mars 1906 à Victoria

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

TARDIVEL, JULES-PAUL, journaliste, directeur et propriétaire de journal et auteur, né le 2 septembre 1851 à Covington, Kentucky, fils de Claude Tardivel, menuisier, et d’Isabella Brent ; le 5 février 1874, il épousa à Saint-Hyacinthe, Québec, Henriette Brunelle, et ils eurent quatre filles et un garçon ; décédé le 24 avril 1905 à Québec.

Celui qui va devenir le héraut du nationalisme canadien-français est né Américain, issu de parents eux-mêmes récemment immigrés d’Angleterre et de France aux États-Unis. À la mort de leur mère, Jules-Paul et sa sœur Anna sont confiés à une tante maternelle qui va les élever à Covington, puis au presbytère de l’abbé Julius Brent, curé de Mount Vernon, en Ohio. Sa tante s’intéressera sans cesse à Jules-Paul Tardivel : elle paiera ses études au séminaire de Saint-Hyacinthe puis, en 1881, l’aidera à équiper le journal la Vérité d’une presse. Le père de Jules-Paul, parti refaire sa vie plus au sud, retrouvera son fils à Québec plus de 40 ans après l’avoir laissé à sa belle-sœur et peu de temps avant de retourner mourir aux États-Unis. Quant à la petite Anna, elle deviendra sœur dominicaine aux États-Unis et restera proche de son frère jusqu’à la fin.

Tandis que le jeune Jules-Paul grandit au milieu de ses parents d’adoption anglophones, dans un petit village de l’Ohio, son oncle l’abbé Brent rencontre des prêtres du Bas-Canada venus du séminaire de Saint-Hyacinthe pour exercer leur ministère aux États-Unis et combattre l’influence de Charles Chiniquy* chez les « Canadiens » du Mid-West. Ils persuadent l’abbé Brent d’envoyer le jeune homme au collège. C’est ainsi qu’en 1868, celui qui s’appelle alors Julius Tardeville (son nom a été modifié à la mode américaine) arrive sur les bords de la rivière Yamaska. En raison de son âge et de son ardeur au travail, on lui permet de faire des études classiques accélérées, c’est-à-dire en quatre ans au lieu des six ou sept années habituelles. Tardivel étudie dans un des hauts-lieux du patriotisme canadien-français de l’époque. De plus, il entre au collège au moment même où les premiers jeunes gens, souvent issus des collèges classiques, vont voler à la défense du pape Pie IX sous la bannière des zouaves pontificaux. Trop jeune pour être zouave en armes, Tardivel sera toute sa vie un zouave de la plume, sur la brèche pour défendre les intérêts de l’Église catholique à la lumière des directives romaines. Il garde un souvenir fidèle et reconnaissant de ses maîtres de collège, en particulier l’abbé François Tétreau.

Au terme de ses études classiques, Tardivel rentre aux États-Unis. C’est pour lui un désenchantement. Dans l’ambiance de la Reconstruction, il se sent comme un étranger dans son pays natal. Il revient alors dans la province de Québec. À Saint-Hyacinthe, au début de 1873, il trouve à s’employer au Courrier de Saint-Hyacinthe, journal conservateur bon teint. Dès septembre suivant, il est de la rédaction de la Minerve, grand organe montréalais du tout-puissant parti du premier ministre fédéral John Alexander Macdonald*. Le 5 février 1874, Tardivel épouse Henriette Brunelle à Saint-Hyacinthe. C’est la fille du notaire Antoine-Ambroise Brunelle, notable de la région de Rouville qui a adopté une attitude ferme contre les excès des bureaucrates en 1837. Cette femme énergique, de cinq ans l’aînée de son mari, sera une compagne dévouée et fidèle. Leur fille Isabella épousera Charles-Joseph Magnan*, futur inspecteur général des écoles catholiques de la province de Québec ; Alice se mariera à Omer Héroux*, journaliste connu surtout par sa longue participation à l’équipe éditoriale du Devoir ; Albertine épousera Joseph Bégin, éditeur propriétaire de la Croix de Montréal, hebdomadaire répandu dans les milieux catholiques intransigeants ; Paul s’unira à Gratia Pageau et continuera l’œuvre de son père jusqu’en 1923, au moment où les presses de la Vérité cesseront définitivement de tourner ; Georgine sera mariée à Henri Bazin, industriel de Québec.

En juillet 1874, Tardivel entre au Canadien de Québec, autre feuille vouée entièrement aux intérêts du Parti conservateur ; il y sera bientôt rejoint par Joseph-Israël Tarte. Tardivel y parfait sa connaissance du monde politique et s’y livre aussi volontiers à la critique littéraire sans oublier les grands combats religieux. Il est actif au Cercle catholique de Québec, cellule ultramontaine dans le diocèse de l’archevêque libéral Elzéar-Alexandre Taschereau* [V. Jean-Étienne Landry*]. À la mort du pape en 1878, il publie à Québec une Vie du pape Pie IX : ses œuvres et ses douleurs qui connaît un vif succès de librairie : c’est une illustration inconditionnelle des idées catholiques conservatrices.

L’Américain qui a voué sa vie à la défense de son pays d’adoption, le Canada français, est plus que personne conscient de l’importance de la qualité de la langue. En 1880, il publie l’Anglicisme voilà l’ennemi [...]. Toute sa vie active, il pourfend les anglicismes et défend les archaïsmes de bon aloi. Vingt ans plus tard, il donnera une conférence retentissante sur « la Langue française au Canada », abondamment diffusée en brochures.

En 1881, Tardivel a 30 ans. Depuis près d’une décennie il œuvre dans le journalisme. Il s’est familiarisé avec le monde politique comme courriériste parlementaire et a tâté de la critique littéraire. Sans doute insatisfait de son rôle au Canadien, il rêve de plus d’indépendance éditoriale. Il songe d’abord à quitter le journalisme pour s’adonner à la rédaction de manuels scolaires. Puis il rencontre le célèbre père oblat Pierre-Zacharie Lacasse*, apôtre de la colonisation, qui le persuade de fonder un journal indépendant des partis politiques, tout consacré à la défense du catholicisme intégral et de la nationalité. Le journaliste, qui s’est toujours modelé sur le Français Louis Veuillot, se lance dans l’aventure. En juillet 1881 paraît à Québec le premier numéro d’un hebdomadaire, la Vérité, qui durera plus de 40 ans, dirigé jusqu’en 1905 par Tardivel et, après la mort du fondateur, par son fils Paul.

Si le modèle de la Vérité est l’Univers, de Paris, comme Veuillot inspire Tardivel, il existe néanmoins au Canada français une tradition de journal catholique indépendant. À Montréal, autour de Mgr Ignace Bourget*, ont été créés le Nouveau Monde et l’Ordre dans les années 1860. À Québec, le Courrier du Canada a été aussi lancé dans cet esprit. Mais ces feuilles ont disparu ou se sont finalement rangées sous la bannière du Parti conservateur. L’hebdomadaire de Tardivel va constituer la réalisation la plus durable dans le domaine et inspirer la fondation du Devoir, à Montréal, du Droit, à Ottawa, de l’Action catholique, à Québec, et d’autres feuilles moins connues. La Vérité sait à l’occasion défendre ses opinions contre celles des évêques, dans les matières dites mixtes, c’est-à-dire laissées à l’interprétation des fidèles, comme c’est le cas dans bien des questions politico-religieuses. L’ultramontain Tardivel aura souvent maille à partir avec son archevêque, l’autoritaire cardinal Taschereau, voire avec Mgr Louis-Nazaire Bégin*, son successeur, qui trouve le directeur de la Vérité trop indocile.

Tardivel se plaît à opposer l’enseignement du pape à celui des évêques qu’il juge trop libéraux et il dispose de solides conseillers en matière théologique. L’autorité ecclésiastique est d’autant plus sensible aux propos de Tardivel que la Vérité, malgré son faible tirage (quelque 3 000 exemplaires en ses meilleures années), est largement répandu dans les presbytères et dans les collèges classiques. Quant aux hommes politiques, la Vérité ne peut que les embarrasser. Tardivel tire à boulets rouges dans toutes les directions. Il dénonce sans trêve les radicaux, tel Honoré Beaugrand, foncièrement anticléricaux. Il peint sous un jour noir les libéraux comme Wilfrid Laurier*, à ses yeux fossoyeurs en douce de la religion et de la nationalité canadienne-française. Il ne ménage pas plus les conservateurs de la Minerve, trop tièdes en religion et trop peu patriotes ainsi qu’il le constate au moment de l’affaire Riel [V. Louis Riel*]. C’est à cette occasion qu’il réussit même à se brouiller avec Mgr Louis-François Laflèche*, chef de file des évêques ultramontains resté alors fidèle au Parti conservateur contre les riellistes. Ses profondes affinités avec Henri Bourassa* n’empêcheront pas Tardivel de mener en 1904 une polémique célèbre avec le jeune député au sujet de la notion de patrie : un Canada bilingue et autonome de l’Angleterre pour Bourassa ; un État français et catholique pour Tardivel. Nulle surprise si les hommes politiques ne ménagent pas le directeur-propriétaire de la Vérité. Un Honoré Mercier* excédé tentera de fermer la Vérité en interdisant aux imprimeurs de Québec qui vivent des contrats gouvernementaux d’imprimer le journal. Tardivel riposte alors en installant ses presses dans la cave de sa maison du chemin Sainte-Foy, à Québec.

Les années 1870 ont été celles des grands combats autour de l’université Laval et de l’abus d’influence du clergé. Le Canadien où travaille alors Tardivel se révèle un farouche critique de l’université, considérée comme un bastion des libéraux en politique voire en religion. Durant ces années, on discute aussi beaucoup d’émigration aux États-Unis et d’instruction publique. Tardivel dénonce sans répit le « mirage » américain où vont se perdre les Canadiens français sur le plan religieux et national. Il est naturellement en faveur du contrôle de l’Église sur l’éducation. L’expérience française du temps nourrit ses craintes de voir l’État dominer de plus en plus l’école dans un esprit peu favorable aux croyances religieuses. Comme on l’a vu, Tardivel fonde la Vérité en 1881, pour défendre plus librement ses positions. Il encourage avec ardeur la colonisation, considérée alors comme une des solutions au problème de l’émigration. Sur la plupart des grandes questions, ses positions sont celles des ultramontains et il apporte ainsi de l’eau au moulin des conservateurs. Cependant, il semonce volontiers la Minerve, trop opportuniste à ses yeux, et se retrouve le plus souvent aux côtés de l’Étendard de François-Xavier-Anselme Trudel*.

Au milieu des années 1880, on voit des déchirements douloureux dans le camp conservateur et plus particulièrement chez les ultramontains. L’affaire Riel fait l’effet d’un choc. Si Mgr Laflèche et un bon nombre restent fidèles au parti de Macdonald, bien d’autres comme Trudel misent – sur le Parti national de Mercier. Tardivel croit d’abord qu’un Mercier, bien inspiré sur le plan politico-religieux, représente une chance pour le Québec en mal d’autonomie et de réconciliation nationale. Il appuie Mercier durant deux années. Mais il se détournera de lui et le combattra avec la dernière énergie lorsqu’il verra le premier ministre entraîné dans les scandales politiques.

Pendant dix ans, soit de l’affaire Riel à 1895, Tardivel raffine son projet autonomiste qui aboutit à l’indépendantisme pour des raisons qui tiennent autant de la défense religieuse que de l’épanouissement national. Son roman Pour la Patrie, publié à Montréal en 1895, marque l’aboutissement de sa pensée séparatiste qu’il ne fera ensuite que préciser ou expliciter. La solution religieuse et nationale pour Tardivel réside dans la « fondation d’un état canadien-français et catholique ». Ce pays qui viendra à l’heure choisie par la Providence continuera la mission en Amérique du Nord de la France de jadis, c’est-à-dire témoigner de la foi catholique et conserver la culture française. Travailler à l’indépendance du Canada français ne postule pas à court terme la dissolution des liens avec Londres, qui représente une protection contre les menées des Canadiens anglais. Pour le moment, devant l’échec de la Confédération, Tardivel lutte vigoureusement contre l’esprit centralisateur d’Ottawa visant à l’union législative qui, selon lui, sera fatale au Canada français.

Cette défense d’un Canada français qui, dans la meilleure des hypothèses, pourrait englober une partie de la Nouvelle-Angleterre et de l’Ontario, amène logiquement à abandonner à leur sort les Canadiens français de l’Ouest. Partisan de la colonisation de la province de Québec comme solution à la surpopulation, hostile à l’émigration aux États-Unis qu’il décrit pendant toute sa carrière sous des couleurs sombres, Tardivel est peu favorable à l’émigration au Manitoba et au Nord-Ouest. Il voit là une pure perte pour le Canada français. L’affaire Riel, puis celles des écoles du Manitoba et du Nord-Ouest ne peuvent que le confirmer dans son opinion. Avec les archevêques Alexandre-Antonin Taché* et Adélard Langevin*, ainsi que des leaders franco-manitobains, il aura des échanges courtois mais fermes sur la question. Cependant, la profonde solidarité que ressent Tardivel pour tout ce qui est canadien-français le pousse à défendre les droits du français hors de la province de Québec. Il fustige Macdonald dans l’affaire Riel, inspirée selon lui par la haine de la francophonie. Durant l’affaire des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway], il tire à boulets rouges sur Laurier trop opportuniste à son gré. Sur son lit de mort en 1905, il dicte son dernier éditorial pour dénoncer la « trahison » de Laurier, qui cède trop des droits des francophones au moment de la constitution des provinces de Saskatchewan et d’Alberta.

Les ennemis de Tardivel l’ont peint sous les traits d’un personnage sombre et sans cesse prêt à fondre sur quelque nouvelle victime de son sectarisme étroit. Ces jugements durs s’expliquent en bonne part par l’ardeur que Tardivel déploie à dénoncer tous ceux qui s’écartent le moindrement de ce qu’il conçoit comme l’orthodoxie en matière religieuse et nationale. Une part de la légende de Tardivel vient aussi de sa hantise des complots, alliée à un goût du mystère qu’il cultive volontiers. Fasciné comme bien de ses contemporains par les sociétés secrètes et l’occultisme, Tardivel donne souvent dans la thèse du complot maçonnique, à la mode à partir de 1880 surtout, dans les milieux conservateurs catholiques. Le goût du mystère de Tardivel se manifeste par sa traduction du roman de Robert Louis Stevenson, The Strange Case of Dr. Jekyll and Mr. Hyde, publiée à Québec en 1888. Son roman nationaliste Pour la Patrie a choqué même des esprits conservateurs du temps pour son recours facile au miracle, voire aux apparitions. Durant ses voyages, Tardivel, pour dérouter ses interlocuteurs inconnus et peut-être malveillants, n’hésite pas à s’affubler d’une identité d’emprunt.

La méfiance de Tardivel à l’endroit du monde fait bon ménage avec un goût de la nature qui vient de sa jeunesse dans la campagne de l’Ohio. Grand marcheur, il traverse toujours la ville à pied. Chaque automne, il effectue son pèlerinage à pied à Sainte-Anne-de-Beaupré. C’est un chasseur et un pêcheur infatigable, un patineur élégant et un raquetteur habile. Il s’adonne volontiers à la voile sur le fleuve au large de l’île d’Orléans. Ce citadin garde la nostalgie de la vie rurale : il cultive aux portes de Québec un potager qui fait l’admiration des visiteurs et des voisins. Et il ne dédaigne pas de se mesurer avec les habitants dans des concours de fauchage.

Tardivel n’a rien d’un isolé qui n’écoute que lui-même. Il a toujours su s’entourer d’amis sûrs. Après ses professeurs du collège de Saint-Hyacinthe, il a pu compter dans ses débuts professionnels sur l’appui de Joseph-Israël Tarte, maître journaliste avec qui il rompra cependant de façon retentissante. Victor Livernois, jeune avocat de Québec qui ira se faire chartreux en France, reste sans doute son meilleur ami de jeunesse. La Vérité ne subsiste que grâce à un grand concours d’amis solides et de bon conseil, parmi lesquels l’agronome Édouard-André Barnard*, le curé François Cinq-Mars de Portneuf, et le fonctionnaire Ernest Gagnon*. Hors de Québec, Tardivel bénéficie aussi d’amis et d’appuis : Mgr Laflèche, évêque de Trois-Rivières, ou le sénateur François-Xavier-Anselme Trudel de Montréal.

Autour de 1900. au moment où l’autorité de Tardivel est plus grande que jamais, le journaliste Omer Héroux vient travailler avec lui. La maison du chemin Sainte-Foy, près de l’avenue des Érables, est alors le rendez-vous de personnalités du temps. Le jeune Henri Bourassa vient profiter des expériences de l’observateur chevronné de la scène politique qu’est Tardivel. Philippe Landry*, futur président du Sénat canadien et conservateur bon teint, y passe volontiers. Alphonse Desjardins*, le fondateur des Caisses populaires, y alimente son patriotisme fortement teinté de religion. S’y retrouvent aussi les Livernois, amants de la nature et bourgeois conservateurs, amis de toujours de Tardivel, de même que de nombreux ecclésiastiques, tel le jésuite Joseph-Édouard Désy, fondateur de la villa Manrèse toute proche.

Le père Joseph Grenier, jésuite qui travaille toujours dans l’ombre (il ne signe aucun article dans la Vérité), conseille et encourage Tardivel du début des années 1880 jusqu’à la mort du journaliste. C’est lui qui aide Tardivel à naviguer dans les eaux semées de récifs des questions mixtes, c’est-à-dire impliquant la religion, là où le journaliste catholique s’expose aux censures épiscopales. Le père Grenier a constitué un cercle de soutien qui assurent au journaliste Tardivel la sécurité matérielle. Ce sont eux, par exemple, qui financent son voyage d’études en Europe en 1888–1889. C’est encore le père Grenier qui a rédigé la longue histoire de la Vérité que Tardivel publie en 1903 en tête du troisième tome de ses Mélanges.

Jules-Paul Tardivel occupe une place de choix dans l’histoire du journalisme et des idées au Canada français. Il a été, dans son siècle, le plus fameux représentant d’une presse à la fois fidèle aux enseignements de l’Église catholique, indépendante des partis politiques et vouée à la défense du Canada français. Son influence est sans proportion avec la faiblesse des moyens dont il a disposé. Tardivel reste aussi l’exemple du journaliste attaché au catholicisme dans sa forme intransigeante. Ce faisant, il a contribué à la surenchère d’orthodoxie religieuse qui allait marquer le Canada français jusqu’aux années 1960. Cet Américain de naissance suscitera la fierté nationale parmi des générations de jeunes de sa patrie d’adoption. Pour lui, religion et nationalité restent profondément liées. En cimentant ces deux forces, il a favorisé la survivance de la culture canadienne-française tout en contribuant au renforcement du catholicisme. Oubliant ses outrances et ses limites, la postérité a surtout retenu de lui l’image du pionnier d’une presse libre à l’endroit des partis politiques et toute adonnée à la défense et à l’illustration d’une nation catholique canadienne-française en terre nord-américaine.

Pierre Savard

L’acte de naissance de Jules-Paul Tardivel n’a pas été retrouvé ; on possède une déclaration assermentée de son cousin Samuel J. Brent, de Columbus, Ohio, le 30 janvier 1899, attestant la date et le lieu de naissance (ANQ-Q, P–683/2). Tardivel a été naturalisé canadien à Québec le 21 janvier 1896. Son acte de mariage se trouve aux ANQ-M, CE2-1, 5 févr. 1874, et celui de son décès, aux ANQ-Q, CE1-97, 26 avril 1905.

L’essentiel des sources manuscrites pour connaître Tardivel est conservé aux ASJCF, Fonds Immaculée-Conception (plus de 3 600 pièces de correspondance et divers autres documents). On trouve des lettres de Tardivel ou qui lui sont adressées dans les Arch. du séminaire de Saint-Hyacinthe, Québec, aux AAQ, aux Arch. de la chancellerie de l’archevêché de Montréal, aux AASB, aux Arch. de l’évêché de Trois-Rivières, Québec, et aux Arch. de l’évêché de Chicoutimi, Québec, entre autres. La Bibliothèque nationale du Québec (Montréal), sous la cote mss–225, et les ANQ-Q, sous la cote P–683 possèdent un fonds Tardivel. Les ASQ conservent quelques documents concernant le directeur de la Vérité (Québec).

Enfin, Jean Tardivel, petit-fils de Jules-Paul, a rédigé un manuscrit de 113 pages riche de renseignements sur le journaliste intime, ses ancêtres et ses descendants (ANQ-Q, P–683/4).

L’essentiel de la production imprimée de Tardivel se retrouve dans les journaux comme le Canadien, de 1874 à 1881, et la Vérité, de 1881 à 1905. Le journaliste a colligé des articles en trois volumes de Mélanges ou Recueil d’études religieuses, sociales, politiques et littéraires, publiés à Québec en 1887, 1901 et 1903. L’introduction au troisième volume contient une utile histoire du journal la Vérité. De Tardivel, on a aussi de copieuses Notes de voyage en France, Italie, Espagne, Irlande, Angleterre, Belgique et Hollande, ouvrage publié à Montréal en 1890. Son roman Pour la Patrie : roman du XXe siècle (Montréal, 1895) a connu deux rééditions (1936 ; 1975) et a été traduit en anglais par Sheila Fischman, sous le titre de For my country – « Pour la patrie » ; an 1895 religious and separatist vision of Quebec in the mid-twentieth century (Toronto et Buffalo, N.Y., 1975) En 1900, Tardivel a publié à Montréal la Situation religieuse aux États-Unis : illusions et réalité qui a eu du retentissement jusqu’en France et aux États-Unis.

Notre ouvrage, Jules-Paul Tradivel, la France et les États-Unis, 1851–1905 (Québec, 1967), complète cette liste des sources manuscrites et imprimées essentielles pour connaître Tardivel, et donne la liste complète de ses œuvres. De plus, nous y mentionnons les études qui lui sont entièrement consacrées, celles qui traitent d’un aspect de sa carrière et les divers travaux qui le concernent. Depuis 1967, il faut aussi signaler : la parution d’un choix commode de ses écrits que nous avons édité sous le titre de Jules-Paul Tardivel (Montréal et Paris, 1969) ; les deux introductions du roman de Tardivel, publiées en 1975, l’une de John Hare pour l’édition française, et l’autre de A. I. Silver pour l’édition anglaise ; une analyse de la pensée politique de Tardivel par Réal Bélanger, « le Nationalisme ultramontain : le cas de Jules-Paul Tardivel », les Ultramontains canadiens-français, sous la dir. de Nive Voisine et Jean Hamelin (Montréal, 1985), 267–303 ; et une étude, faite à partir des archives de l’Ouest, de l’attitude de Tardivel relativement aux francophones de cette partie du Canada par Robert Painchaud, Un rêve français dans le peuplement de la Prairie (Saint-Boniface, 1986). [p. s.]

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Pierre Savard, « TARDIVEL, JULES-PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/tardivel_jules_paul_13F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/tardivel_jules_paul_13F.html
Auteur de l'article:    Pierre Savard
Titre de l'article:    TARDIVEL, JULES-PAUL
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    19 mars 2024