GIFFARD DE MONCEL, ROBERT, maître chirurgien, seigneur colonisateur, membre de la Communauté des Habitants, premier médecin de l’Hôtel-Dieu de Québec et médecin ordinaire du roi, né vers 1589, fils de Guillaume Giffard et de Louise Viron, de la paroisse d’Autheuil (Orne, France), décédé à Beauport le 14 avril 1668 et inhumé au même endroit deux jours plus tard.

Son contrat de mariage avec Marie Regnouard fut passé à Mortagne le 12 février 1628. Giffard fut à Beauport, à moins de deux lieues de Québec, le premier seigneur colonisateur de la Nouvelle-France. Ce mérite venait s’ajouter au titre de « chirurgien de marine » qu’il portait en 1627, la première fois qu’on a signalé sa venue au Canada. Il devint premier médecin de l’Hôtel-Dieu de Québec en 1640, apothicaire et même « médecin ordinaire du roi » en 1647, titre purement honorifique qui sanctionnait sa carrière et son prestige.

Lors de son voyage de 1627, sinon auparavant, Giffard s’était bâti une cabane à la Canardière, aux environs de Beauport, probablement pour la pêche et la chasse. Il avait apparemment déjà l’intention de s’établir dans la colonie puisque, revenant en 1628 avec un équipement considérable sur la flotte de Roquemont, il fut saisi et dépouillé par les Kirke près de Tadoussac. Plus tard, la Compagnie de la Nouvelle-France, tenant compte de son effort de colonisation, le dédommagea pour « les pertes qu’il a supportées pour ce sujet même, lorsqu’il fut pris avec la flotte ».

De retour en France, il revenait définitivement au Canada en 1634 avec sa femme et ses deux enfants. La compagnie, en difficulté de satisfaire à ses engagements relatifs à l’immigration, venait de lui concéder, le 15 janvier, une des premières seigneuries du Canada, « une lieue de terre à prendre le long de la coste du fleuve St-Laurent sur une lieue et demye de profondeur dans les terres, à l’endroit où la Rivière appelée Notre Dame de Beauport entre dans le dit Fleuve, icelle rivière comprise ». Le document stipule qu’en retour les colons amenés par Giffard « tourneront à la décharge de la dite Compagnie en diminution du nombre qu’elle doit y faire passer » et « sans toutefois que le dit Giffard puisse traiter de peaux et pelleteries au dit lieu ni ailleurs en la Nouvelle-France ».

C’était donc uniquement une entreprise de colonisation que lançait Robert Giffard et, dès 1634, il passait à Mortagne un contrat d’embauchage avec Jean Guyon Du Buisson (père) et Zacharie Cloutier pour les amener tout de suite au Canada avec chacun un de leurs enfants, afin de commencer les défrichements et l’installation. Ce fut le départ de ce qu’on a appelé l’immigration percheronne ; arrivèrent bientôt Noël Langlois, Jean Juchereau de Maur, Gaspard et Marin Boucher, etc., tous devenus des souches importantes de la nation canadienne-française. C’est dans la maison de Giffard que fut rédigé, le 27 juillet 1636, le plus ancien contrat de mariage conservé dans les archives canadiennes (ASQ), celui de Robert Drouin et d’Anne, fille de Zacharie Cloutier. La seigneurie de Beauport fut agrandie, le 31 mars 1653, et portée à quatre lieues de profondeur. Au recensement de 1666, elle comptait au moins 29 foyers et 184 personnes.

Robert Giffard rendit plusieurs services à la colonie. En 1637, près de Trois-Rivières, il risquait sa vie pour repousser les Iroquois. En 1645, il était marguillier à la paroisse de Québec. Le 6 mars de la même année, se fondait la Communauté des Habitants, société de traite avec les Amérindiens, dont tout associé pouvait traiter aussi à son compte. Giffard en fit aussitôt partie et en signa par la suite tous les actes officiels. Il eut aussi à son compte un petit navire. À cause des abus de Pierre Legardeur de Repentigny et des autres directeurs, tous parents, de la Communauté des Habitants, Giffard fit avec Chomedey de Maisonneuve un voyage en France pendant l’hiver 1646–1647. En 1648, il fut nommé au Conseil de Québec, établi par ordre du roi en 1647.

En récompense de ses services, Giffard reçut d’abord deux autres seigneuries : celle de Saint-Gabriel, au nord-ouest de Québec, le 11 avril 1647, et celle de Mille-Vaches, en bas de Tadoussac, le 15 novembre 1653. Mais il ne prit pas possession de ces terres ; il donna un quart de la seigneurie de Saint-Gabriel aux Hospitalières de Québec (plus tard le fief Saint-Ignace), comme dot de sa fille Marie-Francoise Giffard, dite Marie de Saint-Ignace, devenue la première religieuse canadienne. Il fit don du reste aux Jésuites, comme prolongement de leur seigneurie de Sillery. Avec l’appui du gouverneur de Voyer* d’Argenson, Giffard obtint pour lui et ses descendants en ligne directe une des premières lettres de noblesse jamais accordées à un résident du Canada signées par Louis XIV en mars 1658 et enregistrées au Conseil de Québec le 8 septembre.

Robert Giffard mourut en son manoir de Beauport, le 14 avril 1668. Excellent chrétien, ami et bienfaiteur des Jésuites, il eut la faveur d’être assisté par le père Étienne de Carheil* tout le temps de sa maladie. Ses funérailles eurent lieu en présence de Mgr de Laval* et du clergé. Le nom de Giffard s’éteignit au Canada avec son fils Joseph, qui ne laissa pas de postérité. À part sa fille religieuse et un autre garçon qui retourna de bonne heure en France, Giffard eut encore trois filles : Marie, épouse de Jean Juchereau de La Ferté ; Louise, mariée à Charles de Lauson de Charny, et Marie-Thérèse, femme de Nicolas Juchereau de Saint-Denis. À Giffard, municipalité sise entre Québec et Beauport, un monument rappelle la mémoire de Robert Giffard.

Honorius Provost

ASQ, Documents Faribault, 2, Accord de mariage entre Robert Drouin et Anne Cloutier, chez Giffard de Mortagne, 27 juillet 1636.— JR (Thwaites), passim.— Juchereau, Annales (Jamet), passim.— P.-G. Roy, Inv. concessions, passim.— Ahern, Notes pour l’histoire de la médecine, 258–275.— Edward-C. Bailly, Additional notes on the French-Canadian background of a Minnesota pioneer : Alexis Bailly, BRH, LX (1954) : 161–164.— Joseph Besnard, Les Diverses Professions de Robert Giffard, NF, IV (1929) : 322–329.— BRH, VIII (1902) : 314s. ; IX (1903) : 267–270 ; XXI (1915) : 159s. ; XXII (1916) : 31s., 188s.— A. A. Cambray, Robert Giffard, premier seigneur de Beauport et les origines de la Nouvelle-France (Cap-de-la-Madeleine, 1932).— T.-E. Giroux, Robert Giffard, seigneur colonisateur au tribunal de l’histoire, ou la raison de fêter le troisième centenaire de Beauport, 1634–1934 (Québec, 1934).— L. de La Sicotière, L’Émigration percheronne au Canada, Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, VI (1887). [Mme Pierre [F.L.] Montagne, Robert Giffard, futur seigneur de Beauport, MSGCF, XVII (1966) : 19–34.]

Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 16 avril 1668.

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Honorius Provost, « GIFFARD DE MONCEL, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/giffard_de_moncel_robert_1F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 1
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1966
Année de la révision:    2016
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