HAZEUR DE L’ORME, PIERRE, prêtre, curé, délégué du chapitre de la cathédrale de Québec en France, né à Québec le 22 décembre 1682, fils de François Hazeur*, marchand, et d’Anne Soumande, décédé à Paris en 1771.

Pierre Hazeur de L’Orme suit les traces de son frère aîné, Joseph-Thierry* : après des études au petit séminaire de Québec, commencées en mai 1692, il s’oriente vers le sacerdoce. Tonsuré le 24 juillet 1701, il reçoit les ordres mineurs le 24 août 1703, le sous-diaconat le 19 décembre 1705 et le diaconat le 2 février 1706 ; il est ordonné prêtre en même temps que Joseph-Thierry, le 25 avril 1706, par Mgr de Laval* en l’absence de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*]. De 1707 à 1722, Hazeur occupe la cure de la paroisse de Champlain dont il ne s’absente que pour un voyage en France d’octobre 1711 à novembre 1712. Il n’est resté que peu de souvenirs de ce premier ministère.

En 1722, Hazeur sollicite et obtient la charge de délégué du chapitre de la cathédrale de Québec, qui est libre depuis la mort de Pierre Le Picart en 1718. Il reçoit, le 14 octobre 1722, son titre de chanoine et une procuration d’agent général en France, avec mission de s’occuper tout spécialement de l’administration de l’abbaye de Saint-Pierre de Maubec (Méobecq, dép. de l’Indre), qui appartient au chapitre. Il part de Québec quatre jours plus tard et débarque à La Rochelle le 27 novembre. Dès son arrivée, le délégué affronte les problèmes qui seront son lot tout le temps que durera sa mission : besoin de faire des réparations coûteuses à l’abbaye, nécessité de mettre de l’ordre dans les finances, défense de la juridiction du chapitre face aux voisins et à l’évêque de Bourges, procès interminables contre des serviteurs concussionnaires. Même si Hazeur promet de redresser la situation rapidement, les chanoines trouvent qu’il prend beaucoup trop de temps, que Maubec rapporte trop peu, que ses comptes ne sont pas assez précis et, surtout, qu’il augmente trop ses dépenses personnelles. Le délégué doit s’expliquer longuement chaque année et il est sur le point de convaincre ses collègues quand les dissensions qui suivent la mort de Mgr de Saint-Vallier [V. Claude-Thomas Dupuy*] incitent certains chanoines à scruter encore davantage ses comptes. Trois d’entre eux sont désignés pour les examiner à la loupe ; bien plus, en 1731, le doyen du chapitre, Bertrand de Latour, passe lui-même en France « pour gerer toutes Les affaires que Le Chapitre a en france, soit pour Examiner et accepter Les comptes, tant de Mr Delorme que de tous les autres comptables [... En conséquence] tous les pouvoirs de Mr Delorme demeureront Entièrement Suspendus Sans qu’il puisse Si mêler d’aucune affaire. » C’est la disgrâce. Pas pour longtemps cependant puisque Hazeur de L’Orme a peu de difficulté à prouver que Latour administre les biens encore plus mal que lui, et il réussit à convaincre les chanoines de rappeler le doyen en octobre 1732. Lui-même rentre dans ses droits en 1734 et il doit assiéger Latour pendant cinq ans pour recouvrer les 691 tt que celui-ci doit au chapitre.

Commence alors pour Hazeur de L’Orme une période plus calme pendant laquelle il termine la plupart des procès et fait accepter plus facilement ses comptes par le chapitre. Il réussit même à lui envoyer un supplément de 2 000# par année. Malheureusement, la maladie vient assombrir ces beaux jours en 1746 ; terrassé par une fluxion de poitrine, il s’en relève, mais rechute trois semaines après et lutte pendant six mois contre des « maladies mortelles » ; il reçoit même l’extrême-onction. Hazeur en réchappe, mais reste handicapé par un état de langueur et une faiblesse aux jambes ; il doit confier une partie de son administration à des subalternes, et ses comptes s’en ressentent. Le chapitre recommence à l’interroger sur certains articles de son budget. En 1750, ses collègues renouvellent sa procuration pour cinq ans, mais, en même temps, ils délèguent en France le chanoine Joseph-Marie de La Corne de Chaptes « pour conjointement avec lui y travailler efficacement » et surtout prendre en main la conduite d’un important procès contre le séminaire de Québec à propos de la cure de Québec [V. René-Jean Allenou* de Lavillangevin ; Jean-Félix Récher*]. Même si les deux collègues s’entendent assez bien, Hazeur de L’Orme est graduellement évincé et, le 1er octobre 1756, « attendues Les infirmités de mondt Sr De Lorme et [...] Son grand age », le chapitre décide d’annuler sa procuration à partir du 1er mai 1757 et de la confier au chanoine La Corne.

Incapable de revenir au Canada, Hazeur de L’Orme demande en vain une pension aux autorités civiles et au chapitre de Québec. Celui-ci, cependant, lui paie sa prébende, au moins jusqu’en 1763 ; un peu plus tard, La Corne lui verse une rente viagère de 400 francs au nom du chapitre. L’ancien délégué n’est quand même pas dans la misère puisqu’il demeure chez son neveu Claude-Michel Sarrazin, fils du chirurgien et naturaliste Michel Sarrazin*. C’est là qu’il meurt à la fin de 1771.

Hazeur de L’Orme a été, pour le chapitre, un bon serviteur : « un homme rempli de droiture et qui a cherché toujours le plus grand bien du corps [chapitre] », note La Corne, suivi en cela même par les critiques du vieux délégué. Mais cette confiance, les chanoines ne l’avaient pas toujours manifestée ouvertement, et leur agent avait pu se plaindre régulièrement d’une certaine suspicion. Il avait essayé de s’en défendre par des plaidoyers rigoureux et il n’avait peut-être pas eu tort d’accuser les chanoines d’ingratitude quand ils décidèrent de le démettre après 34 ans de loyaux services.

La correspondance qu’Hazeur de L’Orme entretint avec son frère Joseph-Thierry est particulièrement intéressante car elle nous donne de précieux renseignements sur ses compatriotes retournés en France et sur les gens de Paris qui avaient quelque rapport avec le Canada, et nous fait connaître le chanoine comme un oncle dévoué et attentif à l’égard de ses neveux François Hazeur ainsi que Joseph-Michel et Claude-Michel Sarrazin venus parfaire leur éducation en France. Elle révèle aussi un délégué avide de promotion sociale. Hazeur, qui avait été le premier à ajouter à son nom celui de « de L’Orme », emprunté aux Soumande, ses parents maternels, se fit nommer par le roi grand chantre du chapitre de la cathédrale de Québec dès 1723. Dans ses lettres, il se vante de l’amitié du comte de Maurepas et de plusieurs officiers de la cour et, pour l’entretenir, il aurait bien aimé s’installer à Versailles si ses commettants ne l’avaient obligé à s’exiler à Maubec ; il se libérait cependant le plus souvent possible et passait au moins tous ses hivers à Paris. Hazeur ne pouvait y faire la vie qu’il aurait désirée, car il était souvent à court d’argent et, ne possédant qu’une argenterie de peu de valeur, ne pouvait guère emprunter. À sa mort, le délégué devait même 1 300 francs au chapitre.

Nive Voisine

AAQ, 12 A, passim ; 10 B, passim ; 11 B, Corr. de Hazeur de L’Orme.— A.-H. Gosselin, L’Église du Canada jusqu’à la Conquête, II.— P.-G. Roy, La famille Hazeur (Lévis, Québec, 1935) ; La famille Hazeur, émule de Aubert de La Chesnaye, BRH, XLI (1935) : 321–349.— Têtu, Le chapitre de la cathédrale. BRH, XIII-XVI.

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Nive Voisine, « HAZEUR DE L’ORME, PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/hazeur_de_l_orme_pierre_4F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
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