DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

ROBINSON, ELIZA ARDEN – Volume XIII (1901-1910)

décédée le 19 mars 1906 à Victoria

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

GAGE, THOMAS, officier et administrateur colonial, né en 1719 ou 1720, deuxième fils de Thomas Gage, le, vicomte Gage dans la pairie irlandaise, et de sa première femme, Benedicta Maria Theresa Hall, décédé le 2 avril 1787 à Londres.

Les Gage de Firle, dans le Sussex, étaient une vieille famille catholique. Les parents de Thomas Gage trouvèrent expédient de se convertir à l’Église d’Angleterre en 1715, et, bien qu’ils fussent revenus à l’ancienne foi avant leur mort, leur fils fut élevé dans l’anglicanisme, auquel il resta fidèle. Il fréquenta Westminster School, à Londres, et par la suite entra dans l’armée ; en 1743, il était capitaine dans le 62e d’infanterie. En 1745, il était aide de camp du comte d’Albemarle à Fontenoy (Belgique) ; il combattit à Culloden l’année suivante, et, en 1747–1748, il était de nouveau aide de camp d’Albemarle, dans les Flandres. Il fut en garnison en Irlande, de 1748 à 1755, dans le 44e d’infanterie, dont il devint lieutenant-colonel le 2 mars 1750/1751, après en avoir acheté le grade.

Jusque-là, dans sa carrière, Gage ne s’était pas distingué d’une façon particulière. Quand, en 1755, le major général Edward Braddock fut envoyé en Amérique avec le 44e et le 48e d’infanterie, afin de bloquer l’avance française dans la vallée de l’Ohio, James Wolfe* fit cette remarque quelque peu condescendante : «Mon honnête ami Gage fera partie de l’expédition de l’Ohio. » La part de Gage au désastre qui s’abattit sur l’armée de Braddock, près des fourches de l’Ohio, le 9 juillet, suscita certaines controverses ; on a prétendu que, commandant du groupe d’avantgarde, il aurait dû arrêter la débandade de la colonne de tête, qui provoqua la désorganisation du gros de l’armée. Personnellement, Gage fit preuve de courage au cours de cette rencontre ; un témoin (il s’agit peut-être de Gabriel Christie) affirme qu’il « se distingua en encourageant ses hommes autant qu’il le put, et, après que leurs lignes eurent été rompues, en les ralliant ». Il n’est pas moins évident qu’il ne s’empara pas de la hauteur d’où les Français et les Indiens lancèrent l’attaque, mais peut-être est-ce parce qu’il manquait d’effectifs, comme il l’affirma plus tard.

Dans la suite de sa carrière en Amérique, Gage se fit la réputation d’un bon officier et d’un administrateur efficace. En 1757, lord Loudoun, alors commandant en chef, jugeait le 44e comme l’un de ses deux meilleurs régiments, parce que Gage y « maintenait une stricte discipline ; le régiment est en haillons, ajoutait-il, mais les hommes ont l’air de soldats ». Gage fit peu de service actif sous Loudoun, bien qu’il l’accompagnât à Halifax « lors de l’expédition dérisoire » de 1757 qui vit avorter les plans d’attaque contre Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). Gage était convaincu que Braddock n’eût pas été défait s’il avait possédé des troupes régulières entraînées à la guerre dans les bois, et, en décembre 1757, profitant de l’insatisfaction de Loudoun devant la conduite des compagnies de rangers commandées par Robert Rogers, il proposa de lever un régiment régulier de troupes légères, pourvu que le gouvernement en fit les frais et qu’il l’en nommât colonel. Le régiment ainsi levé devint le 80e le premier dans l’armée britannique à être formé aux tactiques tant régulières qu’irrégulières. Ce régiment servit, en 1758, lors de l’attaque d’Abercromby contre le fort Carillon (Ticonderoga, New York), au cours de laquelle Gage, commandant en second après la mort du vicomte Howe (George Augustus Howe), fut légèrement blessé. Il avait recruté ce régiment dans le New Jersey ; il y trouva aussi une épouse. Le 8 décembre 1758, il s’unissait à Margaret, fille de Peter Kemble, riche marchand et homme politique du New Jersey, et de Gertrude Bayard, laquelle était apparentée aux importantes familles Schuyler, De Lancey et Van Cortlandt, de New York. Cinq filles et six garçons allaient naître de cette union. À l’époque de son mariage, Gage était déjà général de brigade en Amérique.

C’est en juillet 1759 que Gage obtint son premier commandement indépendant. Amherst lui ordonna de s’emparer du poste français de La Galette (près d’Ogdensburg, New York), de façon à aider Wolfe, qui assiégeait Québec, ou à « faire une frontière » qui s’étendrait de Crown Point (New York) à Niagara (près de Youngstown, New York), en passant par La Galette et Oswego (ou Chouaguen ; aujourd’hui Oswego, New York), dans l’hypothèse d’une défaite de Wolfe. Avant d’avoir atteint Oswego pour y relever sir William Johnson, Gage reçut d’autres ordres d’Amherst qui lui enjoignait de marcher sur Montréal après s’être emparé de La Galette. La conduite de Gage, par la suite, révèle ses faiblesses comme commandant. Il était assailli de doutes au moment où il atteignit Oswego ; il dit à Johnson qu’il n’était pas homme à « se frapper la tête contre le mur, ou à tenter l’impossible ». Plutôt que de voir dans son commandement la chance de faire quelque chose, sur le plan stratégique, en exerçant sur le Canada une pression à partir de l’Ouest, il n’aperçut que des problèmes : les défenses d’Oswego avaient besoin d’être renforcées, les ravitaillements étaient insuffisants, les navires français avaient la maîtrise du Saint-Laurent, et La Galette, si on s’en emparait, se révélerait vulnérable à une contre-attaque au cours de l’hiver. Dans une « longue conversation » avec Johnson, le 6 septembre, il prétendit qu’Amherst s’y était pris trop tard pour porter assistance à Wolfe et que, à moins d’un mouvement concerté contre Montréal, « une expédition comme celle-là ne servirait à rien ». Quatre jours plus tard, il écrivit à Amherst pour l’informer de sa décision de ne pas attaquer le poste français et de ne pas marcher sur Montréal. Mais les éclaireurs de Johnson rapportèrent fort mal à propos que La Galette était bien peu en état de défense, sur quoi Gage consulta ses principaux officiers. Les trouvant divisés, il décida de s’en tenir à sa première décision. Amherst, furieux, reprocha vertement à Gage d’avoir laissé passer une belle occasion, l’accusant, ainsi que ses officiers, d’avoir « découvert des difficultés là où il n’y en avait aucune ». Cette critique n’était pas entièrement juste, mais les principales qualités de Gage, comme soldat, étaient, certes, sa prudence et la grande attention qu’il portait aux détails, plutôt que la hardiesse et le besoin pressant de se battre. Là où un autre eût peut-être vu une occasion en or de mettre fin à la guerre en 1759, il ne vit que des obstacles. Il est digne de remarque que, lors de la prise de Montréal par Amherst, en 1760, Gage commandait l’arrière-garde.

Bien qu’ils fussent différents l’un de l’autre, Amherst respectait Gage pour sa compétence administrative, et, en septembre 1760, il le nomma gouverneur militaire de Montréal, pendant qu’il nommait Ralph Burton* à Trois-Rivières ; James Murray occupait déjà le même poste à Québec. Des trois, Gage jouissait du plus d’ancienneté et, en 1761, il fut promu major général ; pourtant, il ne revendiqua jamais l’autorité sur les deux autres, parlant plutôt des trois gouverneurs militaires comme des « trois rois ». D’une façon caractéristique, il ne se voyait « pas autrement que gouverneur militaire », nommé par Amherst, responsable à lui seul, et placé sous ses ordres et sous sa gouverne. Aussi, quand, en mai 1763, le Board of Trade lui envoya une série de questions sur le Canada, il dit à Amherst que, « n’y connaissant pas de gouverneur général (à l’exception de [lui]-même à titre de commandant en chef) », il avait envoyé des duplicata du questionnaire à Murray et à Burton.

Il n’existe pas d’analyse complète du gouvernement militaire de Gage à Montréal, bien que John Alden, dans sa biographie de Gage, consacre un court chapitre à ce sujet et qu’on en puisse trouver de brèves mentions dans l’ouvrage d’Alfred Leroy Burt, The old province of Quebec (2 vol., Toronto et Minneapolis, Minn., 1933 ; réimpr., Toronto, 1968) et dans celui de Hilda Neatby*, Quebec : the revolutionary age, 1760–1791 (Toronto, 1966). Le fait que les trois gouvernements constituaient des juridictions distinctes et que les trois gouverneurs devaient s’en rapporter à Amherst semble avoir échappé à la plupart des historiens ou n’avoir été traité par eux que superficiellement. Burt est certainement conscient de la situation et, de fait, il fait valoir la politique personnelle de Gage relativement à l’administration de la justice, pendant que Neatby mentionne certains gestes précis de Gage dans le cadre de sa juridiction. Mais, tout naturellement, leur attention, et de même celle des autres historiens, se porta sur Murray, qui gouvernait à Québec, la capitale et, traditionnellement, le centre de la colonie. L’œuvre de Gage à Montréal mériterait d’être traitée plus en profondeur qu’il n’est possible de le faire ici, quand ce ne serait qu’à cause de sa responsabilité particulière en ce qui concerne la traite des fourrures et les pays d’en haut.

Amherst ayant préféré ne jamais intervenir de façon autoritaire dans le gouvernement du Canada, les trois gouverneurs étaient, pour ainsi dire, souverains dans leurs territoires respectifs, et comme ils ne se consultaient que rarement l’un l’autre, ils adoptèrent, à certains égards, des voies différentes. Il est vrai que Murray et Burton se rendirent à Montréal au début de 1762 afin de discuter, entre autres choses, de la famine qui menaçait le district de Québec, et que, pendant le temps que Haldimand remplaça Burton à Trois-Rivières, Gage exerça quelque influence sur lui, comme le montre leur correspondance. Puisqu’il y avait en définitive si peu d’échanges entre les gouverneurs, on ne se surprendra pas de la note suivante de Gage : « Je ne trouve pas, dans beaucoup de choses particulières, que nous ayons tous agi de la même façon. » Il n’existait pas, néanmoins, de divergences radicales ; le plus souvent, Gage, comme ses collègues, était content de découvrir et d’appliquer les lois et coutumes de la Nouvelle-France. C’est ainsi qu’il confirma le droit de quint sur la vente ou le transfert des seigneuries, et qu’il obligea tous les nouveaux seigneurs « à la foi et hommage, pour leurs seigneuries, selon la coutume ». Dans l’ensemble, il paraît avoir penché du côté des seigneurs dans leurs disputes avec les censitaires ; il les appuya en donnant tort aux concessionnaires qui ne tenaient pas feu et lieu, et en faisant un règlement pour obliger les censitaires à payer leurs redevances en « argent ayant cours » plutôt qu’au moyen de la monnaie de papier discréditée du précédent régime. Dans ses ordonnances de Police, touchant des questions aussi variées que l’enlèvement de la neige, le ramassage des ordures, l’entretien des routes, ponts et traverses, il se conforma aux procédés traditionnels des intendants. Ses ordonnances contre l’accaparement des denrées et les rogneries sont dans la même veine, ainsi que ses règlements sur le prix d’articles de première nécessité comme le pain et le bois de chauffage – dans ce dernier cas, parce que le prix en avait « considérablement augmenté, au grand préjudice des pauvres, et [était] causé Seulement par Lavidité des propriétaire ».

Dans des domaines importants, Gage s’éloigna, toutefois, des anciennes manières d’agir. Il innova, par exemple, en ayant recours aux pouvoirs judiciaires des capitaines de milice. Au lieu de maintenir des cours formées d’un seul capitaine, comme le fit Murray, il regroupa – et ce fut, à Montréal, l’une de ses premières mesures administratives – tous les capitaines de la ville au sein d’une seule cour, qui devait se réunir chaque semaine « pour déterminer toutes les contestations des particuliers ». Il trouva que ce système fonctionnait bien et il confia à Amherst que les capitaines avaient « agi avec tant d’équité et de justice dans leurs décisions qu’ils y gagnaient en réputation et le soulageaient d’un grand nombre de problèmes ». Aussi, en 1761, étendit-il ce système à tout le territoire sous sa juridiction, afin de rendre la justice « plus prompte, plus aisée et moins couteuze à Ceux qui Seront dans Lobligation dy recourir ». À Trois-Rivières, Haldimand imita cette façon de faire qui resta inchangée, dans les deux gouvernements, jusqu’à l’instauration du régime civil.

Gage eut aussi, à l’égard du commerce, une attitude novatrice. La politique française d’accorder des monopoles pour la traite des fourrures à l’intérieur du pays « ne vaut pas la peine que nous l’imitions », disait-il ; dans une ordonnance du Il’ avril 1761, il déclara que « le Commerce était Libre pour un chacun », sous réserve d’un système de passeports. Il croyait que la traite dans les pays d’en haut devait être contrôlée par la limitation du nombre des postes d’abord, puis par la surveillance qu’y exerceraient des détachements militaires placés pour y prévenir les problèmes avec les Indiens ; c’est la politique qu’il allait plus tard mettre de l’avant, à titre de commandant en chef, avec la collaboration de sir William Johnson. Gage n’en était pas moins sympathique, en général, envers les marchands, qu’ils fussent français ou anglais, et il craignait ce qu’il appelait la « lourde main » du Board of Trade. Si ce dernier ne venait pas gêner le commerce canadien, la province deviendrait, croyait-il, riche et florissante, et capable d’attirer les gens qui ont du bien ; ce serait un lieu où « plusieurs branches du commerce s’implanteraient, auxquelles les Français n’ont jamais pensé ou qu’ils furent empêchés d’établir ». Il fut encouragé en 1762 par le fait que quelques commerçants canadiens commencèrent à écouler leurs fourrures sur le marché de Londres.

Pendant son séjour à Montréal, Gage fut considéré comme un administrateur honnête, juste et consciencieux ; il allait conserver la même réputation dans les colonies du Sud. Il n’y a aucune raison pour mettre en doute son affirmation à l’effet qu’il s’était efforcé de traiter les Canadiens avec bonté et humanité et qu’il s’était fait un devoir de les protéger dans leurs lois, leur religion et leurs biens, malgré que ses sentiments personnels à l’endroit de certains éléments de la population fussent peu amicaux. Il se souciait peu des seigneurs, de ceux en particulier qui étaient officiers : « le plus tôt ces Croix de Saint-Louis et le reste de cette oisive noblesse quitteront le pays, le mieux ce sera pour lui ». Quant aux prêtres, « cette noire confrérie », il se méfiait d’eux tous comme de promoteurs occultes de l’influence française.

En 1763, Gage était prêt à laisser son commandement et à rentrer en Angleterre ; ce n’est pas qu’il fût fatigué de l’Amérique, comme il l’expliqua à Amherst, mais « beaucoup plus à cause de ce maudit climat et il faudrait, écrit-il, m’acheter très cher pour que je reste ici plus longtemps ». Acheté, il le fut. En octobre, il quittait Montréal pour New York, où il devint commandant en chef intérimaire, au départ d’Amherst, le mois suivant. Confirmé à ce poste en 1764, il le conserva jusqu’à son rappel, en 1775. Son action, en tant que commandant en chef, touchait les colonies du Nord de plusieurs façons, non seulement en ce qui concernait les établissements militaires, mais aussi dans des domaines comme les affaires indiennes. Mais ses premières préoccupations allèrent du côté des treize colonies du Sud, en particulier quand les questions politiques y engendrèrent de l’agitation.

Les avis de Gage au gouvernement de la métropole sur la situation en Amérique étaient invariablement prudents. En 1774 toutefois, alors qu’il était en congé en Angleterre, il encouragea George III à croire que de fortes mesures pourraient contenir les Américains, point de vue qu’il avait exprimé, depuis quelques années, dans des lettres personnelles. Résumant la pensée de Gage, le roi rapporta au premier ministre, lord North, ce que le commandant en chef lui avait dit : « ils seront des lions aussi longtemps que nous serons des moutons, mais si nous prenons résolument parti, ils se révéleront sans aucun doute très soumis ». Gage retourna en Amérique en mai 1774, avec le poste additionnel de gouverneur du Massachusetts, et ses premières dépêches amenèrent le gouvernement britannique à croire que la crise était en train de se résorber. Par la suite, toutefois, la situation empira ; Gage transféra le gros de ses forces à Boston, où elles allaient se trouver effectivement enfermées ; en septembre et en octobre, il adressa à lord Dartmouth, secrétaire d’État des Colonies américaines, de si sombres rapports qu’il perdit tout crédit dans la métropole. Sur réception des instructions de Dartmouth lui enjoignant de se montrer « plus actif et plus déterminé », il ordonna de s’emparer des magasins des rebelles à Concord, le 19 avril 1775, ce qui donna le signal des hostilités de la guerre d’Indépendance américaine.

Un certain nombre d’historiens américains ont tenu Gage responsable d’avoir encouragé l’utilisation des Indiens contre les rebelles. Dès le 4 septembre 1774, en retirant de Québec deux régiments destinés à renforcer la garnison de Boston, il demanda au gouverneur Guy Carleton* s’il était possible de lever « un corps de Canadiens et d’Indiens » qui servirait à l’extérieur de la province, « advenant que les choses en viennent aux extrémités ». Il attendit, cependant, jusqu’à ce qu’on eût identifié quelques Indiens de la tribu des Stockbridges parmi les troupes américaines qui investissaient Boston, avant d’écrire à Dartmouth, le 12 juin 1775 : « nous n’avons pas à avoir scrupule de faire appel aux Sauvages, car les rebelles nous ont donné l’exemple ». Comme la critique l’a suggéré, cela tenait en quelque sorte du prétexte ; Gage lui-même avoua à Carleton que les Stockbridges étaient loin d’être les formidables Indiens des régions éloignées, étant plutôt du type « que les Français appelleraient domiciliés, et qui ne valent pas grand-chose ». Mais on ne doit pas mettre sur les épaules de Gage la responsabilité majeure de la participation des Indiens à la guerre d’Indépendance américaine. Des nations indiennes, telles les Six-Nations, avaient de bonnes raisons d’intervenir dans le conflit, de même qu’il était inévitable que la plupart des tribus se rangeassent du côté des Britanniques.

Au milieu de 1775, les jours de Gage en Amérique étaient comptés. En juin, lord George Germain, nouveau secrétaire d’État des Colonies américaines, laissait prévoir sa destitution, en faisant observer que, malgré ses belles qualités, Gage était aux prises avec « une situation trop importante pour ses talents ». Administrateur compétent, Gage n’avait toutefois jamais fait montre de grandes dispositions proprement militaires et, en fait, il n’avait plus la confiance de ses troupes ni de ses principaux officiers [V. John Burgoyne]. Il fut rappelé en août, censément à des fins de consultation, et il mit à la voile à Boston, le 10 octobre. Sa seule autre affectation militaire fut le commandement des forces défensives du Kent, en 1781. En 1782, il devint général en titre.

Thomas Gage est le type d’officier que l’on rencontre généralement dans l’armée britannique du xviiie siècle. Ses liens de parenté et ses relations politiques, la vénalité des charges et sa solide compétence administrative l’avaient aidé à atteindre des postes de responsabilité. Sa réputation personnelle de commandant équitable, d’homme dévoué à sa famille et d’hôte aimable et charmant resta sans tache. À Montréal, toutes ces qualités lui acquirent la réputation d’un gouverneur juste et compétent. En tant que soldat, cependant, il ne se distingua pas dans les opérations proprement militaires. Ni dans l’affaire de La Galette ni dans la crise beaucoup plus complexe de Boston, en 1774–1775, il n’eut, politiquement et stratégiquement, la poigne que ces situations eussent exigée.

S. F. Wise

La masse de documents relatifs à Thomas Gage est immense. Les collections les plus considérables se trouvent à la Clements Library et au PRO, CO 5. Une sélection de pièces tirées de ces collections a été publiée dans Correspondence of General Thomas Gage (Carter). On peut trouver la correspondance de Gage avec Amherst, de 1758 à 1760, aux APC, MG 11, série qui renferme des copies de CO 5/56–59, et dans MG 13, qui contient des copies de PRO, WO 34/5, sa correspondance avec le même, alors que Gage était gouverneur de Montréal. Quant à sa correspondance avec Frederick Haldimand, de 1758 à 1763, elle se trouve aux APC, MG 21, série qui contient des copies de la BL, Add. mss 21 661.

J. R. Alden, General Gage in America ; being principally a history of his role in the American révolution (Baton Rouge, La., 1948), présente une biographie savante et sympathique à Gage. Les deux études de John Shy, Toward Lexington, et « Thomas Gage, weak link of empire », publié dans George Washington’s opponents : British generals and admirals in the American révolution, G. A. Billias, édit. (New York, 1969), sont beaucoup moins favorables au général. Le DAB et le DNB ont publié de courtes biographies de Gage.

Les documents imprimés suivants portent sur certains épisodes particuliers de la carrière de Gage : sur l’expédition de Braddock, Military affairs in North America, 1748–65 (Pargellis) et Correspondence of William Shirley (Lincoln), II. Le capitaine Robert Orme, de l’état-major de Braddock, attribua le désastre de cette expédition à l’effondrement de l’avant-garde de Gage, de même qu’à « une façon de combattre » inhabituelle pour les soldats (Correspondence of William Shirley, II : 208). Répondant à une demande de renseignements de Shirley, le nouveau commandant en chef, Gage et Thomas Dunbar, les deux commandants de régiments, prétendirent que le moral des troupes était bas, en partie à cause de l’influence des « troupes provinciales et des gens du pays », qui leur avaient dit que, « s’ils combattaient les Indiens à la manière européenne, ils seraient battus ». Ils soulignèrent aussi le manque de troupes légères – « trois ou quatre » éclaireurs seulement précédaient la colonne – ainsi que « la nouveauté [que représentait] un ennemi invisible et la nature de ce pays, qui est tout en forêts » (II : 313). Shirley n’accepta pas cette réponse et blâma Gage de n’avoir pas pris position sur les hauteurs et d’avoir perdu la maîtrise de l’avant-garde. Mais Shirley accorda qu’on devait imiter les Français, qui, au moyen d’écrans de miliciens, protégeaient leurs troupes régulières. Alden (pp.24–27) fait valoir que Gage n’avait pas l’autorité requise pour occuper les hauteurs, cependant que Shy (Toward Lexington) et L. H. Gipson (The British empire before the American revolution (15 vol., Caldwell, Idaho, et New York, 1936–1970), VI : chap. 4) croient qu’il aurait dû faire montre de plus d’initiative. Des descriptions contemporaines de cette action se trouvent dans Military affairs, 96–117. En ce qui concerne Loudoun, V. Pargellis, Lord Loudoun, 234, 299–305. La révélation de sir William Johnson au sujet des hésitations de Gage en 1759 se trouve dans Knox, Hist. journal (Doughty), III : 187–232 ; V. aussi Amherst, Journal (Webster).

On ne possède aucune étude complète sur le gouvernement militaire de Montréal par Gage ; on trouvera néanmoins de brefs renseignements dans Burt, Old prov. of Que., et Neatby, Quebec. Les ordonnances émises par Gage au cours de son gouvernement ont été publiées dans APC Report, 1918, app.B, 21–77 ; son « Report of the state of the Government of Montréal », du 20 mars 1762, dans Docs. relating to constitutional history, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1918), I : 91–95. Le deuxième tome de cet ouvrage (pp.583s., 661s.) contient des extraits de sa correspondance avec Carleton, en 1774–1775.

Des accusations voulant que Gage ait favorisé l’utilisation des Indiens ont été publiées, dans un ordre décroissant de virulence, dans Allen French, The first year of the American revolution (Boston, 1934 ; réimpr., New York, 1968), 403–410 ; J. M. Sosin, « The use of Indians in the war of the American revolution : a re-assessment of responsibility », CHR, XLVI (1965) : 101–121 ; et D. [R.] Higginbotham, The war of American independence : military attitudes, policies, and practice, 1763–1789 (New York, 1971), 319–322. S. F. Wise, « The American revolution and Indian history », Character and circumstance : essays in honour of Donald Grant Creighton, J. S. Moir, édit. (Toronto, 1970), 182–200, conteste le caractère inévitable de la participation des Indiens.  [s. f. w.]

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

S. F. Wise, « GAGE, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/gage_thomas_4F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/gage_thomas_4F.html
Auteur de l'article:    S. F. Wise
Titre de l'article:    GAGE, THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    19 mars 2024