YOUNG, ROBERT, homme d’affaires, fonctionnaire et homme politique, né le 11 novembre 1834 à Tracadie, Nouveau-Brunswick, fils aîné de James Young et d’Ann Ferguson ; le 23 décembre 1857, il épousa à Tignish, Île-du-Prince-Édouard, Sarah Hubbard, et ils eurent trois fils et quatre filles ; décédé le 3 février 1904 à Caraquet, Nouveau-Brunswick.

Après des études primaires à Chatham, au Nouveau-Brunswick, Robert Young se rendit à Caraquet en 1851 pour gérer une succursale de l’entreprise de pêche de son père ; la James Young and Sons devint l’une des plus importantes exportatrices de poisson dans la région de la baie des Chaleurs. La firme exportait du poisson séché et faisait la mise en conserve de maquereau et d’autres poissons, de homard ainsi que de bleuets. Au décès de son père en 1866, Young prit le commerce en main. Devant l’abondance du homard et l’intérêt grandissant des marchés extérieurs pour cette denrée, il décida d’investir davantage dans la mise en conserve du homard, à l’instar de plusieurs hommes d’affaires du comté de Gloucester à la fin du xixe siècle. En 1882, il possédait une conserverie de homard à Caraquet et une autre à Black Point dans Little Shippagan. À sa retraite, son fils Frederick Temple Blackwood prit la relève.

Young appartenait à une classe d’entrepreneurs anglophones puissants du comté de Gloucester. Il occupa des postes dans l’administration publique provinciale au niveau local, dont celui de commissaire des phares et des bouées pour le port de Caraquet. Élu à la Chambre d’assemblée du Nouveau-Brunswick comme libéral dans Gloucester en 1861, Young fit partie de plusieurs comités, souvent à titre de président. Il représenta aussi Gloucester au Bureau d’agriculture.

Young comprenait la situation particulière du comté de Gloucester, où résidait une immense majorité d’Acadiens. En 1862, par exemple, il se prononça en faveur de la traduction en français des débats de l’Assemblée. Cinq ans plus tard, on proposa en son nom à l’Assemblée d’étudier la possibilité de publier les avis au public des chefs de services gouvernementaux en français dans un journal français. Young s’intéressa aussi au lazaret de Tracadie [V. Amanda Viger]. Avec son père, il avait construit les deux premiers lazarets en 1849 et en 1853 sur un terrain vendu par James Young aux autorités provinciales ; en 1879, il serait délégué à Ottawa aux négociations pour le transfert du lazaret aux autorités fédérales. L’année suivante, son beau-frère, Alfred Corbett Smith, deviendrait médecin inspecteur de l’établissement. Cependant, Young avait surtout à cœur les intérêts des hommes d’affaires du comté de Gloucester. En 1862, il présenta une pétition à l’Assemblée demandant la division du comté en deux. Sous prétexte d’une administration plus efficace, le projet visait en fait à concentrer le pouvoir politique et économique entre les mains d’un petit groupe d’hommes d’affaires de Caraquet ; il fut défait avant la troisième lecture.

Young fut réélu en 1865 puis en 1866, à l’occasion des élections sur la question de la Confédération, sous la bannière anticonfédératrice. Il siégea à l’Assemblée jusqu’en septembre 1867, moment où il fut appelé au Conseil législatif. En 1872, le gouvernement de George Edwin King le nomma au Conseil exécutif, dont il assuma la présidence.

La carrière politique de Young fut surtout marquée par son rôle dans l’affaire des écoles. En 1871, le gouvernement du Nouveau-Brunswick instaura un système d’enseignement public obligatoire, neutre et subventionné par une taxe scolaire. Les écoles catholiques se voyaient ainsi condamnées à disparaître. Au Conseil législatif, Young avait appuyé, mais en vain, un amendement au projet de loi pour satisfaire les catholiques. Toutefois, lorsqu’il accéda à la présidence du Conseil exécutif, il se rangea du côté du gouvernement et contribua à la mise en vigueur de la loi. Au début de 1873, il fit remplacer les magistrats de Gloucester qui refusaient de faire appliquer cette dernière. L’année suivante, la loi scolaire fut l’enjeu des élections. Le parti du premier ministre King remporta une éclatante victoire, mais dans Gloucester, deux catholiques hostiles à la loi, Théotime Blanchard* et Kennedy Francis Burns*, furent élus. À la même époque, Blanchard accusa Young d’avoir détourné des fonds destinés à la construction routière dans Gloucester, mais l’Assemblée jugea qu’il n’y avait pas matière à investigation. Le climat social et politique était envenimé par les tensions accumulées depuis 1871.

En novembre 1874, les citoyens de Caraquet, dont la plupart avaient refusé de payer la taxe scolaire, se réunirent sous la présidence de Blanchard pour élire les fonctionnaires de la paroisse. Les protestants de la localité, qui ne formaient qu’une petite minorité de la population, mirent en doute la légalité du vote. Devant cette opposition, Young tint, le 4 janvier suivant, une réunion secrète au cours de laquelle trois fonctionnaires protestants furent choisis. Ces nominations furent acceptées au cours des assises trimestrielles du comté de Gloucester. Le 14 janvier, une assemblée publique tenue dans le but d’imposer la taxe scolaire se termina par une échauffourée. Le lendemain, un groupe d’Acadiens manifesta afin d’empêcher une autre tentative d’appliquer la loi. L’alcool aidant, les manifestants causèrent des dommages matériels, se rendirent au magasin de Young, alors absent, et menacèrent sa femme et ses employés. Dans les jours qui suivirent, Young organisa sa revanche. Le 26 janvier, à sa demande, une dizaine de constables munis de mandats d’arrestation se rendirent à Caraquet afin d’inculper les responsables de l’émeute du 15 janvier. Une vingtaine de « volontaires » anglophones, recrutés par Young, vinrent les appuyer le lendemain. À l’arrivée d’un détachement de « l’armée de Young » dans une maison où s’étaient groupés certains Acadiens, les esprits s’échauffèrent et des coups de feu furent échangés. Un Acadien et un volontaire furent mortellement touchés. Neuf Acadiens furent accusés de complicité dans la mort de ce dernier, mais après deux procès, ils furent libérés. Selon la tradition populaire, Young fut directement responsable de la flambée de violence de janvier 1875. Sentant le pouvoir lui échapper depuis la controverse sur la loi scolaire, il avait voulu imposer son autorité dans Gloucester.

Robert Young demeura président du Conseil exécutif dans les gouvernements de John James Fraser* et de Daniel Lionel Hanington, jusqu’en 1883. Toujours conseiller législatif, il accompagna Hanington en Ontario pour faire enquête sur le fonctionnement d’un système législatif doté d’une seule chambre. Après l’abolition du Conseil législatif pendant le mandat d’Andrew George Blair, en 1892, il tenta en vain de se faire élire député aux élections fédérales de 1896 dans Gloucester. Young mourut d’une maladie cardiaque à sa résidence de Caraquet en 1904, à l’âge de 69 ans, et fut inhumé au cimetière presbytérien de l’endroit.

Jean-Roch Cyr

APNB, MC 1156, IX, part. ii : 54 ; RS24, S79, B75 ; P38.— Daily Telegraph (Saint-Jean, N.-B.), 4 févr. 1904: 5.— Gleaner (Chatham, N.-B.), 18 janv. 1873 : 2 ; 16 août 1873 : 2.— Le Moniteur acadien, 3 mars 1881 : 2.— Royal Gazette (Fredericton), 30 mars 1859, 3 mai 1865.— St. John Daily Sun, 11 juin 1892, suppl. : 4.— World (Chatham), 22 févr. 1882 : 2 ; 6 févr. 1904 : 2.— Elections in N.B.— Les Familles de Caraquet : dictionnaire généalogique [...], Fidèle Thériault, compil. ([Fredericton], 1985).— Hannay, Hist. of N.B.— M. J. Losier et Céline Pinet, les Enfants de Lazare : histoire du lazaret de Tracadie (Moncton, N.-B., 1987).— N.-B., House of Assembly, Journal, 1862–1867 ; Reports of the debates, 1862–1867 ; Synoptic report of the proc., 1874 ; Legislative Council, Journals, 1871.— G. F. G. Stanley, « The Caraquet riots of 1875 », Acadiensis (Fredericton), 2 (1972–1973), n° 1 : 21–38.— P. M. Toner, « The New Brunswick separate schools issue, 1864–1876 » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1967).— Onésiphore Turgeon, Un tribut à la race acadienne : mémoires, 1871–1927 (Montréal, 1928).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jean-Roch Cyr, « YOUNG, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/young_robert_13F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/young_robert_13F.html
Auteur de l'article:    Jean-Roch Cyr
Titre de l'article:    YOUNG, ROBERT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
Date de consultation:    2 oct. 2024