Représentant de l’élite tory du Massachusetts qui appuya la cause britannique durant la guerre d’Indépendance américaine, l’avocat Joshua Upham (1741–1808) se montra néanmoins sympathique aux griefs des colons. À l’établissement de la colonie du Nouveau-Brunswick en 1784, on le nomma juge à la Cour suprême et membre du conseil. Il fut impliqué dans trois dossiers importants : la question sur la rémunération des membres de la chambre d’Assemblée, un procès type de 1800 sur la légalité de l’esclavage dans la colonie (il se prononça en sa faveur) et une pétition visant à obtenir du gouvernement britannique un meilleur traitement des fonctionnaires.

UPHAM, JOSHUA, juge et homme politique, né le 3 novembre 1741 à Brookfield, Massachusetts, deuxième fils de Jabez Upham et de Katharine Nichols ; décédé à Londres le 1er novembre 1808.

On peut dire de Joshua Upham qu’il était le plus typique – et à la fois le moins typique – du groupe des frères loyalistes qui formèrent la première classe dirigeante du Nouveau-Brunswick. Par sa naissance, son éducation, sa richesse, sa profession et son mariage, il était le type classique de l’élite tory du Massachusetts qui appuyait la cause britannique pendant la Révolution américaine. Mais en même temps il faisait montre d’une véritable sympathie pour les griefs des colons américains ; dans la suite de sa carrière, il se révéla sensible aux besoins populaires et prêt à remettre en question la politique gouvernementale, ce qui fait de lui un être singulier parmi ses collègues loyalistes.

Après avoir obtenu son diplôme de Harvard en 1763, Upham entreprit sa carrière juridique à Brookfield. Le 27 octobre 1768, il épousa Elizabeth Murray, fille de John Murray, homme prospère de Rutland ; par la suite, il prit pour associé Daniel Murray, frère de sa femme. La position d’Upham dans le débat qui précéda la guerre d’Indépendance américaine était ambivalente. Essayant désespérément d’apaiser les deux parties afin de conserver son mode de vie agréable, il appuyait, d’une part, les mesures contre l’importation et la consommation prônées avec insistance par les patriotes blessés dans leurs aspirations, et il signait, d’autre part, des adresses publiques dans lesquelles on rendait hommage au gouverneur Thomas Hutchinson et au lieutenant général Thomas Gage*. Convoqué devant le comité de correspondance publique de Brookfield en 1775 pour y exposer ses principes politiques, il affirma vouloir se soumettre à la décision de la majorité de ses compatriotes, même si, personnellement, il était opposé à l’indépendance américaine. Mais il ne devint loyaliste déclaré qu’en 1777, année où une loi du Massachusetts obligea tous les avocats à prêter le serment d’allégeance au nouvel État. Ne voulant pas se plier à cette exigence, Upham vendit sa propriété et se rendit à New York pour y apporter son appui à l’effort militaire britannique.

Une fois son parti pris, Upham devint un loyaliste et un soldat exemplaires, participant, comme officier, à plusieurs raids en Nouvelle-Angleterre. En janvier 1779, il fut nommé par le commandant en chef, sir Henry Clinton, inspecteur des réclamations des réfugiés à l’île Long ; l’année suivante, il fut autorisé à y lever un régiment d’Associated Loyalists et fut nommé commandant du fort Franklin, à Lloyd Neck, où son régiment le suivit. Il finit la guerre comme major dans les King’s American Dragoons et aide de camp de sir Guy Carleton. La guerre ayant épuisé ses ressources financières, il décida à la fin de 1783 de rejoindre son protecteur Carleton à Londres, avec l’espoir d’obtenir un poste gouvernemental en Nouvelle-Écosse. Encore fit-il clairement savoir à ses amis américains qu’il quittait son pays par nécessité, et non point par rancune.

Upham appuyait vigoureusement les partisans de la division de la Nouvelle-Écosse en vue de la création d’une province loyaliste distincte au nord de la baie de Fundy. Quand la province du Nouveau-Brunswick fut effectivement créée, en 1784, il fut nommé juge de la Cour suprême, au salaire de £300 par année, et membre du conseil. Il arriva dans la nouvelle province en novembre. Les premières années qu’il y passa furent gâchées par des difficultés personnelles. Sa femme était morte en 1782, lui laissant cinq enfants, et lui-même était affligé de rhumatisme, source de constantes douleurs. Il n’en assuma pas moins fidèlement ses tâches à la Cour suprême et au conseil, en plus d’exploiter sa ferme de 1 000 acres située près de French Village, non loin de Fredericton. Il se remaria en 1792 avec Mary Chandler, belle-sœur d’Amos Botsford, président de la chambre d’Assemblée.

Pendant les années qu’il vécut au Nouveau-Brunswick, Upham fut mêlé à trois importantes controverses. La première, ce fut la querelle entre l’Assemblée et le conseil au sujet de la possibilité de rémunérer les députés pour leur participation aux séances de l’Assemblée. Malgré la désapprobation du lieutenant-gouverneur Thomas Carleton, Upham, de concert avec Daniel Bliss, combattit énergiquement le point de vue du conseil, opposé à la rémunération, et il défendit le droit constitutionnel de l’Assemblée d’avoir la haute main sur les affectations de fonds. En 1800, il se retrouva au sein d’une autre controverse, lorsque la Cour suprême eut à se prononcer sur la légalité de l’esclavage au Nouveau-Brunswick. Upham vota en faveur de son maintien, ce qui était naturel, lui-même étant propriétaire d’esclaves ; la cour toutefois était divisée sur cette question et aucune décision ne fut prise [V. Caleb Jones]. Mais peut-être Upham ne rendit-il jamais plus grand service à sa province que lorsqu’il fut, en 1807, délégué à Londres par le conseil et par l’Assemblée pour protester contre le fait que les fonctionnaires du Nouveau-Brunswick n’étaient pas aussi bien traités que leurs homologues du Haut et du Bas-Canada. Plus précisément, il demanda au gouvernement britannique de placer les salaires des juges de la Cour suprême sur le pied de ceux de leurs collègues des autres provinces, de les maintenir en poste aussi longtemps que leur conduite ne les en rendrait pas indignes, de donner au Nouveau-Brunswick deux conseils séparés, l’un législatif, l’autre exécutif, et, finalement – point intéressant – de nommer un gouverneur général pour les quatre colonies de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et du Cap-Breton. Les pétitions d’Upham relatives à ces questions décrivent d’une manière pittoresque la vie rigoureuse des fonctionnaires dans les premiers temps du Nouveau-Brunswick, l’amertume de la province devant le traitement inférieur qu’elle recevait du gouvernement impérial, et la fierté que continuaient d’éprouver les Loyalistes au souvenir des services qu’ils avaient rendus à l’Empire.

S’il réussit à faire augmenter le salaire des juges, Upham ne vécut pas assez longtemps pour jouir des effets de sa victoire. Il mourut à Londres, alors qu’il se préparait à rentrer chez lui ; il laissait dans le deuil sa femme et sept enfants. Une de ses filles épousa John Murray Bliss*, qui devint solliciteur général du Nouveau-Brunswick et l’un des juges de la Cour suprême ; une autre épousa John Wesley Weldon, lui aussi avocat et homme politique bien connu ; son fils Charles Wentworth devint ministre en vue de l’Église unitarienne, membre du Congrès et historien au Massachusetts. En reconnaissance des services rendus par Upham, la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick accorda £200 à sa veuve et £100 à une de ses filles, célibataire, issue de son premier mariage.

Le petit nombre de documents personnels qu’on a conservés montrent que Joshua Upham fut un homme d’une subtilité, d’une grâce et d’une conviction rares. Jusqu’ici on ne lui a accordé qu’une place négligeable dans l’histoire écrite du Nouveau-Brunswick ; pour les services qu’il a rendus et pour ses qualités personnelles, il mérite un traitement plus généreux.

Ann Gorman Condon

APC, MG 23, D1, sér. 1, 4 : 13181321.— Mass. Hist. Soc., Henry Knox papers, Joshua Upham à Knox, 1er déc. 1783 ; Timothy Pickering papers, Joshua Upham à Pickering, 18 nov. 1783.— PRO, CO 188/13 ; PRO 30/55 (copies aux APC).— UNBL, MG H2, Joshua Upham à Edward Winslow, 27 août 1783.— American arch. (Clarke et Force), 4e sér., 2 : 852.— N.-B., Legislative Council, Journal, [17861830], 1 : 204206, 3 févr. 1797.— Royal commission on American loyalists (Coke et Egerton).— Jones, Loyalists of Mass.— Shipton, Sibley’s Harvard graduates, 15 : 495s., 499s.— F. K. Upham, The descendants of John Upham, of Massachusetts, who came from England in 1635, and lived in Weymouth and Malden ; embracing over five hundred heads of families, extending into the tenth generation (Albany, N.Y., 1892).— Condon, « Envy of American states ».— J. W. Lawrence, The judges of New Brunswick and their times, A. A. Stockton [et W. O. Raymond], édit. ([Saint-Jean, N.-B., 1907]).

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Ann Gorman Condon, « UPHAM, JOSHUA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/upham_joshua_5F.html.

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Auteur de l'article:    Ann Gorman Condon
Titre de l'article:    UPHAM, JOSHUA
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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