TUCKER, RICHARD ALEXANDER, avocat, juge et fonctionnaire, né aux Bermudes en 1784, fils de Henry Tucker, président du Conseil des Bermudes, et de Frances Bruere, fille du gouverneur de l’île ; il épousa sa cousine, Mary Todd Bruere, qui donna naissance à deux fils et deux filles ; décédé le 11 décembre 1868 à Clapton, Middlesex, en Angleterre.

Après ses études aux Bermudes, Richard Alexander Tucker fit son inscription au Jesus College de Cambridge le 20 octobre 1802 ; il avait entrepris ses études de droit le 16 juillet précédent à Inner Temple. Lorsqu’il reçut sa maîtrise ès arts en 1818, il s’enrôla dans le service impérial et, pendant un certain temps, fut adjoint au trésorier-payeur général de l’armée anglaise en Amérique du Nord britannique.

Le 1er octobre 1822, Tucker fut nommé juge en chef de Terre-Neuve et fut le seul juge de la colonie jusqu’en 1825, au moment où une loi impériale institua la Cour suprême de Terre-Neuve et lui adjoignit deux autres juges. La nouvelle cour fut ouverte le 2 janvier 1826, les adjoints étant John William Molloy et Augustus Wallet DesBarres. Par la suite, Tucker occupa les charges de juge en chef de la cour, président du Conseil de Terre-Neuve et administrateur de la colonie en l’absence du gouverneur ; il occupa cette dernière charge d’octobre 1827 à août 1828 et pendant l’hiver de 1831–1832.

Tucker s’opposa farouchement et publiquement à ce que l’on accorde à Terre-Neuve, en 1832, un gouvernement représentatif et, après son instauration, tenta, du poste qu’il occupait au Conseil, de le supprimer en refusant à l’Assemblée le droit de se procurer des fonds. Le premier projet de loi fiscale de la colonie, en janvier 1833, avait pour objet le prélèvement d’une taxe sur les vins et les spiritueux. Une fois la loi adoptée par l’Assemblée, Tucker s’y opposa au Conseil sous prétexte qu’une colonie n’avait pas le droit de prélever une taxe sur un article déjà taxé par le gouvernement impérial et que, même si ce droit existait, l’Assemblée n’avait pas le droit moral d’imposer aux gens des impôts qu’ils n’étaient pas en mesure de payer. Bref, de l’avis de Tucker, les habitants de Terre-Neuve devaient reconnaître que le nouveau régime gouvernemental « avait fait l’objet d’une demande insensée à laquelle, malheureusement, on avait consenti » et qu’ils devaient s’abandonner à la merci du gouvernement impérial pour leur soutien et leur survie.

Tucker parvint à convaincre le procureur général James Simms de voter comme lui et empêcha ainsi l’adoption de la loi par le Conseil composé de quatre membres ; une majorité des trois quarts était nécessaire. Cette tactique d’obstruction exaspéra le gouverneur sir Thomas John Cochrane* ; même lorsque James Stephen, conseiller juridique du ministère des Colonies, annula la décision du juge en chef, Tucker maintint une position intransigeante. Comme solution, il proposa de s’absenter et que le projet de loi soit adopté pendant son absence ; il menaça cependant de déclarer la loi ultra vires si, dans la suite, on lui soumettait à la cour un cas dont la solution ferait jurisprudence. Cochrane trouva la solution tout à fait inacceptable. Ayant fait part de son « intention immuable de ne pas reprendre la charge de juge en chef [...] s’il sembl[ait] au gouvernement de Sa Majesté que les motifs pour lesquels [il s’était] opposé au projet de loi ne justifiaient pas suffisamment [son] attitude », Tucker s’embarqua pour l’Angleterre en mars 1833. Il ne revint pas à Terre-Neuve, car le ministre des Colonies accepta sa démission.

Après un bref séjour à New York, Tucker alla s’installer avec sa famille à Kingston dans le Haut-Canada où, en 1838, le lieutenant-gouverneur sir George Arthur* apprit qu’il vivait dans l’anonymat et la pauvreté. Lorsqu’on voulut lui proposer un poste dans la colonie, Tucker était toujours « décidé à ne jamais solliciter ou accepter une charge à moins que non seulement [sa] conduite pendant l’exercice de [ses] fonctions [à Terre-Neuve] mais aussi l’à-propos de [sa] démission » soient reconnus. Tucker avait refusé plusieurs postes juridiques lucratifs en Inde qui lui avaient été offerts grâce à l’influence de son frère aîné à l’emploi de l’East Indu Company. Arthur apprit de lord Glenelg en juillet 1838 que le « malaise » engendré par « un certain scrupule fondé sur un honneur pointilleux » avait disparu, du moins en ce qui concernait Tucker, et que le gouvernement britannique était disposé à accorder un poste à Tucker.

Du 1er octobre 1838 jusqu’à la création de la province du Canada en février 1841, Tucker fut secrétaire provincial du Haut-Canada. À ce titre, il surveillait l’enregistrement, le classement et la reproduction de nombreux documents officiels du gouvernement, et il faisait des rapports statistiques de la province. Son expérience de l’administration à Terre-Neuve contribua à la réorganisation et à l’accroissement des responsabilités du secrétaire provincial. Il fut également registraire du Haut-Canada, poste dont les fonctions complétaient celles de secrétaire provincial ; il fut également membre de la commission sur les héritiers et les légataires, commissaire de la paix dans les districts de Western, Brock et Johnstown et, en 1839, commissaire chargé d’enquêter sur l’état des départements du gouvernement. Il fut nommé registraire de la province du Canada en 1841 et occupa cette charge jusqu’à sa retraite en janvier 1851 ; il retourna probablement alors en Angleterre.

Bien qu’il fût fonctionnaire à partir de 1838, Tucker se mêla peu au milieu politique et officiel. Il était d’avis que lord Sydenham [Thomson*] avait « légué un régime de gouvernement presque irréalisable à son successeur ». Membre fervent de l’Église d’Angleterre, il ne dérogea pas à sa critique tory du gouvernement responsable et de la participation des Canadiens français et des réformistes au gouvernement de l’Union.

Leslie Harris et Paul G. Cornell

APC, RG 68, 1, General index, 1651–1841 ; 1841–1867.— National Library of Scotland (Édimbourg), mss 2 568–2 608 (Cochrane papers) (copies aux PANL).— PANL, GN 1/2, 1832–1841.— PAO, Macaulay (John) papers, R. A. Tucker to J. Macaulay, 28 mars 1846, 15 févr. 1847.— PRO, CO 194/85–86.— Arthur papers (Sanderson).— T.-N., House of Assembly, Journal, 1833 ; Legislative Council, Journals, 1833.— Newfoundlander, 1832–1833.— Public Ledger, 1832833.— Royal Gazette (St John’s), 1832–1833.— Alumni Cantabrigienses [...], John et J. A. Venn, compil. (10 vol. en 2 parties, Cambridge, 1922–1954), 2e partie, VI : 240.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology.— H. C. Wilkinson, Bermuda from sail to steam ; the history of the island from 1784 to 1901 (2 vol., Londres, 1973), I : 178s. ; II : 444, 518–520.

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Leslie Harris et Paul G. Cornell, « TUCKER, RICHARD ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 30 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tucker_richard_alexander_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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