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LANDRY, sir PIERRE-AMAND, avocat, homme politique et juge, né le 1er mai 1846 à Memramcook, Nouveau-Brunswick, quatrième des neuf enfants d’Amand Landry* et de Pélagie Caissie (Casey) ; le 17 septembre 1872, il épousa à Saint-Jean Bridget Annie McCarthy, et ils eurent 11 enfants, dont quatre moururent en bas âge ; décédé le 28 juillet 1916 à Dorchester, Nouveau-Brunswick.
Né dans une des plus anciennes communautés acadiennes du Nouveau-Brunswick, Pierre-Amand Landry était issu d’une famille dont la présence dans les Maritimes remontait aux origines de l’Acadie. Son père, considéré comme l’un des chefs de Memramcook, avait été instituteur avant d’acheter une ferme. L’année de la naissance de Pierre-Amand, il fut élu à la Chambre d’assemblée pour représenter la circonscription majoritairement anglophone de Westmorland, devenant ainsi le premier député d’origine acadienne du Nouveau-Brunswick.
Pierre-Amand fit ses études primaires à l’école paroissiale de Memramcook-Ouest. Très tôt, son père, qui entrevoyait pour lui une carrière en politique, se chargea de sa formation. Vers l’âge de 13 ans, il le fit inscrire à la Fredericton Collegiate School. Son séjour de deux ou trois ans à Fredericton lui permit de se familiariser avec la culture anglaise. Il s’initia à un âge relativement précoce à la politique en se rendant écouter les débats lorsque son père siégeait à l’Assemblée. Détenteur d’un brevet d’enseignement de troisième classe, il enseigna quelques années dans le sud-est de la province afin de gagner suffisamment d’argent pour poursuivre ses études. Landry fut parmi les premiers étudiants inscrits au collège Saint-Joseph à Memramcook dès son ouverture le 10 octobre 1864 [V. Camille Lefebvre*]. Il s’y perfectionna en art oratoire dans le cadre des activités de l’académie Saint-Jean-Baptiste, une société littéraire. En 1867, il commença un stage de clerc à Dorchester dans le cabinet d’avocat d’Albert James Smith*, ancien premier ministre de la province. Reçu attorney en octobre 1870 et admis au barreau un an plus tard, Landry fut le premier Acadien à devenir avocat. Il installa son bureau et élut domicile à Dorchester, chef-lieu du comté de Westmorland. En 1872, il épousa Bridget Annie McCarthy, fille de Timothy McCarthy, homme d’affaires d’origine irlandaise de Fredericton et ami de son père.
L’année 1870 marqua, pour Landry, le début d’une carrière politique bien remplie, qui serait jalonnée de premières pour un Acadien. Doté de qualités de meneur et d’une grande ambition, il se croyait destiné à devenir un leader des Acadiens. Peu avant les élections provinciales de 1870, son père se retira de la politique et, âgé d’à peine 24 ans, Pierre-Amand décida de prendre sa relève. Choisi comme candidat acadien dans la circonscription de Westmorland, il fut élu le 5 juillet 1870.
La carrière politique du jeune Landry débutait au moment où la controverse sur la réforme scolaire déclenchait des conflits ethniques et religieux sans précédent, et poussait les Acadiens du Nouveau-Brunswick à défendre publiquement leurs intérêts. Durant la campagne électorale, Landry avait dénoncé le projet du gouvernement de George Edwin King* d’établir un réseau d’écoles publiques, car il prônait plutôt un système d’écoles séparées financées par le gouvernement. Constatant son influence auprès des électeurs catholiques, le parti au pouvoir tenta d’obtenir son appui tacite au projet en lui promettant le portefeuille de commissaire des Travaux publics, mais il refusa de se laisser soudoyer.
En avril 1871, l’Assemblée du Nouveau-Brunswick entama l’étude du projet de loi qui visait à créer un réseau d’écoles publiques financées par l’État à même les fonds provenant d’une nouvelle taxe scolaire qui s’appliquerait à tous. Un mois plus tard, on ajouta au texte un article qui prévoyait que les écoles régies par la loi seraient non confessionnelles. Malgré l’opposition du clergé, des députés et de la presse catholiques, le Common Schools Act fut adopté par une forte majorité protestante. Les catholiques, dont la plupart étaient Acadiens, refusèrent de payer la taxe scolaire, même sous la contrainte, et demandèrent l’aide du gouvernement fédéral, qui décida de ne pas intervenir [V. John Costigan]. La réforme scolaire devint l’enjeu de la campagne électorale de 1874. Le gouvernement sollicita l’appui de la majorité anglo-protestante afin d’empêcher les catholiques d’obtenir le pouvoir nécessaire pour changer la loi et il remporta une victoire écrasante. Landry figurait parmi ceux qui perdirent leur siège.
Malgré sa défaite électorale, Landry ne tarda pas à reprendre sa place à l’avant-garde de la lutte pour les droits des Acadiens car, 15 mois plus tard, il faisait la une des journaux de la province, cette fois en sa qualité d’avocat. À Caraquet, en 1875, une manifestation d’Acadiens contre la taxe scolaire avait dégénéré en échauffourée, entraînant la mort d’un jeune manifestant acadien et d’un « volontaire » anglophone [V. Robert Young*]. Neuf Acadiens furent accusés du meurtre de la victime anglophone, ce qui donna lieu à un procès sensationnel à Bathurst. À cette occasion, Landry agit à titre d’assistant de l’avocat de la défense, Samuel Robert Thomson*. Landry et son collègue réussirent à faire libérer les accusés. La réputation de Landry comme avocat de talent et défenseur des Acadiens en bénéficia grandement. De son côté, le gouvernement provincial en arriva à un compromis avec la minorité catholique en permettant, entre autres, l’enseignement de la religion en dehors des heures de classe [V. John Sweeny*].
Toujours soucieux de l’intérêt de ses clients, Landry s’était constitué au fil des ans une pratique importante, tant auprès des Acadiens que des anglophones du comté de Westmorland. En 1878, quand la controverse au sujet des écoles et le sentiment anticatholique se furent atténués, Landry put se présenter comme candidat indépendant aux élections provinciales. L’affiliation à un parti s’avérait plus que jamais une nécessité politique, et Landry se rangea finalement du côté des conservateurs. Il écarta soigneusement la question de la loi scolaire et fit la promotion d’une politique de modération et de tolérance, la seule possible pour la minorité acadienne. Le 22 juin 1878, le scrutin lui fut favorable ainsi qu’à ses cocandidats anglophones Daniel Lionel Hanington, Joseph Laurence Black* et Amasa Emerson Killam, qui s’étaient associés à Landry dans l’espoir de recueillir le vote de l’électorat acadien.
Afin de récupérer l’appui de l’élément catholique, qui avait voté massivement pour des candidats indépendants, et de reconnaître effectivement l’importance accrue des circonscriptions de Westmorland et du nord-est de la province, le premier ministre John James Fraser* accorda pour la première fois une représentation aux catholiques acadiens et irlandais dans le cabinet. Le 13 juillet 1878, Landry se vit confier le portefeuille de commissaire des Travaux publics, devenant ainsi le premier Acadien à occuper un poste de ministre au Nouveau-Brunswick. Michael Adams, député d’origine irlandaise de Northumberland, fut nommé arpenteur général. Ces postes étaient convoités, car ils conféraient de vastes pouvoirs discrétionnaires. Hanington, de son côté, devint ministre sans portefeuille.
Dès son entrée en fonction, Landry dispensa des faveurs avec autant d’efficacité que son prédécesseur, William Moore Kelly*, dont la circonscription de Northumberland avait reçu d’importantes sommes pour la construction et la réfection de ponts l’année précédente, tandis que Westmorland en avait obtenu beaucoup moins. Landry crut bon de corriger ce préjudice dès 1879 en doublant presque les dépenses destinées aux ponts dans Westmorland, tout en réduisant considérablement celles de Northumberland. Toutefois, entre 1878 et 1882, devant la réaction anglophone engendrée par le « French Power », il n’y eut aucune augmentation marquée du nombre de superviseurs acadiens des travaux routiers ni des subventions spéciales accordées aux régions acadiennes. Cependant, sollicité de toutes parts par des compatriotes, Landry reconnaissait que le droit des Acadiens à un traitement juste dans l’attribution des charges publiques constituait une question de principe plutôt que de l’opportunisme politique. Déterminé à développer l’éducation dans les régions françaises de la province, il activa la création, en 1878, d’une section préparatoire francophone à l’école normale de Fredericton et la nomination, un an plus tard, du premier inspecteur d’écoles acadien [V. Valentin Landry]. Landry travailla aussi à la promotion de compatriotes, notamment Ambroise-D. Richard, qui fut nommé au Conseil législatif en 1882. Dans l’exercice de ses fonctions aux Travaux publics, Landry présida à la construction du nouvel édifice de l’Assemblée législative, qui ouvrit ses portes le 16 février 1882.
Depuis quelques années, les Acadiens connaissaient une poussée démographique remarquable avec laquelle coïncidait un effort de l’élite pour doter cette population d’une organisation sociale et politique indépendante, d’une conscience de groupe fondée sur un sentiment d’appartenance à un même peuple, à une même nation. En juin 1880, Landry prit la tête d’une délégation de quelque 100 notables acadiens des Maritimes qui se rendirent à la Convention nationale des Canadiens français à Québec. Vers l’âge de 35 ans, il était devenu le chef incontesté des Acadiens. Il fut président des trois premiers congrès nationaux des Acadiens, tenus à Memramcook en 1881, à Miscouche, dans l’Île-du-Prince-Édouard, en 1884, et à Church Point, en Nouvelle-Écosse, en 1890, où l’on traita notamment de questions religieuses, culturelles, politiques et économiques. Landry s’y montra un orateur puissant, dont les discours, empreints de vérités simples et claires, proposaient un programme d’action pour les Acadiens. À l’ouverture du premier congrès, il exposa la situation des Acadiens et les objectifs de l’assemblée : « Nous reconnaissons l’infériorité de notre position actuelle, nous voulons en étudier les raisons ; nous nous reconnaissons une louable ambition de sortir de l’oubli, nous voulons mettre à profit pour atteindre ce but les expédients que peuvent suggérer la prudence et la sagesse. »
La carrière politique de Landry atteignit de nouveaux sommets lorsque le premier ministre Fraser démissionna le 25 mai 1882. Le même jour, le gouvernement fut remanié sous la direction de Daniel Lionel Hanington, comme premier ministre, et de Landry, qui devint secrétaire provincial, responsable de l’éducation et des finances, ce qui faisait de lui l’un des hommes politiques les plus puissants du Nouveau-Brunswick. Il aurait pu être premier ministre, mais il favorisa plutôt le choix de Hanington, estimant que l’heure n’était pas encore venue pour qu’un premier ministre acadien remporte une élection au Nouveau-Brunswick. Aussitôt composé, le gouvernement Hanington-Landry déclencha des élections. Dans sa circonscription de Westmorland, Landry remporta une victoire éclatante, et sa formation réussit, avec une majorité réduite, à demeurer au pouvoir. Les anglophones de la province s’aperçurent bientôt que Hanington servait de couverture et que Landry, l’Acadien, dirigeait effectivement le gouvernement. La défaite de sir Albert James Smith aux élections fédérales qui se tinrent au même moment, défaite à laquelle Landry avait contribué, réveilla le sentiment antifrancophone. Après l’annulation de l’élection dans Westmorland, à cause d’irrégularités commises par les agents des partis en cause, Landry et ses cocandidats remportèrent une autre victoire à l’élection partielle du 9 janvier 1883. Mais, à Fredericton, le gouvernement ne tarda pas à faire face à l’opposition active des libéraux d’Andrew George Blair*, qui réussit à convaincre quelques députés conservateurs de faire secrètement défection. Le 2 mars, le gouvernement Hanington-Landry fut forcé de démissionner à la suite d’une motion de censure. Le nouveau ministère ne comprenait aucun francophone.
Dès avant la défaite de son gouvernement, Landry lorgnait vers Ottawa. En mars 1883, entrevoyant que sa carrière pouvait être bloquée par un séjour dans l’opposition, il sollicita la démission du député fédéral de Kent, Gilbert-Anselme Girouard*, afin de pouvoir briguer lui-même les suffrages dans cette circonscription. Girouard se dit prêt à se retirer s’il obtenait un poste de receveur des douanes à Richibouctou. En attendant que cette nomination soit confirmée, Landry prononça le 15 août, à l’occasion de la célébration de la fête nationale acadienne à Bouctouche, l’un de ses meilleurs discours patriotiques, dans lequel il dénonçait la servilité des Acadiens devant les anglophones : « Nous nous sommes tellement habitués à cette idée d’infériorité, nous nous sommes tellement enracinés dans ces sentiments de trop grande modestie, qu’aujourd’hui encore nous considérons comme nécessaire d’entourer les Anglais d’une déférence que nous poumons tout aussi bien accorder à nos propres nationaux. » Assuré de sa nomination à Richibouctou, Girouard démissionna et Landry s’empressa de se porter candidat à l’élection partielle du 22 septembre 1883. Appuyé par une majorité d’électeurs acadiens, Landry remporta la victoire contre George Valentine McInerney*. Il fut réélu en 1887.
À Ottawa, Landry apporta le soutien des Acadiens aux conservateurs du premier ministre sir John Alexander Macdonald*, tout en défendant les intérêts des Acadiens et du Nouveau-Brunswick. Bien qu’il fût éclipsé au début par des collègues du Nouveau-Brunswick plus expérimentés, tels que sir Samuel Leonard Tilley* et John Costigan, Macdonald le nomma membre de plusieurs comités de la Chambre. Au cours de l’affaire Riel en 1885–1886, Landry, tout en admettant que le peuple acadien était troublé par l’exécution de Louis Riel*, désapprouva totalement la rébellion comme moyen de redressement des griefs. Esquissant un parallèle avec les Acadiens du Nouveau-Brunswick, il soutenait que ces derniers n’auraient jamais fait de progrès sur le plan politique s’ils avaient eu recours à la violence.
Tout autant par conviction que par réalisme politique, Landry chercha à promouvoir « un esprit véritablement canadien » qui ignorait les différences de langue et de religion. Il était toutefois assez astucieux pour savoir que la politique ne fonctionnait pas sur ce plan-là. À plusieurs occasions, il écrivit à Macdonald, à Tilley et à sir Hector-Louis Langevin* pour se plaindre de la sous-représentation des Acadiens à Ottawa. Par exemple, en dépit du fait que les Maritimes avaient droit à 24 sénateurs, le Sénat ne comprenait aucun Acadien. Quand, en 1884, le sénateur William Muirhead mourut, l’élite acadienne, devenue plus combative à la suite de ses deux premiers congrès, était déterminée à ne pas manquer cette occasion. Landry menaça subtilement Macdonald d’une désaffection des Acadiens, et l’élite acadienne organisa des assemblées publiques au cours desquelles on adopta des motions qui furent communiquées à Macdonald et à Langevin. Lorsqu’il fut confirmé qu’un Acadien deviendrait sénateur, Tilley proposa le poste à Landry, qui appuya plutôt la candidature de Pascal Poirier*, car il préférait continuer de solliciter pour lui-même un poste de juge à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick. Le 9 mars 1885, Poirier devint le premier sénateur acadien.
L’accession de Landry à la magistrature du Nouveau-Brunswick fut le fruit de longues démarches entreprises dès 1880 auprès de ses contacts au gouvernement fédéral. Finalement, le 15 avril 1890, à la suite de la mort du juge Bliss Botsford*, Macdonald lui offrit la place de juge de la cour des comtés de Westmorland et de Kent. Voyant là sa chance d’accéder un jour à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick, Landry accepta, d’autant plus que sa santé chancelante et l’état dépressif de sa femme exigeaient son retour au Nouveau-Brunswick. Premier Acadien à devenir juge, Landry se fit remarquer par son souci du détail, son esprit de synthèse et sa préoccupation de traiter équitablement les deux communautés linguistiques. Le 21 septembre 1893, il accéda à la Cour suprême du Nouveau-Brunswick. En 1908, le premier ministre conservateur, John Douglas Hazen*, nomma Landry à la présidence d’une commission d’enquête sur les transactions financières entre les gouvernements libéraux de Lemuel John Tweedie et de William Pugsley* et la Central Railway Company. Le rapport de la commission, qui condamnait les gouvernements impliqués et la compagnie pour avoir agi au détriment de l’intérêt public et avoir détourné des fonds publics, déclencha une polémique. Malgré les attaques violentes de journaux libéraux, l’intégrité de Landry au cours de cette affaire contribua à rehausser sa réputation. Il devint juge en chef de la division du Banc du roi quand la Cour suprême du Nouveau-Brunswick fut réorganisée en 1913.
Landry n’hésita pas à user de son prestige et de sa position sociale pour faire valoir des causes qui lui tenaient à cœur. Comme tous les leaders acadiens, il reconnaissait le rôle de premier plan que pouvait jouer l’Église dans le développement du peuple acadien, notamment en ce qui touchait l’éducation et la défense de la langue française. Malheureusement, les évêques d’origine irlandaise favorisaient plutôt la formation d’un clergé de langue anglaise qui, dans les paroisses acadiennes, imposait l’usage de l’anglais. À partir de 1893, Pascal Poirier et Landry, respectivement président et secrétaire de la Société nationale de l’Assomption, menèrent une vigoureuse campagne pour qu’un prêtre acadien soit nommé coadjuteur dans au moins un des deux évêchés de Chatham et de Saint-Jean. En 1899, malgré leurs multiples démarches, deux prêtres d’origine irlandaise furent choisis. Profondément déçu, Landry aurait répliqué à un journaliste qui lui demandait s’il était allé au sacre des deux évêques qu’il ne voulait pas assister aux « funérailles du peuple acadien ». À partir du congrès d’Arichat en 1900, les membres les plus influents de l’élite acadienne livrèrent une lutte acharnée contre la domination irlandaise au sein du clergé catholique. En 1907 et en 1910, le curé de Rogersville, l’abbé Marcel-François Richard, se rendit à Rome pour présenter une pétition réclamant la création d’un troisième diocèse, dont le siège serait à Moncton et le titulaire un Acadien. Ce n’est toutefois qu’en 1912 que les Acadiens obtinrent un premier évêque en la personne d’Édouard-Alfred Le Blanc*, nommé au diocèse de Saint-Jean.
La brillante carrière de Landry lui valut de nombreux honneurs. Nommé conseiller de la reine le 11 novembre 1881, il reçut aussi des doctorats honorifiques de l’université du Nouveau-Brunswick en 1900 et de l’université Laval en 1902. En 1914, Landry fut l’un des principaux orateurs aux célébrations du cinquantième anniversaire de son alma mater, l’université Saint-Joseph. En 1916, quand le New Freeman de Saint-Jean amorça une campagne pour la nomination d’un lieutenant-gouverneur catholique, Landry fut immédiatement pressenti. Mais sa santé déclinait, et il n’était probablement pas en mesure d’accepter le poste. Peut-être en guise de compensation, Landry fut le premier et le seul Acadien à recevoir le titre de chevalier, en juin 1916. Il ne devait toutefois pas en jouir longtemps. Progressivement affaibli depuis 1890 et atteint d’un cancer depuis 1915, il mourut le 28 juillet 1916 dans sa maison de Dorchester, entouré de sa femme et de trois de ses enfants, à l’âge de 70 ans. Mari attentif et père consciencieux, il avait mérité le respect et l’affection de ses enfants en accordant beaucoup d’importance à leur instruction religieuse, à leur éducation et à la vie familiale. Sa mort plongea la communauté acadienne dans le deuil et de nombreux éloges lui furent rendus dans tout le Nouveau-Brunswick et le Canada. Landry fut inhumé au cimetière de la paroisse Saint-Thomas, à Memramcook. En septembre 1955, la Commission des lieux et monuments historiques du Canada apposa une plaque à sa mémoire à l’université Saint-Joseph.
La carrière de sir Pierre-Amand Landry fut spectaculaire, compte tenu qu’à l’époque les francophones catholiques du Nouveau-Brunswick faisaient souvent figure de citoyens de second rang. Landry contribua à démontrer qu’un Acadien pouvait réussir d’une extraordinaire façon dans une société dominée par une majorité anglo-protestante. Cependant, Landry ne fut pas différent des autres hommes politiques ambitieux qui sollicitaient de façon incessante des postes et des honneurs auprès de Macdonald. Pour un leader nationaliste, il semble avoir accordé une attention démesurée à la majorité anglophone. Il écrivait à d’autres hommes politiques en anglais, même s’il s’agissait de francophones comme Langevin. Il s’adressait souvent en anglais à des auditoires acadiens. Il possédait un fort esprit de parti et, malgré l’opinion de ses électeurs, appuya les gouvernements conservateurs successifs sur l’affaire Riel et la question impériale. Contrairement à plusieurs de ses compatriotes acadiens, Landry se prononça en faveur de la participation du Canada à la Première Guerre mondiale et encouragea les jeunes Acadiens à s’enrôler pour le service outre-mer. Landry ne sut pas transmettre son nationalisme à ses enfants, qui adoptèrent plutôt la culture de leur mère. Heureux de proclamer le bilinguisme des Acadiens, qui pouvaient ainsi « aspirer aux mêmes responsabilités » que leurs voisins anglophones, il ne semblait pas voir, dans ce bilinguisme à sens unique, une confirmation possible de leur aliénation. Tout compte fait, malgré son penchant pour la bonne entente, Landry fut un des rares orateurs de sa génération à dénoncer la servilité des siens devant les anglophones et à demander avec insistance aux Acadiens de prendre leur avenir en mains. Trois semaines avant sa mort, il résumait ainsi sa carrière : « 46 ans de lutte active pour sauvegarder nos intérêts, rendre meilleure notre condition et nous amener au niveau des autres races ».
Pierre-Amand Landry a entretenu une correspondance soutenue avec plusieurs de ses compatriotes, notamment Mgr Marcel-François Richard, Pascal Poirier, Placide Gaudet* et Gilbert-Anselme Girouard, ainsi qu’avec divers hommes politiques sur les scènes provinciale et fédérale. Il a aussi prononcé de nombreux discours politiques, patriotiques et de circonstance, dont plus d’une trentaine, ainsi qu’un certain nombre de lettres adressées aux Acadiens, ont été reproduits dans le Moniteur acadien, de 1867 à 1914. On trouve des photographies de Landry dans la section des photographies des APNB sous les cotes P5/358, 369, 838 et P37/138–140.
APNB, MC 1552 ; RS115, 13/8-91.— Arch. paroissiales, Saint-Thomas (Memramcook, N.-B.), RBMS (mfm conservé au Centre d’études acadiennes, univ. de Moncton, N.-B.).— Centre d’études acadiennes, Fonds P.-A. Landry.— Le Moniteur acadien, 1867–1926.— L’Album souvenir des noces d’argent de la Société Saint-Jean-Baptiste du collège Saint-Joseph, Memramcook, N.-B. [...]. ([Memramcook ?, 1894 ?]).— Canadian directory of parl. (Johnson).— Conventions nationales des Acadiens, Recueil des travaux et délibérations des six premières conventions, F.-J. Robidoux, compil. (Shédiac, N.-B., 1907).— Raymond Mailhot, « Prise de conscience collective acadienne au Nouveau-Brunswick (1860–1891) et comportement de la majorité anglophone » (thèse de doctorat, univ. de Montréal, 1973) ; « Sir Pierre-A. Landry, premier politicien acadien d’envergure au Nouveau-Brunswick », Soc. hist. acadienne, Cahiers (Moncton), 4 (1971–1973) : 217–235.— M. S. Spigelman, « The Acadian renaissance and the development of Acadien-Canadien relations, 1864–1912 : « des frères trop longtemps séparés » (thèse de
Jean-Roch Cyr, « LANDRY, sir PIERRE-AMAND », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/landry_pierre_amand_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/landry_pierre_amand_14F.html |
Auteur de l'article: | Jean-Roch Cyr |
Titre de l'article: | LANDRY, sir PIERRE-AMAND |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 6 nov. 2024 |